Camil sourit et n'est pas contre un verre, commentant qu'il ne connaît pas le nom de ce vin. Jérémy secoue un peu la tête en marmonnant légèrement. :

-Disons que c'est une bonne année, mais que le vieillir ne le rendrait pas meilleur. C'est pour ça qu'on l'utilise en cuisine d'ailleurs, c'est pas un millésime... il marque une pause avant d'ajouter. Mais c'est bien mieux que de la villageoise c'est clair.

Faut-il être con pour se prendre la première cuite de sa vie avec ce picrate qui tape au casque hein ? ...hein ?! ...HEIN ??!!! OUAIS bon ça va OH ! On a autre chose à faire là ! Puisque les légumes mijotent légèrement à feu doux, Jérémy s'empare d'une poêle adaptée à la viande, toute en métal, jusqu'à la poignée qu'il tient fermement... Sans allumer le gaz pour le moment.

Parce que Camil a essayé de deviner son élément. Camil pense qu'il est Terre. :

-AH ! Ahahah.

Silence. Hm. Il plaisante pas. :

-Tu plaisantes pas ?!

Ça a pas l'air. :

-AAAAAAH AHAHAH !

Hilare, Jérémy lance la viande qui crépite instantanément dans la poêle, chauffée par le simple contact avec sa main. Il y jette ensuite un peu d'huile et souffle une rasade de feu vif dessus. Il secoue la poêle jusqu'à ce que les flammes se calment, vérifie la couleur de la viande et la déverse dans la poêlée de légumes pour que les deux terminent leur cuisson tranquillement, ensemble. :

-Nan, je suis pas Terre. conclue-t-il sans le regarder. Et pour la sauce, tu vas me réduire du jus de citron et du vin, douze centilitres aussi.

Jérémy m'en apprend un peu plus sur le vin. Je n'en bois que rarement, préférant les alcools plus forts comme le whisky ou un bon rhum. Même un Scotch ne me déplaît pas. Mais ma culture en terme de vins est très limitée alors je hoche simplement la tête.

- De toute façon, tu l'as dit : hors de question de gaspiller un bon vin. Puis ça me fait ma culture aussi. Moi je suis plutôt whisky par exemple. Je dis en souriant.

Voilà venu l'heure s'essayer de deviner l'élément de Jérémy. Je me dirige vers Terre, parce qu'il m'a l'air beaucoup trop calme pour un Tonnerre, pas assez discret pour un Eau, et Feu et Air... Meh. Pas la vibe. Et là, c'est le drame. Je crois que j'ai dit une énormité, parce que le géant se met à rire. Quoi ? Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit ? Je l'observe, complètement dépassé, en sentant mes yeux s'agrandir petit à petit. Il me demande si je plaisante. Je fais non de la tête. Et il repart en crise de rire, encore plus fort. J'en oublie un instant mes échalotes.

Et là, après le drame, c'est le spectacle pyrotechnique. Le gars met la viande dans la poêle, qui au passage n'est pas du tout sur le gaz, et elle se met à cuire. Puis il euh... Met le feu à la viande. Avec sa main. Et là, je tilte enfin ! Jérémy est Feu ! Bien sûr, puisqu'il fait cuire de la viande juste avec ses mains. C'est le deuxième Feu que je vois à l'action et je ne peux pas m'empêcher de trouver ça encore une fois super classe. Je le laisse prendre le relai avec les légumes et m'emploie à la sauce. Je mesure et je commence à faire réduire tranquillement.

- Ouais t'es Feu quoi. Classe.

Oof, je voulais pas être aussi froid. En vrai, je suis un peu vexé qu'il ait ri comme ça, parce que j'ai un peu eu l'impression qu'il se foutait de moi. Du coup, bah j'ai pas contrôlé mon ton. On reprend :

- Et donc ? Feu Marionettiste ou Invisible ? Je questionne d'un ton un peu plus agréable.

-Oooh on va bien s'entendre alors, parce que je préfère le whisky aussi mais par contre, je n'y connais absolument rien.

Ça n'aide pas de grandir dans un bled où le meilleur whisky à le même goût qu'un bonne rasade de terre derrière la truffe, à t'en hérisser le poil.

Il ne s'attendait pas une réaction aussi froide après avoir fait son chaud... Son show tu veux dire. Ouais, ouais. Du coup il penche la tête sur le côté et observe un peu Camil. Ça n'a pas l'air véhément, donc il n'a "peut-être" pas de problèmes avec les Feux, de manière générale... Peut-être vexé. Parce qu'il a ri ? Parce qu'il aurait voulu être Feu ?... Nah... Jérémy sourit plus sagement quand il lui demande son affinité. Sans un mot, il pointe Camil de son index, sourcils baissés feignant la concentration... avant de devenir complétement invisible. :

-Comme tu ne peux PAS le voir... Invisible. Pas bien utile en cuisine.

Sans un bruit, il fait le tour de Camil, se pose de son autre côté en déployant tout son ancien talent de Chasseur pour qu'il ne soupçonne rien. Il jette un coup d'oeil à la casserole et se penche à l'oreille du Tonnerre. :

-C'est bon, c'est assez réduit. Ajoute la crème. dit-il en redevenant visible.

- Haha si on était chez moi, je te ferais goûter à ceux que mon père gardait dans un placard !

Puis je me rends compte de la tournure de ma phrase.

- Je veux dire, "chez moi" chez mes parents. Maintenant chez moi, c'est ici.

Ouais ouais vas-y enfonce-toi. Puis le gars se tape son meilleur fou-rire, parce que j'ai eu le malheur de croire qu'il était Terre. En tout cas sa démonstration est assez impressionnante et si mon ton est froid, au fond j'admire sa maîtrise : la viande est cuite juste comme il faut. Mon sentiment d'agacement suite au rire de Jérémy disparaît aussi vite que... Bah que lui en fait. J'entends encore sa voix. Feu Invisible donc !

- Pas bien utile en cuisine mais quand même drôlement classe. C'est parfait pour se sortir de situations gênantes. Tu sais, quand les gens disent qu'ils aimeraient disparaître ? Bah toi tu peux carrément le faire, c'est fou.

Je parle en regardant l'endroit où le grand blond a disparu, me disant qu'il doit toujours être là. Alors quand sa voix résonne à mon oreille, provenant de derrière moi, tout se passe très vite. Un cri pas très viril m'échappe, mon poing se lance par réflexe et je sens que je touche quelque chose. Puis, sans prévenir, je me téléporte au milieu de ma phrase :

- AH MAIS ÇA VA P-

Oui, oui, juste comme ça. Pouf. Plus de Camil. Enfin, si. Mais plus là où il devrait être. J'arrive dans le noir et trébuche en arrière. Je rentre dans des étagères en métal qui s'enfoncent douloureusement dans mon dos et me cogne assez fort la tête. Je me retrouve donc dans le noir, dans un endroit qui sent à la fois le fromage, la terre et les épices. Sonné, il me faut quelques instants pour me ressaisir. Je me concentre pour produire quelques éclairs, le temps de trouver la lumière. L'ampoule s'allume d'une lumière crue qui m'oblige à plisser les yeux. Mes éclairs s'éparpillent sans faire de dégât et je m'avance vers la porte du garde-manger. Oui, parce que j'ai atterri dans le garde-manger.

Je pousse la porte et sors comme si il ne s'était rien passé, en espérant que Jérémy ne remarquerait pas ma démarche un peu gauche. Je reviens donc près des casseroles l'air de rien.

- La crème, hein. Ouais, je mets la crème. Euh, combien j'en mets..? Je demande, en attrapant maladroitement le pot.

J'ai les mains qui tremblent, sans savoir si c'est à cause du coup de flippe, du coup sur la tête ou sous le coup de l'embarras cuisant que je ressens à ce moment-là.

Oof. Quoi ? "Chez moi". Ben ouais, quoi on le disait aussi au début y'a pas mort d'homme. Non mais toi c'est pas pareil, tu es teubé- pardon ? -tu disais "chez moi" parce que tu rejetais Terrae. Je dis pas que c'est une possibilité pour Camil, même si c'est évident qu'il est moins teubé que toi- PARDON ? -tu es excusé, mais c'est peut-être aussi et surtout parce qu'il se sentirait pas encore bien ici ? Peussiblymaybe ? Qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? ..........J'veux qu't'y fasses que tu t'casses. Là. T'es lent, tu me soûles, je veux narrer la vie de quelqu'un d'autre, tu m'énerves. Concentre-toi sur ce qu'il dit plutôt... Parce que bon, c'est rare qu'on dise qu'un Feu est utile... et à part les Feux, y'a personne qui ira leur dire en face qu'ils sont classes. Le melon, vous savez. Un Feu Invisible a quand même la malédiction de vouloir prouver qu'il est classe pendant qu'on le voit pas hein ; l'ironie du sort. Alors disparaître, oui ça peut servir quand tu t'es mis dans la merde ou que tu as honte... ...ou flanquer la frousse aux autres.

Jérémy s'attendait à une réaction hein, mais à ce point ça l'étonne. Il a juste le temps de décaler son visage pour recevoir un coup à la joue à la place du nez -eh, c'est bon hein, il est assez cassé comme ça. Et puis d'un coup, Camil disparaît.

Première chose, Jérémy vérifie que toutes les casseroles et les poêles sont encore sur la gazinière. Si Camil s'était téléporté, il aurait pu se brûler, Jérémy aurait tout de suite fait couler de l'eau et cherché de la glace. A la place, il grimace en entendant le chaos dans le garde-manger, s'occuper d'éteindre les plaques en attendant que Camil revienne vers lui, tremblant et clairement sonné, lui demandant combien de crème il devait ajouter. :

-Comb- ? Non mais-... Nan ! Fais voir tes mains !

Il ne l'attend pas en fait, il prend celle qui l'a frappé pour voir, avec l'œil habitué, s'il ne s'était rien tordu, rien ouvert,... Il lève la tête et croise son regard. :

-Tu t'es rien cassé là-dedans ? demande-t-il en faisant un geste de la tête vers le garde-manger. Tu trembles, tu devrais t'asseoir un peu.

Et lui ? Il a reçu un coup à la joue, autrement dit, il n'a absolument rien, sinon les picotements caractéristiques qu'on ressent.

Je mets un petit instant à me rendre compte que le feu est coupé. Jérémy semble avoir réagi au quart de tour. Mais du coup... Pas de crème alors ? D'ailleurs le pot disparaît de mes mains. Je reprends doucement mes esprits pendant que le grand Feu regarde ma main.

- J'ai cassé. J'suis pas rien. Euh non, c'est pas cassé, j'ai rien.

J'ai pris un coup c'est vrai, mais j'ai la tête dure, je vais m'en remettre. Je croise le regarde de Jérémy et le soutiens. Je lui fais aussi un sourire rassurant.

- Non, je me suis cogné mais rien de grave, ça va vite passer. J'ai juste été surpris et du coup j'ai un peu des soucis avec mes téléportations donc euh je me suis téléporté dans le dernier endroit visité. J'espère que j'ai rien cassé là-dedans. Je dis en pointant le garde-manger.

D'ailleurs la lumière est restée allumée. Si j'ai cassé quelque chose, il risque de se faire engueuler et je m'en voudrais. Parce qu'un bon plat ça vaut pas le coup de se faire sermonner. Je me frotte l'arrière de la tête là où je me suis cogné. Ça me lance mais quand je regarde ma main ça ne saigne pas. J'aurais une bosse de plus, voilà tout ! Mon dos me lance aussi mais je passe outre. J'ai jamais vraiment eu de souci pour supporter la douleur.

Je m'appuie contre le plan de travail et attends encore quelques instants. J'ai enfin arrêté de trembler, donc ça devait bien être sous le coup de la honte. Bon, j'ai encore honte hein. Mais ça va mieux vu que Jérémy s'est pas foutu de ma gueule. Merci à lui d'ailleurs, c'est chou de sa part de s'inquiéter comme ça. J'en connais qui se seraient pas privé pour ricaner.

- Ça va toi ? Je t'ai quand même mis un pain. Enfin... Je suppose que vu ma carrure ça doit de faire l'effet d'une piqûre de moustique !

Je plaisante pour essayer de le détendre. Vraiment, tout va bien.

Oh putain il parle en Yoda. Docteur, commotion cérébrale ? Eh je sais faire mal moi, pas soigner ! Eheh, oui je sais je posais la question pour t'emmerder. Et ça marche.

Jérémy écoute ses explications, les lèvres pincées. Il a l'air de s'en être sorti avec des bleus, c'est tout ce qui compte mais merde il s'en veut. :

-D'accord. Excuse-moi de t'avoir surpris.

Jérémy part quelques instants, laissant Camil appuyé au comptoir -et zieutant de temps en temps pour voir s'il fait pas un malaise- pour vérifier l'état du garde-manger. Rien de cassé, quelques trucs sont tombés mais rien qui devra être jeté. Il replace deux-trois trucs sans trop s'attarder, ça peut se facilement avant qu'ils ne partent, puis revient à côté de Camil qui a l'air plus calme. Il se permet alors de rallumer le gaz et de terminer la recette ; hors de question Camil touche quelque chose de brûlant, coupant ou quoi que ce soit de dangereux après autant d'émotions. Il lui demande s'il va bien, Jérémy répond simplement. :

-C'est pas une question de carrure. Si je m'étais pas décalé un peu, j'aurais eu super mal puisque tu visais mon nez. Et bon t'auras remarqué- il tapote la bosse bien visible avec son index -il a déjà pris assez cher comme ça. Non, tu aurais pu faire plus de dégâts effectivement mais ça va. La joue c'est pas l'endroit le plus douloureux.

Il sait de quoi il parle. Il ajoute la crème, laisse mijoter une dernière fois le plat, utilisant une petite casserole pour la sauce à la moutarde, avec encore un peu de vin et du citron. C'est bientôt prêt. :

-Hm. Te sens pas coupable hein ? J'aurais dû faire attention, et pis j'ai l'habitude des coups donc c'est rien. Prend le temps qu'il te faut pour respirer et hésite pas à mettre de l'eau froide sur ta main si tu as mal... Ce sont tes premiers outils pour cuisiner, tu dois en prendre soin.

Il sourit en gigotant les doigts de sa main libre -l'autre touillant lentement la sauce à l'aide d'une cuiller en bois- pour illustrer son propos. Pourtant, les mains de Jérémy sont bien loin d'être en bon état ; parsemées de cicatrices, certains doigts de travers, arqués de manière étrange,... mais il le dit sincèrement, avec une expression douce.

Le géant s'excuse et je me sens soudain un peu coupable. Parce qu'à cause de mes réflexes tous pourris, je l'ai inquiété... Je le regarde s'éloigner et aller vérifier le garde-manger. Il fait quelques manips et revient ensuite. Je crois que je n'ai pas trop abîmé l'endroit. Cette constatation m'aide à me calmer et je souris un peu penaud.

- Ah non, t'excuse pas... J'ai des réflexes de merde, j'essaie de m'en débarrasser mais pas facile ils sont ancrés depuis petit.

C'est pas une excuse, juste un fait. À force de me faire cogner par mon père, j'ai développé des réflexes défensifs un peu poussés, mais de là à frapper quelqu'un... J'observe Jérémy se remettre aux fourneaux et vu le monopole qu'il a sur les casseroles, je pige le message : pas touche. Donc je reste là, les bras ballants. Je me sens un peu con.

- Je te jure que je visais rien... D'habitude je m'arrête avant de frapper pour de vrai, mais comme je te voyais pas, euh, j'ai mal géré.

Heureusement qu'il n'a pas l'air de m'en vouloir, imagine si il s'était mis en colère... Je serais sorti de cette cuisine en fauteuil roulant. Vu sa taille il me casse les jambes comme si c'était des brindilles. Mais à la place il s'inquiète de moi et j'avoue que ça me touche.

- Bah je m'en veux un peu quand même... Je te dis je tape pas d'habitude, j'ai vite appris que sinon je me fais défoncer. Et c'est pas une raison, que tu aies l'habitude des coups. Ça devrait même pas être le cas. Je dis avec sincérité.

Moi aussi j'ai l'habitude des coups. Pieds, poings, ceinture, bâton... Tout. Mais ça devrait pas ! C'est pas normal d'avoir l'habitude de se prendre des coups. Je ne sais pas ce qu'il a vécu mais en voyant ses mains je me doute que ça n'a pas dû être joyeux... Je baisse les yeux sur les miennes. Pour une fois elles sont propres, sans traces de peinture. Et elles sont lisses, sans cals. La seule déformation se trouve sur mon majeur droit, une boule au niveau de la dernière articulation, caractéristique des artistes ou de ceux qui écrivent beaucoup. Ce que j'ai subi, j'en garde pas de traces visibles, juste des traces psychologiques et physiques.

- J'ai pas mal t'inquiète. Je suis artiste à la base alors je prends soin de mes mains, ne t'en fais pas. Je dis, presque à voix basse. Mais quand même. Désolé pour le coup, et puis pour le bazar dans le garde-manger.

-C'est pas un mal d'avoir des réflexes. C'est une réaction automatique à un stimuli, tu laisses pas ta main dans des flammes pour ça. Ça te permet de survivre... Alors oui, dans certains cas, c'est peut-être superflu. Mais comme tu dis, c'est ancré. Il faut pas te sentir mal d'en avoir, parce que tu les as eu car t'en avais besoin. Et petit à petit, tu arriveras à mieux les maîtriser, pas forcément t'en débarrasser.

Il sait pas s'il est bien clair, mais il tenait à le dire. Encore une fois, il connaît pas son passé, ce qui l'a amené à débarquer à Terrae, même si c'est rarement joyeux, ça se devine pas. Mais Jérémy est partisan de l'évolution, il aimerait l'encourager à voir ces réflexes comme quelque chose d'utile, plutôt que quelque chose qu'il faut détruire.

...Et d'ailleurs son "excuse" d'avoir l'habitude des coups ne passe pas, c'est bien normal et c'est très vrai. Mais Jérémy sourit dans un souffle. :

-Je voulais dire que j'ai l'habitude parce que je m'entraine souvent, Camil. Ma fiancée est la prof de self-defense, il nous arrive d'échanger des coups. ...Dans la bonne humeur et l'esprit sportif hein.

Non parce qu'il faudrait pas qu'il pense que sa femme le bat oh.

Pendant qu'il sort des assiettes, il voit du coin de l'œil que Camil observe ses propres mains. Il s'excuse encore, pour le coup, pour le garde-manger... Jérémy n'insiste pas, ça a l'air important pour lui... Et ils sont pas Eaux, il refuse de partir dans une boucle infernale d'excuses infinies. Alors à la place, il fait une jolie présentation dans chaque assiette, sert de verres de vin avant de faire un signe à Camil ; il lui met la casserole de sauce dans la main et, puisqu'il veut s'assurer qu'il n'a vraiment pas mal, Jérémy met sa main par-dessus la sienne et le guide pour placer la sauce, autour de la viande. :

-Plus de peur que de mal, n'y pensons plus... Goûte-moi ça plutôt !

Je comprends ce que dit Jérémy par rapport à mes réflexes, et c'est vrai que techniquement, ils sont encore utile. Mais je n'aime pas l'idée d'y avoir associé un geste pour blesser les autres. Ce n'est pas parce qu'on me surprend qu'on me veut du mal. Mais comme dit le cuisiner, petit à petit je les maîtriserai. Et comme je sais qu'il a raison, j'acquiesce sans un mot. Je vais devoir travailler ça, enfin, si c'est possible de le travailler. Je me vois mal aborder la première personne venue en mode "vas-y, surprends-moi que je voie si j'arrive à pas te taper !". Ouais, nan.

À côté de ça, j'ai vraisemblablement mal interprété ce qu'il me disait quand il m'affirmait avoir l'habitude de prendre des coups. Je me détends un peu face à son explication.

- Je comprends mieux. J'étais à côté de la plaque haha ! En tout cas je ne sais pas si c'est récent, mais félicitations pour vos fiançailles.

Je ne la connais pas, mais les félicitations sont de mises. Et puis je la croiserais peut-être un jour, qui sait ! J'avoue j'ai quand même besoin de formuler des excuses officielles pour les dégâts physiques et matériels, mais Jérémy laisse couler. Étrangement, d'habitude ça me fait bizarre quand c'est le cas, mais là ça ne me dérange pas plus.

J'observe le grand blond mettre les assiettes en place avec attention, pour plus tard pouvoir noter ce qui est important. Puis d'un seul coup je me retrouve à nouveau autorisé à tenir une casserole ! J'avoue, je suis comme un gosse à Noël. Mais lui calme vite mon enthousiasme en posant sa main sur la mienne. Bon j'avoue sur le coup ça me perturbe à nouveau, mais je me ressaisis et participe à l'effort pour placer la sauce correctement. Et puis vient le moment le goûter. Les assiettes sont tellement jolies que j'ai du mal à me décider, mais on ne va pas laisser ça refroidir ! Alors j'attrape un couteau et une fourchette tandis que mon estomac gronde.

- Oh là là ça a l'air dingue !! Bon appétit !

Je coupe un petit morceau de viande et le trempe dans la sauce avant de le mettre dans ma bouche. C'est doux, à la fois plein de saveurs et légèrement piquant, et la viande fond dans la bouche. Si je pouvais ronronner, je crois que je le ferais ! C'est tellement bon que j'en ferme les yeux.

- Qu'est-ce que c'est bon...

Ok, meilleure recette au monde !! Même la viande de mon père y arrive pas à la cheville !

Jérémy sourit, plus tendrement, toujours dès qu'il parle d'Elwynn... Et les fiançailles, et le mariage qui arrive... Des fois il a du mal à y croire, puis il rentre et fait face à ses fiches de notes, ses tableurs Excel pour calculer les coûts de la cérémonie et il est content. :

-Tout récent. Elle a fait sa demande en avril.

Mais revenons à la recette.

Jérémy observe Camil examiner l'assiette, couper la viande. Il ferme les yeux quand il mâche et le Feu sait qu'il peut se détendre un peu. Il souffle un sourire avant de faire une prière rapide pour la nourriture et goûter lui aussi à son plat. Correctement cuite, la viande fond dans la bouche. Rien que la chair à une saveur particulière et mélangée à la sauce, elle est sublimée. Le choix de l'accompagner avec ce genre de légumes est important aussi. Tout ce qui est dans l'assiette est réfléchi ; c'est le devoir d'un chef de trouver les accords parfaits pour faire plaisir, nourrir et créer une expérience unique pour ses clients. ...Et ça le fait vivre. :

-Content que tu aimes alors. J'te passerai la version écrite dès que possible, les ingrédients sont un peu chers mais tu as moyen de faire cette recette avec des parties moins nobles et garder un ensemble cohérent.

Il sirote un peu de vin. :

-Mais on a le temps, pour l'instant savoure. Un détail à me partager sur ce plat ?

A part qu'il est bon. Parce que Jérémy l'a su dès que Camil a goûté la première bouchée, il l'a vu.

C'est adorable, de voir ce grand gars engagé. D'autant plus que c'est elle qui a fait sa demande. J'adore, vraiment, je fonds. Un sourire éclaire mes traits.

- Félicitations, je vous souhaite plein de bonheur.

Qui sait, un jour ça sera peut-être mon tour. Je n'ose pas encore trop y penser, et encore moins penser à monter une famille pour la simple raison que je n'ai pas eu les meilleurs modèles du monde.

Mais revenons à nos oignons. J'ai pris une bouchée de la viande et les saveurs éclatent en bouche les unes après les autres, comme un feu d'artifice. C'est à la fois doux et salé, avec un arrière-goût frais. Tout est parfait : la cuisson de la viande, les légumes légèrement croquants, la sauce au vin qui lie les saveurs. Je suis au paradis. J'acquiesce à ce que me dit Jérémy.

- Pour les légumes ce n'est pas un souci, mais imaginons que je n'ai pas assez pour prendre la bonne pièce de viande, tu me conseilles de prendre quoi à la place ? Et est-ce que ça se fait avec d'autres viandes ? Je suppose qu'il vaut mieux rester sur de la viande rouge...

Je suis parti dans des suppositions, tout en glissant un nouveau morceau de viande dans ma bouche. La question du Feu me laisse pensif un instant.

- Je pense que le vin utilisé a toute son importance. C'est bien de prendre un vin qui soit pas non plus trop cher pour ne pas le "gâcher" entre guillemets, mais pas un premier prix non plus, parce qu'il dégraderait les autres saveurs. Je me demande ce que ça ferait avec du vin blanc tiens... Je suppose que comme il y a déjà du sucre, ça rendrait la sauce plus sucrée et donc, on tomberait plus dans un sucre-salé... Et autant avec la viande ça doit être bon, autant avec les asperges je suis pas sûr... Et si on mettait de l'artichaut avec..? Meh, non, je pense pas que ce soit bon...

Clairement, je me suis perdu dans mes propres supposition, le détail que je voulais partager est bien loin.

-Effectivement, pour cette sauce, le mieux restera toujours une viande rouge. C'est bon aussi avec du canard, mais là encore c'est cher. Avec du poisson hm... cabillaud...

Jérémy marmonne dans sa barbe une analyse rapide -que Camil peut entendre s'il tend l'oreille. En ajoutant un peu de risotto dans l'assiette, un cabillaud à la sauce moutarde peut être plus que présentable... Ou alors, mettre un peu plus de crème fraîche et sur un pavé de saumon ça ferait le boulot, en vrai.

Il faut que Camil se lance dans son analyse sur le vin pour le sortir de sa réflexion solitaire et partager un peu. :

-Oh le vin est fondamental. D'ailleurs en cuisine, on utiliserait plutôt une sauce à base de vin blanc avec du poisson. Du coup, oui, les asperges n'équilibreraient plus le plat. Il faudrait... Quelque chose d'un peu plus doux... Une purée. Doubeurre et pomme de terre peut-être... Avec du parmesan, ou un fromage plus salé pour rester cohérent avec l'aspect sucré-salé.

C'est à ce moment que Jérémy relève la tête, content. :

-Eheh. Merci Camil, ça fait du bien de réfléchir en cuisine comme ça. Ça m'arrive plus trop en ce moment.

Jérémy se met à marmonner dans sa barbe. Je comprends qu'avec mes questions, j'ai lancé une machine dont j'ignorais l'existence. Quand il mentionne le cabillaud, je fronce le nez.

- C'est vrai que c'est moins cher qu'une bonne viande rouge, mais je trouve qu'il a une chair un peu caoutchouteuse... Ou peut-être que je le prépare mal ? Je suppose.

Puis je décide de faire plaisir au Feu en me lançant dans une analyse du vin... qui se termine en monologue. Ok, je comprends mieux ce qui est arrivé à Jérémy un peu plus tôt. Jérémy profite que je fasse une pause dans ma réflexion et lance de nouvelles suppositions, notamment par rapport à une supposée utilisation de vin blanc plutôt que rouge. Je suis plutôt d'accord avec ce qu'il dit, sauf...

- J'aurais peur que le doubeurre soit trop fort en goût pour le reste, vu qu'on est sur quelque chose de plus délicat... Je serais plus partant pour de la patate douce. Bien préparée ça fait une excellente purée. Et mélangée avec la pomme de terre et une sauce plus sucrée, ça serait très bien. En poisson pourquoi pas du lieu noir ? En papillote il pourrait absorber toutes les saveurs pendant la cuisson. Et c'est une chair moins élastique que celle du cabillaud.

Et puis soudain, Jérémy me remercie. Je souris joyeusement et agite la main.

- Tu rigoles ?! C'est moi qui te remercie, j'ai pu goûter un plat de malade et puis c'est tellement cool de pouvoir cuisiner à deux, surtout avec quelqu'un qui s'y connaît autant ! Je dis.

Un partout, balle au centre. Mais je suis clairement sincère, mis à part avec mon père, je n'ai jamais eu l'occasion de cuisiner avec quelqu'un. Je termine mon assiette avec délectation et reprends une petite gorgée de vin que je savoure un instant. Je profite vraiment de ce moment précieux.