Ce fut le trou noir total. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, depuis quand je suis arrivée. Je me suis complètement effondrée à notre retour de mission. Mon énergie fut très très bas suite à l’Étoilisation et tous les boosts que je me suis mangée pour rester active et aidante tout au long du sauvetage de l’équipe de Mitsuki… Enfin. Mon corps est complètement à la ramasse. Les dégâts physiques c’est déjà quelque chose, par chance je n’ai rien de cassé, mais les dégâts énergétiques c’est autre chose. J’en ai pris pour mon grade.

J’ai dû être mise sous sédatif pour calmer les douleurs et évite que mon corps ne parte en cacahuètes parce que je n’avais plus de sceau. Enfin, disons que Ryu m’avait posé un sceau temporaire en attendant que je sois dans mon lit d’hôpital. Je ne l’ai pas vu en action mais une des infirmières m’informa de ça durant l’un de mes rares moments de conscience au début.

Je devais rester tranquille jusqu’à ce que Hideko procède avec sa magie à ma sortie d'hospice.

Clairement, je passe le plus grand de mon temps à dormir. J’ai le cerveau éteint. Ce que je ressens est indescriptible, je sais que ça ne va pas mais… sur une échelle de 10… je suis peut-être à 15 minimum. Je ne me considère comme la pire, je sais que d’autres ont été touchés plus fort que notre équipe. Je somnole continuellement sauf s’il faut se nourrir un peu ou pour aller aux toilettes quand je peux y aller en tout cas.

Mes muscles actuels ont l’énergie d’une grand-mère qui va atteindre ses 100 ans. Sans déconner, je ne savais pas à quoi m’attendre de cette mission mais ça dépassait au-delà de ce que je pouvais imaginer. Tout ce sang, les blessés, les morts, les enfants… Ah… les enfants du Centre, putain qu’est-ce que c’est fucked-up. J’espérais que tout le monde aille bien, surtout Aaron avec tout ce qui s’est passé… Tout le monde était tellement en mauvais état…

Je suis trop fatiguée pour penser, mes traumatismes sont endormis pour le moment.

Bah.

Je suis une loque quoi.

Au fur et à mesure… Mes réveils ont commencé à être un peu plus fréquents, et leur durée un peu plus longue. Je bouffe pas mal de compote principalement pour le moment, mais au moins je peux aller pisser sans qu’on vienne m’aider. J’ai les muscules encore endoloris et ma mémoire s’est réactivée progressivement. Mon cerveau tente de me dissocier de la douleur mentale et ne m’affiche pas encore tous les passages mais je sais que ça ressortir complètement à un moment donné.

Présentement, je viens d’ouvrir les yeux de ma dernière sieste. J’ai les yeux secs et je regarde la perf plantée dans ma main. La télé sur le mur joue un feuilleton latino. Fallait se douter qu’ils allaient pas nous mettre sous les yeux les médias qui doivent parler de partout ce qui s’est passé en Afrique. Ou du moins, un mensonge a dû être sorti sur tout le carnage en mode : Tremblement de terre en Namibie ou je sais pas quelle connerie. Une infirmière rentre dans la pièce tout doucement.

«Nana tu as de la visite.»

J’imagine que c’est Hideko ou peut-être Ryu qui vient voir comment je vais.

__–Cela commençait à faire beaucoup de gens blessés dans l’entourage d’Aylan. Il n’aurait pas su donner le nom d’une seule personne qu’il connaissait et aimait qui s’était sorti de cette opération indemne.
__–Et pourtant, elle avait été une réussite. Aucun mort. Presque toute sa famille sauvée. Si sa tristesse était grande, elle était bien assez compensée par son bonheur.
__–Toutefois, je resterai aussi succinct qu’il est humainement possible sur l’état psychologique d’Aylan : à l’heure où je vous parle, le sort de bien de ses amis et, surtout, de Lola, Miguel et Ariana, sont encore en suspens. C’est donc par pudeur – car notre protagoniste m’en voudrait de trop m’épancher sur ce qui relève de son fort intérieur –, par nécessité narrative – la fin des missions n’étant pas encore écrite – et enfin pour un souci de se concentrer sur le sort de Nana dont il est ici question, plutôt que sur celui d’Aylan, que je vais maintenir le voile sur tout ce qui ne concerne pas directement nos deux amis.

__–Quand Aylan avait appris que sa compagnonne d’infortune s’était portée volontaire pour aller en guerre aux côtés de Senri et d’Aaron, il en avait été quelque peu étonné. Il ne se la figurait pas du tout comme une combattante. Bien qu’adulte, elle ne faisait jamais que vingt centimètres de plus que lui, après tout. Et puis, force avait été de constater que non seulement elle était tout à fait déterminée, mais aussi tout à fait compétente pour ce qui allait suivre.
__–On s’en doute, le petit Air avait avidement consulté les rapports de mission. En fin de compte, Nana avait été certes réduite à un état d’épuisement total et à devoir rester quelques temps en observation à l’hôpital, mais Aylan avait été moins ému de son état qu’impressionné de ses compétences et de ses succès sur le terrain. La rencontre avec elle, pour qui il avait pris rendez-vous auprès du personnel hospitalier, qui avec ses allers-retours fréquents le connaissait maintenant on ne pouvait mieux, était plus placée sous les auspices de l’enthousiasme et des félicitations à lui accorder pour son étoilisation, que de la tristesse de voir le corps et l’esprit d’un de plus des siens ravagé.
__–Cette douce appréhension, cette joie calme de la revoir, s’était quelque peu estompée quand enfin il avait pu poser son regard sur elle.
__–C’est qu’elle n’allait pas fort.
__–« Salut… »
__–Il avait un peu trop parlé et pleuré, ces derniers temps. Et puis, il ne fallait pas être télépathe pour comprendre que Nana avait besoin de douceur et de contact humain. Aussi notre protagoniste se dirigea-t-il sans attendre vers son amie pour la prendre dans ses bras.
__–Et laisser couler quelques larmes, tout de même. Qui rendaient difficile de dire plus qu’un « Ça va…? » quelque peu noyé.

HRP: Étant donné que Nana connait R du passé d’Aylan elle s’inquiète LOL

Quand je vois Aylan apparaître dans mon champ de vision, mon cœur tombe de haut. Ma surprise se voit surtout par le grand écarquillement de mes yeux. J’aurais apprécié qu’il n’ai pas à me voir dans cet état là qui est proche du végétatif. Il était apprécié de beaucoup de gens à l’Institut et j’imagine que malgré son âge, il avait de la peine de voir ses amis revenir d’une mission dangereuse.

Oui par chance personne n’est décédé mais… personne n’est vraiment rentré en un seul morceau non plus. Pour un enfant, ce ne doit pas être évident à comprendre. Les larmes me montent aux yeux quand il me dit bonjour. Je lui souffle un petit ‘’Salut’’ en retour.

Lorsqu’on rentre en contact par un doux câlin, je le serre doucement contre moi malgré la lourdeur de mes muscles. Je fais attention à ce que ma perfusion ne s’amuse pas à sauter de ma main non plus. Mes joues se perlent de mes larmes qui finissent par tomber une à une et s’éclatent contre le crâne d’Aylan.

«Ça va, chuchotais-je.»

Maintenant que tu es là, avec moi, oui ça va. J'ai le souffle coupé par ma petite crise de larmes.

Je brosse ses cheveux de ma main sans perf’. Sa présence me fit chaud au cœur et de pouvoir le sentir contre moi me donnait un petit sourire. Après autant de temps dans mon lit, j’avais perdu la notion du temps et je me sentais effacée entre ces quatre murs. Bien que je voyais des infirmières lors de mes réveils, l’idée d’être une humaine me paraissait vague.

De voir le petit Air me ramenait à la réalité que j’étais vivante et surtout un être-vivant loin des médocs et des bip-bip des machines de la pièce. J’essuie mes joues doucement du coin de mon poignet libre.

«Ça va toi ?»

__–La peine d’Aylan venait, au contraire, du fait que la situation lui était bien trop évidente à comprendre. D’un autre côté, c’était de cette connaissance avancée de la violence armée et de la guerre qu’il tirait une partie de sa consolation et de son bonheur : avec les Terraens, cela ne ressemblait pas à une opération militaire ordinaire, c’est le moins qu’on puisse dire.
__–La preuve était devant lui : en dépit de tout, Nana allait bien.
__–Et de même, maintenant qu’elle était là, maintenant qu’ils étaient tous là ; tous revenus, lui allait bien.
__–Sans lâcher le contact, toujours collé à elle, Aylan sentit toutefois le besoin d’être plus loquace, d’exprimer ses pensées par plus qu’un non-dit aux moyens du truchement de son narrateur et d’un serrement plus affirmé quand Nana lui répondit.
__–« Oui, ça va. Ah et, euh… Félicitations pour ton étoilisation hein. C’est trop cool, ça. T’es arrivée après moi mais t’es Étoile avant en plus, puis je me souviens au début tu galérais et tout… C’était rigolo un peu. Mais t’es trop forte en fait. »
__–Plus que lui, aurait-il pu ajouter. Enfin, de cela il n’en doutait guère, pas plus qu’il en avait cure. Être puissant, c’était là une injonction qui avait été présente lors des onze premières années de sa vie. S’il pouvait ne plus devoir s’y plier, tenir ce rôle, rentrer dans ce moule, s’il pouvait ne plus devoir cultiver une force qu’on mesurerait seulement à la capacité à détruire, il n’en serait que trop heureux.
__–En revanche, s’il ne la désirait plus pour lui-même, il ne pouvait qu’admirer cette puissance chez les autres. Chez son amoureuse Lola, bien sûr, qui était selon lui l’incarnation de cette puissance, mais aussi chez ses amis, dont Nana. C’était un sentiment étrange et nouveau qu’il ressentait en sa présence, alors qu’elle avait une petite voix fragile et était alitée et sous perfusion : dans ses bras, il sentait que nul mal n’aurait pu l’atteindre. Elle avait participé à ramener vivants non seulement Aaron, Senri et Cooper, mais aussi Luna, Mitsuki et Tiago. Des accomplissements qui n’étaient en rien triviaux.
__–« J’ai trop hâte que tu sortes pour qu’on s’amuse avec tous tes nouveaux pouvoirs et tout. »

♫:

Les paroles d’Aylan me font sourire. Une dernière larme s’échappe de mon oeil droit, je resserre un peu plus mon emprise. J’apprécie tellement ta présence Aylan. Tu ne t’en rends sûrement pas compte mais, bien que ça m’attriste que tu me vois ainsi, je suis bien heureuse que tu sois venue. Je ne savais pas qu’ils autorisaient les visites déjà à part le personnel nécessaire. Quoi que, je ne m’attendais pas forcément à recevoir de la visite…
Je n’ai pas vraiment annoncer à qui que ce soit que j’étais partie en mission à part les personnes qui partaient elles-mêmes… Parce qu’évidemment on se croisait aux debriefs.

«Merci Aylan, promis on ira faire des essais. Maintenant je vais devenir assez forte pour te téléporter avec moi à chaque fois où on veut !Ça n’s’ra pas pour tout de suite mais quand ça ira mieux, on ira.»

Je ferais en sorte de ne pas retomber dans la fontaine ou dans un endroit rempli d’eau.
Évidemment, ce ne sera pas dans les prochaines semaines du tout, il faut compter un long moment avant que je puisse avoir l’énergie suffisante pour reprendre mes activités.

Je n’ai pas encore eut plus de détails que ça, je ne sais pas encore quand je pourrais sortir d’ici mais ça finira par venir hein. Mais rien ne me fera plus plaisir que de passer une belle journée aux côtés d’Aylan que je considérais comme mon petit frère de cœur.

Je ne suis pas dans l’optique de vouloir des gamins donc ce serait un peu controversée de ma part de dire que je le considère comme mon fils, faut pas abuser j’ai que 25 ans.

«Alors, raconte moi, qu'as-tu fais de beau toi ? Comment t'as su que j’étais ici ?»

__–Aylan sourit. Oh, il avait bien des idées de que faire avec une téléporteuse comme bêtises diverses et variées, mais pour le moment, plus que d’échafauder des plans, il était heureux de pouvoir le faire ; qu’elle aille bien et que les principales pensées qui leur venaient à l’esprit étaient de comment s’amuser ensemble.
__–Venait le temps de raconter.
__–Ariana avait exigé que le secret sur l’identité de sa fille fût maintenu, de sorte à ce qu’elle pût conserver le contrôle sur la vérité et surtout, quand et comment lever le voile. Aylan y avait consenti, à la condition expresse qu’elle ne fisse point une Ipiu et ne se terrasse point dans son déni. Le temps était compté pour Ariana, mais elle était encore largement dans les temps.
__–Aussi, Aylan serait-il relativement évasif.
__–« Comment j’ai su ? Ben j’ai regardé la liste des gens admis à l’hôpital. »
__–Et éliminerait-il d’emblée les questions aux réponses évidentes.
__–« Et sinon, bah, déjà tu sais mais l’opération elle a été lancée parce que le Centre retenait des enfants… Ben parmi eux y’avait Lola, mon amoureuse et Miguel, qui est… en quelques sortes mon grand frère. Ils vont bien hein et je suis super content de les avoir retrouvé. »
__–Il y avait certes un mais, bien qu’il ne fût pas pour aujourd’hui. Aujourd’hui, on se félicitait d’être encore en vie.

Question logique, réponse logique. Pas que je m'attendais à plus, néanmoins, il a surveillé la liste, ça en dit déjà beaucoup. Il est en lien avec le Centre donc évidemment qu'il est au courant des détails. Il a du suivre le tout de près. Je souffle du nez dans un petit rire en écoutant Aylan me raconter les bonnes nouvelles. Contente d'apprendre qu'on ait pu servir à quelque chose.

«  Ouais j'en ai croisé des gamins là-bas. C'est impressionnant.»

''Croisé''... combattu plutôt hein mais bon. C'est pas le sujet. L'équipe principale s'était donnée tellement à fond pour aller les récupérer.. Chaque équipe avait sa propre tâche et nous avons tous fait de notre mieux pour nous en sortir, pour donner un coup de pied au cul du Centre et aider un peu ces enfants... Je me demande de quoi ils ont l'air... Seront-ils comme Aylan? Quels pouvoirs ont-ils?
Un sourire doux se pose sur mes lèvres.

«  C'est une bonne nouvelle Aylan s'ils ont pu être rapatrié, tu devais avoir hâte, tu as pu les voir déjà ou ce sera pour un peu plus tard ? »

Je n'imagine pas le bonheur que ça doit être de retrouver des gens qu'on considère un peu comme sa famille... Peut-être qu'un jour, j'aurais ça avec Max. S'il décide de revenir un jour... L'espoir fait vivre non? Mais je suis contente pour mon ami. Ça doit être un soulagement pour lui.
Une lueur passa dans mon regard.

« Tu comptes me présenter ton amoureuse? De quoi elle a l'air cette Lola? »

Aylan, amoureux, fallait que je vois ça. C'est beau l'innocence chez les enfants.

__–« Bien sûr, je les ai vu ! C’est même le premier truc que j’ai fait quand ils sont arrivés. Je les ai attendu pendant presque un an et demi, tu sais… »
__–Enfin, pour être exact, Aylan avait été persuadé qu’ils étaient morts. Ou plutôt, c’est ce qu’on lui avait dit. C’est ce qu’on leur avait dit, à eux aussi. Ils savaient que c’était faux. Lola et Miguel avaient Liz et sa voyance pour leur assurer cela, Aylan… Quelque part, Aylan avait l’amour.
__–Il sourit à la question de Nana.
__–« Oui… Mais… elle est timide, un peu. Elle… Elle a les cheveux roux… Elle a mon âge, elle est née en Espagne… Hm… Elle a tout le temps l’air sérieuse. Elle rigole pas beaucoup… Elle sourit pas beaucoup non plus. On dirait toujours qu’on l’ennuie, un peu. Elle est souvent en colère, mais t’sais, elle casse rien, elle crie pas beaucoup, parce que je sais pas si elle sait comment on fait pour être en colère, t’sais ? Mais en vrai, elle est super gentille hein ! Puis elle aime bien les câlins et les peluches, même si on dirait pas des fois parce qu’elle est encore meilleure que Miguel avec un fusil. Elle veut pas du tout le montrer mais c’est évident quand on la connaît. J’crois elle aime bien le rock. Oh et elle aime tout ce qui est salé, aussi, genre les chips ou les fruits secs, comme les pistaches, tu sais ? Une fois on était avec des Iraniens ils avaient ramené trois sacs et ils avaient accepté de partager, on était trop contents… »
__–Aylan eut un petit sourire. Cela lui semblait si loin. D’autres temps, d’autres lieux. La bande de gamins aux uniformes couverts de poussière, posés sur le plateau d’une toyota hilux entre deux caisses de munitions, les pieds qui battaient dans le vide, à jouer à qui lancerait ses coques de pistache le plus loin. Lola gagnait à chaque fois. Évidemment. Tellement, qu’elle finit par décréter ce jeu idiot et laissa les autres gamins – Aylan, Liz et Brad – jouer pendant qu’elle s’occupait d’entretenir la PKMS avec Miguel.
__–« Et toi alors, t’as un amoureux ? »
__–Enfin, il ne devait pas être le seul à répondre à des questions émotionnellement compliquées.

«  J’imagine… Puis c’est ta famille. »

J’ai un sourire doux sur le visage. Heureuse que ce petit bout de chou puisse retrouver ses amis, les gens qui comptent le plus pour lui. Bien qu’il ait de la famille à Terrae, c’est une nouvelle branche qui vient fusionner ici. Et ça me fait plaisir à savoir pour mon petit compagnon si nous avons réussi à lui ramener cela. Enfin ‘’nous’’ l’équipe principale mais on s’est tous lancés sur le terrain pour que ça aille. Pour Terrae. Pour les enfants. Ensemble.
Aylan me décrit Lola avec une douceur qui me fait chaud dans la cage thoracique. C’est mignon l’amour à cet âge là.

«  Elle a l’air formidable ton amoureuse. Vous vous complétez bien hein, toi le sucré et elle le salé… »

T’es surexcité et elle, calme. J’aime la complémentarité.

« Je suis vraiment contente pour toi Aylan. Vous devez être si mignons ensembles ! Prenez bien soin de l’un et de l’autre hm ? »

Je peux pas lui donner tant de conseils... Ils sont jeunes… Ils doivent vivre leur expérience. Une grimace me fend le visage. Un… amoureux… je- POURQUOI TU RETOURNES LA QUESTION. Une faible lueur passe dans mes iris.

« J’en avais un y a longtemps… Mais j’ai pas été gentille quand j’étais jeune alors maintenant il a sa propre amoureuse. »

Je repense à nos instants ensemble… En boîte.

« Mais maintenant je suis ma propre amoureuse et ça va bien ! »

Menteuse. Grosse menteuse.

« Quand je sortirai d’ici, ça te dit d’aller au café manger des sucreries ? On se fera péter le bide ! OK ? Et puis tu pourras aussi me montrer tout ce que tu peux faire avec tes pouvoirs ! Ça fait un moment qu’on a pas pratiqué tous les deux ensemble, hm ? »

Je passe doucement une main dans ses cheveux.

« Ça me fait du bien de te voir sourire, Aylan. Que tu sois réunie avec ta famille. Tu fais partie de la mienne tu sais. »

Mon petit frère de cœur qui me fait faire les pires conneries du monde comme si j’avais 10 ans mais que je l’aime quand même.

__–Prendre soin l’un de l’autre, oh oui, c’était prévu. Il n’était plus question de se lâcher, à présent.
__–Pour ce qui était de ses propres relations, Nana essayait de l’évoquer en des termes euphémiques, mais Aylan était tout de même assez âgé pour comprendre le sous-texte : Nana était seule et n’arrivait pas à s’ôter de sa tête que c’était de sa faute. C’était du moins ce qu’il en comprenait. Et puis, annoncer « être sa propre amoureuse » ne pouvait vouloir dire que deux choses : son exact inverse ou pratiquer l’onanisme.
__–Aylan haussa les sourcils.
__–Heureusement qu’elle changea de sujet.
__–« Oui grave ! Ça fait troooop longtemps puis t’as pleiiin de trucs à découvrir toi aussi et tout. »
__–Après tout, elle était encore alitée, revenait d’une mission compliquée, ce n’était pas le moment de se mêler de sa vie sentimentale. Et puis, on ne peut pas toujours affronter ses problèmes. Des fois, il faut se contenter de vivre, d’avoir des bons moments.
__–À dire vrai, Aylan ne voyait pas vraiment où Nana voulait en venir avec son histoire de famille. C’est que la notion même était pour lui bien singulière. Il n’y avait absolument personne qu’il considérait comme en faisant partie, avec qui il avait une relation traditionnelle. Sa mère moins que les autres. Mais enfin, il n’était pas spécialement mécontent du qualificatif non plus.
__–« Si tu fais partie de ma famille ’faudra que je te présente à tous les autres. »
__–Lola avait une dent contre leur cher téléporteur. À y songer… Elle pourrait détester comme adorer Nana, pour des raisons sensiblement similaires qui faisaient qu’on pouvait adorer ou détester Brad. (Si on enlevait l’accent québécois et le fait que Brad ait trahi Lola.) Pour ce qui était de Chrys, tant qu’elle ignorait tout des bêtises que les deux compères faisaient ensemble, cela ce passerait bien.

Les paroles d'Aylan sont douces et me font plaisir. On ira dehors ou je l'inviterai dans ma chambre pour une petite soirée nourriture devant la télévision. Histoire d'être posée et de discuter avec le jeune garçon que je considère comme mon petit frère. Bon. Petit frère qui m'a déjà poussé à faire de belles conneries mais- sans regret finalement. Enfin. Se faire mener par le bout du nez par un gamin qui me susurre de voler une moto et d'aller voler de la bouffe... Bon. Parce que c'est Aylan, j'aime le faire, même si je vais finir par me faire chamailler. Mais un moment d'innocence comme ça de temps en temps en sa compagnie... je n'échangerai ça pour rien au monde.

Un sourire en coin définit mes lèvres.

« Avec plaisir Aylan. On se fera un petit rendez-vous rencontre en temps voulu. »

Pourquoi pas... Ce sera je pense une rencontre... un peu étrange vu leur situation, le retour du Centre tout ça mais ça me ferait plaisir de les voir. On continue de discuter tous les deux tranquillement sur ses amis qui sont revenus... passant ensuite du coq à l'âne en abordant tout et rien.. Un peu comme si on tentait de rattraper le temps perdu... qui fut court mais intense. Sa présence fait plaisir. Je me le dis parfois mais... d'avoir connu tout ce qu'il a vécu... si jeune... il est en sécurité à Terrae maintenant... ses amis aussi. Enfin, une partie. Quelques enfants ont été récupérés, c'est déjà bien.

Au bout d'un moment, la fatigue me pèse et mes yeux ont dû mal à rester ouvert. On finit par se laisser dans une dernière embrassade pour que je puisse continuer de me reposer. On se verra bientôt. Quand tu pars et que tu me regardes une dernière fois avant de fermer la porte derrière toi, je te fais un signe de la main, un sourire chaleureux sur le visage. Mais merci. Aylan. Merci d'être venu me voir, que tu sois l'une des premières personnes à me visiter. Ça a rendu mon réveil un peu moins douloureux aujourd'hui.

-Fin