Ce soir, c’est soirée entre meufs. Les équipes ont été décidées pour partir en Mission et les entraînements avec Senri, Aaron et Cooper sont intenses. Je suis soulagée d’avoir été choisie parce que je veux me battre pour mon chez moi, sauvez ces enfants. Une team que de Tonnerres, ça promet. Bref.

Mais, évidemment, bien qu’en tant que petite soldate je me lance de l’avant pour combattre, le seul combat que j’ai pas encore gagné c’est ma santé mentale. J’vais mieux depuis que je suis revenue à Terrae MAIS j’ai des moments où mon cerveau ne supporte plus rien et je me retrouve à me la mettre au bar de Luna, et à me faire virer si j’abuse, ce qui est déjà arrivé. Bien qu’on a prévu de rester dans ma chambre à discuter entre nous, avec un pack de bières, il a fallu que ma lourdeur mentale du passé vienne me hanter ce soir, déjà que j’ai le stress de la mission sur le dos. Putain on peut pas être tranquille.

J’écoute les derniers potins qui traînent à l’Institut et sur les mecs. Bien que ça m’intéresse pas, je divague dans mes pensées et repense à tout ce qui a pu m'arriver au courant de l'année dont mes retrouvailles avec-

« Allô ! La Terre appelle Nana, vous nous recevez ?»

Mary me claque ses doigts sous le nez, je sors confuse de ma bulle avec des yeux écarquillés. J’ai quatre visages qui me regardent avec un air dubitatif. J’avale la dernière gorgée de ma canette avant de pincer mes lèvres.

J’aurais aimé à cette instant être dans le bureau d’Arnaud mais ma prochaine séance avec lui n’était pas avant la semaine prochaine. Évidemment elles me posent mille et une questions et je finis par avouer que je me sens juste pas au top ce soir parce que mon cerveau me fait tourner en bourrique.

« Tu sais ce qu’il te faut ? Demanda Jess. SORTIR. Les filles il est tôt je propose qu’on aille DANSER. Allez Nana dit oui ça va te changer les idées !»

Les meufs se font des high-five, plus déterminée que jamais. J’ai envie de leur faire plaisir, ce sera peut-être pas une mauvaise chose. J’me suis jamais pointée encore à cet endroit qu’est la boîte de nuit de Terrae alors… Pourquoi pas ? Je leur confirme que j’approuve l’idée de sortir prendre l’air MAIS que je resterai pas plus qu’une heure ou deux. Elles soupirent chacune leur tour mais tout en m’offrant un grand sourire. On se donne rendez-vous dans une heure devant l’Institut pour aller au Village. Je me garde les deux bières restantes que je dégomme pendant que je me prépare. Je sais même plus comment faut s’habiller pour aller dans ce genre d’endroits et j’ai PAS de fringue surtout pour y aller à part des joggins.

J’appelle Mary en panique, elle habite dans le couloir puisqu’on est de la même affinité et qu’on a, à peu près, les mêmes mensurations. Elle débarque, sans rigoler, avec dix tenues différentes et cinq paires de talons, je roule des yeux.

« Ouais non je mets plus de talons depuis… bien trop longtemps !

-  Bah c’est ça ou tu rentres pas quoi.»

Bon. Je lâche un long soupir. On se dépêche à tout décortiquer et à se maquiller ensemble avant de décoller. Je finis par porter une robe noire avec des finitions en dentelles qui m’arrivent un peu au dessus des genoux. Elle me colle pas la peau et avec son col en V pas trop profond, j’ai pas un trop gros décolleté. J’accompage le tout avec une paire de talons noires vernis classiques Les cheveux ondulés libres, je me fais rapidement un petit smokey-eye noir sur les yeux et un rouge à lèvres rouge sombre. J’ajoute par dessus tout cela une veste en cuir, parce qu’il fait frais hein.

« S’ils me refusent à la porte meuf, mais pas vous, bah vous rentrez hein ! Moi je retournais dans ma chambre.»

Elle me fait une petite moue puis me tend mon sac à main. On rejoint les autres dehors. Les quelques bières me réchauffent, me détendent. J’ai l’impression qu’il y a un petit bouton pause qui s’installe doucement dans ma tête. Je me sens légère, un peu pompette.

On se dépêche d’arriver devant la boîte de nuit. Le videur nous scanne du regard, je lui donne mon meilleur sourire tout en lui tendant ma carte d’identité. J’ai plus 16 ans hein j’en ai 25 laisse moi rentrer mec.

À la dernière seconde, après dix milles plissements de yeux, il nous laisse TOUTES rentrer. On laisse un petit cri de joie nous échapper puis on dépose nos vestes au vestiaire. C’est blindé quand même à l’intérieur, c’est simple, je vois pas de table dispo. On arrive sur une fin de chanson. Mais lorsque la suivante se lance, je n’ai qu’une réaction :

« MAIS NON C’EST PAS VRAI, JE DOIS ALLER SUR LA PISTE.»

Je pars d’un coup tout en entraînant les meufs avec moi, on tente de se faufiler sans trop pousser. Du moins on essaye quoi.

La musique ~:

Notre héros est accoudé au bar, un verre de whisky presque vide à la main. Malgré la musique et le dynamisme de l'endroit, il est pensif et regarde le grand glaçon qu'il fait tourner doucement dans son verre. Son visage, d'habitude si expressif, ne laisse deviner aucune émotion. Il porte un ensemble sombre d'une marque hors de prix : chemise, cravate, pantalon et chaussures en cuir... Son blazer est resté au vestiaire.

Bito ne compte plus l'argent, si bien qu'il a abandonné sa petite moto électrique qu'il customisait lui-même pour se payer une voiture de luxe et engage un chauffeur pour la conduire.

Les temps changent et lui aussi.

D'ailleurs, il est rare de croiser le jeune homme en boite de nuit. Dans sa petite vie, il n'a mis les pieds que deux fois dans ce genre d'endroit.
Une fois pour se faire un avis et la deuxième fois c'est aujourd'hui... Il pense que cette ambiance peut lui  changer les idées.

Il est en froid avec Elfie - depuis qu'elle lui a annoncé son départ pour affronter le Centre. Il regrette les horreurs qu'il lui a dites, mais refuse toujours de la voir sur une chemin où elle risque sa vie.

– Eh bien, t'en fais une tête mon gars. Fait le Barman.

Bito sort de ses pensées et regarde le Barman d'un air étonné puis il sourit, un peu gêné. C'est un homme barbu, plutôt costaud avec les cheveux longs attachés en queue de cheval qui est en face de lui.

– J'étais… j'étais juste perdu dans mes pensées.

Bito termine ce qui lui reste de son whisky d'une traite et tend son verre pour se faire servir.

– C'est pas la joie. Rien de grave j'espère ? Poursuit le Barman en remplissant son verre.

– Juste une embrouille de couple... Souffle Bito. Ça passera.

Elfie et Bito qui s'entendaient à merveille n'avaient jamais monter le ton. Et là, à cause de cette guerre, leur équilibre s'est cassé la gueule.

– Ça passera. Répète désespérément Bito.

Il reprend une belle gorgée de whisky et soupire.

Le Barman aurait pu en rester là - ce n'est pas son travaill - mais voyant qu'il a sous la main un client qui peut remplir ses caisses, il pousse la conversation un peu plus loin et incite le jeune homme à profiter de sa soirée.

– Si tu veux mon avis, tu devrais avant tout profiter à fond de cette soirée. Si t'es venu ici c'est pour oublier tes soucis, alors fais toi plaisir mec.

Bito le regarde dépité. Les mots du Barman ne l'ont pas plus motivé que ça.

– Par exemple : La meuf qui danse là-bas. Elle est mignonne, non ? Tu devrais l'inviter à boire un verre ! Ajoute le Barman en montrant quelqu'un en direction de la piste de danse.

Bito ne tourne même pas la tête.

– Je suis en couple...
– Elle est mignonne ou pas ?

Bito finit par tourner la tête dans la direction que lui montre le Barman. Il plisse les yeux les yeux -Sa vue de loin est légèrement troublée à cause de l'alcool. Il voit la silhouette attractive d'une jeune femme blonde, qui se balance au rythme de la musique. Le regard de notre héros s'arrête sur le sourire de la demoiselle. Ce sourire est agréab;e et contagieux.

Bito se met à sourire lui aussi.

– Elle te plait.
– Hein. Quoi ? Non !

Le Barman fait signe à l'un de ses collègue.

– Eh Jin, envoie un verre à la demoiselle de sa part.

Sur la piste, je laisse la chaleur des spots de lumière déferler sur ma peau. On arrive à se trouver une petite place dans la foule, on danse en cercle entre meufs. Mon corps se déhanche au rythme de la musique, je veux tout oublier. Oublier mon existence. Les basses résonnent contre les murs, l'odeur de l'alcool et de la transpiration deviennent le parfum naturel des alentours.

Les corps s'entremêlent au rythme des stroboscopes, la pièce n'est que fumée noire, l'étincelle des projecteurs rend aveugle : mais qu'importe. La scène qui entoure l'équipe paraît ralentir digne d'un film d'adolescent. Peau contre peau, l'identité disparaît pour ne laisser qu'une foule d'humains qui cherche à oublier sa semaine dans les bras les uns des autres.

Le cerveau s'éteint, les hanches deviennent le nouveau leader, un large sourire reste sur mes lèvres. Je suis réduite à néant, je me vois comme une petite poussière scintillante. Les yeux se voilent, floutés par l'alcool qui se renverse grâce un mec qui vient donner des shots en te versant la bouteille directement dans la bouche. Le sol transpire, mouillé par toutes les liqueurs possibles, les talons collent.

Quelqu’un vient me tapoter l’épaule et me tend un verre. Il tente de me dire que ça vient du bar, j’entends rien et lui crie ‘’QUOI’’ dix fois.  J’entends juste le mot ‘’offert’’ et ‘’bar’’. Je comprends rien à ce qu’il me dit. Je plisse des yeux pour tenter de voir l’autre côté de la pièce, le barman me fait un coucou et ainsi qu'un signe que je ne distingue pas bien. Y a erreur sur la personne non ? Je me suis jamais fait offert de verre de ma vie ! C’est pas drôle, je suis la fille la moins remarquée de mon groupe.  Sur l’instant je me dis donc que ça ne peut pas être moi, y a d’autres blondes, des bimbos, qui traînent dans la foule.

Je regarde mes potes qui me font toute un clin d’oeil et me pousse légèrement pour que j’aille le voir. J’comprends pas pourquoi je me retrouve avec un verre alors que j’ai pas encore commandé. Je trempe mes lèvres dans le cocktail, c’est très sucré et ça me fait un peu plus sourire. Je m’accroche au bras du serveur qui me dirige vers le comptoir.

«Hey, vous vous êtes pas trompé de cliente ?!»

En lâchant le bras un peu trop précipitamment, je m’avancetrop rapidement tout en retrempant mes lèvres et mon équilibre me fait frôler l’épaule de quelqu’un qui est assis à côté. Par réflexe je pose ma main sur l’épaule de l’inconnu sans trop regarder.

«Oh pardon je suis désolée !»

Je me penche sur le comptoir vers l’homme à la queue de cheval qui m’offre un large sourire tout en me confirmant que... bah non c'est pas une erreur.
Et hop, une nouvelle gorgée. Je me rends pas compte que ma main est encore sur l'épaule de mon voisin.

«Et qui dois-je remercier pour ça ?»

Dès lors que le verre offert arrive à destination et que la demoiselle invitée commencer à se diriger vers le bar, Bito s'est vite retourné pour se faire discret. Il grimace, baisse la tête, le visage dans les mains.

– Putain, c'est la honte. Marmonne-t-il dans son coin, gêné et désespéré.

Bito entend les talons de la demoiselle approcher, il espère que cette dernière va refuser le verre qui lui a été offert et partir aussi vite qu'elle est venue. Quand soudain, une main vient se poser sur son épaule.

Aussitôt notre héros sursaute et relève la tête, aussitôt, le Barman le pointe du doigt avec un sourire malicieux sur les lèvres. Et aussitôt, pour se dégager de toutes responsabilités, Bito pointe du doigt une autre personne assis au bar.

Cette nouvelle personne qu'il vient montrer est une jeune femme, elle est à moitié vautrée sur le bar. Déjà bien imbibée d'alcool, elle a un filet de bave sur le coin de la bouche et ronfle sagement dans ce coin... Assurément, il vient de pointer la seule personne qui n'aurait jamais pu faire ça.

Bito a un rire nerveux. Mais soudain, son stresse fait place à la surprise lorsqu'il reconnait la personne qu'il a en face de lui.

– Nana ?!

Bordel, il fallait que ça tombe sur elle. C'est quoi ce scénar' à la con ?!

– Qu'est ce que tu... Et pourquoi t'es belle ?!

C'est quoi cette question ?

Alors, sur le moment, j’ai l’impression que c’est une blague. Le barman pointe un mec qui pointe une meuf qui dort sur le comptoir. Je pensais pas que le poisson d’Avril c’était aussi tôt. Je lève un sourcil et regarde le barman qui hausse les épaules. Alors là, c’est la meilleure. Putain si ça se trouve y a un truc bizarre dans mon verre et je vais me retrouver dans une benne à ordure dans pas long.

« Super drôle, grinçais-je des dents.»

Mais, je continue à prendre des gorgées. Une fois lancée dans la boisson, et surtout après mes quelques bières, je ne réfléchis pas tant alors je continue. À voir où je vais atterrir en fin de soirée.

Sur ce, je suis prête à m’élancer pour retourner voir les filles mais mon nom atterrit dans mes oreilles. Je sursaute, attends… QUOI. Pourquoi Bito est ici, et surtout pourquoi c’est sur lui que ma main est posée ?! Une vague de chaud me traverse et mon visage devient cramoisi. Par chance y a pas trop de lumière alors je pris pour que ça ne se voit pas.

On ne s’est pas recroisé depuis l’incident des sourcils. Je lui avais laissé mon numéro mais… enfin bref. La gêne (et sa meuf) m’avait empêché de reprendre contact un peu plus. J’hausse les sourcils et bloque sur sa question, je pensais pas pouvoir rougir plus que ce que je le suis déjà.

Un petit instant… l’info va monter dans pas long à mon cerveau que c’est vraiment lui… Surtout avec l’alcool, ça arrive encore moins vite. Et…

« Hey merci je- »

Et ding-ding on a une gagnante.

« Bito c’est toi, j’y crois pas ! »

Je termine le verre et le dépose sur le comptoir, un large sourire qui s’étend sur mes lèvres, avant de m’avancer. Là ce n’est plus ma main qui s’est juste posée, je m’emporte et lui fais une accolade rapide avant de me retirer. Ouais, je suis contente de le voir, et je ne pense pas aux conséquences non plus, j’agis avant de penser, plus que d’habitude. La musique change sur le dancefloor pour passer du The Weeknd dans les enceintes tandis que mon rythme cardiaque augmente. J’ai ma propre boîte de nuit dans le haut de mon corps. De haut en bas je le scanne, il est habillé en businessman, on dirait qu’il sort d’un long meeting ennuyant. J’étais surprise de le croiser ici, ça n’a jamais été son truc les boîtes de nuit, même quand on était ensemble.

« Qu’est-c’que t’fais ici avec ton costume de BG ? »

Et, oui, je glousse.

Bito a un sourire gêné. Sa question a été très maladroite, elle suggérait que d'habitude Nana n'était pas si belle que ça. Et il y avait un peu de vrai, car à son retour à Terrae, Nana ressemblait vraiment à un épouvantail.
Il ne lui avait pas fallut longtemps pour retrouver une bonne mine.

La gêne laisse place à la curiosité lorsque Bito voit Nana virer au rouge. Il hausse un sourcil, se demandant si c'est en raison de la luminosité changeante de l'endroit, ou si c'est à cause de leurs retrouvailles.
Il n'a pas le temps d'y réfléchir, car il voit Nana se jeter soudainement à son cou.

Surpris, le japonais lâche un petit : "Wop !" et s'accroche au bar pour ne pas tomber de son tabouret avec elle.
Au même moment, le barman le regarde, toujours cet air malicieux collé sur la tronche.

– Je vous ressers quelque chose monsieur le tombeur ♪ ? Demande-t-il en  chantonnant.
– Ouais, ouais... Rétorque Bito en lui lançant un regard voulant clairement dire "Ok, mais lâche moi la grappe".

Le Barman leur sert donc un nouveau verre, un petit cocktail qu'on appelle le Blue Lagoon. Après avoir reçu son paiement de Bito - qui offre finalement un verre de plus à Nana - il laisse les jeunes gens à leur discussion.

– Eh bien, je profite de l'ambiance avec des amis. Fait Bito, bon menteur. Depuis qu'il est devenu businessman, il excelle dans ce domaine. Là, je faisais une petite pause et je profitais de la boisson.

Puis il la regarde à sont tour et lui lance un regard taquin.

– Et toi alors, t'as enfin rangé ton jogging au placard ? T'as enfin compris que c'était pas dans une maison hantée qu'il fallait draguer.

Il fait référence à leur toute première rencontre dans la maison hantée.

Je glisse un petit merci tout en ramenant le nouveau cocktail dans ma direction, après avoir finit l’autre.  Je regarde un peu aux alentours, je ne vois pas bien mais peut-être que ses amis ne sont pas loin et qu’il y a un gang de costard-cravate qui traînent dans le coin. S’ils viennent nous voir, je demanderai à mes potes de venir aussi, elles aiment les mecs en costume, cherchez pas à comprendre, parce que je suis de leur camp aussi. Peut-être avait-il changé d’avis sur les boîtes de nuit finalement. On a plus 16 ans depuis bien longtemps. Avant on profitait plutôt d’activités extérieures et tout le tintouin.

«J’vois ! Moi aussi je suis venue avec des amies qui sont... quelque part ! »

Je commence par une première gorgée du cocktail bleuté tout en pointant du menton la piste de danse. Clairement, je ne sais pas où les filles se sont fourrés dans le public, mais je n’ai aucun doute qu’elles doivent m’observer de loin.

Les sourcils relevés, j'éclate de rire à l’énonciation de la maison hantée qui me fait revoir subitement tout un tas de souvenirs. Heureusement que ma mémoire complète est revenue à mon retour. Cela me pesait sur le coeur de m’en rappeler mais en même temps, les bons moments me faisaient sourire grandement. Je repose mon regard sur Bito, un sourire doux sur les lèvres.

«Hey faut pas croire, je sais comment me mettre en valeur hein ! »

Juste que parfois j’ai la flemme. Mais ça, je ne l’avoue pas à grand monde. Tandis que je le regarde, les anciens moments de notre relation défile dans mon cerveau. Heureusement qu’il est pas Télépathe, je serais dans le jus.

«Et premièrement, il me semble que c’est toi qui m’ait tombé dessus dans la maison ! M’exclamais-je en passant une main dans mes cheveux.»

Il m'est tombé dessus littéralement. Cette maison était un vrai nid de pièges, et de Feu au caractère de cochon. Je me décide finalement à m’asseoir sur le tabouret voisin, en faisant en sorte que ma robe se coince pas dans le siège de cuir, je me positionne de sorte à faire face à Bito. Je me mets à faire le décompte sur mes doigts.

«Deuxièmement, euh-»

Je me pince les lèvres, en pleine réflexion, mais ne le quitte pas des yeux.

«Eh- bah- je suis giga nulle en drague tu le sais bien !»

Au final, je ne suis pas sûre de qui est venu vers qui au moment de cette aventure. Je pense qu’on a connecté pratiquement tout de suite. Un moment catastrophique qui avait tourné dans une transfusion surprise chez l’infirmière puis dans une relation qui, à mes yeux, était presque parfaite. Un goût amer de regret s'installait doucement sur mon palais, goût que le cocktail bleu semblait de pas pouvoir faire partir.

Ce petit moment de nostalgie les fait sourire tous les deux. Leur première rencontre date de 11 ans maintenant et ils en parlent comme si c'était hier. Comme quoi, nos meilleurs souvenirs ne nous quittent jamais - En théorie.

Ressasser le passé de la sorte leur donne l'air d'un vieux couple.

– T'inquiètes, t'es pas la seule à être naze dans ce domaine. Répond Bito, avec un sourire en coin.

Evidemment, il se met dans le lot.

Mais les rires finissent par laisser place à un moment de silence. Un moment pesant où chacun boit son verre, ne sachant plus quoi ajouter. Peuvent-ils vraiment parler de leur ancienne relation sans en ressentir le négatif ? Sans repenser à leur séparation ?

Le visage de Nana la trahit, elle est très expressive et Bito devine d'un coup d'oeil que quelque chose la tracasse. Il pense que Nana ressent encore cette culpabilité de l'avoir laissé derrière elle, avec un bout de papier pour seule consolation.

Bito pose doucement son verre sur le bar, il continue de regarder le cocktail teinté de bleu et en retire la rondelle de citron qui sert de décoration.

– Tu sais, j'ai pas mal réfléchis après nos retrouvailles et... je ne t'en veux pas. Tu cherchais ta famille et tu t'es tapé le lavage de cerveau de Terrae.

Il marque une pose et amène le citron à sa bouche pour en manger la pulpe - Une petite  dose d'acidité pour le motiver - tandis qu'il se rappelle des galères, des doutes, des cauchemars... qu'il a affronté après avoir lui-même quitté Terrae pendant 2 ans.

– C'est pas facile quand t'as l'impression que tes souvenirs n'ont plus de sens. Comme si on t'avais viré les pages les plus importantes de ton manga...
Et parfois tu es persuadé que tu tiens à des gens, mais tu ne sais plus les raisons.

"On bride vos souvenirs pour notre sécurité" nous dit Terrae, mais ils n'ont aucune idée de ce que l'on endure ensuite.

Bito pose à présent son regard sur Nana.

– De nous deux, t'es celle qui a le plus souffert Nana. J'étais trop con pour ne pas l'avouer.

Si hier il la haïssait pour être parti lâchement, aujourd'hui il l'admire pour son courage et les épreuves qu'elle a surmonté.

Il se gratte derrière la tête, gêné.

– Alors... désolé ?

Je ressasse en boucle toutes mes pensées qui s’ancrent et créent subtilement cette petite boule dans mon estomac, elle se resserre par la culpabilité qui m’opresse. Je me revois partir ce soir là, j’ai pris mes jambes à mon cou sans réfléchir… Ou bien, peut-être parce que je manquais de maturité, je n’ai pas réfléchi aux conséquences. Je me disais que je serais revenue vite mais je me suis coincée dans le monde externe… Des souvenirs en moins.

Tandis que je l’écoute, je tombe des nues. Les traits de mon visage se déforment par plusieurs émotions qui défilent les unes après les autres. Dont un sourire de remerciement. Est-ce que j’étais en plein rêve ? Je resserre un peu mes doigts autour du verre, pourquoi tu es désolé… C’est pas toi qui à tout foutu en l’air pour un but sans fin… Pour une douleur qui n’a fait que s’étendre jusqu’à toi.

Mon regard quitte celui de Bito pour se poser sur le verre que je continue de serrer.

« C’est vraiment gentil de ta part de penser ainsi… Sache que je ne t’en ai jamais voulu que tu m’en veuilles.»

Il y a quand même ce soulagement que, j’ai le droit d’être pardonnée apparemment. Selon moi, il avait tous les droits de me haïr. Mais sa compréhension me surprenait, il avait vraiment muri d’une manière que je ne comprenais pas encore totalement. Mais qui était appréciable.

« J’ai pas été assez mature à cette époque pour me rendre compte des impacts que je pouvais faire… Max m’aurait juste annoncé son départ, je ne l’aurais sûrement pas suivi ainsi en pensant qu’il allait se faire tuer… Je serais restée au lieu de juste me lancer dans une histoire qui a ni-queue ni-tête. J’aurais dû venir te voir avant de prendre ma décision, j’ai paniqué.»

L'alcool me fait parler, peut-être trop. Plus j’avance mes phrases, plus la lourdeur de mes mots me pèse dans la cage thoracique. Je lâche un long soupir, j’avais besoin d’une cigarette là. Mais bon, on peut pas fumer à l’intérieur ici et je ne pense pas avoir vu de fumoir. Une ombre passe dans mon regard tandis que je veux continuer de m’exprimer.

« Si je pouvais remonter le temps... soupirais-je. Je reg-»

-rette tellement de t’avoir perdu. Pour toujours. Je ne pense pas que ce soit rattrapable après tout tu as Elfie. Mais je donnerai ma vie pour ravoir une chance.

Je prends une longue gorgée qui me fait terminer rapidement le verre, je quitte le comptoir en bois pour ramener ma vue sur lui, relevant ma main libre pour qu’il y voit le dos.

« T’imagines que si ce chapitre ne serait pas arrivé, on serait sûrement mariés aujourd’hui !»

Un rire m’échappe, puis un sourire en coin. Ouais, l’autodérision ça m’aide à sauter par dessus la douleur. Ou à me la rappeler.

Bito espérait alléger un peu le poids qui pèse sur le cœur de Nana, mais ce n'est pas si simple. La culpabilité ne la quitte pas, il lui faudra du temps pour s'apaiser. Tout ce qu'il peut faire, en tant qu'ami, c'est rendre cette période plus agréable...
Et puis aider les autres lui permet d'oublier ses propres soucis.

Malgré l'alcool qui commence à diminuer ses sens, Bito prête une oreille attentive à Nana. On fait tous des erreurs, le souci c'est quand on n'apprend rien d'elles.

– Vois le bon coté des choses, cette expérience t'auras rendu plus forte.

Serait-ce là les paroles du vieux sage qu'il a vu dans le film d'arts martiaux de la nuit dernière ? Oui... mais c'est un secret.

Puis le regard de Bito se lève en même temps que la main de Nana. Ses yeux suivent le mouvement et s'écarquillent lorsqu'elle montre le dos de sa main tout en parlant de mariage. Bito est si étonné de l'entendre parler de ça, qu'il a failli en tomber de son tabouret.

– Ma.. MARIÉS ?! S'exclame-t-il, en s'accrochant à elle.

Il a crié un peu fort et comme par hasard, cela tombe en même temps qu'un changement de musique. Tout de suite, quelques regards curieux se braquent sur eux.

Bito rougit et boit rapidement une belle gorgée pour essayer de se cacher. Mais cela ne change rien, les regards persistent comme s'ils attendaient un évènement.

– J'me serais jamais marié avec meuf qui laisse trainer ses soutifs partout ! Fait-il pour dédramatiser la chose de son coté.

Encore une fois, il fait référence à leur vécu et il en use pour faire de l'humour.

– Il fait chaud ici. Tu viens, on va prendre l'air ? Fait-il en dénouant un peu le nœud de sa cravate.

Il ne laisse pas vraiment le choix à Nana, il attrape sa main et la traine derrière lui jusqu'à une petite sortie de secours qui sert aux fumeurs.

Une fois dehors, un air doux vient caresser leurs joues, un calme se pose, laissant la musique comme un bruit de fond.

Bito s'appuie sur un muret et pousse un soupir de satisfaction en sentant cette brise fraiche. Il se frotte l'arrête du nez, jette un œil autour de lui et aperçoit le regard de Nana qui s'arrête sur les autres fumeurs. Et, avant même qu'elle n'aille taxer une cigarette à quelqu'un, il lui présente un paquet.

– Clope ?

Mon auto-dérision fait presque tomber Bito de son tabouret, il s’accroche, ça me sort de ma bulle d’émotions négatives. Je glousse avant de mettre mon doigt sur ma bouche.

«Chhhhh faut pas crier comme ça roh !»

Des têtes se sont retournées, celle du barman également. Il pense être invisible mais je le vois clairement lui. Je descends d’une traite le cocktail, enlevant du bout d’un doigt une goutte qui se laisse couler sur le coin de ma bouche.

«Haha tu dis ça mais t’étais le premier à lancer tes caleçons à l’autre bout de la pièce ! Répondis-je  du tac au tac. »

J’éclate de rire. On retourne sur du positif, j’apprécie. Je venais de m’emporter un peu pour rien, ce n’est pas comme si ça changerait quelque chose. Oh et puis merde hein. Je suis là pour passer une bonne soirée, au diable le passé. L’alcool du cocktail me détend tranquillement. J’en ai un peu marre de porter mon sac à main en bandoulière et le dépose sur le comptoir. C’est plus agréable et moins encombrant sur le moment.

«Tu veux- ah !»

Je me retrouve tirer par la main subitement. Je me retourne et crie au barman de garder mon sac sous son comptoir. Je vais pleurer s’il ne le fait pas. Mon téléphone, mes cartes, mes clopes, tout y est. Mes pommettes rougissent quand mon regard se pose sur sa main dans la mienne, je le vois pas très bien dans le noir mais… quand même… et je le sens. Mon sang ne fait qu’un tour. C’est agréable…

On arrive dehors, heureusement il ne fait pas très froid encore à cette période. Mes pommettes reviennent doucement à leur couleur naturelle quand nos mains se séparent. La lumière extérieure me permet de mieux le voir, clairement la cravate ça lui va bien.

L’air fait du bien aux poumons, c’est sympathique d’être dehors, mais mes cigarettes sont restées à l’intérieur. Y a des groupes de fumeurs à côté, je les fixe et m’apprête à me tourner pour aller leur demander, tant pis si Bito me réprimande et-

Quoi ? Mes yeux s’écarquillent, ma bouche s'ouvre en grand, je n’y crois pas-

«Attends, toi, Bito, Youri, Daisukenojo, TU FUMES ? »

C’est le monde à l’envers. Mes yeux font des aller-retour entre Bito et le paquet qu’il me tend. Ne me dis pas que je suis dans le multiverse ou un rêve dont je sais que je vais pleurer à mon réveil ?

Méfiante, je prends une cigarette du paquet très doucement tout en plissant des yeux.

«Après toutes ses années, dis-je en la plaçant entre mes lèvres, où tu m’as fait la guerre et encore, même il y a moins d’un an, tu t’es toi-même mis à ça ? Ou alors tu me fais une blague et c’est une cigarette en chocolat ?»

Évidemment, je suis en robe. Celle-ci n’a pas de poches donc je n’ai pas mon briquet mais- ah AH ! Ah bah non… D’habitude je place mon briquet dans mon soutien-gorge, ce soir j’avais décidé apparemment qu’il serait au chaud dans mon paquet avec mes clopes, dans mon sac, sous le bar.

Je me rapproche un peu de Bito.

« Ou si c’est vrai… Tu peux me l’allumer s’te plait ? J’ai pas de feu sur moi. Qu’est-ce qui t’es passé par le crâne pour te mettre à fumer sérieux ?»

Oui, j’ai bien du mal à y croire.

Bito fait de grands yeux face à la réaction de Nana. Il regarde ailleurs, ne sachant plus où se mettre.
Ouais, quand quelqu'un se met à t'appeler par tous tes noms, c'est qu'il faut s'inquiéter. Mais c'est normal que Nana réagisse ainsi, il lui a fait la morale pendant longtemps avec la clope et ce même dès son retour.

Bito rit avec un air désolé et se gratte derrière la tête.

– Du calme, du calme. Je fume pas vraiment tu sais...

Nana pioche une clope dans le paquet. Bito suit son geste du regard, puis il lève les mains pour se donner l'air innocent.

– C'est pas du chocolat, promis. Dit-il, amusé.

Il regarde l'intérieur du paquet, déjà bien entamé.

– Il appartient à un collègue, il s'en grille souvent une pendant qu'on discute boulot et il l'a oublié sur mon bureau. J'voulais lui rendre, mais il m'a dit de le garder et d'en fumer une à l'occasion.

Son collègue dit souvent que ça le calme et que ça l'aide à réfléchir... Bito se demande si ça va marcher sur lui.

– Apparemment ça apaise. Dit-il en levant un sourcil.

Puis Nana s'approche de lui, ils sont épaule contre épaule et Bito sourit tout en se sortant une cigarette pour lui.

– Un briquet ? T'as oublié de quoi t'étais capable ?

Bito lève sa cigarette, approche sa main et claque des doigts, un petit arc électrique de couleur bleu vient frôler le bout de la cigarette (la sienne) et l'allume.

– Ne me dis pas que t'as jamais penser à faire ça ?

J’écoute les excuses de Bito, mais, je l’avoue, je ne suis pas du tout convaincue. Surtout quand il en vient à me dire que c’est le paquet de son collègue. Oui, y a les clopeurs sociaux, mais Bito en être un ? Non vraiment, je rêve. Je revois le nombre de fois que son visage s’est crispé devant chacune de mes cigarettes, quitte à me balancer de l’eau dessus pour la jeter. Et je parle pas d’un fond de verre.

«T’essaye vraiment de me faire croire que tu vas te noircir les poumons juste comme ça parce que ton collègue t’as dit que tu peux alors que c’était la 5e guerre mondiale avec moi ? Dis-je en penchant la tête sur le côté. »

Mon ton n’est pas tant sérieux que ça, mais il est vrai que j’ai du mal à comprendre. Le voir fumer, c’est bizarre. Tout comme on verrait passer, là, tout de suite, une vache en courant, ce serait anormal. En tout cas. Je n’ai plus assez de neurones sobres pour chercher plus loin. Une moue triste s’installe sur mon visage quand il décide de ne pas allumer ma clope mais la sienne avec le beau petit arc bleu qu’il créé de ses doigts. La grande classe.
Ouais bon, peut-être que d’être fumeur ça pourrait bien lui aller, ça lui donne un petit côté cool. Je prends ça comme un défi avec sa dernière question. J’ai très bien repris mon niveau au courant de cette année et je compte bien redevenir Étoile le plus tôt possible. Mais c’est vrai que parfois, quand je refuse de me la jouer feignante, j’essaye d’être un peu plus ‘’manuel’’ : marcher jusqu’au Village, utiliser un briquet, ne pas me TP dès que je dois bouger, enfin, bref.

«Pfff moi ? Oublié ? Trop pas, j’pensais que tu serais gentleman avec moi ! J’l’ai déjà fait hein,  assurais-je avec un grand sourire, lui donnant un léger coup dans l’épaule.»

Je me décide à créer une petite boule électrique blanche du bout de mon index et allume le bout de ma clope avec. Ma petite création s’éteint rapidement comme une luciole qu’on ne voit plus dans la nuit. Cette première bouffée me fait du bien. Tout de suite, mon sang se met à circuler plus rapidement, faisant ressortir une certaine rougeur sur mes pommettes. Ça libère un peu. On est installés contre ce mur, épaule contre épaule, à juste profiter du vent frais, et d’une dose de nicotine.

«On apprend pas à un vieux singe à faire la grimace ! »

Un rire m’échappe. Il est vrai que je fume depuis bien longtemps.

Ce ne serait pas le bon terme de dire que la nuit est calme, mais tout de suite, je suis apaisée. On entend les boum-boum musicaux de la boîte, mais de pouvoir être dehors, en bonne compagnie, c’est cool. J’espère vraiment que le barman à mon sac à main par contre.

Un bruit m’interpelle quand je bouge un peu mon pied droit. Click Click. Je baisse la tête, c’est une bouteille de bière vide. Il semble que certaines personnes ont dû faire des after dans le coin, sans nettoyer leur barda. Je me penche pour la récupérer. Il doit y avoir une poubelle pas loin.

«Sérieuuuux les gens ils sont pas propr- OH. T’es chaud d’éclater quelques bouteilles à coup d’éclairs ? On rigolait tellement à faire ça ! »

Bito a un rire mi-gêné mi-amusé, il se sent un peu coupable face aux plaintes de Nana. En effet, il a rarement été sympa lorsqu'elle sortait sa clope devant lui, si bien qu'elle s'était mise à fumer hors de sa vue.

– Eh bien... disons que j'ai grandis. Sort-il comme excuse bidon.

Il noie clairement le poisson, ce n'est pas seulement pour cette raison qu'il fume et boit aujourd'hui. Il y a sa récente dispute avec Elfie qui le tourmente et la lourde responsabilité d'une entreprise qui pèse sur ses épaules, mais il ne veut pas inquiéter Nana avec ses problèmes.

Puis il sourit, amusé quand Nana affirme qu'elle espérait qu'il allume sa cigarette comme un parfait gentleman.
Un calme s'installe, Bito prend quelques timides bouffées de cigarette, ses poumons ne sont pas habitués à la fumée. Il profite de ce petit moment serein, en bonne compagnie de Nana et regarde le ciel, nostalgique. Il se revoit plus jeune, posés tous les deux de la même façon sur le toit de l'institut, à discuter de tout et de rien, loin des problèmes et sans se soucier de l'avenir.

Le bruit du pied de Nana qui rencontre une bouteille, fait sortir Bito de son silence. Il la regarde saisir la bouteille et c'est là qu'elle lui propose un petit jeu qu'ils aimaient beaucoup avant.

– On n'a plus...

Bito s'interrompt, il s'apprêtait à lui dire qu'ils n'ont plus 16ans. Certes, mais ça ne doit pas les empêcher de s'amuser comme à la bonne époque. De temps en temps, lâcher prise fait du bien.

Bito tient sa clope au coin des lèvres, se penche en avant et attrape quelques bouteilles de bière vides de son coté.

– Tu sais que je suis le meilleur à ce jeu. Fait-il avec un regard de défi. J'te parie que j'en éclate toujours plus que toi.

Ils se font donc un petit stock de bouteilles vide et vont se mettre à l'écart pour faire leurs conneries. Bito aligne quatre bouteilles sur le rebord du trottoir, en les espaçant assez pour ne pas qu'un éclair en fauche plusieurs en même temps. Le but du jeu est simple 4 tirs, 4 bouteilles, celui ou celle qui éclate le plus de bouteilles à gagner.

Bito s'écarte poliment, en faisant son gentleman comme le voulait Nana.

– A vous l'honneur, madame.

On n’a plus… ? Je penche la tête sur le côté en attente de la suite mais elle ne vient pas finalement. J’hausse mes épaules en guise de ‘’tant pis’’ et l’observe récupérer des bouteilles. Je prends cela comme un oui. Quelques-unes traînent non loin de moi donc j’en profites aussi pour les prendre entre mes doigts, dans l’espoir qu’elles ne soient pas trop dégueu.

« Pfff j’ai grave repris les entraînements je suis sûre que je te bats cette fois-ci ! Répondis-je à sa provocation, un sourire mesquin aux lèvres. »

Il est vrai que j’étais impatiente étant plus jeune, faut se le dire, le tir à l’arc n’était pas dans mes passions alors ma coordination dans mes lancées n’étaient pas incroyables. Cependant pour la mission qui arrive, je n’avais pas le choix de corriger cela. On ne peut pas être parfait au lancer mais au moins, de pouvoir s’améliorer, c’est bien. On se ramène tout un tas de bouteille puis on se met à la bonne distance pour commencer.

« J’espère que tu réfléchiras à ce que tu me donnes si je gagne, ajoutais-je d’un ton provocateur. »

Qui dit pari, dit gage non ? J’sais pas.
Je suis la première à passer. Ma clope au bec, je prends une grande bouffée suivie de grandes inspirations d’air. J’aurais la haine de me foirer. Quelques flaskbacks avec Nicolas et Aaron. Tout est dans la concentration et le visu. Je plisse les yeux, observant chacune des bouteilles sur le rebord. J’emmène mon énergie se glisser dans mon bras droit, puis ma main, et finalement le bout de mes doigts qui se préparent à lancer les éclairs. Des petits arcs blancs viennent entourée ma main. Je dois penser à un souvenir heureux, quelque chose qui me donne une bonne énergie. Je me laisse allée et finalement, après une dernière bouffée de cigarette, je lance tour à tour mes petits éclairs qui viennent éclater un à un les bouteilles. Un large sourire se pose sur mes lèvres et, oui, je me dandine sur place.

« HIIIIH, J’LE SAVAIS »

Laissez-moi dans ma joie. C’est les plus beaux lancés que j’ai fait dernièrement. Ça fait plaisir et ça me redonne confiance. Une belle preuve que je ne m’entraîne pas pour rien finalement. Il ne manque plus que j’arrive à le faire avec mon couteau et on sera opérationnel. Je continue de faire ma petite danse jusqu’au rebord pour aller installer les bouteilles de mon adversaire puis retourne à côté de lui.

« Bonne chance, lui soufflais-je. »