L’angoisse me tord le ventre, mais j’ai suffisamment d’adrénaline dans le corps pour prendre des décisions qui ne sont pas tout à fait inutiles. Mitsuki a l’air perdue, l’état d’Ys semble l’avoir remuée, ce que je comprends aisément, mais cette constatation ne fait que me mettre plus en colère encore. Tout s’est agité autour de nous, mais Mitsuki reprend ses esprits et parvient à tenir nos assaillants à distance et récupérer une valise, contenant certainement les échantillons en question. Mes doigts manquent de glisser autour du cristal, celui-ci m’échappe plusieurs fois ; mais une fois serré dans ma paume, plus question que je le lâche.

J’inspire, et fais résonner mon énergie avec celle du cristal, comme pour y accumuler mon intention. La gorge serrée, une bouffée de panique m’envahit alors que Mitsuki court vers nous, pour nous rejoindre. La porte cède.

—Mit-

Je l’intercepte et la serre contre moi, sans lâcher Ys de mon autre main ; et bientôt, le chaos de la base s’interrompt, et nous sommes dans la salle des Masters. Ys tombe presque au sol, la téléportation m’ayant fait perdre la maîtrise de la lévitation de son corps, mais j’arrive à amortir sa chute avant qu’il ne l’atteigne. De nombreux regards sont posés sur nous, certains s’écarquillent. Mon souffle est rapide, et je me rends soudain compte à quel point je suis épuisée. Mes yeux perdent lentement leur coloration argentée, alors que je croise ceux de Mitsuki, confus, embués, emplis de colère et d’angoisse.

De mon côté, il me faut bien quelques secondes pour comprendre que c’est terminé, qu’on l’a ramené, que cette histoire, toutes ces emmerdes, au moins pour un temps, sont finies. Puis je fixe à nouveau son moignon, sans écouter ce que dit Mitsuki, et conjure à nouveau l’énergie guérisseuse qu’il me reste pour la faire pulser dans le corps meurtri de son ancien compagnon.

Elle se retire, et je ne peux que la comprendre. J’espère que ça ira, de son côté ; mais à sa place, j’aurais besoin de temps. Je souffle du nez alors qu’Hideko rentre, peu de temps après le départ de Mitsuki, dont je sens pourtant encore l’énergie derrière la porte.

—C’était le moment ou jamais, je souris faiblement à notre Directrice.

Pas besoin de dire merci, ce n’est pas un sacrifice que j’ai fait. Mais le soulagement d’avoir enfin pu mettre la main sur lui… D’avoir enfin pu le retrouver. Tout ça, ce n’est pas rien. Je ne sais pas si ça répare notre échec d’il y a trois ans, mais, de mon côté, ça me confronte encore à l’impression que j’aurais dû faire plus, au moment où Mitsuki a été blessée. Je suis persuadée que c’est à cause de ça qu’il a vrillé, même s’il n’était plus très sain d’esprit depuis un moment.

Je me demande comment les autres réagiront.

Enfin. Norah arrive enfin, et je peux passer la main. Je vais pouvoir rejoindre les bras d’Huo, serrer mon fils entre les miens. Il y a longtemps, Ys n’était pas vraiment un ami, mais quelqu’un que j’appréciais ; aujourd’hui, je ne sais plus quoi ressentir à son sujet. Je me demande comment Mitsu se sent, là, en dehors de cette salle.

Enfin. Les télépathes, et tous les autres Masters présents, se tiennent prêts à le sceller. Je ne m’en mêlerai pas, cette fois encore ; me contentant de sortir de la pièce, en refermant la porte derrière moi, pour me placer dos contre le mur, de l’autre côté de l’encadrement de la porte par rapport à Mitsuki. Sans la regarder, en étant simplement là, comme je l’ai été durant cette mission. C’était ça, au fond, qui m’importait réellement ; ne pas la laisser seule avec ses démons.


HRP : les Masters qui veulent poster à la suite le peuvent, j'imagine !! de notre côté, on a fini, merci pour votre patience

Si elle s'y attendait, Alice reste frappée par l'énergie du Tonnerre lorsqu'il apparait dans la salle. La toute dernière Master s'était impliquée tôt après sa Masterisation sur le cas d'Ys, sans pour autant prendre une place démesurée : c'était un sujet épineux et sensibles pour une majeure partie des Masters. Et pour elle aussi, elle faisait face parfois à sa propre froideur quant à la punition choisie pour lui.

Mais toute cette souffrance visible, sensible, elle se félicite de ne pas avoir demandé à intercepter la connexion télépathique à la place de Keitaro. Elle détache ses yeux du Tonerre pour les poser sur Aoi, essayer de sonder son état. Pas le meilleur de toute évidence. Elle revient lentement sur Ys.

Il a perdu un bras. Elle espère que les scientifiques ne pourront rien en tirer. Puis elle s'horrifie de sa première pensée. Le corps du Master est si abimé, son âme inconsciente si vivace et terrifiée à l'idée de disparaitre, cette étrange dichotomie entre sa partie éteinte et la créature éveillée qui lui est, finalement, familière aux vues de ses fréquentations. Elle aurait presque envie d'entrer en contact avec le Dragon, le calmer comme on apaise une bête blessée. Le rassurer.

Pour mieux le sceller ensuite. Elle connaît mal Ys. Voire, pas du tout. Elle ne le connait qu'à travers les histoires de Terrae et les dires de ses amis. Elle se doute néanmoins qu'il n'est pas du genre à regretter, s'excuser platement et réparer tout seul. Elle ne regrette absolument pas la décision qu'ils ont pris tous ensemble.