__–La pluie. L’élément mortel. La terreur de notre protagoniste.
__–Aylan avait prévu de bosser ses grinds et les accélérations qu’il pouvait donner au moyen de ses capacités aériennes à son skate, mais sa terreur de l’eau avait interrompu ses plans.
__–Pour le moment, seules quelques gouttes s’étaient déclarées, mais une seule était déjà trop.
__–En conséquence de quoi, c’était blotti contre un arbre, bien trop terrifié pour sortir de son abri, tremblant comme une feuille, que pouvait être aperçu Aylan. Et celui-ci ne manqua pas de remarquer l’apparition fantastique devant lui. Par la longueur de ses oreilles comme de ses cheveux et la grâce de son visage comme de sa démarche, il crut rêver, essuya son visage des pleurs qui commençaient à poindre : une elfe, une véritable elfe était là, venait d’apparaître entre les gouttes.
__–Comme Sam, dans les bois de la Comté, qui observait les Eldars s’en aller vers les Havres gris, il l’observait, interdit, captivé par ce qui se déroulait sous ses yeux… avec le secret espoir qu’elle s’arrêtât pour le secourir.

Car Aylan est hydrophobe, il est utile de le rappeler.

__–Elle s’arrêta effectivement. C’était inespéré.
__–« Salut… Je, euh… »
__–Il aurait dû – sans le pouvoir – entrer dans beaucoup de détails s’il voulait expliquer les raisons de sa présence sous cet arbre, de son état et du lien entre l’eau qui coulait du ciel et de ses yeux. Qu’est-ce qu’Aylan pouvait-il dire ? Qu’il avait une profonde terreur de la pluie ? Cela ne faisait pas très sérieux ; un adulte aurait pu l’admettre d’un tout petit enfant qui aurait eu le tiers de son âge, pas d’un jeune adolescent de douze ans. Tout le monde autour de lui semblait se moquer éperdument d’être en contact avec l’eau, aussi lui était-il difficile d’imaginer qu’on eût pu comprendre ce qu’il ressentait à cet égard. Surtout que lui-même n’aurait pas su expliquer pourquoi il ressentait cela. S’il n’arrivait pas à être clair avec lui-même, pouvait-il l’être avec une inconnue ?
__–Néanmoins, maintenant qu’un secours était arrivé, il ne fallait pas le rejeter.
__–Aussi Aylan tendit-il les bras vers l’elfe.
__–« Tu veux bien m’aider ? T’as un parapluie ? J’veux pas être mouillé… »

HRP :

__–« Un peu », c’était là une question de point de vue.
__–Effie connaissait donc Ariana. Aylan redressa la tête a ce nom. Cela n’aurait cependant pas dû la surprendre : tout le monde connaissait la préfet des Eaux, c’était le principe.
__–« Euuuh baaaah j’étais venu faire du skate. Mais… »
__–Oh et puis, tant pis. Ce n’était de toutes façons pas censé être un secret. En revanche, il dit cela avec sa plus petite voix et encore plus recroquevillé sur lui-même qu’avant, si c’était possible.
__–« J’aime pas du tout l’eau… »

__–À défaut d’avoir un parapluie, l’elfe, fort bien nommée ma foi, avait une présence apaisante et réconfortante. Bien assez pour que notre protagoniste s’approchât d’elle et se collât contre son flanc.
__–« J’m’appelle Aylan Raspberry. »
__–Précision importante. Il avait bien vite compris qu’à défaut d’avoir une présence dans sa vie, sa mère avait une aura qui était bien utile à mobiliser par moments.
__–« T’es une vraie elfe ? »

__–Comme escompté.
__–« Ah bah oui Ipiu c’est ma maman. J’habite chez elle. Des fois. »
__–Son déménagement n’avait pas encore été officialisé, ce qui permettait à Aylan de garder son appartement, enfin, sa salle de jeu personnelle – qui lui servait aussi de garde-manger et de planque pour ses divers… ustensiles à la légalité douteuse. Du moins, selon la loi japonaise.
__–Et malgré la pluie, la présence rassurante d’Elfie et le merveilleux suscité par ses véritables oreilles avait réussi à faire apparaître un grand sourire sur sa bouille.
__–Enfin, on ne pouvait pas rester là.
__–« Tu veux bien me raccompagner à l’institut ? »
__–Si possible chez elle et avec des sucreries, était-il besoin de le préciser. L’hospitalité légendaire des elfes, après tout.

__–La suggestion d’Elfie était… un peu étrange. C’était d’être mouillé qui terrifiait Aylan, pas la peur d’être mouillé. Ne plus rien ressentir sous les ondées n’allait rien retirer au fait qu’il serait mouillé. Ceci dit, raisonna-t-il, il était vrai que c’était le contact et la perspective d’un contact imminent avec l’eau, qui étaient la source de son effroi. Il ne ressentait rien de particulier devant une grande étendue liquide qu’il pouvait observer depuis la sécurité du rivage, ou devant une pluie battante à condition qu’il fût à couvert. Tout au plus, un frisson passager à l’idée qu’il s’agissait là d’une sorte de menace et qu’on n’est jamais sûr à cent pour cent d’en être épargné.
__–Et puis de toutes façons, elle n’avait pas de parapluie sur elle. C’était ça ou rien.
__–« Euh ok, je te fais confiance. »
__–Par contre, il allait être exclu de rompre le contact physique. Au moins garder sa main dans la sienne.

__–Aylan n’avait pas une grande habitude des sensitifs, aussi la sensation fut-elle très nouvelle pour lui. Un sentiment très différent de celui qui l’occupait l’envahit. Comme avec tout corps étranger, son réflexe involontaire fut de le combattre, de résister, mais c’était comme si toute envie de le faire s’était évanouie. Un câlin qu’on ferait non à son corps, mais à son esprit ; une étreinte dont on n’aurait jamais voulu se détacher.
__–Aussi, quelque part, le fait qu’aussitôt levée et sous l’eau, Aylan suivit Elfie pour se coller à elle et ne ressentir que la chaude caresse de son contact plutôt que la froide morsure de l’eau, était une réponse suffisante à sa question.
__–Ils pouvaient avancer.