Debout au milieu des arbres, Alice respire calmement et profondément. Elle attend patiemment son élève, ce qui lui paraît toujours étrange comme terme. Cela fait un moment qu'elles s'entraînent ensemble maintenant, mais c'est Alice qui est considérée comme maîtresse dans ce domaine. Maintenant qu'elle est Master, elle se sent un petit poil plus légitime à endosser ce rôle, mais elle a toujours cette certitude que c'est un échange et qu'elle apprend tout autant en partageant avec les autres.

Cette autre, aujourd'hui, c'est Luna. Elle lui avait donné rendez-vous dans la forêt pour pouvoir toucher à tous les éléments qui les concernent tranquillement. Et puis elle avait une idée en tête depuis quelques semaines, qu'elle s'entête à travailler, maintenant qu'elle arrive à ne plus trop activer sa Greffe à tout va... Non sans être passée saluer leur cerisier, à sa Lune et elle, elle s'est enfoncée un peu plus profond dans la forêt jusqu'à une souche, où elle avait précisé attendre l'Etoile.

Après avoir enlevée ses chaussures pour se connecter comme elle aime à son élément, elle lève ensuite les yeux vers les branches des arbres qui l'entourent. Certains sont plus jeunes que d'autres, moins épais, moins ancrés. D'autres ont un feuillage encore un peu touffu pour la saison avec la douceur des jours derniers. Elle s'aide en touchant le tronc d'un des arbres, pour le ressentir, entrer en lien profond avec lui. Le comprendre, fusionner. Elle fait de même avec plusieurs d'entre eux, petit à petit. Elle finit par lever la tête vers leur cîmes, un sourire satisfait sur le visage. Elle ressent les pas de Luna avant de l'entendre ou de la voir. Une fois qu'elle arrive dans son champs de vision, elle pose des yeux anormalement bruns sur elle, en souriant.

« Bonjour Luna. Comment vas-tu ? »

Autour d'elle, les branches des arbres bruissent très doucement, sensiblement. Leurs feuilles se frottent les unes aux autres délicatement. Mais ce qui est certain, c'est qu'il n'y a pas de vent aujourd'hui.

__–Aujourd’hui c’est entraînement avec Alice. Franchement une journée où tu vois que sur ton emploi du temps y’a que ça de marqué, ça peut qu’être une bonne journée. Surtout que ce sera notre premier depuis qu’elle est master. Pas mal de trucs à gérer de nos deux côtés, clairement plus du sien que du mien, mais on a réussi à s’attraper pour se donner rendez-vous. Dans la forêt, évidemment, c’est quand-même l’endroit le plus adapté.
__–Parce qu’on va parler de ça, que je vous présente les deux projets sur lesquels je travaille. D’abord, approfondir ce qu’elle ma montré il y a vlà longtemps – c’était pas à notre première rencontre d’ailleurs ? – sur les vibrations et la terre. L’utiliser comme une extension de mes sens, ou plutôt comme un autre sens, pour sentir à travers elle tout ce qu’il y a à l’intérieur. J’ai cru comprendre qu’elle voyait ça de manière très directe, comme littéralement une extension de ses propres organes. Moi plutôt comme un sonar. Je n’ai aucun passé de sous-marinière – déjà un sous-marin pour moi c’est un concept un peu flou, je vous rappelle que je n’ai, en fait, jamais vu la mer de ma vie – mais ça me semblait plus parlant. Et accessoirement, sonar égal ondes, ondes égal musique, je vous fais pas tout mon raisonnement mais tout ça pour dire que j’arrive bien à appréhender le concept sous cette forme. Accessoirement, ça me permet de combiner avec ma puissance de titanide, vu qu’un impact sur la terre suffit à créer des ondes, donc à donner une impulsion que je n’ai plus qu’à accélérer ensuite.
__–L’autre truc, qui est pas peu lié au dernier cadeau de Nicolas, c’est sur la finesse et la combinaison de végétaux et de terre pour améliorer le contrôle des articulations de mon bras. Jusqu’ici, j’avais une approche limite simpliste : j’utilisais des vignes comme des tendons musculaires, que je faisais croître et décroître pour bouger doigts et poignets, comme on tirerait sur des cordes. Sauf que depuis, j’ai plusieurs cristaux sensitif et tonnerre dans le bras pour contrôler le gant de Nico, qui me permet de retrouver un sens du toucher. Mon ancienne technique n’est juste plus envisageable. C’est que, j’ai plus la place dans mon bras pour tout ce fouillis. Du coup, je me suis concentrée sur des variétés de plantes plus petites, présentes uniquement dans la main et le poignet. C’est pas encore très bien développé, du coup j’ai toujours mon ancien bras à vignes et le nouveau, qui combine gant de Nico et ce nouveau système plus réduit et encore au stade expérimental. Et comme je peux maintenant contrôler la roche, j’ai aussi glissé des pierres dans chaque phalange. Comme je les sens grâce au gant de Nico, je suis en contact avec elle et peut les déplacer, pour améliorer la finesse du mouvement. Bon alors, les inconvénients c’est que ça demande de maîtriser quatre aspects magiques simultanément (cristal tonnerre pour alimenter le gant en énergie, cristal sensitif pour l’activer, contrôle des plantes et contrôle de la pierre) pour réaliser des mouvements qui doivent être complexes, rapides, forts et doux.
__–Autant dire que j’y suis pas encore. Mais ça progresse.
__–C’est d’ailleurs pour ça que je suis là. Avec mes deux bras du moment, un au bout du coude et l’autre dans mon sac à dos.
__–Alice est au pied de son cerisier géant – évidemment. Elle me sourit. Je lui fais coucou.
__–« Salut salut. Écoute tranquille, la famille, les amis, les affaires, le chiot, tout ça. Je t’ai jamais présenté Bob, si ? »
__–Oui parce que depuis qu’on est allé en voler un en France Mitsuki est moi, j’ai un chiot. Longue histoire, ça.
__–« ’faudra que tu passes à la maison un de ces quatre t’en jeter un, j’suis sûre vous allez vous entendre direct. »
__–Est-ce que j’ai remarqué l’absence de vent et le mouvement des arbres ? En vrai non. Mon attention est partagée entre le bordel technique sur lequel je vous ai tenu la jambe un peu plus tôt et le visage d’Alice, que je suis content de revoir. Je me pose au sol.
__–« Alors, c’est comment d’être master ? Tu peux faire quoi de nouveau ? Ça te botte on explore tout ça aujourd’hui ? »

Alice pose son regard sur la Terre, toujours perdue dans les tréfonds de ses pensées, même si elle semble assez concentrée aujourd'hui sur des sujets plutôt complexes et prenant, tellement qu'elle n'entend presque pas de pensées parasites. La particularité d'être Télépathe, c'est qu'au bout d'un moment, on peut aussi caractériser ses amis avec leur mode de pensées courant. Elle sourit doucement et la laisse s'installer. Elle ouvre grand ses yeux l'air surprise.

« Oh non, je ne le connais pas encore ! Je ne savais pas que tu l'avais gardé, ça me ferait très plaisir de le rencontrer. »

Elle sourit en se disant que sa partenaire d'entrainement a une vie bien chargée elle aussi, et qu'elle ne doit pas avoir le temps de trop toucher terre. Elle est heureuse de savoir que tout va bien. Et d'autant plus de la voir toujours plus curieuse de la suite. Elles ont ça en commun. Tous les Terres qu'elle a cotoyé en entrainement ont cette curiosité, elle se demande si c'est commun à chaque élément. Elle s'en doute un peu, connaissant l'intérêt de ses amis pour chaque nouvelle découverte, chaque nouvelle question.

Tous ses amis, sauf les Feux. Alice n'ira pas plus loin dans cette réflexion aujourd'hui.

A la question de Luna, Alice hoche la tête doucement.

« C'est... Beaucoup. Et pas si perturbant, étonnament. La dose de responsabilités est un peu vertigineuse, mais je suis bien entourée. Et puis les pouvoirs sont... Eh bien, sans commune mesure. »

Et ses yeux toujours, Alice lève les yeux vers les cimes, où les feuilles bruissent et bougent aussi fort que ses cheveux restent statiques le long de son dos.

« Et la sensation de connexion est invraisemblable. Et encore plus apaisante qu'avant. »

Elle sourit doucement, et repose ses yeux de nouveaux bleus sur Luna.

« J'ai hâte de voir jusqu'où je peux aller, c'est avec plaisir qu'on peut explorer ça ensemble ! J'aimerai sentir jusqu'où je peux tirer la souplesse d'un arbre. »

Qui n'en a pas particulièrement, en fonction des espèces, on peut parler de flexibilité, mais souplesse... L'éclat de joie dans les yeux d'Alice est caractéristique. Elle a de nouvelles limites à trouver, tester, et dépasser. Et celles-ci sont inimaginables pour son esprit, à porter de main pour son corps, elle peut le sentir.

__–Y’a pas à dire, ça fait du bien de papoter avec quelqu’un d’aussi voire plus posé que moi de temps en temps. C’est pas facile tous les jours d’avoir plein de Tonnerres, de Feux et les Eaux les moins calmes du monde parmi ses potes.
__–La réflexion d’Alice sur les responsabilités qu’elle a maintenant, ça me fait penser, c’est quoi sa relation avec ses pouvoirs, maintenant ? Je veux dire, quand t’es jusqu’à Étoile, le discours dessus, c’est plus l’expérimentation, la découverte, de soi avant tout, par sa magie. Mais quand t’es master ? Ton destin devient totalement lié à Terrae. T’es plus juste un résident à qui on demande un minimum de participation à la vie économique. Et puis, le principe, c’est pas un peu qu’une fois master, son Vide est comblé ? Du coup je me demande, là on va s’exercer clairement pour découvrir les possibilités, d’accord, mais après ? Est-ce que pour Alice, ce sera de la recherche pour sa curiosité personnelle ? Pour l’Institut ? Pour une question de responsabilité ? Pour en être digne ? Probablement un peu tout à la fois, m’enfin quand-même, ça change pas mal de choses sur l’orientation de ce qu’on veut faire.
__–Enfin, elle et moi avons laaargement le temps de se les poser, ces questions. (Moi un peu plus qu’elle, notez.)
__–Sinon, j’essaie de voir ce qu’Alice veut dire sur cette histoire de connexion. J’imagine que son côté télépathe rend tout ça plus évident. C’est pas forcément la première image que j’ai quand je pense à ma magie… Forcément, c’est plus une question de puissance. Enfin, de potentiel, pour être exact. Quand je regarde une petite graine, je me dis qu’il y a un arbre immense et solide qui s’y cache. Quand je regarde de la terre, ça m’évoque plus une masse énorme, voire une secousse, un séisme, un glissement de terrain. Ce qui ce passe si ça bouge, quoi. Y’a de quoi se sentir humble.
__–’fin bref.
__–La souplesse, hein.
__–Oui, maintenant j’ai capté que les feuilles ne bougeaient pas avec le vent.
__–Je prends un petit moment pour regarder l’environnement autour. Okay. Ouais okay. Ah oui d’accord, c’est donc ça la puissance d’un master.
__–« C’est fou, sur ça aussi on a pas du tout la même approche. »
__–No shit.
__–« Quand je manipule des plantes, j’ai plutôt l’impression de manipuler le temps. De les faire passer de toutes jeunes à plus vieilles, puis plus jeunes, puis plus vieilles et ainsi de suite. C’est comme ça que j’arrive à reproduire des articulations, d’ailleurs. Ça s’allonge, ça ce contracte. C’est leur étape dans leur croissance qui change, c’est tout. »
__–Ça me semblait plus logique de faire comme ça. Ça me semble toujours plus logique. Je prends une branche qui se trémousse de la main gauche. La maintiens droite. Elle ne bouge plus. Je lui insuffle un peu l’énergie pour la faire décroître et là, j’ai beau la maintenir avec ma poigne de titanide, elle s’en fout, elle m’échappe. Si je forçais vraiment, elle s’arracherait ou déracinerait l’arbre, plutôt que de ne pas se contracter.
__–« Tiens, ça me donne une idée, j’ai bien fait de les ramener. »
__–Je sors mon ancien bras de son sac plastique et le tend à Alice.
__–« Bras de fer chinois ? Si tu veux tester la souplesse, la vitesse et un peu la force quand-même, ce sera un super bon exercice. Je ferai pareil avec le mien et comme j’peux pas activer le titanisme dans mes doigts de métal, ce sera un match équitable ! Par contre, j’me réserve le droit d’utiliser mon cristal, comme t’es quand-même master. »
__–J’pense qu’on peut pas faire plus titan comme idée d’exercice que ça.

Alice sent l'Etoile se poser tout un tas de questions en suivant la réponse à la sienne. Les responsabilités qui viennent avec le statut de Master sont multiples et considérables. Alice est assez sûre d'elle en pensant qu'elle n'a jamais eu de responsabilité aussi lourde de sa vie, et pourtant, ça ne la change pas tant que ça. Elle explore toujours les limites de ses capacités avec une immense curiosité, et elle met en application tous ses savoirs pour aider les autres quand elle le peut. Au final, la seule chose qui change vraiment, c'est l'ampleur de ces deux paramètres.

La Master laisse le temps à Luna de regarder autour, de prendre conscience de ce qui se passe. C'est amusant, parce que ce n'est que le début de l'exploration de sa puissance. Alice sent bien qu'elle pourrait aller plus loin, vraiment plus loin, plus fort aussi. Elle pourrait sûrement à terme, faire bouger en entier ces êtres immobiles. Elle pourrait même peut-être, le faire pour plusieurs d'entre eux. Longtemps. Tout ça, en prenant soin de ne pas les perturber outre-mesure. Ils sont vivants, il faut bien les accompagner correctement. Et puis Luna lui explique l'approche différente qu'elle a, comment elle perçoit les plantes et sa façon de les manipuler. Le sourire d'Alice s'agrandit : elle a longtemps ressenti ça comme ça, et continue encore, d'ailleurs. Le temps, oui, le temps de vie, plus précisément dans son cas. Elle avançait l'âge, la maturité d'une fleur, sans lui retirer le temps qu'il lui restait particulièrement. En lui permettant d'en avoir plus parfois. Mais c'était l'idée, à l'origine.

« Je n'irai pas jusqu'à dire que nous n'avons pas du tout la même approche, mais elle diffère en quelques points, effectivement. Quand je me connecte à une plante pour la sentir en entier, je cherche à sentir ce qu'elle est vraiment, ce qu'elle est maintenant, et pas ce qu'elle est potentiellement. Pas ce qu'elle était ou sera. Je me base sur ça pour ensuite explorer les potentiels. Quand j'étais Etoile, je ne sentais pas la possibilité de pouvoir modifier ce maintenant. C'est tout nouveau, et ça fait partie de ce côté... Encore plus connecté. »

Tout en parlant, j'observe Luna jouer avec les plantes, les faire rivaliser avec sa force extraordinaire. C'était effectivement une toute autre façon d'apprendre. Le côté Télépathie d'Alice joue sûrement en faveur de cette connexion qu'elle ressent. Elle est quasi en permanence en lien avec le vivant et l'inerte autour d'elle. Si elle ouvre ses sens, ses pouvoirs, elle ressent physiquement et mentalement presque tout son environnement. Il y a de quoi parler de connexion.

Et puis Luna lui tend un bras, son ancien bras, et le tend à Alice, qui la regarde un peu curieuse, sans arrêter de sourire, avant d'attraper délicatement la bricole. Et quelle bricole. Elle propose un bras de fer.

Seules deux personnes ont déjà proposé un bras de fer à Alice avant ça. Senri, et Athéna. Est-elle surprise que Luna s'ajoute à la liste ? Pas tellement, vu la liste de points communs facilement dénichable entre ces trois énergumènes.

« Laisse-moi juste le temps de... »

Dans ses petites mains fermes, le bras de Luna s'active doucement, suivant les feuilles de lierres du bras. D'autres les rejoignent, et du cresson viens renforcer les jointures, les espaces trop petits pour qu'une tige de lierre ne soit pas gênante.

« Donc je n'ai qu'à manipuler les plantes pour le faire réagir, et aller à l'encontre du tien, c'est bien ça ? »

Les yeux clairs de la Terre se posent dans ceux de Luna, elle sourit, sereine et enthousiaste. Elle a l'air simplement curieuse de manipuler un nouvel objet et de tester le mouvement avec une sacrée aide.

« Je te promets d'essayer de ne pas le briser. »

Pas de ne pas le briser tout court. Elle est face à une Titanide, autant en profiter.

__–Ce qu’elle est maintenant… Ça me rassure qu’elle dise qu’elle ne ressentait pas ça du tout quand elle était Étoile, parce que, ben, moi non plus en fait.
__–Enfin, assez de philosophie, parlons défi physique. Donc là, Alice prend mon bras et… Ah bah oui je prends des notes hein. Sa manière de faire est assez ingénieuse, mais je me suis vite rendue compte qu’elle était très limitante. Si vous voulez, un muscle, c’est composé de plusieurs fibres, d’accord ? Qui sont en fait comme des espèces de tiges. En principe, on peut utiliser autant de vraies tiges. J’avais cette idée, qui fait du coup très dans la proximité avec le corps humain, mais j’ai dû l’abandonner très vite. Ça aurait voulu dire contrôler une quantité juste énorme de plantes en simultané et de coordonner leurs croissances. Un autre planque j’avais testé était de faire des divisions. Une seule racine, qui se diviserait en autant de tiges que nécessaire par muscle. J’ai eu quelques résultats intéressants, mais ça demandait de faire que chaque division ait exactement la même vitesse de croissance et de décroissance, pour que le muscle végétal se contracte et se décontracte correctement. Un peu au-delà de mon niveau. Du coup je me suis contentée de considérer les plantes plutôt comme des pistons qui actionneraient des doigts fixes.
__–Pas étonnant qu’Alice puisse utiliser cette approche les doigts dans le nez. Surtout que maintenant, elle en a quinze. Je peux même pas en dire autant pour le tiers.
__–« On verra pour un vrai bras de fer après… Déjà, tiens-le à la base des deux mains. »
__–Je glisse mes doigts en métal dans du coup les siens, pouce levé, pour avoir la posture du bras de fer chinois.
__–« Tu connais la règle, on essaie de bloquer le pouce de l’autre, si on y arrive, on compte jusqu’à cinq et si on l’a maintenu aussi longtemps, on gagne. »
__–Je commence à activer mon cristal. Mon pouce, qui faisait un peu tétraplégique jusque là, devient presque aussi agile qu’un vrai. Je le contrôle avec des plantes, mais aussi avec des pierres que je fais bouger avec mes pouvoirs Terre. Ça demande beaucoup d’énergie et de concentration pour être précis et pointu… Enfin là ça va, j’ai juste à maintenir la prise avec le reste de ma main, c’est loin d’être aussi compliqué que de casser un œuf sur le rebord d’une poêle ou de faire rouler une pièce entre mes doigts.
__–« Un, deux trois… C’est parti ! »

HRP :

La Terre rive ses yeux sur le bras et s'amuse un instant à ressentir, se lier à la sensation qu'on les plantes qui naissent et rapetisse, en écoutant leur mouvement, leur force, en dirigeant légèrement les directions pour écarter ou resserrer les doigts. Juste le temps de se connecter, de comprendre le mécanisme. Et puis Luna commence à lui donner des directives qu'elle effectue immédiatement. Elle place ses mains à la base du bras, l'équilibre en plus précaire, sans être trop lourd, l'objet n'est pas fait pour porté à bout de bras.

Et l'Etoile propose un bras de fer de pouce. Alice sourit, les yeux pétillants d'amusement et de curiosité comme une enfant. Tout ce qui se passait, c'était terriblement amusant. Elle hoche simplement la tête, bouge le bras de façon à prendre la main de Luna. C'était étrange, elle ressentait de loin comme une extension d'elle-même et comme si elle était les doigts à la fois. La maitrise de Luna est impressionnante, forgée par l'habitude et une bonne dose de travail et d'éducation de son propre pouvoir. Alice le sent, son pouvoir résonne avec le sien d'une façon qu'elle n'avait pas jamais ressentie auparavant non plus. Elle ne peut pas deviner ce qu'elle va faire, simplement sentir ce qu'elle fait au moment.

La jeune Master se concentre et au top, tente d'attrape le pouce de l'autre bras métalique. Elle évite plutôt bien au début, lance quelques initiatives, touche le pouce sans jamais réussir à vraiment le plaquer. Elle se débrouille mieux que prévu, ses plantes grandissent et rapetissent à une vitesse assez impressionnante, elle tente même de nouveau de diriger directement la direction des plantes en en entourant les doigts de métal pour s'aider dans la précision des mouvements. Mais elle sent bien que Luna s'en sort mieux. Pourtant elle lutte jusqu'au bout, même lorsque Luna, implacable, réussit à coincer son pouce, tentant vainement de s'en sortir. Elle se met à rire et reconnait sa défaite.

« Bravo, belle victoire. J'aurai tenté de m'en sortir, mais tu maitrise tout de même mieux que moi. »

Pour l'instant, c'était un défi que la petite Terre avait bien l'intention de travailler.

HRP:

__–Ok elle est bonne.
__–Et bonne. (Non mais, j’ai des quotas à respecter, vous comprenez. Déjà, je le dis pas à voix haute, grande amélioration.)
__–En fait, c’est un peu bizarre à voir ? Genre, Alice c’est quelqu’un… qui a des expressions faciales hein, mais elles sont… c’est comme si… C’était très adouci, voire, poli comme une pierre, vous voyez ? Tellement que, si je savais pas, enfin, si j’étais pas totalement persuadée qu’elle est pas plus honnête que, euh, je sais pas moi, Bouddha, j’aurais l’impression que ça manque de sincérité sur son visage. Y’aurait une petite voix derrière ma tête que se dirait en permanence…
__–Je la fais pas chier avec mes conneries, là ?
__–Mais du coup, non. C’est bien.
__–Je m’attendais à ce qu’elle oppose une forte résistance, voire m’étale. J’ai quand-même pas été déçue. Là, il faut se figurer que je suis, pour assister les mouvements de mes plantes, à exosquelette métallique + pierres + cristal + années d’expérience. Alice, elle arrive, prend la technique la plus difficile à maîtriser, la teste pour la première fois de sa vie et oppose une sérieuse résistance.
__–L’écart de niveau est intergalactique. Ça me souffle. Et ça ce voit sur ma tronche.
__–« … Hé ben, magnifique défaite, quand-même. Hé, tiens, t’sais quoi, ça me fait penser à un truc. Est-ce que tu pourrais. Voir si ça fonctionne. J’ai toujours voulu tester ça, mais je te raconte par la giga galère de coordination. Attends attends. »
__–Je sors mon téléphone, passe sur DuckDuckGo Images, tape un truc et lui montre… une photo du général Grievous, avec ses quatre bras déployés. Oui. Je suis extrêmement sérieuse. J’ai ma tête sérieuse, là.
__–« Ça te botte on fait ça ? T’en as déjà trois, prends l’autre mien en plus. »
__–Je détache mon propre bras.
__–« Ça va être assez lourd et il faut que ça tienne sans utiliser les pouvoirs pour les maintenir en suspension quand ils sont au repos, tu vas déjà devoir mobiliser assez de magie comme ça sur leur contrôle. Ça veut dire faire un harnais. J’ai des graines d’un lierre bien solide que j’ai mis au point juste pour ce genre de trucs, après il faut juste quelques pièces de bois qu’on fait pousser aux bonnes dimensions pour avoir une structure dans ton dos, sur lesquelles on fixera les deux autres bras, sous tes épaules. D’ailleurs, là j’ai que les avant-bras, pas le reste, il va falloir le créer, mais à deux, tranquille, c’est carrément à notre portée. Si ça fait vraiment trop lourd… T’as déjà expérimenté le pouvoir titan ? J’peux te filer un cristal, j’en ai toujours un sur moi. »
__–Des fois que j’aie besoin de soulever deux bagnoles en même temps ou d’ouvrir un bocal à cornichons. Non mais écoutez, j’pense qu’un utilisateur de magie devrait toujours se balader avec des cristaux. Sauf les Tonnerres. Et les Feux. Mais surtout pas les Tonnerres.

Même si on le rappelle souvent, on oublie vite qu'Alice sait. Si ça passe dans votre tête, elle sait.
Et ce qui est tout aussi oubliable, c'est qu'Alice ne relève jamais. Ou alors, très peu. Et cette fois ne fait pas exception à la règle, pour une raison plutôt logique. En vérité, Alice sait qu'elle est expressive, elle sait aussi qu'elle est douce. Très douce, trop pour certaines personnes. Et que parfois, on peut penser qu'elle n'est pas plus enjouée que ça par les propositions qu'on lui fait, voire même ennuyée. Mais on ne la refera pas, elle n'est ni Tonnerre ni Eau, elle est bien Terre, imperturbable et concentrée même dans ses passions. Et ce n'est ni la première fois ni la dernière fois qu'elle perturbe. Avant même d'être Télépathe, elle le savait, son pouvoir n'a fait que le lui confirmer, d'année en année. Et cette fois comme toutes les autres, Alice fait comme s'il ne se passait rien.
C'est peut-être pour ça que peu de gens ont peur d'elle ou sont mal à l'aise en sa présence. Egalement pour ça que son meilleur ami l'appelle Professeur Xavier et se persuade un peu plus chaque jour qu'elle va dominer le monde. Et évidemment, Alice le sait.

A la fin de leur combat, Alice perd mais se rend vite compte de la difficulté qu'elle a imposé à Luna, et de l'étendu de son pouvoir. C'est son premier essai, cela fait à peine quelques secondes qu'elle manipule l'objet. C'est donc ça aussi être Master. Luna la félicite de nouveau et Alice lui adresse un immense sourire ravie. Perdre n'est manifestement pas un souci chez elle, ni même une épreuve à surmonter.

« Merci beaucoup. »

Luna se met alors en tête de montrer quelque chose à Alice. La jeune femme se rapproche pour regarder le télépghone de l'Etoile et y découvrir l'image d'un cybord à quatre bras. Elle penche la tête sur le côté, interrogative. L'idée, c'est de lui implanter les bras ? Elle écoute la proposition de Luna qui se déroule presque aussi rapidement que ses pensées avec toute son attention et ne le cache. Elle ne la quitte pas des yeux, et suit jusqu'au bout. Pour qu'au final, un sourire amusé se dessine sur ses lèvres, et comme une enfant qu'on aurait convaincue, fait oui de la tête.

« D'accord. »

Le harnais que lui décrit Luna prend forme dans son esprit, qu'elle partage en vision avec elle après l'avoir prévenue qu'elle lui envoyait une image mentale. Elle n'est pas encore assez proche d'elle pour les lui envoyer naturellement dans un contexte comme celui-ci comme elle le ferait avec Nicolas ou Ariana. Sans même parler d'Adé. Elle récupère les graines dans sa main, laisse vibrer la nature du lierre dans son corps un instant en fermant les yeux.

« Je te laisse me dire la taille des planches, je peux les créer si besoin. »

En même temps qu'elle parle et que ses yeux clairs se rouvrent pour croiser ceux de Luna, c'est presque sans effort que les graines germent et recouvrent le haut de son corps en laissant des espaces évidents. Une espèce de lianes sort de son corps pour consolider le tout, de la création spontanée de la Master.

« Je te dirai avec les planches si c'est trop lourd. »

Elle ne répond pas à la question sur le Titanisme par les mots, seulement pas la confiance qu'elle dégage.

__–Hé bah c’est parti.
__–(Comment elle fait pour donner l’impression d’être un moniteur de colo qui parle à un enfant d’accord pour jouer à ton jeu et un apprenti magicien qui a reçu l’aval de la grande prêtresse du temple, sérieux.)
__–Ok, du coup pour le harnais, j’avais imaginé waaaaaaah attendez. Ok. Les télépathes. Oui. J’oublie que ça reçoit et que ça émet. Même en étant au courant, ça fait bizarre. Non mais en même temps, ils sont trop polis, ces gens :
__–« T’ain ça trouble, c’est la première fois qu’on rentre dans ma tête, en vrai. Enfin. Et que je suis au courant. Ok. Oui. Non, c’est top. Je vais juste modifier deux-trois détails. »
__–J’observe Alice faire croître les plantes. Quand elles arrivent dans son dos et les angles morts de sa vision en général, je passe mes mains dessus pour le manipuler et qu’elles s’enroulent, se densifient, se solidifient. Elle est pas grande, mais elle va gérer grave.
__–« On est pas mal là, c’est assez serré… Ça te gêne pas ? Je te laisse faire pour le bois, j’arrive pas à manipuler des végétaux aussi… denses, quoi. Enfin, je peux en faire pousser, mais manipuler le bois directement, j’ai pas ce niveau. »
__–Oui, c’est complètement une invitation à faire la meuf avec ses gros pouvoirs de master. Hé. On est là pour ça ou on est pas là pour ça ? On puis, je vais m’occuper à tisser les avant-bras des deux membres qu’on va lui greffer dessus. Ça. Va Être. Trop méga cool. C’est son truc, le contrôle des grosses plantes, elle veut jouer avec les végétaux ? Hé, c’est elle qui m’a dit, pour exercer ma terre, de devenir la terre. (Ou de faire que la terre devienne une partie de moi. Mais ça revient un peu au même.) Du coup, contrôler les plantes ? Ok. Plus facile si t’es une plante parmi d’autres. Oui, non, c’était pas juste pour le kif d’avoir Général Alievous, il y avait une vraie idée derrière, oh.