Timeline : Post-Centre - disons fin février- Parce que mai... ça fait loin.

Je vais mieux. Après tout un long moment de guérison et de repos, je porte encore des bandages bien sûr, mon énergie est revenue correctement et mon sceau a bien été remis. On reprend le quotidien de Terrae, nouveau job, nouveaux amis, nouveaux évènements. Je me suis calmée un peu sur la boisson, enfin, je bois moins jusqu’à me faire vomir, c’est déjà ça.

Aujourd’hui, c’est congé, pas de boulot alors je décide de passer ma soirée au bar avec une amie. La journée fut tranquille, repos le matin et nettoyage de chambre, entraînement l’après-midi et là, je suis avec ma pote. Enfin. Elle est sur le point de partir, elle doit se lever tôt demain. On passe notre soirée à discuter de tout et de rien autour de quelques bières.

Il me semble… Que c’est la première fois que je revois Luna depuis la mission. Depuis que je l’ai vu partir en soins à l’hôpital en même temps que tout le monde. Ce fut tout un chemin tumultueux pour nous tous par la suite. On avait tous besoin d’un moment dans son coin je pense pour s’en remettre. En rentrant dans le bar, je l’avais salué d’un geste de la main, elle était occupée alors je me suis dit que je viendrais lui causer un mot quand ce sera plus calme en fin de soirée. Ça me saoulerait de me faire tirer par l’oreille et de me faire mettre dehors parce que je l’empêche de travailler. Et puis, une mission ça change quelqu’un. Ça nous a tous changé à quelque part. Quand est-il de Luna ? Elle a l’air normal. Rien à signaler. Tant mieux.

Au bout de quelques bières, mon amie se décide à se lever. Mais ça ne me tente pas de rentrer chez moi tout de suite, je veux au moins savoir si Luna va bien. Alors, je dis bye à ma pote et reprends une nouvelle bière. Une rousse tiens. L’alcool me détend, elle rougit mes pommettes. Bon, faut se le dire, j’ai un coup dans le nez mais c’est clairement pas le pire que j’ai eu. Je me sens bien dans ma peau. Je me demande depuis combien de temps je suis là, dans ce fauteuil au coin de la pièce. Il est confortable. Est-ce que je suis mieux d’attendre jusqu’à la fermeture ? Je ne sais pas quelle heure il est.

Du regard, je cherche Luna, quand nos regards se croisent, je lui offre un large sourire et lui refait un signe de la main, espérant qu’elle a un moment à m’accorder pour venir me voir.

__–Rien à signaler, oui… à part ma canne, quoi. Heh. Nan mais ça va, j’ai installé une chaise de gamer derrière le comptoir et m’en sers comme d’une sorte de fauteuil roulant pour faire des aller-retours entre les bouteilles et les clients. Kaiko et Katsuyo sont de salle presque tout le temps du coup – ben oui, pour porter des commandes, ne pas boiter, c’est mieux –, mais elles sont super sympa, ça a pas l’air de trop les déranger. Elles m’ont demandé x fois de me faire remplacer. Je dis toujours non. Héo, ça va la tête ? Je fais quoi, moi, si je peux plus me concentrer sur autre chose que les images de massacre dans ma tête et les douleurs fantômes dans ma jambe, en plus de celles dans mon bras qui reviennent alors que ça fait plus de deux ans qu’elles avaient disparu ? Hmm ? Vous savez pas ? Ben moi non plus. Moi non plus.
__–Bref.
__–Tout ça pour dire, c’est pas parce que je donne l’impression d’aller bien que je vais bien.
__–Nana a décidé de passer la soirée au bar, aujourd’hui. Je l’ai déjà vue à son nouveau taf à la boîte de nuit. Pouah, déjà que je la trouvais sexy, mais alors, quand elle fait la gros bras avec son eyeliner et sa posture de grosse balaise, avec les muscles qu’elle a gagné dans les entraînements pré-missions, rohlàlà. Comme quoi, ce qui ne nous a pas tué a au moins rendu certains d’entre nous plus forts.
__–Pas mécontente qu’elle en fasse partie.
__–Ah tiens, elle me fait coucou. C’est qu’il est presque temps de fermer, Katsuyo sert les dernières consommations et indique aux clients qu’il faudra bientôt décarrer. Ce qui veut dire que j’ai plus rien à faire pour le moment, je peux la rejoindre. Je me lève, attrape ma canne et claudique jusqu’à elle.
__–« Salut Nana, comment ça va ? On s’voit pas assez souvent, ’faut arranger ça hein. »

Je déguste ma bière rousse, on approche doucement de la fermeture apparemment. Je vois les employés qui se bougent pour finaliser leurs tâches doucement. Il est si tard que ça ? Je pense qu’avec mon emploi de nuit, j’oublie un peu cette notion et je suis décalée. J’observe Luna avec sa canne qui s’approche. Oui, c’est vrai qu’elle en avait pas une avant. Les dégâts de la mission transparaissent un peu plus sur elle contrairement à moi et mes bandages sous mes fringues. Malgré tout, elle est toujours aussi attirante. C’est moi ou l’alcool qui me dit ça ? Les deux sûrement.

« Salut Lunaaaa ! Commençais avec un sourire aux lèvres. Carrément ça fait un moment hein ! Tu m’as manquééé ~ »

Contente de savoir qu’elle a un petit temps de libre pour qu’on discute finalement. On sait jamais elle aurait pu être débordée avec d’autres tâches importants de management.

« Oh bah on fait aller pfff, je guéris tranquillement comme une petite warrior haha et toi ? Comment tu vas ? »

J’hésite à lui proposer de s’asseoir, peut-elle rester longtemps debout ? Ou elle a peut-être marre de rester assise au bar ? Je ne le sais pas. Je joins mes mains autour de mon verre, prenant une nouvelle gorgée. Je repense à son état quand on l’a trouvé pendant leur mission. Aaron a fait du beau boulot à tous nous transporter à l’hôpital. Si je n’avais pas réussi à téléporter l’équipe de l’autre côté… Qui sait ce qui aurait pu arriver. Je sais que c’est une femme forte, elle est Titan quoi, mais on sait jamais. La dernière fois qu’on s’est vu, on n’était pas sûre de se revoir du tout… Bon, je me lance.

« T’aimerais t’asseoir un peu avec moi ? »

__–Ah, les Tonnerres.
__–Heureusement qu’ils sont là, quand-même.
__–« Ouais, tu m’as manqué aussi. »
__–J’ai un sourire tranquille. Je m’assieds à côté d’elle. Canne ou pas canne, c’est toujours mieux d’avoir le cul posé quelque part.
__–« Comment je vais, on commence direct par les questions pièges ? Hé ben. Nan, en vrai… »
__–Je regarde le vide un petit moment. Je lui raconte quoi ? Mes insomnies, que je passe à mater le plafond, à travers la vitre, à marcher dehors dans le froid ? Que même si je revois les tripes qui volent, les explosions et les tirs, que j’ai encore mal partout, c’est fou hein, mais j’ai qu’une seule envie c’est d’y retourner ?
__–Ouais. Nan.
__–Je hausse les épaules.
__–« On fait aller. Et toi, alors ? T’es officiellement passée de petite initiée au chômedu à étoile chargée de surveiller les feux en chaleur ? Non parce que, j’y suis pas allé souvent mais j’imagine qu’il doit y avoir surtout ça, à ta boîte de nuit… D’ailleurs… »
__–Je regarde à droite à gauche.
__–« Loin de moi l’idée de relancer mon trafic, hein… Mais ça s’passe comment niveau conso de drogues, à l’intérieur ? Non mais c’est parce que… J’ai comme l’impression que les masters vont serrer la vis et j’voudrais pas que des couillons mettent tout le marché dans la galère. La beuh ça passe encore, le LSD ou le MDMA tu vois tout de suite, je pense qu’ils seraient moins chauds. Puis tu sais comment c’est… On prend l’excuse d’une drogue qui passe vraiment pas pour taper sur tout, même ce qui passait. Alors, si tu sais des trucs… tu me le dis, on voit ce qu’on peut faire, on s’arrange entre nous, tu vois c’que j’veux dire ? D’une professionnelle à une autre. »

De savoir que je lui ai manqué, ça me fait sourire. Bien, ce ne sera pas une soirée où elle va rouler des yeux en me regardant, désespérée de moi. HAH- Je lui laisse le temps de me répondre tandis qu'elle vient s'asseoir. Elle semble être à la recherche de sa réponse. Je sirote en attendant, observant les alentours. Je peux comprendre. Demander si ça va après un retour de mission, je l'avoue que je détourne la question souvent. On le sait que ça nous a tous brisé de l'intérieur. Mais on a pas envie de le mentionner, ou parfois de répondre ''ça va'' on ne le pense pas forcément.

''On fait aller'', pas besoin d'une formule mathématique pour comprendre. On tente de se reconstruire, d'aller de l'avant, loin du champ de bataille. Un rire m'échappe à l'énonciation des Feux. Puis j'écoute. Je fronce un peu les sourcils parce que, la consommation de drogues est un sujet lourd dans la politique de la boîte. On tente d'éviter qu'il y en ai trop. Du moins quand on en choppe. Y a toujours quelques gugus trop surexcités qui sont mis dehors parce qu'ils ont les pupilles tellement dilatées, on dirait qu'ils vont aspirer l'univers.

« Ouais je peux te dire que de baby-sitter les Feux... C'est du boulot mais y a pas qu'eux qui donnent du fil à retordre je dirais, riais-je. »

Je marque une légère pause en claquant ma langue contre mon palais.

«  Pour le moment, c'est beaucoup de la beuh je dirais hm. Quelques personnes avaient l'air de prendre autre chose mais j'ai pas tant investigué c'est plutôt mes collègues mais... hm... Si j'entends des trucs, je te laisserai savoir. Après si tu te fais chopper, ce serait trop triste Luna. S'ils serrent la vis et tout... Mais t'façon les pilules, la coke tout ça... je comprends pas ce que les gens aiment là-dedans. »

Je suis une petite consommatrice d'herbe alors, oui, je comprends l'optique du marché et de l'accès, moi-même j'en prends. Bon après leur truc de LSD et tout... Pas ouf.

«  Je kiffe mon boulot alors je compte bien le garder. Après parfois je fais du service en salle hein! Les pourboires peuvent être généreux mais ça dépend de ma tenue j'ai remarqué... Bien évidemment, dis-je en roulant des yeux. Mais de faire l'un ou l'autre, c'est cool. Comment ça se passe au bar en ce moment? »

__–Je hoche la tête.
__–Non mais, vous rigolez, mais contrôler le trafic, on faisait pas mal ça, à Manaus. Vous croyez que c’est pour des raisons morales que par chez moi, l’héroïne ou autres, on tabassait ceux qui en trafiquaient et on balançait leurs stocks dans le Rio Negro ? (J’vous dis pas la gueule des poissons… Enfin bref.) Parce que, autant la weed, les champis, le LSD et toutes ces conneries, la police va pas s’emmerder pour si peu, autant l’héro, les armes lourdes, hmm, ça met une mauvaise ambiance, ça cause des problèmes.
__–« Tu me dis, si t’as besoin d’aide de ce point de vue là, hein. Avec le nombre de gens pétés de la tête à Terrae et vu qu’on taffe aux deux plus gros distributeurs de trucs qui peuvent empirer les problèmes, ’faut qu’on fasse gaffe. »
__–Pourquoi vous croyez que j’ai un tableau où je note les clients interdits. C’est pas parce que j’aime pas leur gueule, c’est pour leur protection.
__–Et autre sujet, ça, les tenues…
__–« Ouais, après ça va, je t’ai jamais vue mal sapée. »
__–Même quand elle fait pas d’efforts, elle est mieux que quand j’en fais, c’est dire.
__–« Écoute, ça ce passe bien. Je peux plus trop bouger et porter de trucs, forcément, donc je reste surtout au comptoir, mais en vrai on a pas mal d’affluence là, je m’ennuie pas non plus. J’ai recruté une petite jeune pour me remplacer et j’vais peut-être remettre ça. On a eu un projet avec les filles d’ouvrir une brasserie. Le boulot que ça demande, t’imagines pas… »
__–Enfin, on parle boulot, mais ça va bien deux minutes. Passons aux choses sérieuses.
__–« Et alors, on te drague beaucoup j’imagine… Mais y’en a qui te plaisent ? »
__–Pas de tabous entre nous, hein.

Bah oui faut qu'on fasse gaffe. Imaginez un pic de cockaïne ou de je sais pas quoi de pas bon à Terrae... Sous drogue, le nombre de meurtres ou d'accidents qu'il y aurait...

« Ça marche! »

Si elle veut les éliminer, je l'en empêcherai pas. Nan parce que bon... Sécurité avant tout. Sous des effets indésirables de la drogue, un mec ou une meuf avec des pouvoirs... Non merci pour avoir un Requiem for A Dream ici version X-MEN.

« Ah- c'est gentil merci! 'Fin parfois je suis vraiment flemmarde mais par moment, j'essaye de faire un effort,  dis-je avec un large sourire. »

Nan parce que parfois... 'fin j'essaye de ne pas me laisser à devenir une clocharde. Quand la flemme est là... elle est là... Elle semble allez bien quand même malgré ses difficultés de mouvement. Je sais qu'elle n'aime pas tant ne rien faire dans son bar, elle aime ce qu'elle fait et je la comprends.

« J'imagine ça doit te saouler de rester longtemps au comptoir... Mais t'as l'air de bien aller et ça fait plaisir. C'est tellement un beau projet une brasserie! Ça ferait un tabac je n'ai aucun doute vu comment tout le monde aime le bar! Clairement je peux pas imaginer la tonne de boulot haha mais je te soutiens! Je suis sûre que vous arrivez à faire un super endroit, est-ce que ça remplacerait le bar ou ce serait comme une deuxième localisation?  »

Nan parce que ce serait TROP cool. Une brasserie. Je crois que j'irais y manger tous les jours. Les endroits comme ça, c'est trop bien et puis en plus si c'est Luna qui gère, je n'ai aucun doute envers mon amie qu'elle va gérer ça d'une poigne de fer et surtout que ce sera génial. Déjà, je connais peu de gens qui n'aiment pas son bar, que ce soit l'ambiance, la bouffe, les boissons... Les décos, les thèmes, enfin tout quoi. J'hausse les sourcils soudainement face à ce changement DIRECT de sujet.

« Oh bah c'est les clients hein alors bon... On sourit pour avoir du pourboire hahaha.  »

Si y en a qui me plaisent-

« Naaaaaaaan mais en vrai OK hein y en a qui sont mignons après j'évite les clients sinon je vais finir par me faire virer! Après c'est sans plus... Bon je fréquente par ci et là pour des one-night mais franchement, bof.  »

J'ai le cœur ailleurs en vrai. Mais je vois du monde dehors. Je couche par ci et là pour oublier ma peine de cœur que je n'arrive pas à alléger vraiment. Qui me pèse. Mais dont je m'oublie dans la nuit.
Je penche la tête.

« Et toi? Y a quelqu'un qui t'a tapé dans l'oeil dernièrement?  »

Non parce que bon, ton tour quoi. T'as amené le sujet sur la table, je t'en prie.

__–« Oh, tu sais, ma mère m’a toujours dit que je trouverais pas de taf de bureau avant la Saint-Personne, mais là, je reste assise et parle à des gens, techniquement, ça compte. Donc non, pas trop mécontente. Et nan, on ferait de la bière, du coup. Pas du tabac. Blague à part, pour le moment mon idée, c’est de faire une extension au bâtiment pour tout y coller. J’aimerais faire un truc un peu stylé tu vois, genre qui se visite… Et qu’on pourrait prendre en photo pour faire notre pub. Genre, « la bière des demi-dieux, brassée avec de la magie » ou je sais pas quoi. ’faut que j’en discute avec Mitsuki pour faire des machines alimentées par des cristaux, en vrai. J’ai une Eau et une Feu, ’faut pas s’en priver, tu vois. »
__–Oui, à un moment il faudra que je lui dise que l’ambiance ce sera pas tellement le restau bobo, mais plus, bah, l’atelier à produit destiné à l’export. Bref, revenons à des choses plus croustillantes que les chips que, du coup, je ne proposerai pas ailleurs qu’au bar lui-même en accompagnement des consos.
__–Nana qui dit « bof », hm. Après, elle a un rapport à sa sexualité plus… enfin moins… enfin différent du mien, notez. Je serais pas choquée qu’elle se trouve un mec ou une nana pour un plan stable et tout. J’espère. J’ai l’impression qu’elle est un peu portée romantisme et tout ça.
__–« Oh naaan, c’est pas pour moi de me caser. »
__–Bon enfin j’dis ça mais y’a Ariana, après c’est… pas pareil ? Je sais pas ? Un peu comme si je la méritais pas, vous voyez. C’est encore mon bon gros complexe d’infériorité qui balance, ça. j’sais bien, mais est-ce que je peux vraiment me pointer la bouche en cœur en mode « ah au fait j’ai des sentiments pour toi, on en fait quelque chose ou…? » Ouais, nan.
__–« Puis, t’sais, entre mon bras et ma jambe, ça commence à devenir compliqué… Ça doit faire, pouah, un mois et demi que j’ai pas tiré un coup ? Depuis Thémis, en fait. J’me sens comme une nonne. »
__–Je la regarde droit dans les yeux.
__–« Et donc, tu fais rien ce soir ? »
__–Ouais à un moment, j’suis pas là pour compter les lentilles.

« J'imagine qu'il va te falloir des permis pour agrandir et modeler comme tu le souhaiterais. Mais c'est vraiment une bonne idée Luna. Une bière de Terrae, unique au monde, ça ne peut que fonctionner hein. Enfin je sais pas si c'était déjà discuté s'il y a une ou plusieurs sortes mais c'est un beau projet Luna. Clairement il faut faire ce qu'il faut pour réaliser ses projets, répondis-je avec un large sourire. »

Luna travaille fort pour son bar et ses projets c'est inspirant. Je ne lui souhaite que du bon pour que ça se réalise. Je ne vois pas la Direction être contre surtout qu'avec l'ouverture au monde, une exportation d'une bière d'ici, ce serait la folie. Les gens seront curieux, puis si ça cherche des modèles pour faire des publicités, je viendrais aider avec grand plaisir. Quitte à avoir des pouvoirs, autant que ça nous serve aussi dans nos projets personnels et pas juste en mission ou autre.

J'hausse les épaules.

« De toute façon, se caser c'est tellement pas une obligation haha. »

Tant qu'elle est confortable dans ses chaussures, bah c'est ce qui compte hein. Y en a qui veulent absolument avoir une relation sérieuse, d'autres moins, d'autres rien du tout, tout est possible. Nos regards s'accrochent et je prends un léger coup de chaud. J'éclate légèrement de rire avant de prendre une gorgée de ma bière.

« Luna qui ne tire pas un coup pendant plus d'un mois... effectivement c'est un record hahaha. Puis oui je comprends que tu dois avoir des moments difficiles parfois... Maiiiis non je fais rien ce soir. Je voulais juste glander ici et venir te voir. Voir comment tu vas tout ça... As-tu prévu un truc après le boulot? »

Je sourire derrière mon verre, le regard pétillant qui ne quitte pas le sien quand je bois à nouveau.

« On pourrait genre se poser, discuter et voir ce que la nuit nous réserve! Sauf si t'as d'autres chats à fouetter... Ou que tu souhaites quitter ton statut de nonne. Vous fermez bientôt là non ? »

__–Un perquoi ? Ah, oui, un permis, ah ah ah, oui, j’ai déjà eu des permis dans ma vie, bien sûr, sinon je ne conduirais pas. Oui. Oui oui oui. Pas mécontente d’avoir une première cliente, écoutez.
__–Et nan, je la vois pas trop non plus casée Nana, en vrai. Pas son genre, à vue de nez. J’y mettrais pas ma main à couper – pour des raisons pratiques évidentes ; il me faut une main pour couper l’autre –, mais, quoi ? Oui, je sais, laissez-moi vivre mon ironie dramatique tranquille, merde.
__–Et c’est bien, pas trop trop indirecte la Nana, j’apprécie.
__–« C’est une invitation à retirer ma bure ? Attention, j’accepte que si tu l’arraches avec les dents. Nan sérieusement, je fais rien avec le boulot, t’en fais pas. On fait ça chez toi ? »
__–Ouais hé c’est bon, on va plus s’embarrasser des subtilités ou de tout ça là, pffff osef en fait. Après, je dis pas, peut-être qu’elle veut, genre, discuter et tout. Oh, moi ce serait avec plaisir, mais en parlant de plaisir, ce serait plus ça que je recherche.
__–« Je ferme et on bouge quand tu veux ! »
__–Le concept dans mon bar, comme on est toutes les trois (Hua je l’exclus du compte hein, déso) un peu occupées à niquer régulièrement, on laisse tout tranquille et c’est la personne qui l’ouvrira demain qui nettoie avant l’ouverture. Chacun s’occupe de ce que l’autre a laissé en plan pour aller s’envoyer en l’air, c’est un bon système j’trouve.

Je lève un sourcil, un sourire aux lèvres.

« Je peux être agile avec ma bouche tu l'sais bien. On peut aller chez moi bien sûr. »

Un petit rire m'échappe et j’acquiesce quand elle m'annonce la fermeture.

« Vas-y, je vais aller fumer devant en t'attendant! »

Je finis mon verre que je vais déposer sur le comptoir puis sors du bar. Après quelques clopes enchaînées, je profite de l'air froid qui passe sur mon visage rougit par l'alcool qui réchauffe ma peau. Le choc thermique chelou quoi. Je suis plutôt contente d'être passée pour voir Luna, on va aller à la maison, se poser, bien que j'ai quelques autres pensées dans mon esprit, me renvoyant à des flash-back de la suite de notre entraînement sur le toit. Mais elle va bien, elle remonte la pente tranquillement suite à la mission et c'est rassurant quand même. La mission a changé quelque chose en moi sur plusieurs points. J'ai de la misère à remonter de mon bord mais ce fut une claque que je suis en vie, alors je m'abandonne dans les bras, non, dans les lits de certaines personnes avec qui je peux me sentir bien, désirée, des gens que j'apprécie. Malgré les blessures, les bandages et la peau encore marbrée par les chocs, j'oublie ça ne serait-ce que quelques heures.

Mais ici, notre sujet principal c'est Luna. On a eut nos hauts et nos bas à vrai dire dans notre relation mais je dirais que ça s'est amélioré avec le temps et je suis ravie qu'on soit amies maintenant. (et plus si affinité à l'occasion si ça arrive)

Une fois qu'elle sort, je lui offre un large sourire encore.

« Bon maintenant que je suis Étoile, tu veux être passagère du Nana Express? Ou est-ce qu'une petite marche ça te tente plutôt? Ce que tu souhaites pour arriver à destination. »

__–Ok celle-là elle m’a presque surprise. Que presque, parce que j’aurais fait exactement la même blague à sa place.
__–Rien à dire de particulier sur le rangement hein, éviter que ce soit trop crado, puis voilà, c’est vite plié.
__–Je sors un peu discrétos et… Nana enchaîne les clopes avec un air penseur de personne qui réfléchit à son avenir, se refait quelques flashbacks, essaie de trouver la solution à la grande question sur la vie, l’univers et le reste, ce genre de choses, quoi. J’hésite à l’interrompre, mais je suis pas feu solaire non plus, je suis vite grillée.
__–En parlant de ça.
__–« Tu devrais pas fumer autant, c’est pas bon pour la santé. »
__–Quoi, oui j’ai allumé la mienne et oui y’a de la beuh dedans, mais c’est pas pareil, roh. Y’a pas de goudron, dans ma salade.
__–« Allez, ça veut dire que je dois te prendre dans mes bras ? Tu me diras, te tenir la main devrait suffire, mais si tu te plantes et pars avec celle-là… »
__–Je lui montre ma robotique. Heh. Pas que ce soit déjà arrivé, mais ça aurait pu.
__–« Puis moyennement envie de marcher. Plus on a de pattes, moins ça nous botte, ‘faut croire. »
__–Rapport au fait que j’en ai trois, avec ma canne.
__–…
__–je sais pas si on est assez proches pour ça (Nana est encore dans un stade un peu étrange où j’ai dit que je la tuerai et je lui ai confié mon bien le plus précieux (après mon coffret collector des films Star Trek), je suis pas sensitive ou télépathe ou quoi, mais… Oah hé c’est bon, je sais un minimum lire les expressions faciales des gens.
__–« Ça va ? »

Un rire m'échappe.

« Faut bien mourir de quelque chose un jour tu sais. »

Je m'appelle Nana ou John Constantine pour dire ça sérieux? En tout cas. Je l'observe s'allumer son beau petit joint. Aucune idée du pourquoi du comment, les gens qui fument, je trouve ça super attirant et de voir la Terre tiré sur son herbe, ça me donne encore plus envie de la cajoler sur le moment.

« Hahaha non j'ai juste à te toucher pour t'emmener avec moi mais si tu préfères me tenir la main je ne refuserai pas,  répondis-je d'un sourire espiègle. »

Sourire qui fade légèrement quand je comprends l'allusion avec sa canne. Il est vrai que peut-être c'était maladroit de ma part de proposer une marche alors qu'elle doit marger un peu plus difficilement. Après je sais qu'à mon passage à l'hôpital, j'appréciais marcher même si je devais m'accrocher à quelqu'un par moment. Ce soir, j'ai juste envie de prendre soin de Luna. Ouais. Chais pas. C't'une envie comme une autre? Puis, notre relation est chien et chat mais meilleure qu'à nos débuts quand même il faut se le dire.

« Ouaiiiis carrément, hey la dernière petite bière était im-pec-cable et en plus ça ne peut qu'aller bien, je repars avec la patronne!  »

C'est un petit clin d'oeil que j'offre à Luna avant de poser ma main sur son épaule entre deux bouffées de cigarettes.

« Ça va toi? Pas trop fatiguée?  »

Mon pouce fait quelques va-et-viens vers sa clavicule avant de laisser tomber mollement mon bras contre moi. Je termine ma clope et enchaîne sur une deuxième directement, le temps que Luna termine sa beuh. Tout le long, je ne la lâche pas du regard, les iris pétillants.

« Quand t'es prête à y aller, il te suffit de me le dire, tu peux simplement mettre ta main sur moi si tu veux, promis je te ramène en un seul morceau chez moi, on y sera un peu plus au chaud, sinon au plus simple...  -je lui tends la main d'avance.»

Un peu comme un bouton d’ascenseur qu'il suffit de toucher, il suffira d'un clignement de yeux pour nous déplacer.

__–« Ouais, enfin le plus tard possible, puis pas d’un truc aussi naze que d’un cancer. T’imagines, perdre tous tes magnifiques cheveux, là ? C’te gâchis. »
__–Alors je sais, c’est la chimio qui fait perdre les cheveux, pas le cancer, c’est pas le seul traitement qui existe bla bla bla, je m’en fous.
__–Et évidemment que je refuserai pas, patate. Alors bien sûr que je prends ta main. (Avec mon organique en plus, parce que je suis sympa et tout.) Pendant qu’elle me… masse l’épaule ? Okay. Non ben, okay, pourquoi pas.
__–« Tout le temps crevée, ma meuf. Tout le temps. C’est ça la vérité. »
__–En même temps, quand tu combines des galères de pouvoirs, des douleurs fantômes (c’est comme être hanté, mais en nul), du mal à dormir la nuit parce que le monde des rêves est pire que celui quand je suis éveillée, voilà, quoi.
__–Enfin, là on va faire du sport, je pourrais presque prendre un café avant. C’est que, c’est pas une connerie, en plus. On se téléporte, zap, c’est top depuis Thémis ça me fait même plus gerber, j’allume direct la plaque et sors la cafetière.
__–Puis attendez, ça fait un moment que j’ai pas décrit ma piaule. Bon alors, Pricie vit toujours ici eeeet oh putain c’est vrai ça merde, attendez, lui envoyer un message pour lui dire que grande-sœur nique ce soir donc elle peut aller dormir dans sa chambre à elle. Quand on fait ça, le matin je lui paye un truc sympa, y’a certaines semaines elle croulait sous les gâteaux, chocolats et trucs du genre. Bref.
__–Ok ça c’est fait, on disait quoi ? Ah oui.
__–Alors, quand on entre, on arrive direct dans la pièce principale, qui sert de salon et qui est aussi là où je pionce. Ce qui explique le canapé, la téloche, le lit escamotable et les étagères, partout, sur tous les murs, recouvertes – et quand je dis recouverte je veux dire que ça dégueule de partout – de plantes en pot. Ah bah oui, chambre de Terre. Y’en a tellement que y’en a aussi au plafond, suspendues. Et sur les balcons. Et aux chiottes. (Mais là, ce sont mes plants de weed.) Et dans le couloir, pour celles qui ont pas besoin de trop de lumière. Couloir qui mène aux toilettes donc, à la salle de bain et à la chambre de Pricie, les deux seules pièces un peu épargnées par la verdure.
__–Truc de dingue, j’ai changé de canap. Hé ouais. On est passé du tas approximatif de matelas empilés et de coussins recouverts de couvertures, avec une odeur d’herbe tellement prégnante à un truc, tenez-vous bien, propre et neuf. Le genre qui ne cause pas de choc septique quand on pose son cul dessus, ou qui ne rend pas pété à l’ouest quand on inspire. Nan mais, je sais, ça trouble. Là, quand j’ai monté le canap’ neuf chez moi, je me suis regardée dans un miroir et je me suis plus reconnue. « Ça y est, je suis une petite bourgeoise », je me suis dit. Non mais, vous comprenez. Les canaps de shlags, c’est un élément culturel super important, là d’où je viens. Les vieux meubles défoncés abandonnés dans les rues, que les encombrants osent pas embarquer, parce qu’il à a toujours cinq à six jeunes dessus et qu’ils savent que s’ils le prennent quand ils sont pas là, ils vont se faire marave. Ces vieilles merdes flinguées par la pluie et l’usure, où j’ai bu tellement de bières tièdes, fumé tellement de taffes roulées avec le cul, la belle vie de petit connard de favelas, quoi.
__–Ahhh.
__–Ça me manque pas.
__–« T’as vu, il est chouette mon canap, il est tout neuf. »
__–Puis comme tous les pauvres qui ont un nouveau truc, je peux pas m’empêcher de le montrer et d’en parler comme si c’était la cathédrale de Brasília.
__–Café ? »

On se retrouve chez Luna finalement et j'observe l'endroit. J'ai un trou de mémoire,c'est la première fois que je viens? Ou... non? Ok dernière fois elle était chez moi, ça j'en suis certaine. Mais c'est sympa, les plantes, j'aime bien. C'est clairement la chambre d'une Terre. Mais Ce côté un peu forêt, c'est cool. Non j'aime bien l'ambiance franchement je sens presque un vent tropical passer sur mon visage. Je n'oublie pas que Luna est brésilienne, ça lui colle donc à la peau.

« Il est super cool, répondis-je en effleurant la matière du doigt.  Il a l'air hyper confortable. »

Je sais pas si c'est les plantes qui font ça, mais j'ai des bouffées de chaleur. Bon. Ok peut-être c'est la bière aussi. C'est pas pour rien que malheureusement des gens trop bourrées peuvent mourir d'hypothermie dehors. Le froid ça n'existe plus au bout d'un moment. Mais j'apprécie vraiment la décoration et balaye du regard tous les meubles avant qu'il revienne sur Luna.

« S'il te plaît, répondis-je. »

Pendant qu'elle s'occupe de servir, je me rapproche d'elle dans son dos.

« T'as besoin d'aide? Demandais-je avec un large sourire. Ton appart est vraiment cool Luna! C'est hyper rafraîchissant avec les plantes! Comment tu t'en occupes du coup? Ça doit être long à tout arroser, riais-je. Ou alors comme t'es Terre t'as pas besoin de le faire? »

Je marque une légère pause quand je constate le lit.

« Tu dors dans ton salon? Ou tu souhaites me garder en invité hein? Dis-je en haussant les sourcils dans une petite rythmique.»