La rouquine qui sert de mère biologique à sa pequeña a déboulé dans sa chambre... Bon il savait qu'elle débarquait. Certes elle a "tenté" de toquer. Mais Aylan a ouvert la porte, et à peine Miguel a vu son équipement qu'il s'est brutalement redressé... et puis s'est immobilisé à nouveau. Ça fait un moment qu'il essaie de péter son sceau en forçant dessus comme un malade. Oui il a jamais fait des flammes aussi jolies et stables de sa vie MAIS c'est pas ce dont il avait besoin pour sauver le reste de son équipe. Et il apprend, comme ça, que Terrae y va. Sans lui. Sans eux. Et ça se mélange trop dans sa tête pour qu'il puisse réagir directement, même le fait que Lola appelle cette femme "maman". C'est noté, mais difficilement assimilé dans son esprit qui carbure au pétrole brut.

Une inspiration. Plus forte et chaotique que les autres avant de se concentrer un peu sur sa respiration et se calmer.

Liz et Brad. Blondie et sa dernière pequeña. Avec eux. Et on ne lui a rien dit. Personne ne l'a prévenu. Personne ne s'est dit qu'il serait important pour lui d'au moins tenter de ramener les deux derniers feux dans sa vie. Plus important que sa vie.

Deux inspirations. Miguel serre ses poings jusqu'au sang pour rester calme.

Brad et Liz. Son bras droit et son trésor. Pourquoi ils l'ont laissé dans le flou comme ça ? Pour le torturer ? Parce qu'il est trop faible pour au moins participer ? Aider autant que possible ? Parce qu'ils ne peuvent pas lui faire confiance ?... Mais dans quel monde il ferait confiance à cette bande de puñeton si justement il ne font rien pour gagner, cette confiance. En lui offrant un toit ? Des repas ?! Mais il n'en a pas besoin. Il a besoin de son équipe, ses frères, ses sœurs, sa famille, SA VIE.

Trois. Et un petit craquement sonore que Lola et Aylan ont dû entendre, au niveau de son cœur, comme une allumette. L'ombre d'une flamme.

C'est grâce à eux qu'il respire et on le prévient comme ça ?! Un cheveux sur la soupe. "Au fait, tes copains là sans doute pas très important pour toi ben on va aller les chercher comme on va faire une petite course aller bisou !"... Comment ils peuvent jouer comme ça ?! Brad, Lola, Liz et Aylan... Ils sont SON SOUFFLE, SA VIE !

Respire.

__–Aylan était dans un état très particulier, depuis peu.
__–Il prenait la mission de récupération de Brad et Liz avec beaucoup plus de calme que la précédente tentative. Il faut dire que, avoir été dans un état de détresse psychologique intense il y a maintenant un an, l’avait quelque peu armé à la suite. En un sens, on pourrait dire qu’il avait beaucoup appris de cet événement et que les séances hebdomadaires avec Sylvia avaient fort bien servi – ils ainsi avaient fêté, il y a une semaine, l’acquisition du rang or sur le classement ELO de Starcraft II pour cette dernière.
__–En revanche, il avait dû composer avec deux éléments opposés. Ayant assisté de très près, quoique sans être impliqué directement dans le moindre de ses détails techniques, à la précédence mission, Aylan avait très bien compris comment opérait Terrae ; la règle du silence qu’imposait sa direction, dans un objectif ma foi évident et qu’il ne pouvait pas ne pas saluer de protection des plus fragiles, comme de sécurité.
__–Quand Ariana était allée chez Miguel leur annoncer ce qui allait se passer, alors qu'ils étaient tous les trois chez le premier, Aylan savait très bien comment aborder la chose avec son grand-frère. Il savait comment son il allait réagir. Il le trouva même… particulièrement calme, en vérité. Trop calme. Dangereusement calme, comme il savait l’être, comme un caïman sous une eau tranquille.
__–Pour lui, en revanche, c'était un non-événement. Il ne savait pas quand cela allait se produire, mais il savait que ça allait se produire. Le seul élément qui retardait les Terraens, savait-il, était leur capacité matérielle à intervenir, non leur volonté à le faire. Aussi prit-il l'annonce avec le plus grand flegme.
__–Quant à la réaction de Lola… La réaction de Lola était une autre paire de manche. Chaque chose en son temps. Il y avait un Feu à calmer, avant tout.
__–« D'accord, merci Aria. »
__–Même son ton avait évolué. Ni Lola, ni Miguel ne pouvaient s’en rendre compte, mais Ariana si. Aylan savait être sérieux. Ariana avait très bien pu s’en rendre compte, ce fatal jour d’août, où il avait parlé. Elle saurait remarquer que son expression sérieuse n’était plus triste, désespérée : elle était résolue. Résolument adulte. Elle n’avait plus l’inflexion triste, abattue, d’un enfant.
__–« Pour des raisons de sécurité, ils n’ont rien dit. Tu sais pourquoi. »
__–On parlait du Centre. Des princes du renseignement. Il fallait au moins toute la prudence et la puissance magique des masters pour éviter qu’ils fussent dans la boucle.
__–« Est-ce qu’on peut rester pendant qu’ils vont les chercher ? »
__–Aylan avait, bien entendu, la main de Lola dans la sienne. Miguel connaissait son petit frère pour savoir que ses moindre mots et gestes étaient choisis : évidemment, qu’ils allaient pouvoir rester. Mais s’il devait être là pour eux, il ne bougerait pas. C’était une injonction à rester immobile. (Ce qui, venant d’Aylan, en disait particulièrement long.)

Lola a oublié son téléphone dans sa chambre, aujourd’hui. Quand Ariana appelle Aylan, et surtout quand elle voit l’expression sur le visage de son petit Air, elle lui renvoie un regard interrogatif. Après ça, tout s’est enchaîné très vite ; la Préfète est venue toquer à la porte, leur a annoncé son départ en mission, et Lola n’a même pas fait attention aux mots qui se sont échappés de ses lèvres alors qu’elle essayait de la rattraper. Ca ne fait que s’ajouter à la pile de pierres qui sont tombées dans son estomac. La sensation des bras autour de son corps a déjà disparu, mais Lola se souvient de sa posture rigide, inquiète, de son souffle court. Elle a couru, pour venir ici. “On a eu des nouvelles… on va les chercher.”

Elle n’a pas le temps d’analyser le reste, de réfléchir, d’assimiler ; elle se sent engloutie dans la précipitation de l’adulte. Et la colère, soudaine, qui commence à faire sombrer le coeur de Miguel. C’est la voix d’Aylan qui la fait se tourner vers eux et qu’elle découvre le visage décomposé par la rage du Feu. Lola n’avait jusqu’ici même pas remarqué la main que l’Air avait glissée dans la sienne, toute occupée à essayer de comprendre ce qu’il se passait. Elle s’y accroche un instant.

Sans rien dire, elle observe longuement Miguel, et puis, finalement, elle quitte la main rassurante d’Aylan pour venir entourer le corps de son grand-frère, fermement.

—Calme-toi.

Lola non plus n’est pas très calme, elle tremble au contraire. Elle ne sait pas bien quelle émotion la traverse, ce n’est qu’un immense vertige.

Miguel est à moitié concentré sur sa respiration, à moitié sur ces pensées sombres qui le brûlent de l'intérieur. Une pluie de bombes qui revient encore, et encore, et encore. Chaque matin elle détruit, et il les reconstruit la journée, et il y pense dans ses nuits solitaires et sans sommeil, et chaque matin la destruction revient, et encore, et encore, et encore... Elle rase toute réflexion pour ne faire grandir que de la haine, plus grande, plus forte, plus brûlante  que le souffle des explosions. Solaire.

Ce ne sont pas les mots d'Aylan qui le ramène au moment présent. Ce n'est pas important pour lui mais, bien sûr, qu'il savait. Bien sûr, que c'était logique. Bien sûr que le soldat en lui comprend l'importance d'un secret. Le poids que ça a dans une mission. De l'avantage absolu que c'est face au Centre. Mais on était à Terrae ? Ou pas ? Non. Juste une autre base ou ce qu'il ressent pour les siens n'a aucune importance, où il aurait dû encore se battre encore plus pour eux, où il a échoué à nouveau...

Non ce n'est pas les mots d'Aylan. C'est sa voix. Pas celle de l'enfant qui cherche à avoir une sucrerie, pas celle du passionné qui parle sans fin d'un sujet qui l'anime, pas celle du soldat qui fait sa mission jusqu'au bout. La voix d'un frère, assuré. Un rappel tranquille, mais ferme. Il a grandi... son pequeño... Il demande s'ils peuvent rester le temps que Liz et Brad arrivent... Il tient la main de Lola mais il le regarde. La question dans sa voix n'est pas celle qu'il prononce.

Et puis... pour l'achever sans doute... Lola s'approche pour le prendre dans ses bras. Elle tremble. Elle lui demande de se calmer alors qu'elle tremble... :

-Ay.

Sa voix est rauque, lointaine... mais il est là. L'esprit calme. Il observe ses mains ; ses ongles ont été plantés dans sa paume mais le sang ne coule pas, prisonnier sous la peau, ne laissant que des arcs rouge... Il en pose une sur la tête de Lola, caresse doucement ses cheveux en fermant les yeux.

Il ne dit rien, pendant longtemps. Il se force à rester tranquille, à dépasser sa colère, tout en continuant à caresser Lola, à l'apaiser autant que possible, la laissant le serrer autant qu'elle le souhaite. S'il le pouvait, il chantonnerait. Comme autrefois. Mais il ne s'en sent pas capable. Il ouvre les yeux, encourage Aylan à venir contre lui -si ce n'est pas déjà fait- et baisse la tête pour leur parler... Ils grandissent... :

-Si vous voulez rester ici, on va rester ici. Si vous voulez qu'on suive la mission, si on nous en laisse le droit, on peut tenter. Quoiqu'il arrive, je resterais près vous.

Et s'il restait près d'eux... alors Santa Maria, reste près de Liz et Brad. Ramène-les.


HRP : Bonsoir, j'ai pleuré tout du long. Adieuuu~

__–Ay.
__–Cela avait suffit.
__–Aylan souffla. Il rejoignit ensuite, bien entendu, son frère et son aimée dans leurs bras à tous deux.
__–« T’en fais pas. Liz nous racontera mieux que personne. »
__–Après tout, elle n’était certes qu’initiée, mais il n’aurait pas été surpris de savoir qu’elle savait déjà tout ce qui allait se passer mieux que les participants eux-mêmes.
__–C’était elle qui paraissait la plus fragile, la plus perdue, la moins à sa place, mais c’était… peut-être précisément pour cette raison, qu’Aylan se faisait si peu de souci pour elle. Elle trouverait un moyen. Elle trouvait toujours un moyen.
__–… Enfin bon. Il fallait trouver quelque chose à faire, à part rester là tous les trois serrés. Ce qui n’était déjà pas mal, certes, mais Aylan n’aurait de toutes façons pas su rester inactif et sans doutes que Miguel non plus.
__–Il réfléchit. (Si Liz était la stratège, Miguel le commandant, Lola la déterminée et Brad… était Brad, Aylan était sans aucun doutes le technicien de l’équipe.) Un jeu de société, c’était l’idée qui lui était venue la première en tête. Quelque chose de calme, mais qui demandait tout de même de focaliser son attention sur quelque chose, un jeu coopératif, pour éviter d’avoir la tension de la compétition et pouvoir jouer à un rythme très posé, c’était l’idéal. Il fit la liste de tous les titres qu’il avait en tête et devisa qu’une partie de Mysterium serait idéale. (Un jeu d’enquête et de réflexion, que nous vous conseillons au demeurant.) Il ne l’avait pas, mais il savait à qui demander un exemplaire. En effet, Aylan retenait les personnes qui jouaient dans la salle commune pendant que lui était affairé à défier tout Terrae aux jeux vidéos.
__–Il allait ouvrir la bouche pour faire la proposition, mais ce fut tout autre chose qui sortit :
__–« Euh… C’est quoi l’histoire avec Brad, du coup ? »
__–Comme l’éclair qu’il était, cela l’avait frappé. Il devait savoir. C’était le dernier moment où ce serait possible, vu qu’après… il serait parmi eux.

HRP : Pardon pour ce retard terrible encore une fois mdr



Miguel panique, et c’est terrible à voir. A sentir, contre elle. Elle le tient comme elle a l’impression de n’avoir jamais tenu personne ; avec la conviction que si elle cesse de l’étreindre, là, maintenant, il va s’en aller, devenir inatteignable. Exploser en plein vol. C’est peut-être déjà arrivé, ou c’est en train d’arriver, et ça ne parviendra pas à se calmer. Pas avant qu’il ait revu les deux derniers membres de leur petite famille.

Quand il pose sa main sur la tête bouclée de Lola, elle peut fermer les yeux ; elle sent dans ce geste qu’il se maîtrise encore un peu, au moins un peu. Elle aimerait qu’il comprenne à quel point il a le droit de ressentir ça, mais qu’il ne peut pas se laisser consumer, pas comme ça, pas maintenant. Pas alors qu’ils sont si proches de les ravoir. De les retrouver.

Aylan se joint à l’étreinte et Lola l’accueille avec bonheur. Pas vraiment plaisir, parce qu’on ne peut pas dire que cet échange est très plaisant ou agréable, mais son coeur n’a pas envie de se désagréger dans poitrine. Elle sent que cela pulse en elle, si fort qu’elle n’entend presque pas la voix de Miguel, ni la voix d’Aylan lorsqu’ils parlent. Elle doit se concentrer dessus pour décrypter leurs mots. C’est là qu’elle se rend compte qu’elle panique, elle aussi.

Elle tremble encore un peu, mais c’est plus intérieur qu’autre chose. Ils doivent le sentir, tous les deux, dans sa manière de les tenir et les serrer. Elle aimerait savoir, mais elle n’est pas sûre de vouloir assister à tout ça. Elle ne serait pas tranquille tant qu’elle ne saurait pas sa famille rentrée. Et cela inclue étrangement sa mère aussi. Elle ne sait pas qui les accompagne, mais nulle doute qu’elle n’y va pas seul. Vont-ils rentrer ? Et dans quel état ?

Lola déglutit.

—Rester.

Elle ne pourrait pas sortir, elle ne pourrait pas marcher jusque là-bas. Elle a l’impression d’encore entendre ses propres mots résonner dans sa tête. Il y a un long moment qui passe, avant qu’Aylan ne pose une nouvelle question. Celle-ci la brûle, et Lola se retire de l’étreinte d’un bloc, un peu brusquement, en reculant de plusieurs pas. Elle croise le regard d’Aylan, et refuse de répondre. Elle lève les yeux vers Miguel, et ne sait pas si elle a envie qu’il le raconte.

Tout un tas de chose se passe dans l’esprit de la petite Terre, à ce moment-là. A la fois son inquiétude pour ses amis, la perspective de les revoir, ce qu’il vient de se passer avec Ariana, la tête de Miguel, la tête d’Aylan, sa propre expression défaite, incontrôlable. Elle repense à cet épisode où ils ont fui — et elle se rend compte qu’elle ne lui en veut même plus pour ça. Elle était en colère tant qu’il était auprès d’elle, tant qu’elle était encore là-bas ; la seule colère qu’elle porte encore, c’est cette injustice qu’elle ressent parce que Brad aurait mérité de partir du Centre, lui aussi, et d’être ici avec eux, avec Liz. Pas juste Miguel et elle. Pas juste eux.

Pas comme ça.

Est-ce que c’est bien le moment de raviver une plaie aussi béante, une déception aussi cuisante pour Miguel ? Elle aimerait lui en vouloir, comme une habitude qui te maintient en vie, et qui y a certainement participé — une habitude qui rend moins difficile la distance, la culpabilité, la tristesse.

Lola se met à pleurer, juste un peu. Elle ne sait pas trop à quel moment la digue s’est brisée, à quel moment tout a été soudainement trop. Mais ça casse, là, comme ça. Elle serre d’abord les poings et pose ensuite ses mains sous ses yeux, comme pour contenir le flot léger, les paupières fermées fort. Elle respire et passe en signes.

“On a failli réussir à s’enfuir. C’était le jour où Léona a réussi à partir. Des rebelles avaient attaqué la base et ouvert une brèche dans les défenses. Brad, il m’a ramenée là-bas.”

On pourrait croire qu’elle pleure à cause de ça, mais elle ne le sait pas elle-même. Aylan sait ce qu’il se passe quand on désobéit — quand on s’enfuit. Elle a encore les marques dans son dos, et a toujours détourné le sujet quand son petit Air lui posait la question. Peut-être les images se superposent-elles aussi au reste.

“On se serait fait tuer par les rebelles. Je pouvais pas ne pas être en colère. C’était trop dur d’être encore là-bas.”

Mais au fond, il avait eu raison. Ils étaient blessés. Ils se seraient fait tuer, sans armes dans la forêt. Torturés, ou vendus, peut-être. C’était moins pire au Centre. Mais c’était loin d’Aylan, c’était son assurance de sécurité qui partait encore. Elle sait que Brad a eu peur. Mais parfois, il faut avoir peur. Il faut avoir peur.

Lola est terrifiée.

Elle respire.

—N’en parlons plus jamais.

Sa dette est payée. Elle ne lui en veut plus. Elle veut juste qu’il rentre, lui aussi.