C'EST LE JOUR J !!! J'ai teeeeellement hâte, mes toutes premières vacances depuis que je suis à Terrae ! Ca va être trop cool, surtout avec Luna comme guide ! J'ai un peu craqué au moment de faire ma valise, elle est énoooorme et contient à peu près toutes mes fringues d'été - on ne part qu'une semaine, mais bon, j'ai envie d'avoir le choix de mes tenues !! J'ai enfilé une longue robe à fleurs colorée et une paire de sandales à talons compensés, ainsi qu'un large chapeau de plage. J'ai troqué mon sac à main habituel pour un grand sac de plage également, histoire de pouvoir transporter les essentiels partout où on va (oui écoutez, j'ai une longue liste d'essentiels, c'est la vie).

J'arrive dans la cour en traînant ma valise derrière moi, adressant de grands signes de la main à Luna et Nikkou, qui sont déjà là - oui bon j'ai quelques minutes de retard, ça vaaa. Il a accepté de nous téléporter directement sur place, ça ira beaucoup plus vite que de prendre l'avion quand même - ok j'avoue, il est super sympa, je l'aime bien finalement !!

"Coucouuuu !! Voilà, j'suis prête, olalah mais j'ai trop trop hâââââte !!! On y va ?"

Je demande avec un large sourire en tendant la main vers le Master. Et tout comme lors de notre mission de la dernière fois, une minute nous sommes dans la cour, et la suivante... Wohw, j'ai l'impression que le ciel vient de me tomber sur la tête. L'effet de la téléportation, mais aussi il fait hyyyper chaud et plutôt humide !!

"Waahhh, le changement de climat d'un coup !! Il fait toujours aussi chaud ici ?! On est pas sensé être en hiver là au Brésil ??"

Attendez, j'sais plus, c'est dans l'hémisphère sud hein ?? Bon, c'est pas très grave, on s'en fout - tant qu'il fait beau, moi ça me va ! Je propose à Nikkou de rester boire un verre avec nous ou quoi, pour le remercier - mais il a du boulot qui l'attend, le pauvre. Peut-être en venant nous rechercher qu'il nous dit, et sur ce, il disparaît. Abusé comme c'est rapide et pratique cette méthode de transport ! Une fois seules, je me tourne vers mon amie avec une expression surexcitée.

"Alors, tu lui as demandé de nous déposer où au final ? C'est ta ville natale, Manaus ? J'ai trop hâte de commencer à explorer !! On va déposer les valises d'abord avant de- de- mais... NOOONNN LES VALISEEEESSSSS !!!! NIKKOUUUUUU"

__–Ouais.
__–C’est le jour J.
__–Je ne sais toujours pas si c’était une bonne idée d’inviter Alyona, mais on aura mes parents aussi, plus, hm… quelques amis de mon grand-père. Nan, ça va aller. Je suis partie en avance les rejoindre dans la cour, avec juste un sac à dos et des sapes d’été basiques.
__–Ok, ça va pas aller.
__–C’est là, en voyant la tenue d’Alyona, que je me dis que j’aurais vraiment être plus clair sur où on va. Enfin bon, c’est trop tard maintenant, puis on a un comité d’accueil, ça devrait bien se passer…
__–« Salut. Hé ben allez on y va. Encore merci mon gars, tu nous sauve la vie. »
__–Je transmets à Nikkou les coordonnées exactes de téléportation. Un zap plus tard, on est arrivés.
__–Ah, les tropiques. Ça m’avait manqué à un point vous pouvez pas savoir. Il faut chaud. Y’a la blinde de soleil. Un petit vent frais. La saison des pluies est pas encore tout à fait terminée, d’où l’humidité. Trente bons degrés. Ayeah, ça c’est du climat comme je l’aime.
__–Enfin, après, Alyona est tout excitée, mais si y’a un autre truc qui permet de reconnaître que, même si j’ai jamais foutu les pieds dans cette ville en vrai, on est bien au pays, c’est le décor. C’est du slum, quoi. Des toute petites maisons un peu déglinguées, faites à la main, avec des cairons empilés les uns sur les autres, pas de crépi parce que c’est trop cher, avec des toits en vieille tôle pourrie, des rues dégueulasses et une quantité de mecs louches qui nous matent au mètre carré assez impressionnante – surtout la petite Blanche blonde de service.
__–« Pas vraiment, on est au niveau de l’équateur, y’a pas d’hiv… Huh. »
__–Bon ben tant pis pour les valises. Deux fois qu’il nous fait le coup, le mec.
__–« Bah, c’est pas grave, t’façons t’étais pas tout à fait dans une tenue super adaptée. »
__–Et tiens, en parlant de ça, deux types taillés comme des armoires à glace s’approchent de nous. Le plus grand, un mètre quatre-vingt dix facile, me toise, m’inspecte et sourit :
__–« La petite Luna ? Tu te souviens de moi ? »
__–J’agite mon doigt en métal et le pose sur son débardeur, juste en-dessous de ses grosses chaînes de gangsta.
__–– Esteban. Mais oui. Je te resitue. Enfin oui et non, j’crois j’ai vu ta sale tête que sur des photos. Non mais, la dernière fois qu’on s’est vu…?
__–– Tu tenais dans ma main, ça explique.
__–– Ça explique. Écoute, j’te présente Alyona, c’est une pote. Alyona, voici Esteban Álvarez, c’est… oh, c’est un ami de la famille. Et ton pote qui dit rien, là ?
__–– Non mais lui, c’est parce qu’on lui a coupé la langue. C’est Evandro. Il est là pour la sécurité. »
__–Evandro qui a une veste en cuir, malgré la température. Hm mm. On se demande ce qu’il a en-dessous.
__–« Toujours avec les 1911 de papy ?
__–– Quoi ? Nooon, nooooooon, on a évolué depuis, on est passé à glock. Enfin, venez, venez. »
__–Bref, on les suit. Et là, subitement, plus personne ose nous regarder, les gens changent même de trottoir. Je me tourne vers Alyona. Quelque chose me dit qu’on est aussi loin de son environnement qu’un poisson dans un désert peut l’être.
__–« Ça va…? »

Comment ça, ma tenue n'est pas adaptée ? Mais il fait super chaud, elle s'attendait à ce que je mette quoi, une doudoune ?! Et puis je finis par regarder un peu autour de nous, et d'un coup je crois que je comprends ce qu'elle veut dire. C'est un peu... Ouais non, c'est carrément crado comment endroit en fait, je fais tache dans le décor avec ma petite robe à fleurs. Et d'ailleurs je crois qu'on nous dévisage un peu, c'est gênant là... J'avais bien compris que Luna ne venait pas d'un milieu super favorisé, mais je ne m'attendais quand même pas à... Ca, quoi. Est-ce que c'est pareil pour Tori aussi ? Je sens mon coeur se serrer un peu en essayant d'imaginer l'enfance qu'elles ont dû avoir, diamétralement opposée à la mienne...

Instinctivement, je me colle un peu plus à la brune alors que deux armoires à glace s'approchent de nous - on ne va pas se faire agresser alors qu'on vient à peine d'arriver, quand même ?! Mais non, on dirait bien que ce sont des connaissances de Luna. Mon visage se décompose au fur et à mesure de leur échange - comment ça il est là pour notre sécurité et il s'est fait couper la langue l'autre gars ? Mais wouah mais dans quoi je me suis fait embarquer moi ?! Je pensais qu'on venait ici en vacances, genre plage et cocktails et bons petits restos !! Qu'est-ce que c'est que ce plan lààààà ?!

"Euh, enchantée, haha..."

Hahahaha oui, le rire très jaune hein. Et en plus, j'viens de penser qu'il ne doit certainement pas parler russe, le Esteban là. Le genre de petit détail que j'ai tendance à complètement oublier, vu qu'on a tous nos supers oreillettes à Terrae - mais pas ici. Enfin, je ne crois pas ? On se met en route, je marche en regardant mes pieds pendant un moment, jusqu'à ce que mon amie me demande si ça va. Comment dire. Je relève le visage vers elle avec un sourire pas très convaincu.

"Euh oui oui, ça va... Enfin, je m'attendais plutôt à une plage et des cocotiers quand tu m'as parlé de vacances quoi, mais ça va. On va... Ben du coup, on va où là en fait ? Et tu as prévu quoi pour notre semaine ?"

Non mais la question est légitime - j'ai presque l'impression que je vais me faire enrôler dans une espèce de guérilla là !!

__–Ouaiiiiiis. Elle a pas l’air ultra enchantée. Je comprends. Ça fait cet effet là à tout le monde, la première fois. Et toutes les suivantes aussi.
__–« T’auras ta plage, t’en fais pas. Hé, en vrai, ça va être sympa et tout, je te promets. C’est juste que… Bon en vrai tu devrais apprécier, on l’aura que pour nous, quoi. Et y’aura juste quelques règles à respecter, genre jamais sortir sans un type, pas aller dans certains quartiers, pas porter certaines couleurs… T’es une princesse, non…? Ben… Imagine que c’est pareil. T’as tout plein de gens pour te protéger et te servir. Enfin, surtout te protéger. C’est comment en ce moment, Esteban ?
__–– Oh, calme… C’’est calme… Regarde, j’ai tué qu’un seul type, avant-hier. »
__–Hm, ouais, il va falloir qu’on établisse quelques règles de communication, pas envie de me retrouver avec un craquage nerveux de ma pote alors qu’on est censée être en vacances sur les bras. Surtout que j’en ai plus qu’un.
__–« Et comment va papy ?
__–– Très bien, très bien.
__–– Mes parents sont là ?
__–– Hé, tu te téléportes, mais ils ont quand-même réussi à arriver avant vous deux. C’est là. »
__–Au fait, un truc à savoir, je suis jamais allée dans cette ville, donc je suis jamais allée chez papy. Du coup je suis un peu surpris quand je vois sa baraque. C’est la plus riche du quartier et ça ce voit : y’a un crépi. Nan mais, le feu, quoi. Après ça ressemble à une vieille maison de lotissement à l’européenne… mais qui serait au milieu de merdes au toit de tôle, aux murs en parpaings empilés les uns sur les autres et aux raccords à l’électricité et l’eau approximatifs et pas toujours légaux.
__–Ah oui, et un jeune assis sur une chaise en plastoc au milieu du trottoir et un autre sur un toit, qui surveillent les allées et venues. On leur fait coucou. Je lance un sourire aussi encourageant que je peux à Alyona :
__–« On va habiter ici, c’est pas mal, hein ? »
__–On passe le portail en fer pour se retrouver dans le petit jardin intérieur. Esteban et Evandro restent dehors. Et là, derrière le mur, sur une table en plastique, mes parents et papy.
__–« Heeeey salut tout le monde ! »
__–Ma mère se lève la première. Une cinquantenaire toute sèche, toute petite, genre un mètre cinquante et quelques, dans une jolie robe bleue pastel.
__–« Ma chérie ! Oh, comme je suis heureuse de te voir… »
__–Elle me prend dans ses bras et frémit un peu. Ouais. À chaque fois qu’on se voit, je suis un peu plus en pièces détachées. Je les ai déjà prévenu, mais ça a dû faire un choc de le voir pour de vrai. Après, c’est ma mère. Elle préférerait crever que de montrer une émotion. Sauf la colère, ça elle est fortiche. Enfin, elle se ressaisit très vite et va voir Alyona :
__–« Et vous devez être Alyona ! Oh, si vous saviez comme ça fait du bien de voir ma fille ramener des personnes recommandables à la maison. Sauf si vous aussi vous êtes quelqu’un d’important vu que c’est incompatible. Mais ça aussi ce serait une première, alors ça me va aussi.
__–– Maman, tu pouvais attendre le dîner avant de demander si elle trafique de la drogue, oh. Alyona, ma mère, Anita. » J’dis ça alors que je suis dans les bras de mon père, qui lui par contre chiale plus franchement. Et je disparais un peu sous ses pecs, c’est qu’il fait un mètre quatre-vingt dix de pur muscle et de moustache.
__–« Alyona, mon père, Manuel.
__–– Enchanté, dit-il avec sa voix un peu cassée par l’émotion.
__–Et enfin, papy. Un vieux, vieux bonhomme, en tongs, pantacourt et débardeur, sapé comme un ouvrier de chantier alors qu’il doit avoir plus de pognon que tous ceux qui habitent la rue, réunis. Il ne se lève pas, lui, c’est nous qui nous baissons pour le voir. Oh, il aurait bien tempêté qu’il est pas si vieux, ou que d’accord, il est vieux mais il est pas grabataire, mais sa fille l’aurait fusillé du regard et l’aurait engueulé de prendre soin de lui et d’accepter qu’on prenne soin de lui.
__–« Mia Lua. J’ai fait l’Italie sans une égratignure et toi, voilà comment tu finis. »
__–Yep, il est toujours en forme, pour son âge.
__–« Allez, viens embrasser ton grand-père. Venez, toutes les deux, les amies de ma petite-fille sont comme mes petits-enfants pour moi. Qu’est-ce que vous voulez boire ? »

Le petit discours de Luna parvient presque à me détendre - c'est vrai que l'idée d'une plage privatisée est quand mêle plutôt sympa ! Et puis bon, avoir des espèces de garde du corps personnels pour s'assurer que notre séjour soit tranquille, c'est pas une mauvaise chose non plus hein ! C'est juste que l'endroit est un peu plus défavorisé que je l'imaginais, mais bon, il fait chaud et on est entre copines, donc ça devrait bien se passer !!

"Mais oui, je suis sûre que ce sera chouette, c'est juste un peu dépaysant, faut que je m'habitue un peu c'est tout !!"

Par contre, quand Esteban souligne qu'il a "seulement tué un type avant-hier", je manque de m'étrangler en le fixant avec des yeux horrifiés. Oh mon Dieu, c'est ma puce traductrice qui a déconné hein, c'est ça ?! Luna continue de discuter avec lui, jusqu'à ce qu'on arrive à une jolie petite maison crépie - enfin, elle est assez basique en fait, mais comparée aux autres maisons du quartier, on dirait limite un palace... Je réponds au sourire encourageant de mon amie, ignorant souverainement les gamins qui font le guet et les trucs potentiellement bizarres autour de la baraque.

"Oui, elle a l'air cool la maison !! J'espère qu'il y a des ventilateurs à l'intérieur par contre, parce qu'il fait tellement chaud olalah !"

On a à peine descendu une rue, et je suis déjà en sueur moi ici ! Les deux malabars nous laissent à l'entrée de la grille du jardin, où la famille de Luna nous attend en prenant le soleil sur des chaises en plastique. Je reste un peu en retrait, par politesse, laissant mon amie à ses retrouvailles - je pense que c'est la première fois qu'elle revoit ses proches depuis qu'elle est à Terrae, non ? Sa mère a le même genre de carrure que moi, juste avec la peau brune et des cheveux foncés quoi, alors que son père est du style Roman avec une moustache. Un couple assez surprenant - surtout que c'est le papa qui verse une petite larme - mais au final, je trouve que Luna est un parfait mix entre les deux. Je m'approche finalement pour les saluer avec un large sourire, tendant la main vers eux.

"Bonjour ! Oui, c'est bien ça - Alyona, enchantée de vous rencontrer !! Et euh je- je ne trafique rien du tout ? J'suis juste esthéticienne, moi..."

Cette réponse est toute pétée, mais pour le coup, je ne sais pas quoi dire d'autre ?! Je glisse un regard vers la brune - et en fait, ça ne m'étonne pas plus que ça d'appendre qu'elle avait des mauvaises fréquentations, quand elle était plus jeune... Nous nous approchons finalement du papy, qui est tout vieux et tout frippé - mais je trouve qu'il a un côté un peu mignon, aussi. Je rosis légèrement quand il nous entoure de ses bras pour nous embrasser chaleureusement - c'est à la fois bizarre et super agréable d'être accueillie aussi chaudement par de parfaits inconnus !!

"Ravie de vous rencontrer, Monsieur, Luna m'a beaucoup parlé de vous !! Et euh, n'importe, la même chose que tout le monde... ?"

Je réponds à sa question sur la boisson, incertaine, ne voulant pas causer de dérangement.

__–« Un ventilo ? Ouais, si tu veux, enfin, il fait bon là je trouve. »
__–Non après oui, il fait super chaud, mais perso j’ai grandi dans ce climat équatorial, alors… C’est à Terrae que j’ai tout le temps froid.
__–Sinon, ma mère envoie un espèce de regard satisfait à Alyona quand elle lui dit son métier. Ou plutôt a sa réaction un peu choquée au fait qu’elle pourrait être dans des magouilles. J’pense qu’elle est juste ravie d’apprendre qu’il y a enfin quelqu’un qui fait quelque chose de 100 % légal de sa vie dans cette maison. Non parce que, les enfants et les petits-enfants de Marcos, c’est pas parce qu’on gagne de l’argent propre qu’on en glisse pas du sale de temps en temps dans la caisse.
__–« Ah, c’est bien ça, c’est un beau métier. Vous vous occupez souvent de ma fille ? »
__–… Alors, ou c’est une attaque contre elle, ou c’en est une contre moi, ça. J’vais rien dire. T’façons, si ma mère envoie pas une gratuité sur quelqu’un une phrase sur deux, c’est qu’elle est morte. Mais, euh. C’est. Sa manière de dire qu’elle aime quelqu’un ?
__–« Beaucoup parlé, ah, c’est bien ça, c’est bien. Asseyez-vous tous, là. Alyona, toi qui es si blanche, prends la place sous le parasol. »
__–Eeeeeet ouais par contre, « la même chose », il fallait pas dire ça.
__–« La même chose ? Anita chérie, est-ce que tu peux aller me chercher une bouteille de cachaça ? Il faut qu’on fête ça proprement. »
__–Je pose mon dernier bras sur l’épaule l’Alyona. Courage, meuf. Courage. Ma mère revient avec cinq verres à shots et une bouteille avec… avec un crotale dedans. Et là, il va nous raconter l’histoire :
__–« C’est un ami à moi, un Vietnamien, qui m’a appris à faire ça. Quel dommage, ce type, c’était un vrai pote. Ça m’a fait mal de le tuer.
__–– Il est pas trop tard pour demander un soda ou du lait ou n’importe quoi d’autre, je glisse à Alyona. Dites, sinon, comme il fait beau là, ça vous dirait de passer l’après-la matinée à la plage ? Enfin, techniquement pour nous, c’est la soirée… »
__–Ben ouais, on est parti à, genre, 21h pour arriver ici à 10h du matin.
__–« Ah, c’est une bonne idée, ça. On pourra aussi faire un tour en ville, si vous voulez. »
__–Ma mère envoie un regard noir à papy. Il a plus trop-trop le droit de bouger partout, lui…

Luna me présente à ses parents et son grand-père, qui me saluent chaleureusement malgré que je sois une parfaite inconnue - sa mère a l'air particulièrement satisfaite de savoir que je ne suis qu'une petite esthéticienne tout ce qu'il y a de plus classique, et je tourne un regard un peu gêné vers Luna à sa question.

"Euh, à vrai dire Luna n'est jamais venue me rendre visite à l'institut... Mais tu devrais, hein, j'aimerais trop te faire une super transformation !!"

Voir la brune avec DU MAQUILLAGE OMG, ce serait trop bien !! Même si je me doute bien que ce n'est pas trop son truc, mais pour le fun quoi ! J'imagine que tout ce qui est épilation et manucure, ce serait un pas de trop pour elle par contre - ce n'est pas aussi éphémère que le fard à paupières hein.

Je m'installe ensuite sous le parasol, comme proposé par le vieil homme, touchée de sa prévenance - j'ai mis de la crème solaire hein, mais c'est vrai que je risque de vite cramer sous ce soleil de plomb !! Il demande ensuite à sa fille d'aller chercher une bouteille de... Je ne sais pas quoi, de l'alcool sans doute, et elle revient bien vite avec le nécessaire. Il y a l'air d'avoir un truc dans la bouteille, peut-être une vieille pomme ou poire toute fripée ? ... Ah non, non c'est un SERPENT en fait - mes yeux s'écarquillent et je bloque complètement dessus alors que le papy nous raconte l'histoire de son breuvage (que je n'entends heureusement que d'une oreille, sinon je serais encore plus traumatisée je crois). Je toussote en bégayant un peu alors que Luna me chuchote qu'il est toujours temps de demander autre chose à boire.

"Noooon, non ça va, ce serait pas poli, je vais goûter hein... Au moins un verre, quand même !"

Et puis après, de l'eau ce sera très très bien hein. Mon visage s'éclaire alors que mon amie propose ensuite de passer l'aprem à la plage.

"Oh ouiii, trop bonne idée, j'ai hâte de voir l'océan !! Mais on peut aussi aller faire un tour en ville, ça me va très bien ! Notre... Taxi, a oublié ma valise au Japon, j'vais sûrement devoir m'acheter quelques trucs du coup."

A part ce que j'ai dans mon sac à main, je n'ai rien avec moi - mais heureusement, il est assez grand donc j'ai pu y caser mes essentiels hygiène et beauté. C'est surtout au niveau des vêtements que ça va coincer, je n'ai qu'un bikini et la robe que je porte sur moi, du coup... Un peu peu pour une semaine de vacances !

__–Ma mère a sa fameuse tête faussement désolée.
__–« Oooh, quel dommage… Il faudra me réparer ça, au moins quand vous serez rentrées, vous m’enverrez des photos. Je veux voir ma fille présentable, un jour. »
__–Voilà voilà. Et comment ça, je suis pas présentable, en plus ?
__–Bon ok d’accord, objectivement non, mais oh, hé, hein.
__–Bref, revenons au crotale dans la bouteille.
__–« Un verre pour goûter, c’est courageux ça, j’aime bien ! Mais dis-moi, Alyona, tu es Russe, non ? J’ai connu des Russes, quand on les appelait encore les Soviétiques… Tu bois de la vodka, toi ? »
__–Oh, je lui en ai déjà vu en boire, mais toujours en cocktails quoi, jamais pure.
__–Enfin, papy est sympa, il a quand-même remarqué que la pauvre elle se décomposait à vue d’œil à la vue du truc, il ne lui sert qu’un petit verre. Ça a un goût très fort, comme du rhum, mais en bien plus relevé. Et avec un petit soupçon de poulet, c’est le serpent qui fait ça. Et puis, j’ai l’habitude, alors j’en prends deux. Mais pas plus, ‘faut marcher droit après.
__–Par contre, quand elle mentionne le taxi, son regard se fait plus sérieux, à papy.
__–« Il a quoi ? Je le connais ? Vous avez noté sa plaque ?
__–– Non, papy. Pas ce genre de taxi. Un master. Il nous a téléporté.
__–– Oh ? Ah oui, c’est vrai, c’est vrai. Très bien, écoutez, allez faire un tour en centre ville entre filles et on se rejoindra à la plage. Je ne vais pas vous suivre, sinon ta mère va me tuer, déjà que c’est bien généreux de sa part de me laisser quitter ma propre maison. »
__–On vide son verre et on suit ma mère dans sa voiture. Enfin, « sa » voiture. Une de celles de papy, quoi, ce qui explique l’odeur de cigare et, euh… de poudre, à l’intérieur. Et on y va, avec une autre bagnole qui nous suit au train. La sécurité, tout ça… Puis comme ma mère aime pas conduire sans parler, elle nous fait la causette :
__–« Et alors, dites-moi comment vous vous êtes connues ? Et comment ce’st, la vie à Terrae ? Je veux tout savoir, ma fille m’en parle, mais ça ce voit qu’elle n’est pas payée à la ligne. »
__–Oui bon ben oh hé. Je voudrais vous y voir, à taper des messages avec cinq doigts. D’accord, je pourrai envoyer des messages audio, mais je trouve toujours que j’ai une voix super bizarre quand elle est enregistrée, j’aime pas ça, je peux pas décemment envoyer ça.

La mère de Luna a l'air d'être du même avis que moi en ce qui concerne un potentiel relooking de sa fille - j'adresse donc un large sourire aux deux femmes en hochant la tête.

"Ah mais ce serait avec plaisir de mon côté, vous savez ! Ce n'est pas moi qu'il faut convaincre, hein..."

Tout en parlant, je donne un léger coup de coude à la brune. Bon, elle va sûrement dire oui pour faire plaisir à sa maman et puis reléguer cette idée dans un coin de sa tête hein - mais j'ai carrément bien l'intention de le lui rappeler quand on sera rentrées !! Mais avant de parler de rentrer, il faudrait déjà survivre au verre d'alcool de serpent que le papy est en train de me servir... Heureusement, il n'en met pas trop dedans (enfin, c'est déjà beaucoup mais disons qu'il en a mis moins que dans les autres verres, quoi !)

"Merci... Et oui, c'est bien ça, je viens de Moscou ! Je ne bois pas trop d'alcools forts, pour être honnête, mais j'aime bien les cocktails à base de vodka quoi..."

Et sur ce, je bois une gorgée dans mon verre - et manque carrément de m'étouffer avec. Je suis une honte pour ma patrie, sérieusement. Mais c'est que c'est hyper fort ce truc, et puis ça goûte... Bizarre, je ne sais pas, ça doit être le serpent - rassurez-moi, y'a plus de poison dans ce machin, hein ? Je lance un regard en coin à Luna, qui a l'air d'aller parfaitement bien, donc j'en conclus que je psychote un peu pour rien...

Le temps de terminer nos verres (un pour moi et plusieurs pour les autres hahaha) et nous sommes parties en direction du centre-ville avec Anita pour une virée shopping entre filles - si on oublie l'escorte de malabars qui nous accompagne, quoi. Nous rejoindrons les deux hommes à la plage plus tard, quand le soleil tapera un peu moins fort. Dans la voiture, la mère de mon amie entame la discussion, et je lui réponds avec un grand sourire, ravie de boucher les trous que Luna laisse visiblement dans ses histoires de Terrae.

"Eh bien, Luna a été ma toute première rencontre en arrivant à Terrae, en fait ! On était dans les dortoirs ensemble - elle les avait transformés en une véritable JUNGLE, elle vous avait dit ça ?! J'ai encore des photos, je pourrai vous montrer, c'était dingue ! On a dormir dans un hamac pendant plusieurs semaines et tout, c'est des bons souvenirs... Et sinon, la vie là-bas, c'est... Ben, assez normal, au final. Les jeunes vont à l'école, les adultes travaillent au village - y'a pas mal de lieux de loisirs et de détente, c'est très chouette... C'est un peu comme une ville classique, sauf qu'on a des pouvoirs pour alimenter tout ça et nous aider au quotidien !"

Si on oublie les petits incidents occasionnels dûs aux Etoilisations, pertes de contrôle ou autres bagarres dans les couloirs, la vie est étrangement... Normale, en fait. C'est presque difficile à croire, vu de l'extérieur, même moi je m'en rends compte !!

__–Woh hé ho hé hein. La seule personne qui m’a vu vraiment présentable, c’est Pandora. C’est pas beaucoup, mais ça veut dire que ça ne me dérange pas non plus totalement.
__–« Ouais ouais, bah on verra bien, hein. »
__–On va à un centre commercial, quand-même. Avec ma mère et Alyona. Qui vont se liguer contre moi pour me faire acheter des fringues et du maquillage et je sais pas quoi. Aucune chance qui j’y coupe, j’ai déjà abandonné l’idée.
__–Elle a galéré à finir son verre, mais elle l’a fini, rien que pour ça papy la félicite, lui en propose un autre et hmm ouais on va se tailler maintenant, allez.

__–Non mais c’est bien les vacances avec mes parents : je vais de traquenard en traquenard. Je sais pas si c’était indispensable de lui raconter le coup de la jungle, à ma daronne.
__–« Noooon, vraiment ? Ma fille, mettre le désordre partout où elle passe ? Cela lui ressemble si peu. Il faudra que vous me montriez ces photos. Enfin, au moins, maintenant, elle a la main verte.
__–– La seule qui me reste.
__–– Chérie, je n’aime pas ce genre de blagues. »
__–Okéééééééé…
__–« Et ce n’est pas trop mal famé, j’espère ? Quand j’ai su que ma fille travaillait dans un bar, j’ai d’abord été au comble de la joie qu’elle ait enfin trouvé un emploi, puis j’ai cru défaillir.
__–– Ouais enfin, je suis patronne, maintenant, j’ai trois employées et tout…
__–– Et tu les baises, j’imagine ? »
__–Aahhhhhh au secours. Oui, elle est intenable comme ça tout le temps. Ah bah, c’est la fille de son père, hein. Je sais pas si ça explique des choses sur mon tempérament… Enfin, elle fait son créneau et, juste avant de sortir, elle se tourne vers nous avec un air… sérieux. Grave. Et un grand sourire.
__–« Et vous, votre famille, Alyona ? »

Je lâche un petit rire quand Luna répond d'un air peu convaincu que "on verra hein" pour le relooking - ce n'est pas un non catégorique, je prends donc ça pour un oui !! Si j'ai réussi à convaincre Tori, j'arriverai bien à convaincre Luna aussi. En fait, quand j'y pense, je leur trouve beaucoup de points communs, à toutes les deux...

L'épreuve de l'alcool de serpent passée (et même réussie, hihi), il est temps de nous mettre en route vers le centre commercial. Dans la voiture, je me fais un plaisir de raconter à Anita les détails de nos premières semaines de cohabitation dans les dortoirs - et comme par hasard, la brune avait omis de mentionner tout ça à sa mère ! C'est vraiment drôle de les voir interagir toutes les deux, je trouve mon amie... Différente, plus timorée peut-être ? Ah... Ah ben non, en fait. Je grimace à la blague vaseuse au sujet de son bras manquant, mais n'intervient pas alors que sa maman la réprimande. Je suis d'accord avec elle, c'est de mauvais goût comme blague !! Je secoue ensuite la tête avec un sourire à la question suivante.

"Oh non, pas du tout ! Enfin, il y a parfois des petits, euh... Incidents, mais c'est comme partout j'imagine ! La plupart du temps, c'est assez calme, et les gens sont super chouettes !!"

C'est d'ailleurs étonnant que ce ne soit pas plus le bazar, vu les origines de certains résidents... Mais il faut croire que tout le monde prend sa "seconde chance" au sérieux ! Je m'apprête à ajouter que le bar de Luna est vraiment trop cool, quand Anita lâche une remarque qui me décroche presque la mâchoire... Je vois que c'est de famille, le manque de tact légendaire !! Je rougis en riant un peu jaune - j'espère vraiment qu'elle ne va pas enchaîner en demandant si Luna me "baise" aussi, omg, le malaise !! Mais heureusement, elle dévie sur un autre sujet alors que nous sortons de la voiture ; ma famille.

"Oh, euh... Il n'y a pas grand chose à dire sur eux !! Je suis fille unique, mes parents vivent toujours à Moscou et... Ben c'est tout ? Ils vont bien, je suis retournée les voir à Noël, et ils prennent des vacances à Tokyo pour me rendre visite quand ils ont le temps aussi ! Vous avez déjà eu l'occasion de faire le voyage ?"

Luna n'a jamais mentionné de visite de sa famille, mais au final, ça ne veut pas spécialement dire que ce n'est jamais arrivé. Je réprime un rire en imaginant les deux femmes et leur franc-parler au milieu des nippons tout timorés ; de quoi provoquer une crise cardiaque ou deux, j'en suis sûre !!

"Pfiouuuh, il fait encore plus chaud et humide dans le centre-ville en fait !!"

J'espère qu'ils ont la climatisation dans leurs magasins... Et je me demande ce que je vais bien pouvoir acheter comme vêtement ; même avec ma robe légère et aérée, je suis en train de suffoquer !!

__–Ah non mais vraiment, elles vont se liguer contre moi. Même si Alyona ne s’en rend pas forcément compte, elle est en train de jeter des bouts de viande à un vautour, là. Heureusement qu’être malaisante, elle connaît assez pour passer vite sur le sujet de qui baise qui.
__–« Des incidents ? La plupart du temps ? »
__–Ooooooook c’était pas forcément mieux et on va rectifier le tir tout de suite.
__–« Ben ouais, tu comprends, un type bourré qui sait plus dans quel bâtiment il habite alors qu’il n’y en a qu’un, un master qui fait un coma éthylique et qu’il faut amener à l’hosto—
__–– Un master… les demi-dieux qu’on a vu sur le terrain en Namibie ?
__–– … Nan, d’autres, bref, boh, des trucs comme ça, quoi. Une fois j’ai eu deux gamins qui voulaient voler une bouteille, mais c’est tout.
__–– Hmm mm. »
__–Non mais, comprenez, pour ma daronne, des problèmes dans un bar, c’est la mafia qui descend pour buter tout de monde, de la mort-aux-rats dans les tapas ou un scandale de blanchiment d’argent. Puis ok, j’en blanchis un peu, mais même pas tant !
__–Bref, maman écoute Alyona parler de sa famille, hoche la tête, lâche un « vous aussi, tiens donc » sur le côté fille unique…
__–« Non, c’est un peu au-dessus de nos moyens. Luna nous aide, bien sûr, mais pour l’instant, nous essayons d’avoir un niveau de vie un petit peu meilleur, avant de penser à faire des vacances à d’autre bout du monde. »
__–Oui, c’est vrai que c’est pas forcément évident-évident pour tout le monde, mais avoir leur fifille qui devient une petite patronne au Japon, pour mes parents, ça a été assez incroyable en terme de conséquences sur leur niveau de vie. Je leur ai envoyé de quoi réparer le toit, changer de voiture, se payer une hotte aspirante – croyez moi, ça a plus changé leur vie que la caisse –, manger des légumes frais à tous les repas… En soi je pourrais leur envoyer plus, mais si mes parents refusent l’argent de papy, c’est pas pour accepter le mien. Entre leur pudeur, leur esprit d’autonomie et leur philosophie de vie ne ne jamais dépendre de personne – qu’ils m’ont inculqué sans problèmes –, forcément…
__–Tout ça pour dire, meeeeeerci de parler du temps qui fait, c’est un sujet moins lourd.
__–« Oh, ne vous en faites pas, tout est climatisé. Venez, venez ! Il faut vous habiller, c’est très joli, mais on m’a dit que vous n’aviez que cela sur le dos, cela ne va pas du tout. »
__–Et c’est parti pour les magasins de fringues…
__–« Je peux pas vous attendre sur le banc des papas ? (Mais si, vous savez, le fameux banc devant les enseignes pour femmes où on a des darons posés là sur leurs tels pendant que leurs femmes et leurs filles dépensent leur pognon. Ah oui alors, la partie commerciale touriste et tout, c’est sûr, on a l’impression d’être dans un autre monde. Déjà, une personne sur quatre parle anglais et on peut voir un truc rarissime dans le quartier de chez papy : des Blancs.)
__–– Non. »
__–Heh. Tant qu’elle me force pas à acheter une robe.
__–… S’est passé quoi, là ? Non attendez, J’ai quitté des yeux Alyona et ma mère deux secondes, elle en a profité pour lui glisser un mot à l’oreille. Ouh ça pue ça, c’est encore une de ses combines.
__–Paragraphe à lire avec une voix grave : Effectivement, juste après avoir répondu à la négative et à l’insu de Luna, qui regardait avec envie et espoir en direction du rayon pour hommes, Anita s’est approchée d’Alyona pour lui chuchoter un « Prenez-la par le bras, pour ne pas qu’elle s’échappe. » avant de s’éloigner pour faire comme si de rien n’était. Luna l’ignorait, mais le piège était en marche…
__–Pourquoi j’ai un narrateur à la troisième personne en mode Quatrième Dimension, maintenant ? C’quoi c’bordel ?

J'esquisse une légère grimace quand Anita semble tiquer alors que je mentionne les incidents qui se déroulent parfois à l'institut - je n'aurais peut-être pas du dire ça ? D'ailleurs, Luna s'insère bien vite dans la conversation pour rectifier le tir et rassurer sa mère. Mais je comprends qu'elle soit inquiète, si elle est au courant de ce qui s'est passé en Namibie à l'hiver dernier... Je n'en ai pas du tout parlé à mes parents ; d'une part parce que je ne suis pas partie en mission, d'autre part parce qu'ils me supplieraient de rentrer à la maison, si je leur apprenais qu'une menace terroriste plane sur Terrae... Je devrais sans doute être inquiète moi aussi ; et je le suis, parfois, mais la plupart du temps, je me sens en sécurité. Et surtout, je n'ai pas du tout envie de partir.

Nouvelle grimace alors que la discussion dévie sur le sujet familial, et que j'ai la bêtise de demander si les parents de mon amie ont déjà eu l'occasion de lui rendre visite. Je sais bien que tout le monde n'a pas les moyens financiers d'entreprendre de tels voyages, mais j'ai naïvement pensé que la famille de Luna menait un train de vie plutôt confortable ; vu qu'ils ont des hommes de main qui nous escortent depuis notre arrivée... ? Mais visiblement, j'ai fait fausse route, et je sens le rouge me monter aux joues.

"O-oh, évidemment, je comprends ! Je suis désolée... C'est vrai que ça fait un peu loin, pour vous, je suis bête... J'ai tendance à oublier ce genre de détails, avec les Téléporteurs et tout ça, on s'habitue à tout, vous savez !"

J'adresse un gentil sourire à la femme, espérant ne pas l'avoir vexée. Mais heureusement, nous arrivons à destination rapidement, ce qui coupe court à cette discussion un peu gênante. Une fois dans le centre commercial (qui est climatisé, quel bonheur), Luna tente de s'esquiver quasi-directement ; mais sa mère l'en empêche, bien évidemment... Elle profite d'ailleurs d'un moment de distraction de sa fille pour s'approcher de moi et me demander de m'assurer qu'elle ne s'échappe pas. J'ai bien envie de lui répondre que, même si je m'accroche à son bras de toutes mes forces, Luna n'aurait aucun mal à s'échapper en m'embarquant avec elle - mais au lieu de quoi, je me contente de hocher la tête avec un sourire complice. Je m'approche ensuite de la brune d'un air innocent, pointant du doigt vers une vitrine devant nous.

"OOOHH regardeeee ! Cette boutique a l'air trop bien, t'as vu les vêtements en vitrine ?! Viens, on va voir à l'intérieur ?!"

Je lui adresse un sourire lumineux en m'accrochant à son bras valide, pour l'attirer avec moi vers la boutique. J'y ai mis toute la conviction et la mignonnitude dont je suis capable, pour qu'elle se sentie obligée de dire oui, eh ! Mais je me demande quand même un peu ce qu'Anita a derrière la tête, du coup...

__–Et voilà qu’elles s’en prennent à une handicapée. Alyona me prend le bras – et pas celui que je peux détacher, bordel, elle a pensé à tout – et me mène vers… une robe. Deux robes. Plein de robes, des talons, toutes ces merdes là, mais qu’est-ce que tu veux que ça me foute, tu me connais, non !? C’est donc ça, le plan de ma mère ?
__–Le pire, c’est que ça marche.
__–« Euh… Ouais okay, si tu veux, mais on regarde que pour toi hein, perso j’ai… »
__–… Failli dire besoin de rien, mais j’ai senti le souffle glacé de la réprimande maternelle en mode « tu me fais honte à te saper comme une chienne de la casse, surtout que maintenant tu gères une entreprise alors sors de ton look de jeune délinquante à la con et grandis ». Enfin. Elle l’aurait dit bien, mais alors, bien plus violemment. Et subtilement.
__–« J’ai pas exaaactement les mêmes goûts, quoi… Y’a… trop de paillettes, disons. »
__–Le pire, c’est que c’est pas la première fois que j’essaie de me fringuer correct, mais à chaque fois, je finis par me déguiser en homme. Hé, j’y peux rien si j’ai pas des jambes étudiées pour aller sous une robe. Par contre, encore une fois mon manque de bol légendaire, je fais du 41. Et la pointure maximale qu’on peut trouver pour les femmes, c’est 41. À une taille près, j’aurais été à jamais disqualifiée des essayages de talons, d’escarpins, de bottines et tous ces trucs.
__–« Heh. »
__–Et bien sûûûûûr ma daronne s’ajoute à la fête.
__–« Oooooh mais Alyona, cet ensemble vous irait si bien ! Et là ma fille, cette ravissante robe ?
__–– Pas trop ma couleur.
__–– C’est sûr, sitôt qu’on sort du gris pluie, du noir délavé et du marron terne… »
__–Ça et elle représente la moitié de son salaire mensuel. Après on s’en fout, c’est nous qui allons payer et, bon, le niveau de vie à Tokyo c’est pas le même hein.
__–« Non puis, tu veux pas quelque chose, toi, maman ? Je te l’offre…
__–– Nous ne sommes pas là pour moi. »
__–Okay, okay. Tentative de corruption : échec critique.
__–Alyona, je sais que tu es dans le camp adverse, mais au secours.

J'emmène Luna à l'intérieur d'une boutique pour femmes, avec un énorme choix de robes, jupes, chaussures à talons... Bref, pas grand chose qui ait l'air d'intéresser la brune, et elle essaye d'ailleurs de le faire remarquer avant que sa mère ne nous rejoigne. C'est assez drôle de la voir galérer à tenir tête à Anita ; je découvre une nouvelle facette de mon amie, que je ne soupçonnais pas vraiment. Et quand elle tente de soudoyer sa maman avec un cadeau, celle-ci refuse sans aucune hésitation. Je me tourne un peu en me mordant la lèvre pour contenir un rire, m'intéressant au passage aux deux tenues que la femme a pointées du doigt juste avant. La robe ultra colorée et bariolée pour Luna, vraiment, je ne suis pas sûre... Allez, elle va finir par nous faire une syncope si ça continue, je me sens un peu obligée d'intervenir ;

"C'est vrai que cette robe est très jolie ! Mais, euh... C'est peut-être un peu trop éloigné du style habituel de Luna ? C'est quand même important de se sentir bien dans ses vêtements, si c'est pour l'acheter et puis ne jamais la porter..."

C'est du gaspillage, et ça ne sert carrément à rien ! Vu comme la brune a l'air d'avoir du mal à dire non à sa mère, elle serait capable de l'essayer et de la prendre juste pour la faire taire - et puis la balancer au fond d'un placard sitôt de retour à Terrae. Non, c'est carrément trop nul ça ! Il faudrait quelque chose de plus... De moins... Enfin, entre les deux, quoi, vous voyez. Je pointe en direction d'une combinaison trois-quarts, à fines bretelles - bleu marine, allez c'est déjà mieux que gris ou noir, hein !

"Qu'est ce que vous pensez de ça ? C'est très classe et féminin, parfait pour une femme d'affaires, héhé ! Tout en restant une transition moins... Radicale, on va dire !"

En vérité, je ne désespère pas de voir Luna porter une vraie robe de vraie fille un jour, hein - mais il faut commencer par des baby steps.