Tu es apparue de nulle part. C'est étrangement familier, déjà. J'ai pris l'habitude d'arriver le premier, après tout. Franchement, c'est loin d'être déplaisant. Puis une dame doit se faire désirer, de ce que j'ai compris. Sauf que là, tu es pas juste apparue de nulle part. Tu es apparue et tout le reste n'existait plus. Le nez en l'air, alors que tu découvres le décor brillant de mille feux, tournant sur toi même juste assez lentement pour que ta robe ne se lève pas plus que de raison, tes tâches de rousseurs pailletées reflétant la lumière des lustres, captant toute mon attention l'espace d'un instant. Puis à nouveau, tu tournes doucement sur toi-même, me cherchant du regard quand le mien se perd le long de tes jambes, remontant juste à temps pour qu'au moment où tu m'aperçois, nos regards se croisent.

Mon sourire est si large quand tu te mets à rougir, Nana. Tu disparais, aussi vite que tu es apparue, aussi je reste immobile, attendant la caresse de ta peau. Contre la mienne, j'espère et- Non, ça sera l'épaule, m'invitant à me retourner. C'est à mon tour d'inspirer longuement, essayant de garder mon sérieux quand je te fais face.

"J'ai bien peur de n'avoir vu personne méritant passer la soirée à votre bras, mademoiselle."

M'inclinant aussi bas que le permet ma carrure, je tends la main vers celle qui s'était posée sur mon épaule quelques secondes plus tôt.

"Puis-je ? "

Sans vraiment attendre de réponse, j'utilise mon index et le dos de ma main au creux de ta paume pour réduire la distance entre ta dernière phalange et mes lèvres, y déposant un baiser tout en douceur. Je me redresse enfin, incapable de reprendre la parole après avoir pu t'observer de plus près, alors que mes doigts viennent se mêler aux tiens le plus naturellement du monde.

Si j'étais un lapin pris dans les phares de ta beauté, je te demanderais de me rouler dessus, Nana. Pourtant, je me contiens. Après ce moment de silence, à s'observer, à se redécouvrir, comme à chaque nouvelle entrevue, je réussi à tendre le bras pour mettre le bouquet en évidence.

"Je- C'est pour toi, Nana."

J'ai parlé de féerie en arrivant ici. Avec ce décor. Cette ambiance bien qu'il n'y a pas encore beaucoup de gens. Son temps de réaction me paraît être une éternité alors que je viens tout juste de lui tapoter l'épaule. Quand Erik se retourne, mon cœur me le fait rapidement comprendre lorsqu'on se fait face. J'ai pas de mots, t'es magnifique. Ce n'est plus féerique. C'est fantasmagorique, extraordinaire. Je souffle du nez dans un rire par ta réponse.

« Peut-être qu'un miroir pourrait aider. »

Oublie pas de respirer meuf. J'ai entrouvert la bouche pour vouloir répondre à sa question mais ce n'est qu'un simple ''oui'' qui s'échappe dans un souffle coupé. Aucune idée s'il l'a entendu ou si je l'ai prononcé trop bas. Ma vue est entièrement concentrée sur lui. Mes yeux ne le lâchent pas, dans chacun de ses mouvements et je ne peux que rougir plus fort avec ce premier contact. Pas besoin d'être Morphe pour clarifier que les papillons dans mon ventre sont en train de créer un cyclone en cet instant. Ici. Tout de suite. Le monde entier tout autour s'efface pour ne laisser place qu'à toi.

Impossible de dire quelque chose, je laisse mes yeux parler. En observant chaque détail, chaque bout de tissu, chaque coin de peau. Des pieds à la tête, finissant par ce visage d'ange. Il y a cette sensation d'être rentrée dans une nouvelle dimension, un rêve lucide qu'on aimerait répéter chaque nuit. Ou alors. Peut-être qu’après de nombreux romans de fantaisie, c’était nous les futurs protagonistes. On se redécouvre en silence, mes iris brillent par la beauté qu’il dégage et je serre ses doigts dans les miens. L’accord du blanc avec le noir est parfait pour son costume, vraiment parfait. Ça lui va terriblement bien. Une vision qui restera gravée dans ma mémoire pour longtemps. Un chevalier - Mon chevalier. Même sans sa veste, avec simplement la chemise noire, ça me fait vibrer.

Mes sourcils se lèvent par surprise et, doucement, je récupère le bouquet avant d’enfin décrocher mes iris des siens pour découvrir toute la splendeur des fleurs. Il a ramené des putains de fleurs, c’est tellement romantique. Je viens bloquer ma pochette sous mon bras contre mes côtes et ramène le bouquet vers mon nez, fermant les yeux un instant, pour découvrir un parfum frais, doux, charmant, un peu comme le grand blond en face de moi. C’est un moment familier qui me ramène à nos débuts. Ma gêne ne m’empêche pas de sourire un peu plus fort encore, d’avoir le cœur battant encore plus. Je fonds de l’intérieur et finis par bredouiller une réponse en rouvrant les yeux.

«  C’est hm - Je me racle la gorge brièvement- C’est magnifique, merci Erik.  »

Pas autant que toi, mais woah, OK ? Timidement, je me penche pour déposer un court baiser sur sa joue, son odeur vient remplir mes narines. Promis mon rouge à lèvres est sans transfert.

«  T’es vraiment très élégant comme ça 'fin… T’es- oui. Et la petite touche de noire, on est assortis un peu et puis - 'fin t’es super comme ça vraiment il te va comme un gant.  »

À mon grand désarroi, le bouquet que je tends à mon amoureuse vient se loger entre mon regard toujours ensorcelé par sa beauté et la naissance de son décolleté. Pourtant, je n'ai aucun regret, préférant laisser mon pouce couler le long des vagues dorées de la chevelure de Nana. Ses yeux clos, son nez dans les fleurs qui font ressortir le rose de ses joues... Ma main se perd sur ton épaule, glissant le long de ton bras alors que mes doigts serrent ton autre main un peu plus fort. Ce que tu es belle, Nana. J'espère continuer à te faire rougir comme ça pour toujours, j'espère sentir nos sentiments s'entrechoquer, s'affronter, se réconcilier puis s'embraser, encore et toujours. Qu'on ne se lasse pas, continuant d'entretenir cette flamme si fragile alors même qu'elle réchauffe nos cœurs avec la détermination douce, humble mais sans compromis de l'amour que l'on se porte l'un à l'autre. En ce moment précis, je n'ai jamais trouvé quelqu'un aussi élégant que cette femme qui hume le bouquet que je lui ai tendu. Je n'ai jamais trouvé une femme aussi belle que depuis que son maquillage ne suffit plus à dissimuler la chaleur qui émane de ses joues. L'envie irrésistible de cueillir tes lèvres lutte sans fin contre l'appétit de mes yeux qui souhaiteraient ne jamais se fermer pour ne pas perde une seconde de toi.

Je finis par reculer d'un pas pour avoir une vue d'ensemble, caressant du regard la mousseline élégante drapant ta taille, puis tes jambes, longues, si longues, allongées par ces chaussures d'habitude bien rangées dans le bas de ton placard. Qu'est-ce que j'aimerais être derrière toi, à contempler tes épaules nues sur lesquelles tombent en cascade des boucles blondes plus belles que jamais. Tes yeux s'ouvrent à nouveau, finalement, et je me sens renaître dans ce regard d'or et d'amour que tu me réserve d'habitude uniquement en privé. Oh Nana. Ma Nana. Mes yeux ont peut-être gagné, peut-être que mes lèvres vont devoir patienter encore un peu pour remplacer tous les autres sens que ta présence stimule, mais le simple contact de tes lèvres sur ma joue me force à fermer les yeux à mon tour, enivré par l'odeur de cette lavande qui te rappellera toujours à ma mémoire.

"C'est parce que je sais très bien que la seule fois où je te verrais porter autre chose que du noir de ton plein gré, ça sera au bras d'un autre-"

Je rougis timidement à cette plaisanterie qui n'en est pas vraiment une, enchaînant rapidement pour qu'elle n'ai pas trop le temps d'y penser.

"Puis l'avantage c'est ça regarde-"

Je recule d'un pas à nouveau, claquant des doigts pour faire changer la couleur de ma cravate et de ma chemise une fois, puis deux, puis une troisième avant de revenir au noir d'origine dans un dernier snap sonore.

"J'aurais trouvé un autre moyen d'être assorti avec la reine de la soirée, tu comprends-"

Puis je percute. C'était à double sens ce que je disais, ma petite blague sur le mariage, le bras de la mariée à celui de la figure paternelle, tout ça ??? Y a un monde où elle pense que je l'imagine au bras d'un autre ???

"MAIS OUI LE COSTUME C'EST ARIA QUI ME L'A FAIT C'EST MON CADEAU DE NOËL il est trop trop trop beau t'as vu ???? "

Le monde s'était effacé tout autour de nous, et ce n'est pas que visuel. Chacun de mes sens sont focus, attentifs et sensibles envers Erik. Ses mots sont les seuls sons que j'entends sur le moment. J'ai 26 ans, mais je me sens comme une adolescente tout de suite. Une ado qui se retrouve face à son crush et qui, malgré toutes les autres filles de l'école, c'est avec toi qu'il va au bal. Ouais c'est cliché, mais c'est littéralement l'image que j'ai en tête à l'instant. Je serais l'heureuse élue qui rentrera ce soir avec un homme aussi époustouflant, tout simplement toi mon amour... Bien que je compte te dévorer toute la soirée dans ces vêtements, ce sera une autre histoire en rentrant. Déjà, j'ai ce désavantage d'avoir un peu plus de peau que lui à l'air, mais je n'en suis pas malheureuse, je prendrais soin de ressentir... Chaque. Contact.
Nos joues s'accordent à rougir ensemble, éblouis par une vision nouvelle de l'autre.

Complètement inconfortable à me présenter ici, je ne me sentais pas chez moi mais finalement, en rejoignant Erik, quelque chose s'est illuminé. J'peux pas le traduire comme je veux mais c'est toi qui change tout dans cette salle: You make me feel like home.

Un visuel traverse mon esprit avant de rapidement disparaître, un flash de blanc qui s'évanouit rapidement par le changement de mots soudain. Un gloussement m'échappe sur ses paroles tout en l'observant opérer sa magie, les couleurs qui se transforment au fur et à mesure et qui laissent place de nouveau au noir. Je me laisse un instant pour respirer à nouveau le parfum du bouquet mais cette fois-ci, sans lâcher Erik du regard. Tout lui va bien. Je n'ai pas de mots.

« Tu as plus d'un tour dans ton sac, je suis honorée. Je pense que ton nom est gravé sur la couronne du roi de toute façon. »

Je souris un peu plus fort. Les gens vont finir par croire que j'ai choppé un coup de soleil si je ne suis pas capable de ravoir une couleur normale sur le visage.

Aria avait clairement cousu un chef-d’œuvre pour son meilleur ami. Le détail, la couleur, la beauté du tissu, la précision de chaque couture pour que la veste tombe parfaitement sur ses épaules. Pourquoi je n'y ai pas pensé. C'est unique et magnifique. La joie d'Erik me fait souffler du nez dans un rire silencieux. Je fais rouler le bouquet dans le creux de mon bras pour libérer ma main afin de pouvoir la déposer doucement sur son torse, exactement en plein milieu, où le cœur se situe, avançant d'un pas. Le tissu chatouille la peau de ma paume, ou bien c'est simplement le contact, et les légers battements que je peux percevoir.

« C'est un incroyable cadeau qu'elle t'a fait le tissu est super doux, j'espère que tu l'as remercié comme il se doit! Elle est vraiment talentueuse et je comprends mieux pourquoi il te va si bien et qu'il est taillé à la perfection. Être couturière et Morphe, c'est un beau duo- gloussais-je tout en bougeant un peu la tête pour guider quelques mèches de cheveux vers l'arrière de mon épaule, sans bouger ma main- est-ce que tu as prévu de lui offrir quelque chose? »

J'hausse un sourcil.

« J'imagine qu'on la verra ce soir d'ailleurs non ?»

"Tu vas me faire rougir tu sais ? "

Oui elle sait je suis déjà pivoine frr. Puis comme je m'emballe et que j'assume pas ma blague et qu'elle la relève pas j'enchaîne à toute vitesse, perdant en romantisme ce que je gagne en santé mentale si elle comprend la blague. J'suis en panique oui bon bah euh écoutez ça lui enlève pas ses yeux dorés, ses paupières brillantes et ses lèvres beaucoup trop proches des miennes pour que dans tous les cas, j'ai envie de fuir pour de vrai.

"Enchanté, Honorée. Moi c'est Erik." je marmonne dans ma barbe.

Non bon okay. Okay okay. Respire. Pense à elle. Ouvre les yeux. Elle est en face de toi. Elle est belle. Plus que jamais. Gâche pas le moment. Mes lèvres viennent se poser sur le front de la Téléporteuse et je me laisse aller à sourire. Un peu plus et je devrais me mettre sur la pointe des pieds pour pouvoir sentir l'odeur de sud de la France de ses cheveux. Sans partir trop loin dans les explications sur ma tenue, j'évoque le fait que ça soit un cadeau d'Aria et la conversation s'emballe d'un coup. Je mais j- Mais j'voulais- J'suis tellement heureux que tu sois là Nana. D'être là pour toi. Avec toi. T'es putain de magnifique et j'espère que j'vais pouvoir finir par le dire, parce qu'on ne parle que de moi depuis tout à l'heure alors que j'aurais pu mourir quand tu es apparue dans le hall il y a moins d'une minute.

"Je sais pas si on la verra. Elle m'a demandé de lui souhaiter bonne chance, dans son petit mot. Elle avait déposé ça au travail avant que j'arrive, j'ai pas encore pu la remercier comme il se doit, non. J'pensais lui offrir une danse, si c'est okay pour toi. C'est pas grand chose mais j'veux qu'elle soit aux premières loges un moment pour observer son œuvre d'art-"

Je souris, serrant la main de ma copine contre mon torse, refusant tout contact plus osé ou tendancieux. Je veux le dire sans que ça ne sonne sexuel, ou tendancieux. Je veux qu'elle sache que si je la dévore du regard, c'est pas simplement du désir. Que c'est plus que ça. Le temps s'arrête un moment, pendant que ses yeux s'écarquillent doucement puis qu'elle commence à froncer les sourcils dans cette mimique que j'affectionne tant.

"Est-ce qu'on peut arrêter de parler de moi deux secondes, Nana ? Non pas que ça me gène, tu sais bien que même si je prends la grosse tête, j'pourrais toujours la rétrécir pour passer les portes. Mais juste. J'ai déjà trouvé des femmes belles. J'ai déjà fantasmé, j'ai déjà désiré des femmes somptueuses. Mais toi, là, tout de suite. J'affirme sans le moindre doute, vraiment, que j'ai l'impression d'être face à quelque chose d'hors de ce monde. Et j'ai vu des transformations ratées d'Aria, hein. C'est vraiment français, qu'est ton père ? C'est pas une sorte de dieu ou de créature angélique ? Je- J'en fais trop, peut-être. Mais c'est vraiment ce que je pense. Aujourd'hui, là, ce soir. Dans cette robe, Nana. Je souhaite avoir l'occasion de le revivre, ce moment où tu arrives. Où tu me cherches du regard, après avoir eu le nez en l'air le temps de regarder la déco. Tu es belle. Si belle. Et rien que de te regarder, je sais que je veux juste avoir la chance d'y assister ne serait-ce qu'une fois de plus, à cette apparition. Ce sourire. Ton sourire. C'est ce pourquoi je vais vivre, à partir de ce soir. T'es magnifique. J'ai pas d'autre mot. T'es parfaite. On est d'accord que ton maquillage ne risque rien si l'envie de t'embrasser que je réfrène depuis la seconde où tu es arrivée venait à l'emporter sur tout le reste ? "

« Oui bien sûr, c'est une bonne idée, je vous laisserai tourbillonner dans la salle et j'en profiterai pour aller chercher à boire, ou trouver un autre partenaire de danse en attendant qui sait- pouffais-je. Y a pas de prix attitré pour remercier, je suis sûre que ça lui fera plaisir de danser avec toi. »

Ils passeront un bon moment ensemble et aucun doute qu'Aria sera contente de pouvoir observer son magnifique cadeau de plus près tout en profitant d'un bon moment avec son bff. Je me demande quelle robe elle pourrait porter ici, quelque chose d'éblouissant je suis sûre.

La chaleur de sa main contre la mienne est agréable et il m'est impossible de quitter son regard bleuté. Cette océan dans lequel je me noie constamment par pure envie. Je ne me lasse jamais de ça, de tout, de toi, tes blagues, ta voix, ton odeur, à quel point tu me surprends et m'éblouis et dont ce soir... t'es le cœur étincelant de ma galaxie. Ou de l'espace infini même. Mon espace.

Tes mots me fascinent au point que j'en oublie presque d'avaler ma salive. Cette déclaration est folle. Pendant qu'il parle, le bout de mes doigts font des petits mouvements de va-et-vient sur le tissu, sa main encore sur la mienne. Mon cœur danse la samba, gonflant mon amour qui est déjà si grand envers lui. Je t'aime à en mourir et ce soir, c'est à se remémorer jusqu'à la fin des temps. Ce que je donnerai pour pouvoir t'embrasser sur le champ, mais je me retiens, je te laisse parler, me faire vibrer par l'amour  qui nous enveloppe. Ça m'émeut de revoir ce moment où tu me tends des fleurs. Terrae, c'est magique, mais ce que tu m'offres Erik, c'est au-delà de la magie. Plus fort. Je me sens dépassée et je prends sur moi pour ne pas lâcher une larme sous le coup de l'émotion, enflammée par tes paroles. Tu poserais ta main sur mon thorax, tu entendrais une mélodie des plus étourdissantes. Erik...

« Là c'est moi qui est gênée attention je vais finir par me cacher dans un trou. »

Je glousse avant de reprendre tout de suite la parole, mes yeux balayent son visage puis font des aller-retour entre ses iris et ses lèvres.

« 99% sans risques je te dirais quoi que- Puis-je? »

Je renvoie la balle en prenant mon courage à deux mains, enfin, une main, parce que l'autre est toujours contre Erik. Malgré mes escarpins, je me penche après ma question rhétorique pour enfin faire rencontrer nos lèvres dans un baiser doux et lent. Difficile de me concentrer mais je fais quand même attention à ne pas écraser le bouquet entre nous deux. Le baiser ne dure pas longtemps, c'est timidement donné, mais c'est suffisant pour partager la chaleur de la flamme qui nous allume ce soir, toute cette douceur qui émane de Erik me fait fondre tel un simple glaçon sous le soleil.

« 100% sans risques. On va passer une soirée qu'on se souviendra longtemps, sache que si je souris, c'est parce que t'en es la raison. On est qu'au début mais j'ai déjà envie de revivre ce qui se passe présentement, que ce soit tout en noir... ou tout autre couleur - clin d’œil- Est-ce que tu me permets d'aller déposer ce magnifique bouquet dans ma chambre rapidement afin que mes bras puissent être complètement disponibles pour toi? Le temps que tu prépares une nouvelle blague, je serais de retour. »

C'est tellement naturel chez toi que je sais qu'une poignée de secondes, c'est suffisant.

J'étais pas inquiet, je savais bien qu'elle allait accepter de me laisser danser avec Ariana. Je m'attendait peut-être à un peu de jalousie, à une petite hésitation, et je sais que c'est malsain, un peu, mais je crois que je suis un peu déçu. Vraiment pas longtemps, parce que je sais très bien que c'est parce qu'elle me fait confiance, parce qu'elle sait que c'est elle, que j'aime, que c'est à elle que j'ai offert ces fleurs, que c'est pour être assorti avec elle que j'ai pris une chemise et une cravate noires. Du coup je culpabilise un peu, un instant trop bref pour vraiment pouvoir ne serait-ce qu'entacher ce moment simple et doux qu'on vit, tous les deux. Quand ma langue se délie, allant jusqu'à mêler nos langues en conséquence, d'un élan de cette passion timide qui semble maintenant être la norme entre nous deux, depuis que notre relation passionnelle vouée à assouvir nos pulsions et nos besoins de contacts intimes et privilégiés avait petit à petit muté pour devenir ça, cette phase étrange où, après s'être adonné, après s'être abandonné à tout ce qui nous passait par la tête, on essaie maintenant de prendre notre temps. Ça n'enlève rien à la chaleur de nos étreintes, ou au désir que m'inspire la jeune Téléporteuse. C'est simplement plus subtil. Plus nuancé. On avait, depuis le début, été directs, francs. Ça avait porté ses fruits, indéniablement, et si la communication a été le socle de notre relation, elle le reste aujourd'hui. C'était juste différent. On prend simplement le temps qu'on a pas pris plus tôt. Peut-être que, pour certains, ça sonnerait étrangement. Illogique. Ou comme une sorte de début de la fin, pour ce nous encore jeune. Pourtant, ce baiser timide que Nana m'offre actuellement, j'en comprenait l'essence même. L'origine. Le sens. L'émotion qu'elle y déverse, ce qu'elle y cherche. Sans même avoir à interpréter, sans même à devoir calculer comment y répondre au mieux. Je l'accueille avec plaisir et, effleurant sa joue de mon pouce, lui le rend avec la même passion, la même envie d'elle qu'au premier jour. D'une manière plus calme, plus subtile. Plus tendre. Mais c'est la même envie de le partager avec toi qui fait vibrer ce baiser, cette marque d'affection. Et pendant que seule toi existe, que le temps s'arrête, je ne pense qu'à tes joues roses et à ton sourire contre mes lèvres, parce que je sais que tu y puise la même image.

"100%. Bien bien bien. Okay super. C'est bon à savoir. Mais ouais vazy file, juste un essuie-tout humide pour la soirée, ça sera parfait ! Faudrait pas les noyer t'sais-"

Avant qu'elle ne puisse s'évaporer dans les airs, je lui arrache délicatement les fleurs de la main pour cueillir ses lèvres à l'improviste, mes mains sur ses hanches en prenant soin de ne pas écraser les fleurs dans une étreinte trop enflammée.

"100%. Parfait- Reviens moi vite hein ? Un faire-valoir sans rien à faire valoir ils vont me prendre pour un serveur ou je sais pas quoi-""

« Je les ferais durer aussi longtemps que je peux, gloussais-je. »

Maintenant que j'ai le go, je vais pouvoir les préserver dans ma chambre. Je dois avoir ça de l'essuie-tout dans mes placards. Mais avant de partir, nos lèvres se reconnectent et je ne peux pas m'empêcher de sourire contre les siennes. Mes mains viennent embrasser le contour de sa mâchoire, le cœur battant.   La douce chaleur qui émane de nous me fait presque transpirer dans ma robe. À mon grand regret je délaisse les mains d'Erik sur mes hanches et récupère le bouquet. Une dernière grande inspiration du parfum florale puis je jette un dernier regard vers lui.

« Promis, ce ne sera pas long. »

Je l'ai regardé jusqu'à ce que j'arrive dans ma chambre. Je jette sur le lit la pochette, tant pis, j'ai autre chose à faire que de me trimballer mon téléphone et mes clopes. J'en volerai à quelqu'un pendant la soirée s'il le faut, j'ai pas de poches et ça ne me tente pas de garder ça à la main. D'un pas plutôt rapide, sans me casser les chevilles, je dépose les fleurs dans mon évier de cuisine, entourant le bas d'un papier humide. Je les mettrai dans un vase demain.

Pendant un instant, mon regard fixe le bouquet et mon cœur s'emballe un peu plus fort. C'est différent ce soir. Très différent. Ou bien c'est différent depuis un moment et je m'y suis habituée. Quelque chose de sain, vraiment sain. Je semble avoir oublié cette définition jusqu'à ce que tu débarques avec tes claquettes-chaussettes devant la boîte. J'en ai fait des erreurs par le passé, je me suis abandonnée au fond du trou sans chercher la lumière qui menait à la sortie. Les doutes m'ont rongé longtemps, j'ai couru après des fantômes, laissé qui je suis en arrière et j'ai fini par rattraper tout ça. Les morceaux ont décidé de se recoller doucement par l'art du Kintsugi. J'ai arrêté de dissimuler mes cassures pour les recoller et les sublimer avec de l'or. Or qui découle de nous. De toi. De moi. Parce que tu me fais grandir chaque jour, me permettant de me voir sous une meilleure lumière parce que tu brilles tellement. C’est différent ce soir Erik. Est-ce que tu le sens aussi ? Est-ce que tu l’as senti dans nos baisers ? Nos regards ? Le feu d’artifice dans ma cage thoracique me crie simplement oui. Tes mots se sont ancrés dans mon esprit pour ne plus jamais en sortir. Je ne sais pas où l’on va, ensemble, mais je veux le découvrir avec toi tous les jours sans regarder en arrière vers ce trou dont j’ai pu sortir par ta main tendue vers moi. Finalement je quitte les fleurs pour regarder la petite boîte emballée de papier rouge terminant sur un nœud argenté sur le dessus. Je ne me rappelle pas la dernière fois que j’ai offert quelque chose à Noël envers quelqu’un. Je prendrais le temps de l’offrir à Erik à la fin du bal. Ou demain. Je ne sais pas. J’espère qu’il aimerait ce que je lui ai pris. Dans ma recherche de robe dans les quartiers de Tokyo, j’errais aussi pour lui trouver un truc qui pourrait lui plaire. Rien ne me paraissait suffisant jusqu’à ce que je passe devant un magasin de sport. Et je l’ai vu dans la vitrine. Cette montre Garmin dernier cri pour les amoureux de natation. Détection de la fréquence cardiaque au poignet, écran tactile, chronomètre et j’en passe les détails de tout ce qu’elle peut faire. Je l’ai vu tout de suite au poignet d’Erik et mon instinct semblait valider l’idée. C’est un certain budget que j’étais prête à payer. Je l’ai pris dans la couleur la plus simple, noire. Elle n’est pas trop petite, mais assez grande pour que ça soit confortable à porter. J’ai mis dans la boîte un reçu cadeau, s’il décide de vouloir la retourner finalement pour avoir une carte cadeau et le dépenser dans autre chose dans le magasin.

Faut que j’y aille. J’aurais tout le temps du monde pour penser encore et encore, ma priorité, Erik, c’est toi ce soir. Je respire un bon coup avant de me laisser revenir dans la salle.

J’atterris et tourne la tête pour me rendre compte que je suis à quelques mètres de lui avant de me rapprocher doucement.

«  Elles devraient survivre la nuit, riais-je en passant une main à l’arrière de ma chevelure. »

Je balaye à nouveau de haut en bas sa tenue. Magnifique.

«  On t’a demandé de faire des Martinis finalement ou je t’ai évité ça pour que tu puisses garder ton statut de chevalier flamboyant ?  »

J’ai parlé tout en venant reprendre sa main dans la mienne, toujours timidement. Je ne peux pas faire autrement, la flamme qui m’anime ne me laisse pas être autrement.

«  Joyeux Noël Erik.  »

Ça y est. La lumière revient. Aussi étrangement que ça puisse paraître, considérant que Nana est ma lumière. Est-ce que je peux parler d'éclipse ? Une éclipse où c'est le Soleil qui passe devant la Lune, en pleine nuit. Une lumière tellement éblouissante qu'on ne voit plus rien autour. Plus rien d'autre. Bon après hein, j'ai pas fait les mêmes études que Katsuyo, mais je sais très bien que jamais le Soleil passera entre la Terre et la Lune. Déjà parce que frère moi même j'ai parfois du mal à passer entre le comptoir et le mur, j'sais ce que c'est, mais surtout ça voudrait dire que c'est la fin du monde. Peut-être que c'est la fin du monde ? Ce monde tel que je le connaissais, sans elle ? Ptete que j'peux y survivre, que j'suis Superman et que le Soleil est ce dont j'ai besoin pour vivre ? Bon on a tous besoin de vivre et steuplé reviens vite, Nana, je sens que mon esprit commence à divaguer. Commence à imaginer des choses que je m'efforce de confiner loin, très loin de mon esprit. Genre le genre de truc qui me fait faire des blagues sur le mariage, par exemple. Des trucs qui devraient rester encore un peu juste pour moi. Des trucs que je dois laisser mûrir dans ma tête avant de les déballer. Genre que j'aimerais bien vivre avec toi. Putain. Et voilà t'as pris trop de temps Nana. En vrai, je refuse d'y penser trop, déjà à cause du bordel logistique d'un tel changement. Puis, surtout. Et j'insiste sur le SURTOUT, est-ce que c'est vraiment le moment ? J'aime bien notre rythme, j'aime bien la façon dont s'écrit ce qu'on vit, j'ai envie d'en profiter encore un peu. J'sais bien que c'est bête, parce que je sais que j'pourrais continuer à profiter encore après, mais est-ce que ça serait pareil ? Puis surtout, est-ce qu'on passerait plus de temps ensemble si on emménageait ensemble ? Et puis, où ? Mais dans tous les cas on a des emplois du temps de ministre. Et faut encore que je discute avec Ipiu, savoir si elle peut se démerder sans moi. Je sais que la réponse est oui, c'est ça le pire. Mais faut que je lui parle. J'ai l'impression qu'on s'évite en ce moment. Enfin. Qu'on évite d'échanger plus que des banalités ou des sujets légers, que c'est moins intime et-

Elle est de retour. Oh Nana. T'es encore plus belle que mon souvenir d'il y a deux minutes. Pourtant tu brillais tellement dans ma tête. J'croyais c'était impérissable, les souvenirs comme ça. Genre. Notre première fois c'était encore mieux que dans mon souvenir du coup ? Notre premier baiser après être ensemble aussi ? Ou c'est juste que tu passes ton temps à me surprendre, à devenir de plus en plus belle, de plus en plus souriante et radieuse ? Elle s'est occupée des fleurs et ça me fait sourire. Elles devraient survivre. Cool. Cool cool cool. Parce que moi je suis pas tant certain d'être ce Superman qui se nourri d'énergie solaire, au final. Ou, qu'au contraire, je suis quasiment sûr que cette magnifique robe, portée avec tant d'assurance et de grâce par mon date, me laisse un étrange goût de trop peu, tout en titillant mon appétit d'elle. Je ne l'ai jamais vue aussi belle et pourtant, elle me fait l'impression d'un paquet encore emballé dont je connais déjà le contenu par coeur. C'est la magie de Noël ? Ou j'suis juste un gros beauf sur lequel sa petite amie fait beaucoup trop d'effet ?

"Nan, pas de commande de martini heureusement. J'ai le souvenir d'une jolie fille, pourtant. Elle me demandait si j'avais pas vu son cavalier. Mais ça peut pas être toi, elle avait une pochette sous le bras. Elle embrassait bien après, j'imagine que la mémoire pourrait me revenir  si-"

Sa main glisse dans la mienne et, après m'avoir assuré qu'elle n'avait pas oublié sa pochette mais qu'elle préférait avoir ses deux mains disponibles pour danser plus tard, après m'avoir souhaité ce joyeux Noël, les yeux dans les yeux, avant de lui répondre avec des mots, je le fais avec mon corps. Avec mes lèvres aussi, finalement, en les pressant contre les siennes, nos mains jointes entre nous, avec tout cet amour qui me consume en faisant battre mon cœur encore plus fort.

"Joyeux Noël, Nana."

La main de mon amoureuse au creux de la mienne, je relève finalement la tête, mon esprit à nouveau clair, moins troublé par la présence angélique à mes côtés. Présence moins troublante que son absence, finalement.


__ET C REPARTI POUR LE BAL__