Et voilà, le lac a été gelé, la cabane pour les patins est montée. Il ne reste plus qu'à s'amuser. J'observe les autres glisser sur le lac en me disant que vraiment, si j'y allais aussi, je ressemblerait vraiment à Bambi sur la glace, entre mes taches et ma maladresse. Quand on vient d'un pays où il fait rarement en dessous de 15°, on a pas trop l'occasion de patiner. Et en tant que jeune d'un favela bien sûr je n'avais pas les sous pour les patinoires artificielles. Donc je n'ai je pense jamais patiné de ma vie. Ça me donnerait pourtant bien envie, quand je vois tout le monde s'amuser. Un sourire vague sur les lèvres, je suis assise sur un banc et regarde tranquillement tout ce beau monde. Peut-être que dans un petit moment, quand il y aura moins de spectateurs... Je m'y risquerai !

On a bien bossé tous ensemble, les Eaux ont fait un travail prodigieux, et nous on a réussi à tout mettre en place. Je regarde tout le petit monde se lancer sur la glace et valdinguer pour certains, d'autres sont vraiment talentueux. Je vais chercher des patins moi aussi pour aller m'y essayer, quand j'aperçois Tori un peu toute seule sur un banc. Je m'approche d'elle silencieusement, j'use cruellement de mes talents pour la surprendre en lui donnant un gentil coup dans l'épaule.

Bah alors, tu viens pas ?

Je croise son regard. Je me rappelle soudain qu'elle a peut-être jamais patiné de sa vie. Et c'est pas la personne la plus extravertie que je connaisse. Hm. Je lui lance un grand sourire joueur.

Tu vas pas me laisser me planter tout seul, pas vrai ?

Le coup sur mon épaule me prend par surprise. Heureusement contrairement à la première fois, je ne lance pas mon poing avant de découvrir Roman qui me sourit. Sa question me fait hausser les épaules.

J'ai jamais patiné et Senri me prend pour son idole. Je vais briser ses rêves. Dis-je sur le ton de la plaisanterie.

Pourtant, lui ne se désiste pas. Il a déjà les patins dans les mains, et son sourire joueur. À chaque fois ça me fait quelque chose. Et alors son petit défi là. Je ricane en me levant et le pousse gentiment d'une bourrade.

Ok. Alors prépare toi parce que Baghera va se transformer en Bambi ! Et interdiction de te moquer parce que je suis sûre que tu te débrouilles très bien. Le taquiné-je en me dirigeant vers le cabanon.

J'attrape une paire de patins et quelques instants plus tard me voilà équipée. Déjà me tenir debout dessus sur la terre ferme c'est la galère... Alors quand j'arrive au bord de la glace j'ai les mains moites. Je vais me vautrer c'est sûr.

Elle plaisante au sujet de Senri, à qui elle ne veut pas briser les rêves. Je me marre et retiens une première remarque désobligeante. Je reste sur ma position et lui lance un petit défi tout en l'invitant à venir avec moi quoiqu'il arrive. Elle rit et me pousse gentiment, je recule d'un pas mais la laisse faire, et je me marre moi aussi.

Et cette fois je retiens pas.

J'oserai jamais me moquer de toi, surtout si t'es encore plus cute en bambi qu'en Baghera.

Je garde la même expression joueuse et l'attend en enfilant mes propres patins. Lorsqu'elle revient, elle galère déjà marcher sur la terre ferme. On s'avance jusqu'à la glace. Je sais tenir debout et avancer seul sur la glace mais je suis loin d'être un champion, et je suis à peu près sûr que je peux rattraper personne. Mais on s'en fiche on est là pour rigoler. Je lui tends mon bras et penche ma tête vers elle.

Allez viens on va cascader ensemble.

Je la laisse m'attraper le bras et pose mes pieds sur la glace, j'avance doucement en équilibre, essayant d'être stable pour elle.

On chahute. Comme avant ce foutu bordel. On a discuté et même en sachant l'histoire, même en me connaissant un peu mieux, il continue de venir me voir de lui-même. Nos entrainements sont toujours un véritable rayon de soleil pour moi alors, quand il me houspille, je cède et me lève en le prévenant de ma maladresse. Et sa réponse... Me laisse sans voix. Je reste un instant la bouche ouverte avant que mes joues s'enflamment. Avec un rire nerveux je lui mets un petit coup sans force.

Nan mais non mais n'importe quoi d'abord ! Tu sais quoi, je parie que tu tombes avant moi ! Répliqué-je pour essayer de cacher mon trouble.

Les patins enfilés on s'approche de la berge et clairement, je sais pas par quel bout prendre la chose. Roman a dû s'en rendre compte, il me tend le bras que j'attrape. Puis je pose un premier pied sur la glace, puis le deuxième. Et nous voilà dérivant lentement tous les deux à cause de ça. Ça glisse et c'est loin d'être stable alors je m'accroche toujours à Roman quand j'arrive enfin à me redresser.

C'est quoi ce bordel, c'est super dur ! Comment ils font les autres ?! Marmonné-je alors que mes pieds s'écartent petit à petit façon grand écart involontaire.

Vraiment. Bambi sur la glace.

Les joues de ma camarade Air rougissent à vu d'oeil et ça ne fait que me faire sourire plus fort. Elle me tape pour toute réponse, que j'accepte sans broncher. Elle est adorable, elle voudrait faire exprès qu'elle y arriverait pas. Enfin, j'en sais rien, mais façon de dire quoi.

Ahaha, insiste pas trop, je pourrai continuer à te prouver que j'ai raison !

Une menace pas tout à fait en l'air parce qu'un jour je pourrai me mettre à lui dire pourquoi je trouve que c'est vrai. Tout ça pour seulement monter sur la glace, peu sûr de nous mais tout de même. Elle reste penchée en avant un moment, les jambes fléchies. J'attends patiemment qu'elle se stabilise. Elle ronchonne et je me retiens de rire, garde son bras contre moi. Ses jambes s'écartent, elle va finir par tomber.

J'aimerai te sortir une phrase de pro pour te rassurer mais j'ai rien en stock. Essaie juste de tenir debout pour l'instant, si tu rapproches doucement tes pieds tu vas finir par trouver un équilibre.

Je tente un "pas" sur la glace, ce qui nous fait légèrement accélérer, et mes yeux s'ouvrent grand alors que je fixe ses pieds.

Oh punaise pardon, tout va bien je t'assure !

Quand Roman continue de me taquiner, je lui tire purement et simplement la langue. Quelques moments plus tard, me voilà avec lui sur la glace. Et c'est le début de la cata. D'abord je galère à me redresser, puis quand j'y arrive voilà mes patins qui n'en font qu'à leur tête. Je râle dans ma barbe, je suis en train de me ridiculiser. Je n'ai toujours pas lâché le pauvre Air, qui me sert littéralement de bouée de sauvetage. Mais il est assez gentil pour ne pas m'envoyer chier, et à la place essaye de me donner quelques conseils. Alors que je tente un rapprochement de mes deux patins, je sens Roman bouger et nous voilà en mouvement. Et il a beau s'excuser, je bataille bien trop avec mon équilibre pour répondre quoi que ce soit d'intelligible. Tout ce qui sort est une bouillie de mots :

Aaaaaaahnonj'vaistomberj'vaistomberjeveuxpasc'estfroidetmouilléjedétestelefroidausecoursaaaargh !

Et puis, d'un seul coup, sans que je comprenne comment, j'ai réussi à me dépatouiller. Me voilà, les patins proches et un peu moins bancale. Je me permet un temps pour souffler et lâche Roman.

Désolée, je t'ai vraiment pris pour un poteau...

Puis en le regardant, je sens un rire monter. Impossible de le retenir, j'éclate de rire devant la situation totalement cocasse.

Elle panique, clairement elle panique, et sur l'instant, ça me fait pas rire du tout, j'essaie juste de la soutenir comme je peux et de la rassurer en attrappant son coude pour être sûr qu'elle tienne debout le plus possible. J'aurai jamais l'équilibre de la porter pour pas qu'elle tombe sans nous envoyer tous les deux dans le décor...

Mais par miracle, ses patins la remette toute droite. Je la regarde un peu surpris, et puis elle me lâche, alors je fais de même. Et elle s'excuse, et j'explose de rire, à m'en tenir le ventre. On rit comme deux idiots, et puis je veux parler mais ma phrase devient juste un :

AloooooooooooooOOOOOOOOOh !

Et je glisse en arrière après avoir trop ri. Je plie mes genoux et tombe sur les fesses. Ca cogne un peu fort mais pas suffisamment pour m'inquiéter ou quoi, et j'éclate de rire de plus belle, en cherchant Tori du regard quand j'arrive à y voir entre les larmes de rire.

Roman éclate de rire avec moi et pendant un instant, je me sens juste bien. C'est ce genre de moments qui me font vraiment du bien, qui me font réaliser que j'en ai vraiment fini avec la vie que je vivais avant Terrae. Quand enfin, je commence à me calmer, j'essuie une larme au coin de mon œil et lance un regard au grand Air, qui fait une tentative pour parler... et se vautre en beauté. Je suis complètement prise de court et essaie tant bien que mal d'avancer vers lui.

Oh là là, Roman, ça va ? Tu t'es fait mal ? M'inquiété-je.

Mais non, tout a l'air d'aller, parce qu'il repart en fou-rire, et il ne m'en faut pas plus pour repartir à mon tour.

Hahaha ! J'avais rai-raison ! Tu es tombé en premier ! Hoqueté-je, hilare.

J'en pleure même et mes abdos me font terriblement souffrir. Si bien que je suis obligée de me plier en deux, perds l'équilibre et finis à quatre pattes sur la glace, mes genoux amortissant ma chute. Impossible de me remettre debout tant je ris, alors à la place je reste comme ça en prenant de grandes inspirations pour essayer de reprendre mon sérieux.

Ouf... Je crois que je n'avais jamais autant rigolé... Dis-je en souriant à Roman.

Elle rit au moins autant que moi, jusqu'à en pleurer, et ça me fait du bien de partager ce moment avec elle, ça rend plus léger. Avant que je me vautre lamentablement et que ça me fasse encore plus rire. Sa tête, c'est encore plus drôle, elle est si adorable. Je le vois bien qu'elle a l'air complètement perdue que je sois tombé et pas elle, et qu'elle s'inquiète sincèrement.

J'essaie de lui faire un signe pour lui dire que tout va bien, mais impossible de parler pendant un moment tellement je ris.

Non non ahahahaha tout va bien !

Elle se moque de moi gentiment. Elle a raison, et puis au moins, maintenant elle aura forcément moins honte si elle tombe aussi. Et ça ne tarde pas à arriver, elle se retrouve à genoux, les mains sur la glace en essayant d'arrêter de rire.

Je t'avais dit que j'étais pas une valeure sûre pour le patin !

On se calme doucement, avant qu'elle ne me lâche, dans le plus grand des calmes, qu'elle n'avait jamais autant ri. Genre, sérieusement. J'ai un air sincèrement surpris, avant de lever un sourcil seul.

J'espère bien que c'est un mensonge. Quoiqu'il en soit, je te promets que ce sera pas la dernière fois ! Allez appuie toi sur moi pour te remettre debout et aide-moi !

Le fou-rire est tellement intense qu'il nous faut plusieurs minutes pour nous reprendre assez pour ne serait-ce que penser à nous relever. Mais on y arrive par miracle. Je manque de repartir quand Roman me rappelle m'avoir dit ne pas être une valeur sûre en patinage. Un ricanement pas très gracieux m'échappe.

Heh je vois ça oui ! Le taquiné-je.

Mais étant donné que je suis moi-même avachie sur la glace, ma pique n'a aucune crédibilité. Je dois reprendre mon souffle avant d'essayer de me remettre sur pieds et laisse échapper une phrase qui fait lever un sourcil à Roman. Un sourire plus doux passé sur mon visage.

Eh non, c'est la vérité vraie ! Mais je compte sur toi et tes gamelles pour redresser la barre!

Et sur ce, je tire la langue à Roman avant de tenter de me remettre debout en m'appuyant sur lui. Une fois sur mes pieds, non sans mal d'ailleurs, je tends la main à Roman.

Ok beau brun à ton tour.

Mais qu'est-ce que je raconte ?! Le fou-rire m'est vraiment monté au cerveau...

Elle se fiche de moi comme je lui tends la perche et elle a bien raison. J'suis pas un pro et c'était le deal mais au moins elle est sur la glace et elle essaie un truc qui la tentait un peu, alors c'est le principal. Elle me sourit ensuite, plus douce, plus sincère. C'était donc pas une vanne. Mon coeur se serre un peu, je trouve ça triste qu'elle n'ait pas l'habitude de rire, et j'espère sincèrement que ça pourra changer.

Tu peux compter sur moi !

Je lui lance avec entrain. Ouais on va rattraper ça. Elle me tire la langue et ça me tire un ricanement. C'est marrant, ces moments où tout à coup elle lâche prise et elle prend confiance. Elle s'aide de mes épaules et mes mains pour se remettre debout, avant de se remettre debout et deeeeeeeeeeeee... J'ouvre grand mes yeux à sa réplique en cherchant son regard, et mon sourire joueur apparait.

Eh bah, pour une personne qui dit rien n'y connaître, je trouve que tu t'en sors plutôt bien niveau phrase de pick up artiste !

Et j'attrape sa main, elle est bloquée maintenant héhé. J'essaie de me redresser, et je ne sais pas si c'est parce que je l'ai perturbée, parce que je suis trop lourd, parce qu'on est pas du tout en équilibre, ou tout ça à la fois, mais je glisse, et l'attire dans ma chute. Je me rattrape avec un coude sur la glace et essaie de la retenir en tenant son épaule avec mon autre main. Elle tombe au-dessus de moi, et je me remets à pouffer de rire.

Ca aussi c'est une technique de drague ?

Je peux compter sur lui pour me faire rire plus souvent. Un sourire passe sur mes lèvres.

J'espère bien !

J'arrive enfin à me remettre à peu près d'aplomb. En fait, je suis tellement d'aplomb que je lui sors une dinguerie, et lui saute sur l'occasion. En même temps, là c'est plus une perche que je lui tends en même temps que ma main, c'est un tronc d'arbre. Je sens mes joues s'embraser et là, impossible de le dissimuler.

N-non, enfin si ! Enfin, je veux dire, tu es beau hein. Vrai de vrai. Mais c'est pas ce que je voulais dire. Enfin si, je l'ai dit donc je voulais le dire, mais... Argh !

Le dernier cri n'est pas de frustration, mais juste parce que le temps que j'essaie de m'expliquer, je glisse à nouveau. Je me pensais assez stable pour aider Roman à se remettre sur pieds, mais pas du tout en fait !! Me voilà à nouveau sur la glace, mais comme il ne m'a pas lâchée, je suis littéralement au dessus de lui, mes tresses tombant en rideau autour de nous. J'ai l'impression d'être une cocotte minute pendant que lui pouffe, visiblement hilare. Je le pousse.

Là c'est de ta faute ! C'est plutôt toi qui essaies de draguer pour le coup non ? Répliqué-je d'un ton provocateur.

Je pousse sur mes mains et me dégage pour m'asseoir sur la glace en face de lui, cherchant son regard en haussant un sourcil l'air de dire "alors ?".

Elle s'embourbe, elle s'empourpre aussi, elle devient toute rouge parce que je la vanne sur la phrase qu'elle me sort, visiblement absolument pas prévue. Et plus elle parle, plus mon sourire s'agrandit, d'abord flatté, puis enjoué sans pour autant que je me moque d'elle. Je hoche la tête en même temps qu'elle bégaie la fin de sa phrase et parle en même temps qu'elle.

Ouais, donc tu voulais dire que je suis beau, hmhm.

Et puis elle crie quand j'essaie de me relever et qu'on tombe à la renverse de nouveau. Je crois qu'on ne se relèvera jamais c'est hors de mes compétences. Je le rattrape pour pas qu'elle me tombe complètement dessus. Et pas qu'elle soit trop gênée. Mais visiblement ça n'aide absolument pas, et entre ses tresses qui me chatouillent les joues, je vois son visage décomposé de gêne. Et moi je pouffe, parce que c'est drôle. Elle me renvoie la faute, et je me remets à rire aux éclats, brièvement. Elle se dégage en m'accusant. Je lui renvoie un sourire franc en arrêtant de rire, et hausse les épaules.

T'essaies vraiment de jouer à ça avec moi ?

Je lui envoie une gentille petite bourrasque pour enlever ses tresses de son visage et mieux la voir. Et je lui lance un sourire en coin.

J'essaie pas Tori, je le fais.

Mais il en rajoute une couche ce sale petit... Je vais pas me laisser faire non mais !! Je croise les bras pour répondre à sa provocation... Mais ça ne dure pas. Parce qu'avec la phrase suivante, je sens mes yeux s'agrandir, mon cerveau plonge dans le brouillard et ma bouche s'ouvre.

Genre. Sérieusement ?!

MAIS C'EST QUEL GENRE DE RÉPONSE ÇA SÉRIEUX ?!

'Fin je veux dire, je vais pas dire que ça me déplaît, Mama m'a toujours dit que c'est pas beau de mentir. Alors je vais pas mentir. Mais euh, 'fin, je suis flattée, crois pas. Mais c'est bizarre, je suis pas, enfin, je suis pas vraiment le genre de fille avec qui on a envie de flirter quoi, puis clairement, je sais pas faire, et puis je veux dire Alyona ou Ariana sont vachement plus mignonnes, même Luna elle a quelque chose, mais moi ? Je suis toute tachée, je suis lente à la détente et puis bon, voilà tu as vu, je suis maladroite. Pas que sur la glace, mais aussi genre, avec les mots. Non puis vraiment, je-

Je m'interromps dans mon monologue.

Hm. Je me suis perdue, je sais plus où je voulais en venir.

DIS QUE T'AS PANIQUÉ OUAIS.