- Va falloir attendre que les pubs passent avant.

Mon soupir vint rejoindre le sien. Je bus une bonne gorgée de ma bière et m'enfonçai un peu plus dans le canapé. Les pubs. Ce truc génial... Oui, ils n'ont pas compris qu'à force de nous montrer les mêmes choses on en devient insensible. Je veux dire... C'est bien, mais nan. Des pubs, on en a à la télé, sur les sites internet, avant chaque vidéo youtube, au cinéma... Et en prime, sur les DVD ! Je pense qu'ils feront un jour un DVD sans pub... Mais ce sera tellement d'effort pour eux qu'ils le feront payer plus cher. Résultat, personne ne l'achètera et ça n'avancera pas plus. Et on aura ENCORE des pubs.
L'enchaînement des pub fut plutôt sympa : interdiction au piratage, avec ces plans de caméras pourris, qui font mal au yeux, et ce vert partout ; une pub pour savoir si ton ex t'aime encore... Ah, non ! Pour le truc ASTRO là. Et enfin, la pub d'Oasis... Ca va, celle-là, elle m'amuse. Je commençai à la chantonner, à force de l'avoir entendu sans doute, quand Nana se mit a la chanter vraiment à fond. D'abord impressionné, j'éclatai de rire avant de joindre mon chant au sien.

- "Les cascades et les geysers, pour tous les fruits c'est super.
SPalidiloudalilou dali!
Oasis,Oasis des fruits, de l'eau de sources, du fun!"♪

Passa enfin une des bandes-annonces prévues : celle pour Projet X. Je la regardai en silence. Je devais bien dire que j'étais mitigé pour ce film... Autant j'adorais Very Bad Trip et l'histoire qui allait avec... Autant cette histoire-là me branchait moins, quoi que je fusse intéressé par ce feu immense et l'idée selon laquelle la soirée serait vraiment partie en boulette. Mais bon, cette maison en feu me rappelait un peu la mienne, il y a deux ans...

- Il a l'air trop bien ce film là... euh... Projet X. T'en penses quoi ?

Gardant mon regard fixé sur l'écran en regardant le nom des acteurs participants à ce film qui s'affichait, je répondis :

-J'en sais trop rien en fait. J'ai un peu peur des bandes annonces maintenant, entre les bandes annonces qui dévoilent tout le film, et celles qui n'en disent pas assez du tout... Je pense que là, le film est mieux que le montre la bande annonce mais je sais pas trop... Disons que comme... Comme ma maison a brûlé, j'ai du mal...

Je me passai la main derrière la nuque, gêné. J'étais sûr qu'avant tout ça, j'aurais adoré ce genre de film, mais là, j'étais plutôt réticent...

-Mais bon, c'est vrai qu'il a quand même l'air bien ! J'adore ceux qui ont fait Very Bad Trip alors... Ca devrait être aussi bien !

Je tournai la tête vers Nana avec un sourire. Le film commença alors, elle posa la télécommande à côté de moi, et je bus d'une traite la moitié de ma bière pour me mettre dans le film. C'était parti !
Les premières paroles s'élevèrent dans la pièce, la caméra se balada à travers plusieurs plans avant de se focaliser sur l'écrivain, et sa machine à écrire... L'intrigue était lancée.

HRP : Et moi dont !

Nana commença à s'excuser, j'enchaînai rapidement pour essayer d'améliorer l'ambiance. Puis, le film débuta, et j'en fus ravi. Je ne voulais pas d'excuses. Parce que c'était moi qui avait décidé d'en parler... Elle n'avait en rien besoin de s'excuser.
Les premières images commencèrent, l'écrivain était face à sa machine. L'ambiance sombre, le peu de lumière qui entourait l'homme contrasta rapidement avec l'ambiance du Moulin rouge qui suivit, tel qu'il le décrivait. C'était un joyeux bordel, finalement très représentatif de l'époque, en tout cas pour la France. Je devais bien avouer qu'ayant vécu au Japon toute ma vie, et n'ayant visité que l'Angleterre lorsque, parfois, mon père m'emmenait voir mon beau-frère... Je ne connaissais rien de la France, ou presque. J'avais tenté, pendant un temps, d'essayer d'apprendre à le parler, mais je devais bien avouer que c'était assez compliqué. Notamment en ce qui concernait les conjugaisons !
Je reportai enfin mon attention sur le film. Les couleurs joyeuses du Moulin Rouge me rappelaient ces soirées que nous avions passées avec Mitsuki, et nos parents. C'était tellement bien...

- Ca devait être la belle époque. Toute cette joie, cette couleur, cette envie de danser...

Je souris à la remarque de Nana, et hochai la tête.

-C'est vrai, confirmai-je.

Je me perdis ensuite dans la suite du film. On revint sur l'auteur, qui nous parla qui raconta l'histoire du moulin rouge pour se fixer sur son étoile, celle qu'il aimait : Satine. Son regard triste, cette ambiance de mort qui pesait dans l'air. Les images étaient sombres. L'amour... L'arrivée de toutes ces personnes étranges qui passaient dans sa chambre me fit sourire. Lorsqu'il remplaça l'endormi, je souris. Pris par le film, je ne décrochai pas un mot. Lorsque le personnage principal se mit à chanter, je souris, attendri, repensant au visage qu'avait décroché Mitsuki face à cette scène. Elle adorait ce personnage... Je regardai alors Nana et captai son sourire. Amusé, je reportai mon regard sur la télé. Enfin arriva la scène avec Satine. Ca avait beau être un film plus adressé aux filles... Je ne pouvais pas le nier, Satine était magnifique. Enfin... Nicole Kidman. Suivant le film avec attention, je me rendis compte au moment où je voulais boire un peu de bière que je l'avais déjà fini. Un peu déçu, je la reposai à côté de moi, et m'installai plus confortablement encore. Alors que Satine enflammait le moulin rouge, je me rappelai qu'elle mourrait. Je me rappelai le visage de l'écrivain à cet instant... Et je sentis un picotement au coeur. Qu'y a-t-il de pire que de perdre un être cher...? A cet instant, je me rendis compte que, peut-être, le film était mal choisi... Quelle était la raison pour laquelle Nana était ici, à Terrae ? Et si c'était similaire... Je priai pour que ce ne soit pas le cas. Moi, j'avais perdu ma famille et ma maison... J'avais la chance de ne jamais avoir perdu l'amour de ma vie -car peut-être ne l'avais-je pas encore vécu. mais je savais malgré tout ce que c'était de perdre quelqu'un... Lorsque je me reconcentrai sur le film, je souris en apercevant à quel point Satine jouait avec son rôle. C'était tellement drôle... Lorsqu'on savait comment elle devenait par la suite. Passant de jolie traînée d'un grand théâtre à une femme tout à fait sensible... Cependant, mon sourire s'effaça de nouveau lorsque Satine fit une nouvelle attaque. Voir à quel point ils la traitaient mal me fit souffrir, et je serrai les poings. Je détestais ça...
Enfin, elle parla de ses rêves... Devenir une grande actrice.

-Je suis sûre que toi aussi,tu pourras devenir une vraie star, comme elle, avec ton talent ! déclarai-je à l'attention de Nana.

- Je l'espère. Mon talent est une des seules choses de bien qui me reste et j'aimerais le faire entendre au monde entier.

Je souris. Il n'y avait aucun doute là-dessus : elle en était largement capable. Il suffisait de voir son entrain lorsqu'elle jouait, la passion qui l'animait quand elle chantait... C'était son monde tout ça, c'était dans cette ambiance qu'elle se sentait au mieux, et uniquement dans cette ambiance. Et puis, ce titre qu'elle avait remporté à Noël... Ce n'était certainement pas pour rien !
Me replongeant dans le film, on arriva à la scène où Satine accueille le poète dans sa chambre... Persuadée qu'il s'agit d'un grand duc. Je ne pus m'empêcher de rire en voyant à quel point elle se rendait... Et bien, presque ridicule, avec toutes ces choses que sa condition l'obligeait à faire. Car oui, à ce moment-là, au moment où le poète, terriblement gêné, se met à chanter... Elle est là, elle, et non plus ce personnage qu'elle se plaît à jouer. Elle est là, et c'est elle et elle seule qui réagit à sa chanson. Les imbéciles, à la fenêtre, pendu comme des chauve-souris, me firent sourire.

- Et toi Allen ? Qu'est-ce que tu voudrais devenir plus tard ?

Ce que je voulais devenir plus tard ? C'était une bien grande question, à laquelle je n'avais pourtant pas encore de réponse. En effet, je n'avais absolument aucune idée de ce que j'avais envie de faire. J'étais de nature curieuse, je savais que j'aimais aider les gens, que j'aimais les soutenir. Mais devais-je en faire mon métier ? J'aimais surtout céder à ma curiosité, aller au delà de mes limites, me surpasser ; j'aimais vivre au dépens de mes désirs, bien que la philosophie m'ait enseigné qu'y céder était en devenir l'esclave. Alors quoi ? Quel genre de métier m'était le plus approprié...?
Ce dont je rêvais, en réalité ? Voir plus loin que la police. Non pas détective, c'était trop... Sherlock Holmes, et mon beau-frère était de nature anglaise, j'avais du mal avec les chefs d'oeuvre de la littérature britannique. Non, ce que je voulais... C'était...

-Devenir un espion, ou... Quelque chose de ce genre. Tu crois que c'est possible ?

Je pourrais retrouver la trace de mes parents, je pourrais assouvir les besoins de ma curiosité... Je pourrais en réalité faire bien des choses !
Je ris finalement, un peu bête, et ajoutai :

-Enfin, ceci dit, je trouve que c'est un peu idiot comme ambition. J'ai l'impression d'être l'un de ses enfants qui jouent au détective...!

Je souris à Nana, et me reconcentrai sur le film. La chanson passée, Satine commença à parler d'amour : oh oui, elle venait de tomber amoureux de ce duc ! Mais en était-ce véritablement un ? La révélation me fit sourire. Choquée, Satine commença à vouloir absolument se débarrasser de cet intrus, qui n'avait pas sa place ici. Elle pensa à le chasser, quand le véritable duc arriva. Le jeu des acteurs, la mise en scène si bancale, me fit exploser de rire. Je n'arrêtais pas de m'imaginer face à une véritable scène de ce genre, se déroulant sous mes yeux, et mon rire ne s'arrêtait pas. Satine était vraiment une femme particulière. Après diverses mises en scènes toutes plus saugrenues les unes que les autres, Satine parvint à se débarrasser du duc, et c'est alors qu'elle s'en prenait au poète... Qu'elle s'évanouit. Et c'est alors qu'elle s'en prenait au poète... Que le film commençait réellement. La véritable intrigue amoureuse de l'histoire. Une histoire de fille ? Et bien, soit, mais pour le coup, ça me divertissait tout de même !

J'étais complètement plongé dans le film, entre les âneries des autres idiots, et le côté assez particulier de Satine... Entre sérieux et pittoresque. Nana se releva pour prendre des bières et m'en rapporta une, que je finis rapidement, sans même m'en rendre compte, complètement plongé dans l'histoire. Ca y est, j'étais parti ! Oui, oui, oui, je sais, c'est un truc de fille... Je vous merde !

Finalement, je ne vis pas le film passé. La fin me laissa en plan, comme d'habitude, avec ce sentiment de vide. Je tournai la tête vers Nana pour voir sa réaction. C'était la première fois qu'elle le voyait elle, pas vrai ? Je souris doucement face à son regard profond qui était encore ancré sur la télé.
Au bout de quelques instants, je revins pour ma part à la réalité. Je regardai l'heure sur ma montre et soupirai. Il était vraiment tard... Il vallait mieux que je rentre... Y'avait cours demain.
Je pestai intérieurement, et m'approchai de Nana pour déposer un baiser sur sa joue.

-Je te laisse pour ce soir ma petite Nana ! On se revoit bientôt de toute façon !

Je lui adressai un sourire, et pris quelques bières vides dans mes mains.

-Je vais jeter ça dans une des poubelles du couloir... Bien caché au fond. C'est mieux que de laisser ça dans ta chambre ! ajoutai-je avec un clin d'oeil.
Je mis les bières dans le sac en plastique que j'avais ramené, qui était maintenant vide, et ramassai le reste. Je me tournai de nouveau vers Nana.

-En tout cas, c'était une super soirée ! Finalement, ce film m'avait plu, même dès la première fois... Je te remercie de m'avoir invité en tout cas. Je te laisse le DVD, ramène-le moi dès que tu as le temps ! Bonne nuit Nana.

Je lui souris, lui adressai un dernier signe de la main, et quittai la pièce. Demain promettait d'être une longue journée... Il était déjà 1h, quand même.