Je le regarde faire tout en jouant, enfin jouer, je fais des notes un peu au hasard, je n’ai pas spécialement envie de jouer, pourtant petit à petit les notes que je sors forme une mélodie, peut-être un peu étrange, peut-être un peu triste aussi, je ne sais pas je joue selon mon envie. J ele vois « s’agiter » allant d’un côté puis de l’autre, je le vois porter son violon à son épaule, j’aiun pincement au cœur pour lui quand il se rend compte que ça ne sert à rien, sans archer il ne peut pas jouer… Mais à nouveau je ne dis rien, j‘ai l’impression que le silence est devenu un de mes compagnons préférés ces derniers temps… Mes yeux se ferment au fil de la mélodie qu eje joue, je le laisse faire ce qu’il veut, il est libre et il ne me doit rien, je ne suis qu’un étranger pour lui après tout.

- Parfait.

Je rouvre les yeux, ne cessant de jouer et l’observe un instant, il a apparemment trouvé un endroit à l’abri pour ranger son violon, tant mieux, je songe à vérifier de temps à autre s’il est toujours là, comme ça il n’y aura plus de soucis, enfin je crois, je l’espère...

- C'est agréable. Tu joues depuis quand ?

Tiens donc il a des lunettes pourquoi pas, ça lui va bien. Mon regard se porte sur le sol un court instant avant de le regarder à nouveau, il a l’air plus calme et plus posé, tant mieux.

- Merci, j’ai commencé à jouer vers mes 10 ans je crois…

J’étais chez mes parents à l’époque, normal, mon père n’aimait pas que je joue,  il me disait que la musique ne me mènerait nul part, que ce n’était pas un métier et blablabla… Il n’avait pas compris que c’était un défouloir, une passion, une envie qui me prenait au trippe, mais il avait céder grâce à ma mère mais en échange, car oui avec mon père il y avait toujours une contrepartie, j’avais du redouble d’effort en classe et à la moindre mauvaise note il me prenait ma guitare pour un lapse de temps indéterminé. Soupirant, je refermais les yeux, je n’aimais pas penser à cette époque. Je m’arrêtais de jouer et je me relevais, évitant de regarde Wyatt, je n’avais pas envie qu’il voit les émotions qui se lisaient dans mon regard.

Je rangeais ma guitare sous le lit puis m’allongeais sur celui-ci fermant les yeux, bras croisés derrière ma tête. L’endroit était vraiment calme je préférais quand il y avait un peu plus d’activité , c’était peut-être étrange, mais qui disait activité, disait vie, et là comme ça dans le silence ambiant je me sentais mal, comme abandonné et seul une nouvelle fois…

Je l'entends soupirer. Il s'arrête de jouer. Pourquoi ? Ma question. Elle a fait remonter des souvenirs. Comme pour moi. Ces souvenirs me donnent envie de jouer. Ce n'est pas son cas. J'ouvre les yeux. Je le regarde par dessus mes lunettes. Il évite mon regard. Il ne veut pas en parler. Je comprends. Je ne pose pas de questions.

Il range sa guitare. Je le regarde s'allonger sur son lit. Il croise les bras. Il est vraiment mince. Drew avait une carrure plus large. Il compensait ma propre finesse. Un bruit. Je sursaute légèrement. Le livre est au sol. C'était ça. Je me penche pour le ramasser. Je l'attrape. Je jette un œil à Jun. Il n'est pas apaisé. Il fronce sensiblement les sourcils. Je souris.

Je marche discrètement. Je m'arrête derrière sa tête. Je souris. Je me penche. Je suis près. J'attrape ses joues. Je les tire. Un sourire. Je me retiens de rire. Je ne peux pas. Je doute que Jun apprécie. Je recule et me relève.

- Ta tête est indéfinissable.

Il va me taper. C'est osé. Mais drôle. J'aime rire. J'aime entendre les rires. Je veux savoir. Je veux entendre le sien. La fenêtre entrouverte. La brise qui balance nos cheveux. Les miens. C'est agréable.

- Plus sérieusement. Il n'y a rien à faire là.

Je m'allonge sur le sol. Je fixe le plafond. Blanc. Je déteste le blanc. Je ferme les yeux. Je sais quoi faire. J'attends. Il ne voudra pas. Il ne voulait pas m'accompagner. Il ne viendra pas.

- Visitons. Ce n'est pas une suggestion.

Je me relève. Je suis assis. Je cale mon dos contre le lit en face. Je le fixe. J'attends sa réaction. Il ne me fait pas confiance. Pas encore. Il refusera. C'est évident. Pourtant. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Je déteste parler pour rien dire. Je n'aime pas faire ça. Des choses inutiles. Idiotes. Je préfère le calme.

Je suis souvent dans la lune. Trop souvent. En ce moment je le suis. Je fixe Jun. Sans vraiment le voir. Mon regard est ailleurs. Drew me le reprochait. De nombreuses fois. Il était énergique. Il bougeait sans arrêt. Il aimait le bruit. Il affectionnait les rencontres. C'était ça la vie. Le bruit. L'agitation. La présence. Pas mon silence constant.

Je ne sais pas ce qu’il faisait, j’avais gardé les yeux clos, déprimant à nouveau, je devais bouger oui non…Soupirant je reste là, c’était comme si tout à coup mon corps pesait une tonne, je voulais me lever mais un poids m’en empêchait, c’était nul, vraiment nul comme sensation… J’ouvre les yeux brusquement un faible gémissement, bon ok un couinement de surprise m’échappe, qu’est-ce qu’il faisait ? Pourquoi il me tirait les joues comme ça ? Il avait grillé ou quoi ? Je le regardais avec incrédulité, mais il s’arrêta et se recula…

- Ta tête est indéfinissable.

Hein ? Il avait ça parce que ma tête était étrange. Euh oui pourquoi pas ? Me redressant sur mes coudes, je le regardais toujours de la même façon, avec incrédulité, j’étais comme un livre ouvert à ce qu’il paraissait mais je m’en moquais.

- Plus sérieusement. Il n'y a rien à faire là.

J’étais tout çà fait d’accord avec lui, mais que faire pour arranger ça ? L’observant toujours je me tournais même un peu quand il s‘allongea, le sol ne devait pas être super confortable, j’avais déjà dormis à même le sol, alors je le savais pas expérience, mais bon l’avantage c’était que maintenant j’arrivais à m’endormir n’importe où n’importe comment.

- Visitons. Ce n'est pas une suggestion.

Me mordillant la lèvre à sa non suggestion je me redresse un peu m’essayant sur le rebord du lit tandis que lui s‘assoit à même  le sol, dos appuyé contre le lit voisin, il n’était pas un peu étrange ? Un peu comme moi… Penchant la tête je le vis me fixer, mais je comprenais qu’il ne me voyait pas vraiment, il était dans la lune, je ne connaissais que trop bien ça...Esquissant un sourire je me laissais glisser sur le sol à quatre pattes devant lui, visage près du sien, j’attendis un instant avant de lui pincer le nez.

- Aller debout !

Me relevant d’un seul coup, j’eus un léger vertige, il ne fallait jamais se relever aussi vite, ça tuait tout. Quand cela passa je le regardais à nouveau.

Il ne comprend pas. Je ris discrètement. Son visage était amusant. Les sourcils froncés. Les joues étirées en un sourire. Il se relève. Sa position est plutôt suggestive. Je souris. Je lui propose de visiter. Je lui ordonne plutôt.

Je me perds dans mes pensées. Je ne le vois pas descendre. Je ne le vois pas s'avancer. Je ne le vois pas à quatre pattes. Au-dessus de mes jambes. Je ne vois pas son visage à quelques millimètres du mien. Il me pince le nez. Je sors de ma léthargie. Je reprends rapidement mon souffle. Je rougis. Nos lèvres sont à quelques centimètres. Mon regard les fixe. Il est trop près.

- Aller debout !

Il me surprend. Il est debout. Il a des vertiges. Je me relève. Je pose ma main sur son épaule. Je le regarde. Il se reprend. Je pose ma main dans son dos. Je le pousse légèrement.

- Allez. Avance. Petite nature.

Je souris largement. Je le taquine. Je m'amuse. Nous sortons encore des dortoirs. Pour aller où ? Aucune idée. Nous avançons sans réel but. Nous visitons le bâtiment. Il commence à faire chaud. Nous sommes en plein été. Je le regarde. Mon ventre fait des siennes. Je le maudis.

- J'ai faim. Tu viens manger un bout ?

Je lui indique la cafétéria. On la voit par la fenêtre. Il semble y avoir du monde. Enfin. Je souris. Le vide s'atténue légèrement. Les gens s'agglutinent en bas. J'attends Jun face aux escaliers. Je ne me perds pas. Il ne se perdra pas.

Je veux boire un café aussi. Il me faut ma dose. Drew s'assurait que j'ai toujours ma dose. Je buvais trois à quatre café par jour. Dans un tumbler. J'en buvais plus d'un litre. Je raffole du café. J'aime son arôme, son amertume, son odeur enivrante. J'ai toujours aimé le café. Noir de préférence. Avec seulement deux sucres.