Anya a réagit au quart de tour alors que je m'étais mis à rire. Son exclamation vexée retentissait encore dans ma tête quand je m'étais cogné. Et pas cogné gentiment, quand je dis "cogner" c'est plutôt que la commode a décidé de m'aider à voir les fameuses "trente-six chandelles". Et putain ça fait mal.

En me voyant m'effondrer, la jeune femme a réagit au quart de tour et s'agenouille près de moi. Une main de chaque côté de moi, elle se rapproche en se mordant la lèvre. Elle passe une main sur mon menton en demandant :

Ca va, tu n'as rien ?

Je laisse échapper une grimace de douleur lorsqu'elle appuie sur le côté droit et dégage ma tête.

Vas-y mollo, je m'en suis prit une belle, là ! La vache, t'as le bon dieu de ton côté, ou quoi ?

Sourire au coin des lèvres, je me redresse et plaisante. Elle rigole et se rapproche pour m'embrasser en confirmant mes dires. Je la laisse faire et répond un moment au baiser, mais finis par me détacher à regret en sentant quelque chose de chaud couler le long de mon cou. Je porte une main à mon menton et la retire le bout des doigts taché de sang. Je suis bon pour une nouvelle cicatrice passagère. Je grimace à nouveau.

Aïe, faudrait que je pense à vernir cette commode, je me suis coupé. Je reviens, juste le temps de mettre un pansement.

Je disparais dans la salle de bain et en revient avec un pansement collé sur le menton. Je lance :

Je t'invite à manger un truc à la cafète, ma belle ? Ouais, je sais ça fait carrément ringard, mais je pense qu'on est d'accord pour dire qu'une soirée tranquille sans sortir ce serait mieux au vu de notre malchance, non ?

On va éviter de se faire renverser par une voiture. En plus, la dernière fois que je suis allé au resto avec une fille, son majordome m'a tiré dans l'épaule, pile dans le trapèze (Ouiiii là où ça fait trop mal rien que d'appuyer !). Au fait, j'y pense... Si Anya m'a vu torse nu, elle a dû voir la cicatrice de la blessure ? J'espère que non. Non, en fait, elle l'a pas vu, j'ai décidé. Attendons sa réponse plutôt.

"Je suis vraiment désolée... On pourra s'en occuper ensemble si tu veux !" Sa réponse me fit plaisir, mais je ne voulais pas l'inquiéter plus que ça. Je m'étais donc levé précipitamment et avais filé à la salle de bain poser un pansement qui trainait au fond d'un placard. En revenant dans la pièce principale, je trouvais Anya debout, toujours aussi jolie. On aurait dit une petite poupée, fine et fragile. Ca me donnait encore plus envie de la protéger. Je me détournais en rosissant et l'invitais à la cafète. Sa réponse se fit attendre.

Au lieu de me répondre tout de suite, elle passa ses bras autours de mon cou et se rapprocha de moi en souriant. Je passais mes bras autours d'elle, au creux des reins, lui rendant son sourire. Finalement avec un temps de retard, elle répondit, toujours aussi proche de moi.

C'est comme tu veux, on peut aussi rester là si tu veux... Mais si tu as faim, on y va !

Un sourire en coin apparut sur mes lèvres. Cette fille était pas croyable... Mais c'était pour ça que je l'aimais. Je repensais un instant à notre première rencontre, où elle m'avait prit pour un vampire et eus envie de rire un instant. Mon sourire s'élargit et, prenant la jeune femme par la taille, je la portais et la fis tournoyer avant de la reposer doucement.

Je n'ai pas faim, mais je pensais surtout à toi. Dans ce cas, autant demeurer un moment ici, on ira chiper quelque chose quand on aura faim ! En attendant... Je sais, assieds-toi !

Je la fis asseoir sur mon lit et filais prendre deux caisses de bois flotté ainsi que mes nouvelles baguette, les autres ayant été cassées. Ces dernières étaient bleues nuit, toutes simples. Je me posais à côté d'elle et commençais à taper en rythme sur les deux caisses et commençais à chanter, l'air enthousiaste. Une chanson qui bougeait, que j'avais entendue quelque part sans savoir où.

Je terminais finalement et souris à Anya. J'appuyais mon épaule contre la sienne et posais ma tête contre la sienne. Un peu de douceur dans mon cœur de brute ne fera pas de mal. Et pour une fois depuis un long moment, je me sentais mieux. Bien mieux. Alors que je me penchais vers la jeune femme, la fenêtre s'ouvrit avec fracas et je sursautais comme un animal piégé. Me levant promptement j'allais la fermer et restais devant, sans savoir quoi faire. Comment j'avais pu me relâcher au point de sursauter comme ça lorsqu'une fenêtre s'ouvre. Agacé, fâché contre moi-même je me retins de frapper cette saleté de fenêtre. Je restais face à la fenêtre. Je devais me ressaisir avant de retourner vers Anya, ce serait dommage que je m'énerve tout seul comme un con.

[Hrp : chanson que Kyle chante]:

Le compliment d'Anya sur mes baguettes me fit sourire. C'est vrai qu'elles étaient jolies ! Elles m'avaient coûté un bras mais au moins, j'avais des baguettes solides ! Eh oui, ce ne sont des baguettes en bois avec un squelette en métal ! Si ça c'est pas la classe ? Bref, pour un premier jet avec elles, ça se passe plutôt bien. Anya s'était mise à taper dans ses mains en riant pendant que je chantais et battais la mesure sur mes caisses.

Pourtant ce moment de calme n'avait pas duré avec cette satanée fenêtre qui s'ouvrit en grand avec fracas. Je pose une main sur la poignée de la fenêtre, rageant contre moi-même. Quel idiot. Même près d'Anya je devrais pouvoir rester sur mes gardes ça devrait être facile ! C'est inné chez moi. Des bras entourent alors mon torse en me faisant sursauter à nouveau. Décidément, y'a une baisse de régime ce soir... Le parfum d'Anya monta à mon nez et je me détendis. Elle posa sa tête sur mon dos et mes muscles de relâchèrent.

Tout va bien Kyle, tu n'as pas à avoir peur comme ça...

Je pris ses mains dans les miennes et fermais les yeux. Il était temps de baisser cette défense et de se laisser aller un peu, je pense. Je me retournais et prit ma copine dans mes bras. Je déposais un baiser au sommet de son crâne, et son parfum me submergea un instant. Je restais le nez enfoui dans ses cheveux et lâchais :

Oui, désolé c'était excessif. Es-ce que tu as envie de faire quelque chose de particulier maintenant ?

Après tout, on est ici pour passer un peu de bon temps ensemble. Oui, pour s'amuser, dans le sens ludique du terme. Comment ça ça peut être mal prit ? Mais je vous embête ! Y'a pas de double sens ni d'arrière pensée dans ce que j'ai dit !! On va juste passer du temps ensemble, c'est tout ! Quoi "là aussi" ? Mais non y'a pas d'arrière pensée, merde à la fin !!! Z'êtes jamais contents... Pour le moment je suis en train de câliner ma copine, le menton posé sur sa tête. Zut.

Mon cœur cognait encore contre mes côtes lorsqu'Anya eut un petit rire à ma question. Je souris, son rire m'apaisa un peu. J'étais convaincu qu'elle pouvait sentir mon cœur battant à fond de train, tant nous étions proches. Sa réponse fusa :

Te faire des câlins, premièrement. Et puis ensuite... On peut aller se promener dehors, non ? Même s'il fait froid, le ciel a l'air clair et dégagé, on pourrait regarder les étoiles...

Je piquais un fard et lâchais un rire tendu. Me séparant d'elle à contrecœur, je chopais un pull noir fait dans un tissu doux dont j'ignorais tout du nom. Je lui lançais un sourire en coin :

Si ça te va alors... Allons-y !

Je lui pris la main et l'entraînais hors de l'appartement. Les couloirs, éclairés pas la lumière de la lune et des étoiles, prenaient une teinte inquiétante. Mal à l'aise, je me mis en marche rapidement, toujours en tenant la main de ma copine. Je ne cessais de jeter des coups d’œil aux alentours, la nuque me picotant comme si j'étais observé.

Arrivé à l'air libre, je lâchais la main d'Anya et m'arrêtais pour reprendre mon souffle. La nuit était tiède, l'atmosphère fraiche mais pleine d'électricité. Pourtant le ciel était dégagé et les étoiles brillaient comme autant de diamants. La fébrilité qui m'avait gagné dans le couloir s'évapora face à la tranquillité de la nuit. Le vent vint jouer avec les cheveux de la jeune femme et j'eus soudain envie de passer mes mains dedans. Je me retins néanmoins et inspirais une grande bouffée d'air pur. La brise portait l'odeur acre des pins, de la pluie et de la terre, mais aussi l'odeur douce et sucrée d'Anya.

Mon pull toujours à la main, je décidais de le nouer autours de mes hanches. Je posais mes mains sur mes hanche, le regard vers le ciel sombre. Quelques traces de crépuscule accrochaient encore le peu de nuages dans le ciel de leurs couleurs violette et rouges. Je restais un instant ainsi puis, sans bouger, je demandais doucement :

Tu as une préférence ? Où veux-tu aller ?

Finalement, je bougeais et m'approchais d'elle. Je posais mon front contre le sien, penché au-dessus d'elle et l'enlaçais à nouveau, attendant sa réponse.

Anya m'entraîna rapidement vers un banc près de là. On s'y assit et j'étirais mes jambes. La tête d'Anya vint se poser délicatement sur mon épaule et ses cheveux caressèrent mon bras. Je restais silencieux. Elle prit alors la parole :

On est bien ici, non ?

Un sourire aux lèvres, je hochais la tête. Les étoiles se détachaient sur le ciel bleu sombre comme autant de lucioles. En parlant de lucioles, en voilà des myriades qui s'envolent autours de nous. Émerveillé, je les regardais danser autours de nous. Tendant les mains, j'en capturais une avec délicatesse entre mes mains, et les ouvrais pour montrer ma capture à la jeune femme qui m'accompagnais. Le petit insecte s'envola alors et rejoignit ses camarades lumineux.

Je pris la main de ma copine et levais les yeux vers le firmament. Les étoiles avaient le don de m'apaiser. Elle brillaient toujours, fidèles et froides, insensibles à ce qui se passait ici sur Terre. Elle m'aidaient à me recentrer lorsque j'avais trop de pensées se bousculant dans ma pauvre tête de gamin inculte. Je me disais que si je devais me réincarner, j'aimerais revivre sous la forme d'une étoile, brillante et glorieuse, mais éphémère. Ce soir là, le ciel était clair et la une rayonnait, reine de lumière dans son beau voile blanc. Un criquet solitaire entama un semblant de mélodie et son chant se mêla agréablement à la musique du bal qui nous arrivait comme assourdie. Une étoile fila dans le ciel. Sa queue lumineuse dessina un arc vif-argent sur le ciel sombre. Je la pointais de nos mains liées:

Regarde ! Fais un vœu, vite ! murmurais-je à l'oreille d'Anya.

Sur ce, je fermais les yeux et fis un vœu. Celui de toujours rester avec Anya et de la protéger, quoi qu'il m'en coûte. Je posais doucement ma tête contre la sienne et nos cheveux, en se mêlant, formèrent un nouveau ciel nocturne, brun sombre et blanc.

Kyle me répondit en silence, et je souris en me calant un peu plus contre lui. Je me sentais bien ici, et c'était la première fois depuis bien des mois... Avant, j'étais inquiète, toujours alarmée de tout, et surtout, surtout je me sentais très seule. J'avais toujours peur qu'on m'appelle pour m'annoncer que mon père avait replongé, ou pire... Mais, de là où j'étais, je ne pouvais que faire confiance aux médecins de l’hôpital... J'étais d'ailleurs constamment assaillie d'un sentiment de culpabilité en pensant à mon père hurlant que j'étais lâche et que je l'avais abandonné...

Mais ce soir, ça allait mieux. J'étais apaisée, et j'étais optimiste. J'étais persuadée que mon père allait s'en sortir et revivre, enfin, comme j'essayais de le faire... Sans jamais oublié ma mère, bien entendu. Elle était toujours là et je savais qu'où elle était, elle me protégeait et veillait sur moi. Et puis... Je n'étais plus seule maintenant, Kyle était là et me soutenait. Et je n'étais pas prête de le laisser filer comme ça... Plongée dans mes pensées, je revins à la réalité quand il me montra une étoile filante. Cherchant dans le ciel, je me rendis compte trop tard que je l'avais raté. Faisant la moue, je regardais Kyle qui s'était appuyé sur mon épaule.

- Je l'ai raté, j'ai pas pu faire de vœu... Tu en as fait un pour moi dis ?

Dans la pénombre, les yeux de Kyle rougeoyaient moins fort. Ils semblaient bien plus sombres ce soir... C'était étrange de le voir ainsi, avec la lumière de la lune se reflétant dans ses cheveux blancs. Il semblait plus jeune sous cette lumière, mais en même temps sans âge... Mais bizarrement, je ne voulais pas me lasser de ce spectacle.

[HRP : Désolée c'est couuuuuuuuuuurt ><]

Je pointais le ciel de nos mains entrelacée, tentant de lui montrer l'étoile filante à temps. Anya fit une moue adorable et répondit :

Je l'ai raté, j'ai pas pu faire de vœu... Tu en as fait un pour moi dis ?

Un sourire doux vint éclairer mon visage. Mon vœu hein..? Je répondis en serrant sa main un peu plus fort.

Eh bien... Disons que mon vœu nous concerne tout les deux, alors on peut dire ça comme ça.

Encore une fois, je me sentis bien, complètement à ma place sur ce banc aux côtés d'Anya. De ma main libre, je caressais les cheveux de la jeune femme. Ils étaient si doux, et si fins. Comparés à ma tignasse, celle-ci avait l'air d'une tête de balai décolorée. Ses cheveux ressemblaient presque à la fourrure lustrée d'un chaton en pleine santé. En fait, ma copine ressemblait à un chaton.

Je jetais un regard à la dérobée à Anya. Elle avait un visage paisible, ses yeux bleus prenaient une belle teinte roi dans la lumière déclinante. Elle semblait plus fine, plus fragile dans sa robe, elle était belle. Le port d'une reine, le regard d'une guerrière, le corps d'une amazone. Je fermais les yeux en pensant que j'avais de la chance d'être son copain.

Je rouvris les yeux et quelque chose m'aveugla soudain. Un rayon de lune tombait juste sur nous deux, pile en face de nous. Mes yeux rouges, trop sensibles à la lumière, avaient été frappés de plein fouet. Levant la main, je les frottais comme un gamin lorsque le bruit caractéristique de la faim monta de sous mon t-shirt. Je ris, gêné :

Désolé, je crois que mon estomac m'en veux ! Je n'ai rien mangé de vraiment consistant depuis... Hier en fait.

Comment j'avais fait pour tenir aussi longtemps moi ?! Décidément, je suis un surhomme ! Je plaisante, j'ai juste tenu parce que j'ai trop l'habitude.

On va piquer à manger à la cafète ? Proposais-je avec un sourire.

Un autre grondement remonta des tréfonds de mon estomac. La vache, je crève vraiment la dalle en fait ! Et la réaction d'Anya ne se fit pas attendre :

Depuis hier ?! Mais c'est pas sérieux ça ! Tu dois mourir de faim ! S'écrie-t-elle, les yeux comme des soucoupes.

J'éclatais de rire alors qu'elle se levait et me tirais pour que je me lève. Je me mis sur mes pieds et, toujours en riant, je pris le chemin de la cafète main dans la main avec la jeune femme. Nom d'un chien, je vais mourir de faim avant de l'atteindre, c'est certain. Allez, courage, je vois le haut du bâtiment de la cantoche qui se dessine. Anya reprend la parole :

Allez, on y est presque ! Tu sais ce que tu vas manger ?

Réfléchir à ça maintenant n'est peut-être pas la meilleure idée mais...

Hum... Bonne question. - Je réfléchis - Deux sandwichs et un dessert... Quoi que... Peut-être que je prendrais une entrée. Et comme dessert... Un fruit. Ouais, ça sonne bien. Une salade, deux sandwichs et un fruit, ce sera parfait.

On pouvait croire que c'était peu, mais pour quelqu'un habitué pendant des années à la famine comme moi, c'est un festin. Et puis, je n'ai pas besoin de beaucoup, juste assez pour faire bouger ma grande carcasse. Il commençait à être tard et je comptais prendre un petit déjeuner demain alors autant ne pas manger trop.

Le bâtiment se présenta devant nous. Le vent froid nous fouettait, mais il me semblait tiède, sans que je sache pourquoi. A peine entrés, une odeur de nourriture nous happa ainsi qu'une bouffée de chaleur. J'entrais derrière Anya et mon regard tomba sur les provisions. Il n'y avait personne alors nous avions tout ce que nous voulions. Lâchant ma copine, je me dirigeais vers le réfrigérateur.

Et toi Anya, tu vas prendre quoi ? En tout cas, pas de plats cuits pour moi, il fait déjà assez chaud.

Mon Dieu, en plus de crever de faim, je crève de chaud maintenant. J'ouvrais le réfrigérateur.