Je râle un peu en riant. Il se moque bien sûr, moi aussi ça me fait plaisir de le voir. C'est simplement qu'on y pense jamais à part quand il se passe un truc. C'est un peu triste je trouve. On devrait pas attendre d'avoir besoin de ses amis pour les voir. Enfin c'est comme beaucoup de trucs, on ne se rend compte de ce qu'on aime que quand ça nous manque. Ca me fera plaisir de venir le voir plus souvent pour lui faire la lecture en tout cas.

Je roule des yeux. Matheo est gentil mais il devrait apprendre aussi à penser à lui. C'est un truc qui n'a pas vraiment changé chez lui. C'est aussi pour ça qu'à mon avis il ferait un super Master. C'est quelqu'un de dévoué et altruiste. Il peut devenir bien plus fort. Il l'est déjà. Suffit de voir tout à l'heure. Il m'a bien mis en difficulté. Je souris en coin quand il pose sa main sur son épaule. C'est quelqu'un de bien ouais.

Je ris doucement quand il évoque notre première rencontre. Je m'en souviens très bien oui. Quand j'y repense, Matty est une des premières personnes que j'ai rencontré à Terrae. Maintenant c'est un très bon ami.

— Oui, tu m'avais espionné pendant que je m'entraînais en pleine nuit, je rigole. Ca remonte pas mal en fait… Deux ans ?

Je me rend compte que tout ça en passé tellement vite… Il y ey Aoi, Allen, Hong Kong puis Ipiu, Nico… Au final je suis heureux ici. Bien plus que j'aurais pu le prévoir.

— On a bien avancé depuis…

D'y repenser me donne envie d'en parler plus avec lui. Il a cette aura calme qui me met toujours à l'aise. Ca me donne envie de me confier.

— Je t'ai déjà dit que j'étais retourné chez moi ? En Chine ?

Je ne veux pas lui faire peur.

Je ris avec lui, car il comprend que je plaisante. Je n'en doutais pas d'ailleurs. Bien sur qu'il m'avait manqué, et l'idée de le voir plus souvent me faisait chaud au coeur. Lui aussi m'avait apporter beaucoup dans un sens, comme tout le monde. Et le savoir prêt à me soutenir était largement suffisant pour quelqu'un comme moi, qui cherche sans cesse du soutien pour ne pas tomber... comme maintenant.

Lorsqu'il évoque le souvenir, je gonfle les joues d'indignation et tournant la tête dans la direction opposée à la sienne. Mon souvenir à moi est légèrement différent. Et puis, ce n'était pas tout à fait vrai... Enfin, pas tout à fait.

-Tu exagères! Je ne t'espionnais pas, je te regardais travailler. C'était de l'intérêt enfin, tu devrais être flatté, dis-je en souriant.

Je hoche ensuite la tête. Oui, deux ans déjà. Peut-être un peu plus... En tous cas, cela faisait très longtemps. Et pourtant on ne se voyait plus très souvent. Mais il n'est jamais trop tard pour se rattraper, et puis l'on n'oublie jamais vraiment ses véritables amis.
Ce qu'il dit m'intrigua et me tira, au bout d'un isntant, un doux sourire. Il avait raison bien sur. On avait tant progressé. On était les mêmes et pourtant si différents en même temps.

-C'est vrai... Regarde où nous en sommes maintenant... Et je suis sûr qu'il y a encore beaucoup plus à vivre.

Je posais à mon tour ma main sur son épaule, sans me louper cette fois-ci. C'est à ce moment-là qu'il me parla de son retour en Chine. Je pris une mine inquiète. Je savais comment c'était chez lui, je connaissais un peu la vie qu'il avait vécu et cela m'inquiétais. Je me doute bien que lorsqu'il me dit être rentré chez lui, ce n'est pas si simple que ça. Je me contrains au calme pourtant. Il est là, il est en vie.

-Comment ça s'est passé ? demandais-je avec intérêt.

Je rigole doucement devant sa moue vexée. C'est tellement mignon de le voir réagir comme ça. J'y peux si j'aime embarrasser les gens c'est toujours tellement drôle. Puis il sait que je suis pas sérieux. C'est comme de faire rougir Aoi, après elle me regarde avec son regard qui essaye d'être noir et ses joues toutes rouges. Comment vous voulez que j'essaye pas de le faire ? C'est juste hilarant. Après je doute que ce soit si intéressant que ça de me voir pratiquer. C'est même pas des vrais arts martiaux quoi, pas beau à regarder.

Je souris en coin. C'est vrai qu'on a tellement avancé depuis... On est Etoile tous les deux depuis pas mal de temps. Il a l'air de garder le moral même avec sa maladie et moi... Bah je pense que j'ai un peu progressé ? Enfin soyons honnête, en arrivant ici j'aurais jamais pensé finir rangé comme je le suis actuellement. Avec une copine, presque un job... Ca semble presque irréaliste.

Je frémis légèrement quand il pose sa main sur mon épaule et pose la mienne par dessus. Qu'est-ce que je peux lui dire ? Enfin je ne voudrais pas l'effrayer ou... Je sais qu'il ne me jugera pas mais je suis pas prêt non plus à tout dire.

- A vrai dire pas super bien... Je me suis fait ramener par la peau des fesses par Nikkou parce que je suis parti sans permission. J'ai passé une semaine à l'hosto parce que je m'étais cassé la cheville et que j'ai pris deux balles dans l'épaule et le bras.

J'ai un rire un peu creux et me passe une main sur la nuque, gêné. Ca semble tellement catastrophique dit comme ça. Je soupire et me mordille la lèvre. Je continue ?

- Aoi m'en a beaucoup voulu d'être parti sans la prévenir puis revenu dans cet état.

C'est un euphémisme, elle était furieuse quand elle m'a croisé à l'hosto. J'étais pitoyable et je crois que quelque part elle ne m'a pas complètement pardonné.

- Je sais pas si je m'en voulais d'avoir replongé ou de l'avoir inquiété. Je dois être une sorte de monstre pour ne ressentir aucun remords alors que j'ai tué un homme.

Pourtant il le méritait.

Je sens la main de Huo qui se pose sur la mienne. Je le sens trembler aussi. Il s'apprête à me dire quelque chose de difficile, quelque chose qu'il n'est pas sûr de vouloir me dire je pense. Je penche la tête sur le côté. Il sait bien que je ne le jugerai pas, je n'ai pas à le lui rappeler. Ce n'était pas la première que l'on se confiait l'un à l'autre, on avait largement dépassé le stade des préjugés. Alors j'écoute ce qu'il me dit. Je frissone à mon tour quand il me dit avoir été blessé par balles. Intérieurement, je remercie Nikkou de l'avoir ramené et le connaissant, ce n'avait pas dû se faire dans la douceur.

La réaction d'Aoi semble être encore plus dur à évoquer pour lui. Est-ce que c'était ça le fond du problème ? Qu'elle ne lui pardonne pas plus que ce qui s'était passé en Chine ? Je le comprends au fond, enfin autant que je peux comprendre ça, elle avait dû avoir si peur pour lui, être si surprise de le retrouver dans un tel état à l'hôpital alors qu'elle ne savait même pas qu'il était parti.

-Je pense que sa réaction montre juste combien elle t'aime. Autrement elle aurait bien moins réagi. Elle a eu peur, c'est bon signe!

Je lui offre un sourire, me gardant bien de préciser qu'il a bien mérité de se faire engueuler. Je rencontre de plus en plus de gens comme ça depuis que je suis à Terrae, Huo l'est également, ce genre de personne qui veulent tout régler seul, sans demander de l'aide parce que ce sont leurs histoires, ou parce qu'ils ne veulent entraîner personne dans leur sillage, sans se douter que laisser les autres de côté est parfois bien plus douloureux que de leur dire la vérité.

-Je suis content de savoir que tu es en bonne santé après tout ça! Au moins je n'ai pas à m'inquiéter pour ça, dis-je en rigolant légèrement.

Un monstre... Au final qu'est-ce que c'est un monstre ? Quelqu'un qui ne ressent aucune émotion ? Cela ne fait pas de nous des monstres. Je pince les lèvres quand il parle de tuer sans remords. Je secoue ensuite la tête et repose ma main sur son épaule pour lui transmettre toute l'amitié dont j'étais capable. J'hésite un instant à le prendre dans mes bras mais il va en profiter pour m'embêter je suis sûr.

-Tu n'es un monstre que si tu te considères comme tel. Personne à part toi ne connait les raisons qui t'ont poussés à agir ainsi. Personne n'a le droit de te juger.

Je souris doucement. Je n'aime pas le savoir coincé dans cet état d'esprit négatif. Chaque fois que son passé refait surface, il semble sombrer dans une mélancolie noire qui me pince le coeur. Je ne veux pas le sentir ainsi. Le Huo dont je me souviens aime bien taquiner les gens, pas s'apitoyer sur son sort. Depuis le temps qu'il est ici, il devrait savoir maintenant que le passé doit être laissé derrière si on veut avancer. Il en a besoin, plus que quiconque en ce moment.

Une petite sonnerie retentit alors, me tirant de mes pensées. Je tâtonne mon poignet jusqu'à ma montre dont j'éteins l'alarme.

-On dirait que c'est l'heure pour moi de retourner m'enfermer, dis-je avec tristesse.

Je me levais à regret, le derrière engourdi par le froid à froce d'être resté trop longtemps assis. Je ne commence pas tout de suite à marcher pour autant, j'attends que Huo soit prêt et m'accompagne. Autant profiter de sa compagnie encore un moment, ça faisait longtemps que je n'en avais pas eu l'occasion.

-Je t'attendrai pour que tu me fasses la lecture... ou même pour se voir. Il ne faut plus qu'on reste sans nouvelles comme ça aussi longtemps, terminais-je en riant.

Voir Matheo me fait toujours du bien. Il a cette façon de me rassurer, de me faire sentir que même si je fais des erreurs je suis aussi quelqu'un de bien. Peut-être aussi parce que je suis un pas doué des relations sociales et que je ne sais pas interpréter le comportement des autres avec moi souvent. C'est bien de lui d'arriver à voir le positif dans le fait que j'ai bien trop inquiété Aoi pour que ce soit raisonnable.

Enfin si on part sur de la bonne santé… Je vais pas lui mentir mais je doute que je sois un jour dans une forme physique idéale après tout ce que j'ai fait. J'ai des cicatrices un peu partout sur les bras et le torse, des anciennes blessures qui se réveillent quand je force un peu trop. J'aurais surement des tas de rhumatisme si j'arrive à être vieux un jour. Mais bon je préfère en rire.

— Tu as bien raison mon p'tit Matty. Tu devrais écrire des bouquins avec des paroles sages, tu te ferais plein de sous.

Même si en vrai je serais pas contre une phrase philosophique par numéro du journal. Ca peut être chouette à faire. Je fais la moue en entendant sa montre sonner. C'est vrai qu'il ne peut pas rester dehors quand le soleil se lève. Je soupire doucement et me lève pour le raccompagner jusqu'à sa chambre.

— Je viendrais te voir bientôt alors. Ca me ferait plaisir de te faire la lecture toutes les semaines.

Si j'y pense. Je vais me faire une note tiens, histoire de pas oublier. Je lui ébouriffe les cheveux gentiment.

— Prend soin de toi Matty. On se revoit dans quelques jours, c'est promis.

Je ne veux pas l'oublier encore une fois. Je tiens beaucoup à Matty. Comme à Nico un peu ? J'ai toujours voulu avoir des frères.