-Ah.

Non, non, non, non NON MITSUKI PAS "Ah" !!!! Pourquoi là, tout de suite, maintenant, pourquoi, pourquoi-

Mon coeur tambourinait dans ma poitrine et mes yeux s'étaient emplis de larmes. Je le fixai, paralysée, perdue dans ses yeux et dans ses mots. Tout mon corps tremblait alors qu'il était là, face à moi, à genoux, cette bague brillant sous mes yeux. Je le fixai sans savoir quoi dire, sans savoir quoi répondre, éperdument amoureuse de lui et paradoxalement si perdue.

Les pensées fusaient ici et là, sans que je ne parvienne à les saisir. Je l'aimais - je l'aimais au point de pouvoir donner ma vie pour lui. J'aimais tout de lui ; ses yeux brillants, ses lèvres douces, ses cheveux rebelles, son oreille attentive, ses bras rassurants, ses remarques déplacées, ses conseils avisés, ses paroles réconfortantes, ses-... Je l'aimais. Je lui avais offert mon corps, mon coeur - je m'étais ouverte plus que je ne l'avais jamais fait. Et puis, j'arrivais à parler de tout avec lui, même lorsque c'était dur. Je commençais à m'ouvrir plus naturellement, je commençais à apprendre à réfléchir au lieu d'agir. J'apprenais à me maîtriser. J'apprenais tellement, et j'avais encore tant à apprendre.

Alors oui, oui, j'avais envie de passer ma vie à ses côtés, j'avais envie de rester avec lui jusqu'à l'éternité, et plus encore ! J'avais envie d'être celle à côté de qui il se réveille chaque matin, j'avais envie d'être celle pour qui il cuisine, j'avais envie d'être celle qui serait, peut-être, un jour, la mère de ses enfants. J'avais envie de tout ça. Mais j'avais... peur ?

Peur de l'engagement. Peur de le perdre un jour différent d'un autre. Peur de ne pas être à la hauteur. Peur d'être trop jeune, de trop me précipiter ; peur de regretter ?

Les larmes commencèrent à rouler lentement alors que j'encaissais le choc, chaque seconde s'écoulant me faisant l'effet d'un poignard planté dans le coeur. Je le fixai, et je ne parlais pas. Et lui attendait, patient, encore et encore - comment pouvait-il être si patient avec moi ?

Je sentis mes poings se serrer sous l'angoisse et la tension que j'avais installés. C'était comme presser un citron déjà pressé : on espère que quelque chose sorte mais rien n'y fait, il n'y a plus rien, alors pourquoi insister ?

Mes lèvres bougèrent avant de se refermer sans qu'aucun son ne soit sorti. Je ne m'y attendais juste... pas. Pas là, pas après tout ce qu'il s'était passé, pas après ma "crise" de ce matin, pas après toute la solitude que je ressentais ces derniers temps, pas après ce manque d'énergie qui m'habitait chaque jour, pas...

Je mordillai mes lèvres, maladroitement, nerveusement. Mes genoux cédèrent enfin aux tremblements et je tombai dessus, gardant le dos droit, arrivant à la hauteur d'Ys.

Mes yeux ne quittaient pas les siens, perdus dans cet océan vaste de sentiments.

-J'ai... peur, parvins-je enfin à articuler.

J'essuyai mes larmes, les gestes lents, le corps lourd.

-J'y arriverai pas. Je serai jamais à la hauteur Ys, je- J'ai rien à t'apporter. J'ai... Je sais pas. J'ai peur. Qui me dit que tu ne trouveras pas un jour quelqu'un d'autre ? Pourquoi tu ne pourrais pas me quitter et partir, pourquoi tu- Je-

Mes mots se bloquèrent dans ma gorge alors que mon regard se perdait sur cette bague de laquelle émanait une énergie si forte. Ce cristal n'était pas une simple pièce précieuse ; c'était plus que ça, c'était un mélange de nous deux, une fusion parfaite, une puissance rayonnante.

J'avais envie de me jeter dans ses bras, de m'ensevelir sous sa chaleur réconfortante ; j'avais envie de me blottir contre lui, de sentir son coeur battre contre mon oreille, de sentir ses lèvres caresser ma peau. J'avais envie de lui, quelle ironie cruelle !

-Je t'aime, soufflai-je. Je t'aime plus que tout.

Mais tu es prêt, et je ne le suis pas.

Cette évidence me consumait tout entière.

-J'ai envie de passer le restant de mes jours à tes côtés. Mais j'ai encore besoin de temps. J'ai besoin de m'acclimater à ce nouveau rythme de vie. J'ai besoin d'être rassurée.

Mes doigts tremblants saisirent la bague dans la boîte et je la ramenai vers moi avant de la serrer entre mes mains, contre mon coeur. Mes yeux se fermèrent un instant et je me délectai de cette chaleur qui émanait du petit bijou emprisonné entre mes doigts.

-Je la porterai lorsque je serai prête.

Son cœur manqua un battement. 
Il ne l'avait pas quitter du regard, détaillant même chaque réaction qu'il pourrait alors deviner. Et malheureusement, ce ne fut pas l'effet espéré. Mitsuki pleure. Elle ne retient rien et le jeune homme se perd. Il ne comprend pas tout à fait cette réaction et encore moins celle qui va venir.
Elle tente de dire quelque chose mais il n'entend pas. Il reste attentif, toujours sur ce genou au sol. Et quand enfin les mots brisèrent cette barrière, la main qui tenait celle de la Master, lâcha peu à peu prise. 
Finalement il n'avait pas besoin d'en entendre plus, il avait saisi. Il peut jouer aux idiots ou aux immatures, il n'est pas dupe pour autant. 
Pourtant il garde son regard braqué sur la jeune femme qui peine à s'ouvrir. Il aimerait pouvoir la contredire, lui disant qu'elle ne l'avait pas écouté. Pour lui, il n'y a personne qui puisse la remplacer. Jusqu'ici, il n'avait jamais rencontré quelqu'un comme elle, ce qui pourquoi il gardait un genou au sol devant elle. 
Mais elle doute. C'est poignant, rien que d'y penser. Finalement il s'était bercé d'illusions. Elle n'a pas autant confiance qu'il ne se l'était imaginé. 

Gardant le silence, Ys resta de marbre, le visage plus ferme. Mitsuki se mit à sa hauteur et ses dernières paroles furent tout autant plus poignantes. C'est affligeant. 
Pas prête. Besoin d'être rassuré. 
Pour sa part, il n'avait eu aucune hésitation, du moins, pas en ce qu'il croyait concernant l'avenir. Et c'est surement tout autant plus dur. Il existe réellement une frontière entre les hommes et les femmes. Si lui, il avait pu foncer tête baissée sans réfléchir, sans la moindre hésitation, pour sa part, elle, elle avait besoin de méditer et d'être rassurée.
Il avait failli à son devoir d'homme. Si elle doutait de lui et de cet avenir, c'est que finalement il n'était pas à la hauteur de ses attentes. Et ce sentiment est un réel échec qui le meurtrie de l'intérieur. 

Malgré tout, Mitsuki s'empare de cette bague qu'elle garde près de son cœur. Ce n'était pas comme si elle avait catégoriquement refusé. Mais ses réponses sont d'autant plus affligeantes. Il aurait peut être été mieux qu'elle le laisse en plan plutôt que de le laisser espérer. 
Idiot. 
Comment avait il pu croire qu'une personne sur cette terre puisse l'accepter tout entier, lui faire une confiance aveugle, qui pourrait l'attendre une éternité... 
Voilà pourquoi il a toujours hais ce sentiment. L'amour. Juste avant son arrivée à Terrae, il s'en était bien défait depuis la disparition de sa mère. Plus rien ne pouvait l'atteindre, il était invulnérable. Jusqu'à qu'il la croise. Merveilleux rappel que le passé lui avait autrefois rappeler. 
Son regard flamboyant s'était atténué et il ne regardait plus la jeune femme depuis quelques secondes. Il avait dévi du regard sans but fixe. 
Le petit délinquant avait encore des preuves à faire, le plus dure à accepter, c'est que se soit auprès d'elle. 
D'un geste sec, il referma la boite entre deux doigts. Le vent peut bien souffler et faire voler l'arche, il se moque bien maintenant qu'il soit détruit.

"Tu es..."

La gorge serrée, les mots lui manquant, il tenta vainement de faire taire cette colère. Il n'y en a pas besoin. Pas maintenant, pas sous l'impulsion. Pas cette fois. Il préféra alors marquer une courte pause, fermant les yeux un instant.

"Tu es ma plus grande défaite."

Emit-il alors qu'un étrange sourire en coin lui échappa. Il avait été blessé. Son égo et son amour propre d'homme en avaient pris un coup et généralement, c'est difficile de pouvoir s'en relever. Que Mitsuki rejette sa demande, même on lui accordant du temps, est là son plus grand échec. 
Que Joyce soit sorti du coma fut une réussite. Avoir monter un groupe de musique est un exploit. S'être trouvé une famille et pouvoir aimé un endroit tient du miracle. Etre devenu Master est une victoire. 
Mais perdre Mitsuki et tout ce qu'il en représente... Tout le reste, toutes ces batailles gagnées ne sont rien comparé à ce qu'il venait de se passer.
Laissant échapper un soupir, sans même lui donner un regard, le Tonnerre se leva tout en trouvant bon d'ajouter:

"Je vais me lever. C'est que là, je pense qu'il soit mieux que je me relève."

Un peu de dignité. Il était tant d'en retrouver. Et dire que jamais il n'aurait poser un genou au sol, pas même devant son ennemi. 
Néanmoins il jugea humble de lui tendre la main pour l'aider à se relever. Il ne voulait pas laisser la colère prendre le dessus, il ne voulait pas laisser échapper cette maudite greffe. De toute manière, il n'en avait pas la force. Et puis, Mitsuki avait été sincère. Il ne pouvait pas la blâmer pour ça.
L'ambiance n'est plus aussi stressante et tendue que tout à l'heure. Cette fois, c'était lourd, étouffant, dérangeant. 
Maladroitement sa main vint frotter son visage et se pinçant l'arrêt du nez, il reprit d'une voix calme mais légèrement agacée:

"Je-Je pense que je vais reprendre les missions dès demain. Ne m'en veux pas, mais je pense que c'est nécessaire. Tu me dois au moins ça, n'est ce pas?"

Relevant les yeux sur cette dernière, il croisa ces prunelles violines. 

"Et ne vas pas croire que je te déteste."

On ne sait jamais. Il est préférable de parfois se dire les choses, bien que ce serait peut être moins occasionnelle. 
Partir. Ca se répéte et bouscule son esprit. On peut bien le traiter de lâcher, il s'en moque. Pour l'instant, un retour à la maison, faire comme si de rien n'était, serait purement de la comédie grotesque. Finalement, il faut croire que ces missions ont du bon. Pathétique.
Sortant une cigarette du paquet, il ne souhaitait pas affronter son regard d'avantage. Il se contenta d'apporter toute son attention sur la cigarette. Ca aide cette merde dans ce genre de situation. 

"Si tu veux profiter de la plage, vas y. Je vais attendre là, un peu."

Les larmes cessèrent de couler sur mes joues tandis que le paroles d'Ys me brisaient tout entière. Je rouvris les yeux, le fixai, détruite. Qu'est-ce que j'avais fait... Qu'est-ce que j'avais encore fait...? ...

Il se releva, me tendit une main pour que j'en fasse de même. Mécaniquement, je posai ma main libre, tremblante, dans la sienne, me relevai, l'observai, n'arrivant plus à décrocher mon regard de lui. Et plus je le regardais, plus je regrettais mes paroles, plus je m'en voulais, plus j'avais envie de partir en courant et de m'éloigner le plus possible de lui pour ne plus avoir à lui imposer ma présence. Pourquoi fallait-il que tout soit toujours plus compliqué que prévu...?

Je ne réagissais pas quand il m'annonça qu'il allait reprendre les missions dès le lendemain. J'en avais déjà fait bien assez et je pense que ça aurait été vraiment déplacé de m'en plaindre. Surtout que, quoi, j'estimais avoir le droit de lui imposer de rester ? De lui imposer ma présence ? Ca aurait été encore pire. Le croiser chaque jour, revoir dans son regard la déception et la tristesse. Mettre en place un train de vie superficiel.

Mes yeux finirent par se baisser sur mes pieds couverts de sable. Il ne me détestait pas... Nan. Il continuait à m'aimer alors que je l'avais détruit. C'était peut-être même encore pire. J'étais un monstre.

Dégage, le monstre.

Sans un mot, je me téléportai pour réapparaître assise en face de la mer, fixant les vagues qui s'échouaient inlassablement sur la plage. Me regard se perdit un bon moment à l'horizon alors que j'essuyais les dernières larmes qui avaient roulé sur mon visage. Nerveusement, je ne cessai de tourner et de retourner la bague entre mes doigts. Mon attention quitta la mer pour se porter sur le petit bijou que je ne cessais de malmener. Mon coeur se serra alors que je manquais de la faire tomber.

J'étais vide. Mes pensées se bousculaient dans ma tête sans que je ne puisse stopper mon attention sur une seule d'entre elles. Seul le visage d'Ys continuait encore et encore à s'afficher dans mon esprit, comme marqué au fer rouge.

Au bout d'un certain temps que je ne saurais quantifier, je finis par me relever et commencer à marcher en direction de l'endroit où j'avais laissé Ys. Je traînai des pieds, sentant ma respiration s'accélérer un peu plus à chaque pas que je faisais. Je n'arriverais jamais à affronter son regard. Je n'arriverais jamais à lui parler. Je n'avais jamais ressenti une telle angoisse.

Gardant mes yeux rivés sur le sol, je lançai un simple "On peut y aller quand tu veux" lorsque j'arrivais, ne prenant même pas la peine de relever le regard pour m'assurer qu'il était encore là.