Olala, en matière de chiantitude, j'crois qu'on fait pas pire que ce type. Je me contente donc d'un simple haussement de sourcils à sa remarque minimaliste. Il n'a vraiment rien de mieux à répondre ? Non mais parce que j'y ai mis vachement de bonne volonté moi pour essayer de le faire réagir un minimum ! Histoire qu'il me prouve ne pas être une simple enveloppe corporelle dénuée de toute fierté. Mais on dirait bien que ça n'va pas être aussi facile.

- "Mouais. Toi par contre, t'as encore une bonne marge de progression pour ce qui est de tout donner."

Une voix lasse et quelques mots prononcés dans un soupire de déception, j'crois que je ne vais vraiment rien pouvoir en tirer de ce mec. Une déception du début jusqu'à la fin. Mais avant que je n'ai le temps de tourner les talons, n'espérant plus rien trouver d'intéressant chez ce lui, le voilà qui me propose de faire usage de ses pouvoirs de guérisseur dans un but purement charitable à mon attention. D'une façon qui réussi à me tirer un demi-sourire. Eh bah voilà, on dirait que finalement, il peut faire un effort de forme.

- "T'as cru qu'après ta prestation pitoyable j'allais te laisser l'honneur de t'occuper de moi ?"

Un ton parfaitement condescendant, ce n'est pas parce que j'ai toujours préféré qu'on s'adresse à moi sans faux semblants enrobés de belles manières que je compte le laisser s'en sortir si facilement pour autant.

- "Nan, laisse tomber. J'ai pas besoin de camoufler une lèvre ouverte pour passer pour un mec bien sous tout rapport. Et puis ils m'ont à peine touché, j'ai pas b'soin de soins."

Ouais, là c'est peut-être ma fierté qui s'exprime, parce que je suis loin d'être en pleine forme quand même. Bien sûr que ça ne me ferait pas de mal de laisser un mec avec de tels pouvoirs entre les mains s'en servir pour m'éviter de ressentir ces pics de douleur à chaque nouveau mouvements. Parce que j'ai beau avoir l'habitude de composer avec, ce n'est toujours pas agréable pour autant.

- "Et puis tu devrais plutôt penser à te barrer de cet endroit avant que d'autres emmerdes te tombent sur la gueule. C'est pas pour rien qu'il y a des endroits qu'il vaut mieux éviter quand on ne veut pas d'embrouilles."

Mais si mon égo me commande de continuer à me la jouer bad boy intouchable, on dirait bien que mon corps, lui, commence à en avoir marre et préfère me rappeler à l'ordre d'une façon fort peu agréable. De cette façon qui me trouble de nouveau la vue pour me faire perdre tout repère géospatial, la perte de force au niveau de mes jambes me forçant finalement à prendre appui contre le mur le plus proche pour éviter de m'étaler lamentablement au sol. Je perds rapidement quelques nouvelles teintes de couleur, avant d'opter pour la solution la plus sage. Un petit retour au sol, sur les fesses, avec un contrôle parfait du glissement contre le mur, tout en m'efforçant de ne pas perdre connaissance. Non mais ça va passer hein !

AH est-ce que je lui aurais pas fait fermer son clapet ?! NAN MAIS SI parce que si, faut pas nier, vu que je réponds pas, il sait plus vraiment quoi dire, ça se voit, et il compense ça avec une explosion de fierté !

Je l'observais faire le grand avec un sourcil relevé, décidant de ne pas répondre ni réagir à ses propos, parce que c'est fatigant et j'vais quand même pas me fatiguer pour lui, j'ai prévu de faire des choses après quand même. Du coup c'est oui ou non ? Non, d'accord.

-D'acc, comme tu voudras, lançai-je en haussant une épaule et en faisant demi-tour pour partir.

J'vais quand même pas insister s'il fait sa tête de con. Déjà, être sympa, ça me ressemble pas trop d'accord, surtout envers un type qui est littéralement responsable de mon passage à tabac tout à l'heure, mais si en plus je force les soins, clairement j'vais passer pour quoi ? J'suis pas le bon samaritain, hein, on va s'calmer tout de suite.

Sauf que j'avais à peine avancé de quelques pas que j'ai entendu un corps qui rencontre un mur en toute sérénité. Je ralentis mon pas, tendant l'oreille pour l'entendre glisser le long du mur avec une élégance à toute épreuve. Je soupirai en m'arrêtant, me pinçant l'arête du nez. Je fis volte face.

-Bon. Montre moi ça, abruti.

Je revins sur mes pas et m'accroupis à côté de lui pour soulever son t-shirt sans lui demander son avis (ouais, j'sais qu'il va rouspéter, mais il a l'air d'avoir pris des sacrés coups dans l'abdomen, et j'suis pas un putain de guérisseur qui arrive à localiser les douleurs d'un clignement d'oeil ok ?).

-T'es salement amoché Mister Fierté.

Je le toisai du regard, me retenant de le provoquer encore davantage, et j'approchai une main de son abdomen.

Bon. Ben maintenant. Y'a plus qu'à faire fonctionner ces pouvoirs.

C'est long. C'est très très long. Cette situation est terriblement gênante. Putain mais on dirait que j'le tripote !!!!

-AH c'est bon, ça marche.

Un halo de lumière s'échappa de mes mains une micro seconde. Bon. En fait, visiblement, y'a des interférences.

-Tu devrais peut-être essayer d'éteindre ton téléphone.

On dirait bien que mon manque cruel de sympathie fini par décider l'autre merdeux à se barrer. Nan mais il n'allait pas rester là éternellement non plus. Et heureusement, parce que je n'ai pas très envie que qui que ce soit assiste à ce qui suit. Bien sûr que j'en connais aussi des moments de faiblesse, comme n'importe quel être humain, ok ?! Juste, s'il pouvait ne pas y avoir de témoins, ça m'arrangerait.

Je me laisse donc glisser le long de ce mur, prêt à abandonner le combat avec moi-même l'espace de quelques instants, jusqu'à ce que mon corps finisse par accepter de me rendre un minimum de contrôle. A cet instant, tout est parfaitement flou autour de moi. Je suis totalement incapable de savoir ce qui est en train de se passer. Pourtant, je ne perds pas totalement connaissance. J'arrive à soutenir le poids de ma tête pour donner l'illusion d'une position avachie presque intentionnelle.

Finalement, c'est la sensation d'un contact extérieur au niveau de mon torse qui fini par reconnecter le lien entre mes yeux et mon cerveau, pour voir ce qui se passe réellement. Et ce que je vois n'est pas pour me plaire. Non seulement il faut que ce type soit de retour, mais en plus il voudrait me prendre en pitié ? De toute façon, je comprends tout juste la moitié de ce qu'il me raconte.

- "T'es encore là toi ?"

Un grognement plus qu'une réelle phrase, c'est effectivement ce qui me vient le plus naturellement à l'esprit, alors que je sens que je commence à récupérer légèrement. Jusqu'à ce que je réussisse à me rendre compte de ce qui se passe vraiment. Il est face à moi, ok. Proche, bon, soit. Mais que je me retrouve avec mon t.shirt relevé et sa main quasi en contact avec ma peau, non, ce n'est pas possible !

Je ne sais pas si c'est cette révélation ou ce qu'il a pu fabriquer avant, mais je me retrouve soudainement avec toutes les informations de mon environnement direct qui remontent directement à mon cerveau. Résultat, j'ouvre grands les yeux sous toutes ces révélations, esquissant un mouvement de recul (ridicule, compte tenu du fait que je sois sur les fesses et déjà dos à un mur mais chut). Donc non seulement je ne dois pas avoir l'air très malin, mais en plus tous les signaux de douleur en profitent pour se frayer un chemin et me faire remarquer qu'ils sont bien là et qu'une fois de plus, j'ai sûrement un peu abusé.

Tout ça ne me donne absolument pas la motivation de faire le moindre effort pour me montrer un poil plus sympathique qu'à mon habitude. Mais il faut bien reconnaitre que je ne suis pas vraiment en état de faire le difficile. Non mais même moi j'me rend bien compte que ça devient compliqué de garder mon petit air supérieur à faire comme si tout était parfaitement sous contrôle... Un soupire contrarié plus tard, je passe une main de mes cheveux pour m'aider à réfléchir (ouais bah chacun ses méthodes), et je finis par attraper mon téléphone. Non sans garder une mine renfrognée. Eh, je prends déjà vachement sur moi à ce moment là ok ?!

- "Tss, c'est bien la première fois que j'entends un healer se plaindre des ondes de téléphone pour justifier sa maîtrise foireuse de ses pouvoirs."

J'ai dis que je prends de ouf sur moi déjà ! Tu crois quoi, que je vais réussir à le remercier en plus de ça ?! Nan, que je fasse ce qu'il m'a demandé c'est déjà une preuve plus que suffisante de ma bonne volonté actuelle ! Parce qu'en plus ça veut dire que j'accepte finalement qu'il puisse utiliser son nouveau don pour s'occuper des différentes blessures qui parsèment désormais mon corps. Faudrait pas trop en demander non plus !

La tête qu'il tire, c'est tellement démoralisant. Nan mais gros, moi non plus j'ai pas envie de te soigner, je sais même pas pourquoi je m'évertue à essayer de le faire correctement. Comme si c'était mon délire de te tripoter mais sérieux ! En plus ça me gonfle, ça marche que dalle, ça devrait faire "tilt" dans ma tête, me faire comprendre que j'devrais pas insister, MAIS NON, moi j'suis con jusqu'au bout, faut que je persiste et que j'sorte une vieille excuse d'ondes de téléphone. Jamais il y croit, c'est pas possible. Pire excuse ever, j'suis sûr qu'aucun téléphone n'a jamais créé la moindre interférence, c'est juste moi qui fait de la merde parce que j'sais pas utiliser ce pouvoir, c'est tout. Ca doit être parce que visiblement, le but de ce pouvoir est simplement de me garder moi en vie, les autres il s'en fout. Ce qui colle assez bien avec ma personnalité dans le fond, j'dois bien l'avouer. Encore un signe.

Mais Allen, t'es bien trop relou, parce que les signes, tu t'en contrefous, et tu continues à t'acharner sur son torse pour essayer de le soigner. Même quand il te traite encore de grosse merde qui contrôle pas ses pouvoirs (c vrai en même temps...).

Un long soupir m'échappa, et je décidai de l'ignorer (une fois n'est pas coutume). Une chaleur s'échappa à nouveau de mes mains, puis clignota une petite dizaine de fois avant de disparaître une fois encore. Bon bon bon ça marche pas c'est chiaaaaant.

-Tu sais quoi, t'as raison, ça sert à rien que je m'acharne, bonne journée gros.

Je me levai et pris le chemin du retour à l'Institut. Après tout, il m'a bien souligné plusieurs fois que j'le saoulais et qu'il voulait pas de mon aide alors-

Raaaaaaah ça me rend ouf mais POURQUOI JE CULPABILISE ?! Ca me gonfle. D'où j'me soucie de son état ?! Juste parce que j'ai été témoin de la scène ? On s'en fout non ? Ouais mais si on m'accusait de pas avoir apporté mon aide à une personne en danger ?! Et si- Ouais c'est bon ça me saoule, j'y retourne.

Je grommelai dans ma barbe en m'accroupissant une fois encore à côté de lui, qui devait probablement me prendre pour le plus grand des imbéciles, et je reposai mes mains sur son torse et là MIRACLE ça a marché -lol non mdr en fait j'ai appuyé fort sur ses blessures sans faire exprès.

-Déso, pas fait exprès.

Fais pas ta gonzesse oh.
Je pris une lourde inspiration, je fermai les yeux, et essayai de malaxer cette nouvelle énergie qui sommeillait en moi. Après un bon moment à jouer avec et à essayer de saisir cette chaleur qui m'avait permis de m'auto-soigner, j'essayais de la déplacer vers mes mains pour ressentir les blessures de l'autre débile, et envoyer cette chaleur sur cette nouvelle source de douleur. Ca sembla avoir l'effet escompté, car quand je rouvris les yeux, je constatais que ses hématomes s'étaient résorbés. ALLEZ Allen le plus fort.

-Bon, j'crois que j'pourrais pas faire mieux.

J'ai même plus l'énergie de l'envoyer chier. Et pourtant, ce n'est pas l'envie qui me manque. Mais ça me demande déjà un max de concentration pour réussir à garder les yeux ouverts tout en me concentrant sur ce qui est en train de se passer. Pour les répliques cinglantes, il faudra patienter. Ce qui parait relativement efficace, puisqu'après avoir essayé je ne sais quoi, on dirait qu'il fini par baisser les bras. Bah, ce n'est pas comme j'avais eu de grands espoirs. Ni comme si ça m'important vraiment. Enfin, peut-être que ça aurait été agréable de pouvoir me barrer immédiatement de cet endroit. Mais ne compte pas sur moi pour le reconnaitre.

Ok, j'suis peut-être un chouia frustré quand il se barre (encore) mais c'est d'sa faute aussi ! A faire genre "c'est bon, j'suis un gentil gars, tu vas voir tu vas être sur pieds en moins d'deux !" (comment ça ça ne s'est pas exactement passé comment ça ?!). Mais si je croyais (encore) me retrouver seul à devoir composer avec cette douleur relativement habituelle, je le vois (encore) revenir ! Je n'sais pas si c'est les nerfs ou juste la douleur, mais je ne peux empêcher un léger rire de franchir mes lèvres en voyant la gueule dépitée qu'il me tire maintenant.

- "Oh putain, mec, t'as toujours autant de mal à te décider ?"

Un ton légèrement moqueur (mais pas méchant cette fois), il m'ôte bien vite ce sourire pour une grimace de mécontentement alors que j'étouffe un grognement, au moment où ses doigts viennent appuyer de façon fort déplaisante en des endroits déjà suffisamment douloureux sans ça. La mâchoire serrée, je ne peux même pas me plaindre ! En vrai j'suis trop un patient exemplaire ! Nan mais je le laisse faire sans râler (enfin pas trop) ni me tortiller dans tous les sens. J'attends juste qu'il fasse ses essais. Genre comme si j'offrais mon corps à un interne en médecine ! Et c'est quand même hyper cool de ma part. Parce que je ne lui fait aucunement confiance ! Même si je m'attends surtout à le voir tourner les talons une énième fois suite à un nouvel échec.

Pourtant, j'ai beau être de mauvaise foi, je ne peux pas ignorer cette étrange sensation qui vient se déposer sur moi dans un halo apaisant. Les différents flashs inconfortables que m'envoyait mon corps s'estompent légèrement pour me permettre de me détendre un peu plus, les différents points de contraction se faisant plus doux.

D'un côté, c'est plutôt cool. Eh, c'est pas parce que la souffrance physique ne m'est pas étrangère que je l'apprécie pour autant hein. Mais en même temps, je me retrouve à ne pas trop savoir quoi dire. Les remerciements, c'est pas mon truc. Et surtout pas après tout le cirque qu'il m'a fait ! Cela dit, rester planté là, à le mater sans rien dire, c'est un peu chelou quand même... Hum, du coup j'amorce un repliage de jambes pour tenter de me relever correctement. Genre, ça me fait gagner un peu de temps. Et en plus ça me permet de vérifier que j'ai suffisamment d'énergie pour ça.

- "C'est un peu gênant de s'faire aider par un parfait inconnu. Tu pourrais au moins me filer ton nom ?"

Lol. Je m'auto-blase. Pourquoi j'suis pas foutu de trouver une meilleure réplique ? Tant pis, faudra s'en contenter. Tout comme il faudra accepter que je ne sois pas le premier à le faire.

Les soins hasardeux que je lui avais procuré semblèrent faire effet. Si plus aucune aura ne semblait vouloir s'échapper de mes petits doigts pour terminer les soins, je parvenais néanmoins à sentir et surtout à voir d'une manière assez étrange tous les points qui étaient encore supposés être douloureux chez lui. Très très étrange ce pouvoir de guérisseur. Ils pouvaient VRAIMENT voir les plaies et les contusions comme ça ?! Hyper impressionnant, j'avoue. Même si j'suis pas capable de contrôler quoi que ce soit, ce qui est assez décevant.

Je clignai des yeux pour revenir à la réalité, posai mon regard sur son visage pour arrêter de fixer son torse de façon très gênante. Il semblait pas très à l'aise non plus, et une sale pensée me vint immédiatement en tête, ce qui me fit me redresser et faire rapidement plusieurs pas en arrière. Nan mais j'ai le don pour attirer les homos alors non, STOP. Sans déconner, c'est bien le genre des homos refoulés d'insulter les homos pour faire diversion, c'est carrément possible qu'ils soient attirés par les hommes dans le fond !

BREF, du coup, il m'a demandé mon prénom, j'ai un peu été pris au dépourvu, j'ai répondu un truc un peu con :

-Al- Alphonse.

Ouais, je sais pas, désolé d'accord. Manquerait plus qu'il cherche à me revoir, on sait jamais. C'est un cliché des gros durs dans les films et les séries ça ! Ils font les gros cons, ils amènent de la merde, et à partir du moment où quelqu'un a été sympa avec eux ils tombent amoureux. Faudrait pas abuser.

En tout cas je note que c'est la deuxième fois que je donne un faux prénom en très peu de temps. Peut-être que je devrais m'en inquiéter. J'avais pas décidé que je devais essayer de faire de nouvelles rencontres, tout ça tout ça ? Ouais, bon, après c'était une résolution à la Allen, rien de bien concret quoi. On sait tous que je dis des choses et que j'en pense pas la moitié, et surtout que j'en fais pas le quart.

-Allen, soupirai-je.

Ok, la culpabilité, encore.
J'me saoule.
Bon bah du coup c'est bon, on se laisse sur ça ? Genre à un autre jour, bonne fin de journée, ciao ?

Pourquoi est-ce qu'il me fixe de façon aussi chelou ? Il attend un remerciement ? Ou alors il flippe que maintenant que j'suis debout, je puisse terminer à lui filer quelques baffes ? Pour ça, il aurait fallu y penser avant. Et pour le premier cas... Nop, c'est pas mon genre. En plus je n'suis même pas sûr que ce soit vraiment son intervention qui ait changé quoi que ce soit à mon état. Comment ça je suis de mauvaise foi ?

En tout cas, moi ne galère pas quand il s'agit de répondre à une question aussi conne que "comment tu t'appelles"... Et si sa première tentative me laisse dubitatif (nan mais on n'est pas censé hésiter à connaitre son nom), son rattrapage ne m'aide pas à fixer mon opinion sur lui. Une vraie girouette ce type. Je secoue la tête (genre c'est vraiment un cas irrécupérable) avant de reposer mon regard sur lui.

- "Ok, Allen donc. Y a vraiment un truc qui t’attire autant dans cette rue pourrie pour que t'arrives pas à décrocher ?"

Cette question est purement rhétorique (avec pour objectif principal de rester dans mon rôle de mec insupportable, c'est important !), j'enchaine donc sans même lui laisser le temps de tenter une réponse.

- "On dirait que tu rêves de te téléporter n'importe où ailleurs et pourtant, tu restes toujours planté là... Enfin, j'imagine que les bonnes manières veulent que je me présente à mon tour." Un léger haussement d'épaules désinvolte, je lâche finalement l'information principale. "Tiago. Par contre faudra te passer de la formule stupide qui ressemblerait à un "ravi de te rencontrer". Ce serait hypocrite."

Je lui tend quand même la main suite à cette présentation presque dans les règles de l'art. Faudrait pas trop en demander, mais je dois reconnaitre qu'il m'a été relativement utile sur ce coup. Je maintiens que j'aurais pu tomber sur une bien meilleure aide extérieure et qu'il aurait pu y mettre un peu plus de bonne volonté dans l'affrontement précédent, mais il ne s'est pas enfuit en pleurnichant pour aller tout raconter au premier master qui croiserait son chemin. Il faut savoir se satisfaire de ce qu'on a n'est-ce pas.

- "Par contre, j'espère que tu n'attends pas que je t'invite à boire un verre ou je ne sais quoi d'autre en guise de... Dédommagement ? Déjà, j'en ai pas envie, et puis là j'ai quelques trucs à régler."

En plus je suis sûr que sa compagnie est chiante à mourir ! J'attrape seulement une clope tout en énonçant clairement mes intentions, tendant finalement le paquet à ce Allen après une légère seconde d'hésitation. Il faudra s'en satisfaire. D'ailleurs, ce simple geste n'est même pas accompagné de paroles. Eh, c'est assez explicite quand même !

Bon, d'accord, c'est bon, j'ai compris, j'me casse.
Je sais que j'suis le pire. D'un côté j'ai envie de me casser depuis le début, de l'autre j'ai la culpabilité qui me rattrape et j'me sens obligé de l'aider, ensuite j'fais le mec distant (enfin c'est p't'être aussi qu'une impression... d'être distant...) parce que j'sens qu'y a anguille sous roche et qu'il peut être le genre de mec à tomber amoureux en deux secondes, et maintenant j'suis presque vexé par son comportement et les mots qu'il daigne m'adresser. Donc oui, oui, clairement je suis le pire et je sais pas ce que je veux, je sais, je SAIS, mais que voulez-vous, on peut pas tout changer comme ça, j'ai déjà fait pas mal de progrès depuis que j'suis à Terrae, faut pas abuser non plus !

Bref, ce qui est fait est fait.

Il me donne son nom, bougonne encore quelques paroles pour blablater (faut dire c'qui est, il parle aussi beaucoup pour rien dire quand même, pour un "bad boy". Jamais vu un mec parler autant), puis me tend une cigarette après m'avoir informé qu'il me payerait pas de verre. Ben écoute, tant mieux gros, ça faisait clairement pas partie des plans !

-Nan merci.

Je déclinai la clope, puis glissai mes mains dans mes poches.

-Bon, ben du coup, t'as l'air d'aller mieux. Tu rampes plus par terre quoi...

Je marquai un pause, regardant l'extrémité de la rue.

-Du coup j'pense que c'est bon, j'ai plus rien à faire ici dans cette rue dans laquelle j'ai visiblement vraiment envie de rester... déclarai-je en reprenant plus ou moins ses mots. Essaie de passer à l'hôpital quand même, plutôt que faire le malin. Ce serait con que ça prenne une tournure chaotique juste après un éternuement qui aurait un peu trop tiré sur les côtes...

Je commençai à faire demi-tour.

-Salut !

Et m'éloignai dans la rue. UNE BONNE FOIS POUR TOUTE. ENFIN. CA Y EST. ET OUI. J'ai réussi à partir sans ressentir la moindre culpabilité JE SUIS SI FIER.

Ça ne m'étonne même pas que ce pseudo gentil garçon ne fume pas. Tant pis, en fait je préfère encore garder mes clopes, donc ça m'va très bien. Mais moi, je ne me gène pas pour allumer cette cigarette (un peu difficilement, même produire une ridicule flammèche me demande un max d'énergie dans mon état mais c'est le résultat qui compte) et prendre une large bouffée de nicotine. De quoi aller beaucoup mieux. Je ne réponds même pas à cette remarque pourtant basse sur ma position précédente, fesses contre le béton.

- "Ouais ouais c'est bon, j'y penserais. Quand t’arrivera à savoir c'que tu veux."

Toujours aussi nonchalant (mais là c'est pas totalement de me faute, je suis franchement dans le mal et j'essaie de le cacher au maximum !) je ne vais pas le laisser s'imaginer que je vais vraiment aller me pointer à l'hosto maintenant. De toute façon, s'il y a vraiment cru, c'est qu'il est bien le dernier des abrutis. Encore moins maintenant que les guérisseurs ressemblent tous à cet idiot. Incapables de faire quelque chose de réellement impressionnant avec leur pouvoir.

Est-ce que je l'empêche de partir ? Juste pour le fun ...

- "Eh, Allen !"

Je ne sais absolument pas quoi lui dire. C'est juste pour le plaisir de l'emmerder un peu. Parce qu'il est drôle quand même. Je peux bien lui accorder ça. Bon par contre, je ne peux pas laisser ma phrase en suspens comme ça éternellement.

- "Nan, en fait j'avais rien à dire. Tu peux y aller."

Et j'me marre. Allez !! C'est drôle !! Moi en tout cas, ça me rend d'un seul coup beaucoup plus léger ! Et j'en avais bien besoin après tout ce merdier !

Ok. On peut dire que cette rencontre reste quand même très bizarre. J'ai pas d'autre mot. J'm'arrêterai donc là.

Rebrassant toutes les choses que j'avais à faire en rentrant (n°1 raconter ce qu'il s'est passé à Aria, parce que lui cacher c'est pire et ça me retombe dessus, et trouver comment la faire dédramatiser et ne pas s'emballer alors que tout est réglé et sous contrôle parce que j'suis pas tant une merde que ça finalement), je m'éloignai donc dans la rue avant d'être interpellé par l'autre mec chelou. Bon, Tiago, ouais, mais j'ai pas envie de me souvenir de son nom, il est trop bizarre ok.

J'me retournai, pour qu'un blanc s'installe. Et qu'il y mette un terme à coup de "hé non en fait j'voulais juste encore te faire chier HAHA je suis trop un mec drôle !!!" (pas du tout).

Je bloquai, tiquai, continuai à le fixer en cherchant à comprendre pourquoi il était... ce qu'il était (et en fait, j'vous assure que pour un mec en études de socio, il donne vraiment envie qu'on s'attarde sur son cas !), puis je fis volte face et disparus pour de bon au bout de la rue.