Un dernier coup de serviette dans les cheveux, j’y passais une main rapide pour tenter, en vain, de diminuer les épis qui s’y trouvent et je sortis de la salle de bain. Je poussai un long soupir, peu excité par la journée qui s’annonçait. Comme chaque semaine, je devais me rendre à l’hôpital en plus des batteries de test que je passais tous les mois, voire tous les deux mois selon les résultats (et l’appréhension de Norah). En effet, je suivais des séances de kinésithérapie depuis que j’étais tout petit, pour développer mes muscles, les délier surtout et tenter de les renforcer malgré l’absence de soleil. Mes muscles comme mes os étaient fragiles donc je m’étais habitué dès mon plus jeune âge à me faire tourner dans tous les sens, et à faire des exercices pour que mon corps ne dépérisse pas comme un champignon. J’avais cependant éparpillé mes rendez-vous chez le kinésithérapeute depuis mon arrivée à Terrae, principalement depuis mon passage étoile. La guérison, les séances avec Norah et les nombreux entraînements et sortis que j’effectuais seul ou avec des amis me permettaient de me développer normalement. L’hôpital avait donc jugeait qu’il pouvait me lâcher un peu la bride, mes résultats n’étant pas inquiétant. J’y allais toujours, mais peu souvent. Ce n’était que depuis quelques semaines que le rythme avait repris. Les Eclipses avaient bien entendus tout à y voir. Les changements de pouvoirs, la perte de la guérison surtout, nuisait à mon corps, qui retrouver ses travers. Norah avait donc jugé plus prudent de remettre des séances de kiné en place pour palier les troubles. La perte de l’auralocalisation m’handicapait fortement, m’empêchant de faire de longs trajets. Je souris en y repensant… Norah avait vraiment tout anticipé, elle me connaissait trop bien, elle connaissait surtout mes habitudes de « vieux garçon » comme elle n’arrêtait pas de le répéter.

Aujourd’hui avait donc lieu une nouvelle séance à l’hôpital. Le bip bip de ma montre m’indiqua que l’heure approchait. Vêtu d’un simple T-shirt à manches longues blanc et d’un pantalon en toile, je me glissais dans ma combinaison tant bien que mal. Son apparence explique ma tenue, elle est lourde et elle tient horriblement chaud, l’été j’ai cru tomber en syncope à de nombreuses reprises… ce pourquoi je me suis remis à attendre la nuit pour sortir. Mais les enfants du village avaient pris l’habitude de me voir arriver dans mon costume, et je ne me voyais pas leur refuser de s’amuser.
Je peinais encore quelques minutes à enfiler ma combinaison/costume puis, cela fait, le casque enfin placé, je sortis pour me diriger vers mon rendez-vous. David, mon ancien colocataire, m’attendait dehors pour m’y guider. La télépathie dont j’avais hérité me prévenait des présences autour de moi… mais je n’étais pas confiant de m’en servir pour trouver mon chemine en suivant les « voix ».

Alors que j’étais installé dans la salle d’attente, je trouvais d’ailleurs ce pouvoir de plus en plus ennuyeux. Je parvenais à le maîtriser à peu près, mais il échappait de temps en temps à ma vigilance, et je ne pouvais m’empêcher d’écouter les pensées des gens autour de moi… des pensées que je ne préférerais pas attendre d’ailleurs ! Rougissant sur mon casque, une infirmière arriva au même moment pour me tirer d’embarras.

-Matheo, il y a eu un petit changement aujourd’hui. Ce n’est pas le Dr March qui va te recevoir exceptionnellement mais le Dr Marquez. Ca ne te dérange pas ?

Elle continua de s’excuser pour cet imprévu mais je me contentais de secouer la tête, agitant les mains de concert pour lui faire comprendre que ce n’était rien. Intérieurement je n’étais pas mécontent. Le Dr March était gentil, vraiment, mais… il était un peu plus brutal que mes anciens kinésithérapeutes et je n’étais pas franchement toujours à l’aise avec lui. L’idée de changer de docteur non seulement ne me dérangeait pas, mais il y avait aussi un côté excitant, car je me demandais bien comment ça allait se passer ! L’infirmière revint deux minutes plus tard pour me guider. J’entendis deux coups frapper avant qu’elle ne m’annonce. Elle me précisa en passant qu’ils ‘agissait du même bureau que d’habitude donc que mes repères n’étaient pas modifiés. Je lui fis un grand sourire et la remercia gentiment. J’entrais doucement, tâtonnant un peu autour de moi.

-Bonjour Docteur, dis-je poliment.

Un peu hésitant, tout d’abord, je lâchais la surface de la commode sur laquelle je me retenais pour me tenir sans aide dans ma combinaison. Comme il ne disait pas un mot, je ne savais pas quoi faire, ni même si je pouvais me déshabiller. Je réalisais ensuite que j’étais un nouveau pour lui, un nouveau… qui devait paraître ridicule, habillé comme ça, pour une personne ne m’ayant jamais eu comme patient. Un léger s’installa sur mes joues.

-Excusez-moi… Mais est-ce que les stores sont fermés ? Le taux d’UV est-il correct ? demandais-je d’une petite voix timide.

Ma mère m’avait toujours appris que la première impression compte. Je n’étais pas convaincu qu’un ourson face une si bonne impression que ça. Après, je ne lui en voulais pas, surtout s’il n’avait jamais eu de cas comme le mien auparavant (ce qui est fort probable). Je souris doucement sous me tenue, espérant qu’il pouvait le voir de là où il était (ce que je ne pouvais plus savoir à présent), attendant sa réponse.

Adossé au mur du mini balcon sur lequel je me rend régulièrement aux heures de pause, je fume sans grande surprise une énième clope tout en descendant un nouveau café hyper sucré. Journée tranquille d'après le planning initial. Avec apparemment plus de paperasse à traiter que de patients. Pourtant, avec le retour d'un pouvoir un peu plus gérable que celui de Titan (ouais, je comprends qu'on ne veuille pas trop me refiler de corps humains encore vivants à manipuler quand on ne maîtrise pas sa force dévastatrice), je pensais voir un peu plus de têtes défiler. Enfin ça, c'était jusqu'à ce que l'une des secrétaires débarque les bras chargés de dossiers.

- "Ah, j'étais sûre de te trouver ici. T'as un nouveau patient de programmé. Matheo Runon. Son kiné habituel... N'est plus dispo. Tout ce que t'as besoin de savoir se trouve ici. Il a rendez-vous dans un quart d'heure."

Plutôt de bonne constitution à cette heure-ci, je récupère le dossier qui m'est mis entre les mains sans que je n'ai le temps de dire quoi que ce soit, observant d'un regard sceptique son épaisseur au vu des quelques minutes que j'ai pour le consulter.

- "Et t'es gentil avec lui !"

- "T'inquiète, il n'y a que les vilaines filles que je corrige."

Hum, vu le regard qu'elle me lance avant de tourner les talons, je crois qu'elle fait partie de cette large part de la population qui a du mal avec mon humour. Nan mais elle me balance tout ça au dernier moment, elle pourrait au moins faire un effort et sourire avant de se barrer. Enfin, je ne risque pas de me prendre la tête pour si peu.

Après avoir écrasé mon mégot dans le cendrier et jeté mon gobelet dans la poubelle, je repars dans le bureau que j'occupe aujourd'hui. Nan, je n'ai toujours pas le grade nécessaire pour avoir droit à un bureau fixe. Et aussi bizarre que ça puisse paraitre à certains, au boulot, je sais rester sérieux. Donc c'est parti pour la lecture. Et il ne s'agit pas d'un simple habitué des entorses. Sacré cas.

Pourtant, j'ai beau avoir réussi à parcourir l'intégralité des notes prises au sujet de ce Matheo, je reste sans mot au moment où, après avoir frappé poliment, il entre dans la pièce. Je sais, avec les pouvoirs, les morphes peuvent facilement ne plus avoir rien d'humain. Mais là, je suis parfaitement capable de reconnaitre un simple déguisement d'ourson. Non, je suis sûr qu'il n'y avait rien à ce sujet. Pourtant, ce n'est plus un gamin... Il faut que j'attende sa question pour sortir de mes pensées.

- "Ah, yes, attend deux secondes."

C'est que je n'ai pas encore l'habitude de ce genre de problèmes. Je me relève de ma chaise pour baisser rapidement les stores, plongeant la pièce dans la pénombre à laquelle mes yeux ne s'habituent pas immédiatement.

- "Vas y, tu peux... Faire comme tu l'sens."

Qu'est ce que j'suis censé dire d'autre sérieux ? Ouais bah j'le connais pas moi c'mec, j'en sais que dalle de s'il a l'habitude de virer ce costume en arrivant ou de s'il préfère le garder. Bon, faudra bien qu'il le retire à un moment quand même hein, parce que je n'suis pas sûr d'arriver à quoi que ce soit de concluant avec un tel emballage...

- "Et comme c'est la première fois qu'on se voit tous les deux, on va prendre le temps de discuter un peu avant de commencer la séance. En premier lieu, tu peux m'appeler Tiago. Pas besoin de "docteur" ou autre terme trop pompeux. Et si ça te convient, je t'appellerais Matheo."

Eh ça va, je n'suis que kiné hein. Pas besoin de me mettre sur la même branche que toutes ces têtes d'ampoules dont les ambitions se limitent aux murs d'un hosto. Puis accessoirement, je ne suis même pas encore officiellement kiné... Bon, à la fin de l'année si tout se passe bien. Ce qui parait légèrement compromis compte tenu des difficultés actuelles à communiquer avec l'extérieur. Mais ça, on s'en branle !

- "Alors explique moi un peu. Comment tu te sens en ce moment ? Et, ton dossier a beau être hyper complet et bien expliqué, j'aimerais que tu m'expliques aussi les différents problèmes que tu peux avoir. Comment tu vis avec. Et ce que t'aimerais pouvoir améliorer."

Si, je les ai lus ces dizaines de pages de rapports divers. C'est que ça commence à faire quelques temps qu'il est à Terrae visiblement. Mais avoir les termes médicaux sous les yeux a beau m'aider à cerner les sources des soucis qu'il peut avoir, mesurer leur répercussion sur la vie de quelqu'un ne peut se faire qu'en ayant la version du patient. Pas question que je me mette à effectuer le moindre soin sans avoir réussi à l'entendre me donner son point de vue.

Il finit par réagir et j’entendis le bruit caractéristique des stores que l’on tire. Comme il n’ajouta rien sur les UVs de la pièce, je présumai que tout est bon. De toute manière, l’inverse est rarement le cas dans les hôpitaux, et depuis que j’étais ici, on veillait à ce qu’au moins les pièces que j’utilise soit viable. Ca me gênait encore rien qu’y penser… de causer tant de problème par ma simple présence.
Au signal qu’il me donna, je hochai vivement la tête, impatient de retirer ce poids qui me compresse le corps. Je dévissai doucement le casque puis le tire d’un cou sec, libérant ma tête de celle de l’ourson. Je ne pus m’empêcher de pousser un profond soupir de soulagement. L’air était tellement plus frais dans la pièce que mes lèvres s’étirèrent de plaisir sans que je les contrôle. Sentant que je ne brûlais pas, je commençai à retirer le reste de ma combinaison, non sans mal, pour finir dans ma tenue de départ, T-shirt long et jean, dans le bureau.

- Merci Docteur. Désolé pour le dérangement, dis-je avec douceur.

Je vérifiai alors rapidement que mes paupières sont closes, ne voulant comme d’habitude pas exposer mes yeux vides au monde. Ce serait dommage de le mettre à l’aise.  Il me fit ensuite une proposition qui, dans un premier temps, me tira une mine surprise. Le Dr March était plus pointilleux, je n’avais pas l’habitude qu’on se comporte familièrement avec moi… du moins chez le kinésithérapeute. Les infirmière je les voyais tout le temps, c’était plus normal. Très vite toutefois, un grand sourire remplaça la surprise tandis je hochai la tête.

- D’accord Tiago. Aucun problème, confirmais-je avec bonne humeur.

Il était beaucoup plus sympathique que le Dr March. Je me sentais bien plus à l’aise avec lui en tous cas. J’essayais tant bien que mal de contrôler ma télépathie, mais c’était difficile de ne pas capter des pensées par-ci par-là. Je ne comprenais pas tout ce qu’il pensait, après tout je ne cherchais pas à violer sa vie privée non plus, mais le peu que je ne parvenais pas à refouler me montrait qu’il n’était pas dangereux. Que je n’avais rien à craindre.

Je m’installais face à lui, écoutant le programme qu’il me proposait. Parler de moi hein… Je « vis », ou plutôt entendis, qu’il avait consulté mon dossier. Il souhaitait sûrement avoir des précision supplémentaires… ou l’entendre de ma propre bouche.

- Vous vous lancez dans une grande aventure ! Dis-je en riant.

Mais pour son bien , et son temps surtout, je sélectionnais les passages importants qui lui permettrait de mieux comprendre mon état et ce que je venais faire ici.

- En ce moment, ça ne va pas trop mal… J’ai connu mieux c’est vrai, mais j’imagine qu’avec les changements de l’éclipse, c’était à prévoir. Normalement la guérison m’aide et elle n’est plus là pour temporiser et diminuer les douleurs. Norah, une master infirmière qui s’occupe de moi, ne peut pas davantage m’aider non plus et elle craint que le manque d’activité que je vais endurer les prochains temps ne ruine les efforts des dernières années.

Je secouais alors la tête, me rendant compte que j’allais sûrement trop vite, que je sautais trop d’étape pour quelqu’un qui cherchait à comprendre.

- Excusez-moi, je ne suis pas très clair… Vous voyez, comme je suis aveugle, je me déplace essentiellement grâce à l’air que je ressens et que j’utilise pour sonder l’espace autour de moi, ce qu’on appelle l’auralocalisation. Je fais comme les chauve-souris si vous préférez, mais avec l’air au lieu du son. La guérison me permet de capter facilement les énergies des gens et les identifier. Grâce aux deux, je peux vivre quasiment normalement et me déplacer sans encombre, sinon par terre, par la voie des airs. Mais maintenant que l’éclipse est passée… je fais une courte pause, cherchant le meilleur moyen d’exprimer ce que je ressens… je n’ai plus aucun moyen de me repérer convenablement. Donc je ne sors plus, de peur de provoquer des accidents. Autant pour moi que pour les autres.

Je fis une nouvelle pause à ce stade du récit. Je partais trop les détails là par contre. C’était de ma faute, je ne savais pas m’expliquer correctement. Je devrais enregistrer ce moment pour prouver à Ryu que je ne ferais décidément pas un bon professeur si l’idée lui passait par la tête.

-J’aimerais entraîner mes muscles donc. Eviter de ruiner tous les progrès que j’ai fais à cause d’une stupide éclipse, dis-je en fronçant les sourcils. Je ne sais pas si je vais remarcher à travers l’institut de sitôt mais j’aimerais éviter que mes muscles ne se recrispent et ne s’affaiblissent à cause du manque de soleil et d’exercices. C’est pour cela que Norah a pensé qu’il serait bon que je revienne chez le kiné…

J’achevais enfin de parler, et lâchais mes doigts que je triturais depuis tout à l’heure. Je me grattai l’arrière de la nuque, un sourire un peu gêné sur les lèvres.

-Désolé, j’espère que je ne vous ai pas trop embrouillé...

Hrp: Te sens pas obligée de faire long hein xDDD

Au moins, il a pensé à enfiler des fringues sous cette tenue étrange. Finalement, ce type n'est peut-être pas si chelou que ce qu'il ne donne l'impression. Si on met son arrivée dans un costume d'ourson sur le compte de sa cécité visuelle. Ouais, il n'y a pas d'autre explication à ça. En plus, il parait posé et hyper poli. Bien. On dirait qu'il est temps de mettre mes a priori de côté.

- "Parfait. Qui dirait non à une grande aventure ?!"

Installé face à Matheo, je ne peux pas m'empêcher de scruter chacune de ses expressions à mesure qu'il me répond. J'ai toujours eu l'habitude d'observer attentivement mes interlocuteurs, encore plus lorsque je suis au boulot, mais je dois bien reconnaitre qu'en étant privé de son regard, l'exercice est différent de ce à quoi je suis habitué. Pourtant, la tonalité de sa voix réussi à compenser une partie de ces émotions qui ne peuvent passer par ses yeux qui restent clos.

Et des choses, il en a à dire. Tant mieux. C'est beaucoup plus facile pour moi d'avoir quelqu'un qui parle bien en face que de devoir ramer pour en sortir quelques mots. Donc, sa venue ici a un lien avec cette éclipse qui nous pourri à tous la vie. Il était bien écrit qu'il ne venait à l’hôpital que de moins en moins souvent. Et que ses entrevues avec son kiné étaient devenues rares.

- "C'est super de pouvoir compenser tes difficultés par tes pouvoirs. Mais effectivement, en ce moment il devient important de trouver une autre solution. Même si je vais évidemment t'aider à garder une forme physique correcte, il va falloir réfléchir à ce problème. Enfin, tant qu'on n'a pas la certitude que ce phénomène qui affecte nos pouvoirs ne va pas s'épuiser un jour pour que tout revienne à la normale. Ce serait dommage que tu te retrouves de nouveau à ne pas pouvoir bouger librement."

Eh, on est au XXIème siècle quand même ! Bien sûr qu'on doit pouvoir trouver de quoi l'aider sans forcément faire appel à la magie (qui est malgré tout bien utile ici). Enfin, avant d'en arriver là, j'ai encore pas mal d'étapes à remplir. Je laisse donc tous mes papiers sur le bureau pour me relever, une légère hésitation avant de me rapprocher finalement du jeune homme.

- "On va commencer par une auscultation classique, que je vérifie ton état général. Comme ça en même temps, tu vas pouvoir me dire ce que t'avais l'habitude de faire comme exercices avec ton ancien kiné. Et ce que tu réussis à faire aujourd'hui d'un point de vue physique. Combien de temps tu marches, si t'arrives à faire un peu de sport, ce que tu fais, ce genre de choses. Hum, besoin d'un coup de main pour aller jusqu'à la table ?"

En général, cette étape se fait plutôt debout et en sous-vêtements, mais compte tenu de son cas, je préfère qu'il soit correctement installé sur une table médicale. C'est plus sûr. Par contre, en cours on ne nous explique pas comment on doit gérer un patient aveugle ! Ou alors je n'ai pas encore vu ce cas d'application. Enfin, ça ne m'a jamais dérangé d'apprendre directement sur le terrain. Je me tiens donc prêt à lui servir de guide jusqu'à notre prochaine destination en cas de besoin.


Hrp : Naaaan mais j'me sens pas obligée, j'ai juste du mal à faire concis T_T Mais en général c'est surtout les premiers posts, après je devrais raccourcir >_>

La perspective d'une longue histoire mal racontée par quelqu'un qui s'embrouille dès qu'il essaie d'expliquer la moindre chose ne semble pas le désarçonner. Bien au contraire, il y fait face avec humour, ce qui me tire un large sourire et m'encourage dans mon récit. Celui-ci fait, je guette sa réaction. Je me rends alors compte d'une chose, que je n'avais pas vraiment réalisé avant puisque je n'avais eu de contact qu'avec des gens connus : je ne le voyais pas. Normalement, en ressentant son énergie, je pouvais tracer tout son parcours et ainsi "voir" la forme de son corps, sa corpulence, son visage, ses traits, tout en réalité... seule la couleur manquait et je la demandais en précision. Il m'arrivait de toucher le visage de temps à autre pour compléter ma perception mais cela restait rare, je ne l'avais fait qu'une ou deux fois, trois en réalité si mes souvenirs sont bons. Mais à présent... privé de cette perception... je ne pouvais plus le voir. Je ne pouvais qu'imaginer le visage derrière la voix, une voix grave, il devait être plus âgé que moi... ou alors il fume beaucoup ? Oui... je sens l'odeur du tabac froid sur lui. Seules ces petits indications m'étaient perceptibles... Le reste me plongeait dans un trou noir... et je n'osais pas lui demander.

J'écoute ses recommandations, ses remarques surtout. Je baisse un instant la tête, perdu dans mes réflexions. Je n'avais jamais envisagé d'autres moyens que mes pouvoirs, c'est-à-dire des moyens plus "humanisé, plus normaux va-t-on dire, pour palier ma cécité. Pour XP, je n'avais pas d'autre choix que ma combinaison mais pour la cécité je n'avais compté que sur l'air et la guérison. Mes pouvoirs étaient si naturels pour ma part, c'était comme un moyen naturel à mon sens. Mais il n'avait pas tort... loin de là. Je comprenais parfaitement son point de vue.

-C'est vrai que j'ai eu tort de ne compter que sur mes pouvoirs... c'était la voie naturelle pour moi on va dire, dis-je avec un petit rire. Vous avez raison Tiago, j'ai été un peu bête, surtout face à un tel événement.

La preuve, je me retrouvais en difficulté alors même que j'aurai très bien pu sortir en m'entraînant comme n'importe quel aveugle le fait. En adoptant un chien d'aveugle par exemple.... Peut-être que ce serait une solution à envisager.

-J'avais pensé... Enfin, on m'a fait pensé à prendre un chien d'aveugle il y a longtemps. Mais j'avoue que... j'ai peur de ne pas savoir m'en occuper, je ne suis pas très doué avec les animaux, avouais-je en rougissant légèrement.

Du bruit, un mouvement, m'indiquent qu'il s'est levé et qu'il s'est rapproché au vu du légère courant d'air que je sens sur moi. Instinctivement, je me déplace pour lui faire face, à peu près. J'écoute ses demandes et ne peux retenir un doux sourire d'étirer mes lèvres lorsqu'il me propose son aide pour aller jusqu'à la table d'auscultation. C'est bien, ce que je pensais, sa voix ne correspond pas sa personnalité pour l'instant. Il a de l'humour et il est sympathique. Je suis définitivement plus à l'aise.

- Ne vous en faîtes pas! Je connais ce bureau, c'est celui où le Dr March me recevait habituellement.

Joignant le geste à la parole, je me lève et me dirige d'un pas assuré vers la table, ma main m'informe que je l'ai atteinte et je m'y installe sans problème, le sourire toujours aux lèvres. J'en profite pour réfléchir un court instant aux réponses à lui proposer avant de commencer à parler:

- Il me faisait faire beaucoup d'étirements, des flexions aussi et un peu de musculation. Je marche à peu près toutes les nuits, dès que je peux sortir, pour entretenir mes jambes. J'arrive à faire une bonne distance avant d'être fatigué. J'ai pu marcher de l'institut à l'hôpital sans être trop épuisé. A part cela... je ne fais pas beaucoup de sport non. Des combats amicaux avec des amis, 2-3 minutes généralement, mais ça ne va pas plus loin.

Je comptais sur mes doigts en même temps que je lui répondais, pour être sûr de répondre à toutes ses questions. Alors qu'il m'auscultait, pour que le temps passe plus vite et puisqu'il semblait prêt à faire la conversation, je demandais:

-Vous êtes nouveau à Terrae ? Je ne vous avais jamais vu ici. Enfin, avant de perdre ma deuxième vue, précisais-je avec amusement.

Presque aussitôt cependant, une légère rougeur s'installa sur mes joues.

-Excusez-moi, je ne voulais pas être indiscret. Je suis trop curieux, dis-je d'un ton désolé.

Rassurer les autres, leur apporter un soutien moral et les encourager avec de simples paroles... Ce n'est clairement pas mon point fort. Donc oui, c'est stupide de ne se fier qu'à la magie quand on a un tel handicape. Et ne compte pas sur moi pour lui affirmer le contraire sous prétexte qu'il a l'air tout penaud face à cette absence de solution "classiques" qui lui permettraient de faire face à ses soucis de vision. De toute façon, ce n'est pas mon rôle. Donc tant que je n'ai rien de concret à dire à ce sujet, question classée. Voilà, il est temps de passer à quelque chose de concret.

Et par chance, Matheo est tout de même bien assez débrouillard pour se déplacer seul jusqu'à l'endroit voulu. Évidemment, je l'accompagne jusqu'à notre destination, m'assurant que rien ne se trouve sur son chemin. Parce que ça fait partie de mon job, ne va pas croire que ses sourires innocents ont quoi que ce soit à voir là-dedans. Ok, peut-être que s'il avait été insupportable dès le départ, j'aurais pu être un peu moins prévenant... Mais de toute façon, ce n'est pas le cas !

Je hoche la tête (comme s'il pouvait s'en rendre compte) à mesure que le jeune homme réponds à mes questions précédentes, tout en commençant à observer son allure générale. Recherchant les quelques positions et autres angles qui trahissent une légère faiblesse, j'en apprends un peu plus sur ses capacités en matière de mobilité. Et je dois admettre être agréablement surpris. Je m'attendais à bien pire, le travail n'en sera que facilité. Ce qui m'étonne encore plus ? Le retour de questions. Non pas que ça me dérange, au contraire. C'est juste qu'il paraissait si réservé. Ah, il se rattrape quand même avec quelques excuses bien vite ajoutées. Un sourire amusé, je pourrais avoir envie d'abuser, mais ce ne serait pas très professionnel n'est-ce pas... Alors je reste seulement dans mon rôle.

- "Non, il n'y a aucune pancarte interdisant au patient de poser des questions dans la pièce, ne t'inquiète pas." Et puis de toute façon, si je n'ai pas envie de répondre, je suis bien assez grand pour détourner la conversation. "Je ne travaille effectivement à l’hôpital que depuis quelques mois. Et comme je ne suis pas encore très expérimenté, on me confiait rarement de vraies missions." J'ajoute cette précision avec une légère dose d'effronterie, parfaitement conscient que ça pourrait l'effrayer. "Je vais poser mes mains sur toi en différents points, de la base de la nuque jusqu'aux pieds, dis moi s'il y a des endroits douloureux."

Un aplomb parfait pour glisser ces remarques, évidemment que l'ordre de mes phrases n'est pas choisi au hasard. Et oui, je sais qu'il pourrait avoir envie de quitter la pièce en courant sans me laisser l'occasion de poser une main sur lui. Quoi que avec un tel patient, je suis à peu près tranquille. Il ne va pas partir sans son déguisement non ? Ahah ok, j'arrête. Mais il faut bien trouver des moyens de se divertir au travail non ?!

- "Enfin, l'avantage de bosser ici, c'est qu'on apprend vite !"

Nan mais je ne voudrais pas le faire stresser inutilement non plus. Même si la sensation des muscles qui se contractent pourrait me facilité ma tâche d'inspection actuelle.

Je me permets un léger rire sur lorsqu'il me parle de pancartes interdisant de poser des questions. Il a raison c'est vrai mais on ne sait jamais! Tous les médecins n'étaient forcément du genre amical ou à discuter avec leurs patients. Il y en avait, mais le Dr March n'avait jamais été l'un d'eux. Après Tiago n'est pas lui, ça je l'avais compris. Et il se faisait une joie de me le démontrer... inconsciemment.

Sa remarque sur son manque d'expérience et les missions importantes provoque chez deux réactions. La première : un certain contentement car j'avais vu juste, il n'était pas là depuis longtemps. Je ne parvenais plus à sentir les énergies aussi bien maintenant mais je ressentais encore quelques impressions et il ne dégageait une aura très puissante. Plus puissante qu'un élève très récent, mais pas une étoile c'était sûr. Remarque... Les gens peuvent rester initié longtemps, voir toujours. Deuxième réaction : l'amusement. Je percevais bien qu'il chercher à m'impressionner, à me faire peur surtout. Mais en réalité, cela m'amusait plus qu'autre chose.

- Oh alors je suis une nouvelle expérience à votre CV ? Super! Mettez là en gros caractère alors, je veux au moins les gros titres, répondis-je en rigolant.

La réaction qu'il attendait n'ayant pas lieu, il me jugerait peut-être peu amusant. Il aurait raison dans ce sens-là, je n'étais pas un garçon très drôle.
Il m'annonce que l"expérience" va pouvoir commencer. Je souffle un coup pour me détendre et essaie de lui faciliter le travail le plus possible. Sa remarque me tire un nouveau sourire et je décide de rentrer finalement dans son jeu.

-Suffisamment vite pour éviter de me réduire en pièces détachées ? Parce que j'admets que ça m'arrangerait, sans vouloir jouer au patient agaçant, dis-je, en feignant une moue pas contente.

Un point positif toutefois me sauta aux yeux si jamais le cas se présentait.

-Par contre, en pièces détachées, je n'aurai plus à porter cette horrible combinaison... Choix difficile...

Quoi ? Je m'amuse comme je peux. Ce n'est pas comme si un rendez-vous médical était ce qu'il y a de plus drôle au monde.

Je ne peux réprimer un sourire à sa réponse concernant mon cv. Ok, je m'étais peut-être trompé sur son compte, j'admets qu'il n'est pas si difficile à supporter finalement. Nan mais fais pas genre, tout le monde juge à la première impression hein ! Et un type qui se ramène dans une tenue ourson, bah moi ça ne m'enchante pas de ouf. Enfin, le tout c'est de se rendre compte qu'on peut s'être trompé à un moment. Et puis de toute façon, si on est là c'est pour s'occuper de son cas, quoi que je puisse penser de lui.

- "Je pense que je devrais pouvoir te garder en un seul morceau. Alors, si tu veux vraiment éviter ton déguisement, va falloir te trouver une autre excuse, désolé !"

Bien sûr que je ne m'excuse pas pour de vrai. C'est pas mon genre. Et puis bon, je n'vais pas non plus prétendre que cette tenue peluche n'est pas si horrible... Bien sûr qu'elle l'est et qu'il devrait trouver un moyen de s'en débarrasser ! Comment ? J'en sais rien, c'est pas mon domaine de prédilection non plus ! Et c'est la première fois que je rencontre quelqu'un touché par cette maladie.

- "Et donc, tu sors toujours avec ta panoplie ours ? Parce que si ça t'arrange, on peut se voir en soirée pour tes prochaines séances. Une fois le soleil couché, tu peux faire sans ? Ou il te faut toujours une protection quelle que soit l'heure ?"

Tout en discutant, essayant d'en comprendre davantage sur ce qu'implique réellement sa condition, je poursuis mon inspection générale, passant mes mains en différents points de son corps, les sensations rencontrées me donnant quelques informations supplémentaires sur son état physique global. Et s'il y a bien quelques faiblesses à quelques endroits, il ne m'a manifestement pas menti sur ce qu'il continue à faire malgré ses soucis de santé. Parfait, on devrait pouvoir passer à quelques exercices simples pour commencer par maintenir tout ça.

Je me retiens d'éclater de rire à sa réponse me contenter de pouffer dans mon coin. je loupe une occasion en or peut-être effectivement, mais le côté positif, c'est que je resterai en un seul morceau, ce n'est peut-être pas si mal.
Une mine surprise se peint tout d'abord sur mon visage, vite remplacée par une mine amusée lorsque je capte, par accident, quelques pensées qui agitent son esprit. Bizarre hein ? Ca, je peux le comprendre! Ce n'est pas tous les jours j'imagine que l'on voit arriver vers soi un garçon dans une grosse tenue de mascotte façon ourson.

-Je sais qu'elle est horrible... Mais c'est un cadeau, un cadeau très très cher en plus, qui me permet de vivre un peu plus normalement, je ne me vois pas la jeter. Mes parents avaient sacrifiés des années de leur vie pour m'en offrir une à mon anniversaire, mais je l'ai cassée avant d'arriver à Terrae...

Je me rends compte au même moment que, sans le vouloir, de façon presque instinctive, j'avais répondu à ses pensées. Il n'avait pas formuler à voix haute ce qu'il pensait de mon costume mais à cause de ma télépathie, je l'avais pris tout comme. Je posais une main sur mon front, secouant brièvement la tête pour me reprendre. Ce n'est pas évident les pouvoirs mentaux... surtout quand on ne les contrôle pas. Ce n'est pas facile de différencier le réel de la pensée, tout est tellement semblable.

-Et puis... Si on ne me l'avait pas customisé façon ourson, elle ressemblerait, en vrai, à une tenue de cosmonaute, vous voyez celles de la NASA ? Je me sentirais encore plus mal à l'aise dedans, ajoutais-je avec un sourire.

Je tourne la tête vers lui, autant que possible sans déranger son examen, bien que je frisonne à chaque fois que ses mains se déplace. Il a les mains froides je trouve.
Sa proposition m'étonne, et en même temps me tire une bouffée de reconnaissance.

-C'est vraiment très gentil à vous, dis-je. Je ne la porte que si je sors en plein jour, ce qui est rare, aujourd'hui est exceptionnel! Je serais mort le temps d'arriver sans elle.

Je lâche un petit rire gêné, sans joie à cette affirmation. Je ne serai pas mort sur le coup, mais cela aurait causé tellement de complications que c'était tout comme.

- En revanche, je n'en ai pas besoin une fois le soleil couché. Mais... vous êtes sûr que ça ne vous dérange pas ? Je ne veux pas vous rajouter du travail supplémentaire, dis-je d'une petite voix, affreusement gêné.

J'imagine bien qu'il doit vouloir sortir ou se reposer une fois sa journée terminée, ce qui serait difficilement possible s'il adapte son emploi du temps au mien. Les gens normaux ont du mal à tenir mon rythme, ce que je peux comprendre. Qui aurait envie de travailler de nuit pour une personne ?

Hum, ça ne doit pas être évident d'être obligé de porter un truc qui ne nous plait pas. Et sans que je ne comprenne trop pourquoi, le voilà qui se lance dans une explication de pourquoi il garde quand même cette tenue. Il doit se rendre compte qu'il a l'air ridicule là-dedans et préfère y donner une raison pour se justifier. Bah, de toute façon pour moi ça ne change rien. Ce n'est pas comme si j'adaptais le sérieux que j'apporte à mon boulot en fonction du style vestimentaire des patients. Des patientes... ? Peut-être un peu, ok. Bref.

- "Ça n'a rien de particulièrement gentil, c'est, du simple bon sens ? Et puis, que tu viennes en journée ou en soirée, ça ne changera rien à ma charge de travail. Surtout en cette période où le soleil se couche tôt !"

Non mais ce n'est pas comme si j'étais un mec serviable hein ! Faut juste pas être complètement con, alors si on peut trouver une solution qui l'arrange, je ne vois aucune raison de continuer à l'obliger à sortir avec sa panoplie intégrale.

- "Enfin, sauf si tu comptes passer ta nuit entière à venir faire des exos ici ! Là ce serait sûrement un peu plus embêtant."

Évidemment que je plaisante. D'ailleurs en parlant d'exos, je me recule finalement du jeune homme après avoir terminé mon premier examen.

- "Allez, on va passer dans la salle d'à côté pour la suite du programme. Il y a toujours quelques faiblesses musculaires qu'il va falloir rattraper, mais ça ne devrait pas te paraitre insurmontable !"

Je m'assure que Matheo suive correctement jusqu'à la salle adjacente où se situe le matériel de "sport", avant de faire un peu de place tout en attrapant le matériel que je compte lui faire utiliser.

- "Pour aujourd'hui et les semaines à venir, tu vas me faire quelques exercices de proprioception. Je vais te faire prendre des positions qui te demanderont de bosser ton équilibre. Ce qui permettre notamment à tes articulations de travailler en douceur, et de solliciter les muscles profonds, ceux qui permettent une meilleure stabilité."

Quelques explications sommaires qui ne sont probablement pas une grande découverte pour lui en tant qu'habitué des salles de kiné. Et puis, ce type d'exercice me parait bien plus adapté pour un patient atteint de défaillance visuelle. Sa façon de repérer son corps dans l'espace est nécessairement différente de celle utilisée par ceux qui peuvent compter sur les images de leur environnement direct.

- "On va commencer sans aucun matériel particulier. Tu va seulement passer un pied, fléchir légèrement ta jambe d'appui pour gagner en équilibre, et je te guiderait pour que ton buste se penche légèrement en avant jusqu'à ce que tu aies la bonne position. Tu peux écarter les bras si c'est plus facile. Si ça va, je te lâcherai, et tu devras tenir aussi longtemps que possible. Et tu alterneras de jambe, plusieurs fois. Prêt ?"

Je viens me placer sur le côté, plaçant une main de chaque côté du buste de Matheo pour l'aider à obtenir la position de base adéquate, tout en m'assurant qu'il ne risque pas de chuter au premier essai.

Je hoche la tête sans réfléchir lorsqu'il dit dans sa tête que ce ne devait pas être évident de porter quelque chose qui ne nous plaît pas... avant de me rendre compte qu'il l'a vraiment dit dans sa tête. Je me retiens de justesse de m'excuser, cela ne ferait que m'enfoncer davantage, mais le léger rougissement qui parcourt mes joues lorsque je me rends compte de ma bourde, lui, est inarrêtable. Je préfères rebondir sur ce qu'il me dit pour détourner l'attention.

-C'est vrai... mais il n'empêche que c'est très gentil de proposer. Même si ça vous semble normal, je vous assure que tout le monde ne le fait pas, dis-je en souriant.

Je me permets de rigoler lorsqu'il sous-entend que je l’agacerais si j'y passais la nuit en revanche, et lui répondit en secouant la tête. Peu de risques de ce côté-là, je n'étais par particulièrement attiré par les exercices de sport, à tel point que je ne peux retenir un léger soupir lorsqu'il me propose de passer dans la salle d'à côté. Je sais ce que ça signifie, et ce que je vais devoir faire. J'y vois surtout une occasion de me ridiculiser davantage. Entre le costume ridicule, les lectures de pensées incontrôlées qui me font réagir et parler tout seul, et ça... il va définitivement regretter de m'avoir pris comme patient!

J'agrippe doucement, pas assez pour le déranger, un pan de sa blouse pour qu'il me guide jusqu'à la salle. Mes souvenirs ne vont pas si loin et je ne suis pas sûr de suivre correctement sans aide extérieur, surtout maintenant que je n'ai plus l'air pour ressentir, ni la guérison. La télépathie me montre où il est mais pas comment le rejoindre. Il m'explique alors le programme. Quand il parle de proprioception, je ne peux m'empêcher de grimacer.

-Je vais devoir reproduire des formes en équilibre ? Comme celles du yoga ?

Je dissimule assez mal mon angoisse car les images qui me viennent en tête sont des figures ultra complexe, avec des noms étranges, qui ne vont pas du tout avec mon sens de l'équilibre. Encore une fois, l'air me garantissait une balance sans faille. Sans, c'était plus compliqué, je ne sentais rien autour de moi. Me maintenir en équilibre, alors que l'on en a pas conscience par le sens visuel, est en réalité extrêmement dur. Je comprends vite que ce n'est pas vraiment ce qu'il demande lorsqu'il me propose son premier exercice, même si ce n'est pas si éloigné que ça. Me tenir penché sur une jambe... et alterner la jambe... Heureusement qu'il me dit qu'il va tenir car ça risque de mal finir.

-D'accord... répondis-je, toujours aussi peu rassuré.

Et ça ne s'arrange pas. Je commence à me pencher légèrement en avant, histoire de prendre la position. Je sens ses mains se poser des deux côté de mon buste, ce qui me rassure un peu. Sauf que, lever ma jambe pour tenir en équilibre, c'est autre chose. A peine je lève le pied que je me sens instable. Je ne sais même pas si c'est le cas, je sens juste que je perds un point d'appuie.
Je vais jamais y arriver. Ca fait tellement peur...
Je réitère, me rendant compte que j'avais reposer mon pied, et essaie de tenir plus longtemps. La même sensation de pierre qui descend au niveau de l'estomac me reprendre et je lutte pour ne pas reposer de nouveau mon pied par terre. Il y a tellement d'angoisse à se reposer sur un équilibre que vous savez précaires alors que vous êtes complètement prisonnier du noir, sans aucun repère. Heureusement que je sens les mains de Tiago qui me soutiennent, sinon j'aurai déjà tout arrêté.
Je lui fais confiance et poursuis l'exercice. Je repose ma jambe et passe à la droite.
Whoa je sens que je tangue. Mais ça va bizarrement mieux
C'est vrai que, maintenant que je restais dans la même position, je commençais à retrouver un certain équilibre, même si je le sentais précaire.
Il a les mains froides quand même, mais moins que tout à l'heure
Je maintiens encore la position attendant qu'il me dise ou me fasse comprendre d'arrêter, essayant de maîtriser mon stress au possible.


Hrp: les parties narration en italique/gras sont les pensées de Matheo que, dans son stress, il projette dans l'esprit de Tiago sans le vouloir car le stress lui fait perdre contrôle de sa télépathie! Mais il ne s'en rend absolument pas compte xD Libre à toi d'en faire ce que tu veux <3 <3 <3

Les gens chelous, on en voit passer un paquet par ici, alors j'essaie de ne pas trop faire gaffe à tous ces détails étranges. Vivre dans un ours en peluche, ça doit laisser quelques séquelles... Je le guide jusqu'à la salle adjacente pour la suite. Eh, il ne va quand même pas rester allongé sur cette table pendant une heure non plus !

- Ah, nan j'vais pas te demander d'avoir le niveau d'un maître yoguiste à notre première rencontre ! Mais d'une certaine façon, ça peut se rapprocher de ce qu'on trouve dans cette pratique."

Un léger sourire amusé, je lui explique un peu plus en détails ce que j'attends de lui sur cette partie. Bah c'est qu'on est quand même loin du niveau d'un cours de yoga ! J'ai pas non plus envie de perdre mes clients dès le premier passage. Pourtant, il n'a toujours pas l'air bien rassuré. Ça va, je ne vais pas l'abandonner face à cet exercice, bien sûr que je reste à côté pour le guider dans la réalisation de ce mouvement. Au moins au départ, le temps qu'il puisse trouver certains repères. C'est vrai que pour commencer, cet exo se fait normalement les yeux ouverts parce que c'est plus simple de trouver son équilibre ainsi, mais le but reste de pouvoir réaliser tous ces mouvements les yeux fermés. Alors, ça ne devrait pas lui paraitre impossible. Enfin, je garde tout de même mes mains en contact avec lui, autant pour le guider que pour le soutenir en cas de perte d'équilibre.

- "C'est ça, tu peux y aller, je te tiens tu risques rien."

Ça, c'est que je pensais jusqu'à ce que je me mette à entendre sa voix... Dans ma tête ?! Oooook, là ça devient carrément gênant !! J'essaie d'ignorer la première impression, me concentrant sur mon patient qui est en galère manifeste (et pas besoin d'entendre ses doutes pour s'en rendre compte !) sauf que ça continue !

- "Heu... Attend trente secondes, parce que là ça va pas l'faire !"

J'essaie d'ignorer tous ces... Trucs, et... Ces voix, mais c'est beaucoup trop perturbant en fait !! Et j'ai beau faire beaucoup d'efforts quand je bosse, il y a encore des choses qui ne passent pas et là, ça passe pas !

- "Ok, alors manifestement, tu es télépathe et j'sais bien que t'y peux rien mais... Si tu pouvais essayer de ne pas faire raisonner ta voix dans ma tête ce s'rait quand même plutôt cool."

Tout en disant ça, je ne peux m'empêcher de me reculer légèrement, rompant le contact qu'il y avait entre nous. Non sans m'être assuré qu'il était bien de retour dans une position droite sur ses deux pieds. Mais même s'il ne contrôle pas, ça reste hyper perturbant !! J'ai beau tout faire pour garder mon calme et agir de façon professionnelle, là ça devient évident que je ne suis absolument pas à l'aise avec ce qui est en train de se passer. Pourtant, je sens bien que je ne devrais pas réagir de cette façon.

- "Ou, tu pourrais peut-être juste parler à voix haute... ? Ça limiterait peut-être le désagrément..."

Je sais que c'est un pouvoir merdique, mais c'est tout aussi relou pour les autres !! Surtout dans cette situation où je sais très bien que je ne peux pas me contenter de rester à bonne distance en le regardant faire. Je prends donc une grande inspiration, essayant de me recentrer sur ce que j'ai à faire, avant de revenir plus proche, prêt à l'aider de nouveau. Mais évidemment, ça devient très vite le chaos dans mon esprit, à l'idée qu'il puisse avoir accès à tout ça de façon totalement random. Sauf que plus on essaie de ne pas penser à certaines choses, plus on a tendance à y penser. C'est vraiment mal foutu.

- "Et, pour mes mains, j'suis désolé. C'est comme ça depuis que j'ai perdu mon affinité de base."

Un ton légèrement moins enthousiaste parce que ça m'embête vraiment de ne plus contrôler le Feu, ça a au moins l'avantage de focaliser mon attention sur quelque chose de correct.

Un faible sourire étire mes lèvres lorsqu'il me confirme qu'il n'attends pas de moi d'être un maître du yoga. C'est sûrement plus réaliste effectivement. Surtout vu les efforts que ça me demande de pouvoir me tenir en équilibré sans avoir peur de tomber. Il me rassure en plus, il est vraiment gentil, il essaie vraiment de faire au mieux. J'espère qu'il ne sent pas ma frousse quand même. J'ai déjà eu suffisamment honte comme ça sans en plus devoir passer pour un froussard à chaque fois que je rencontre une personne nouvelle. Pourtant, il finit par me ramener en position verticale, marmonnant quelque chose comme "ça ne va pas le faire". Surpris, je ne comprends pas bien ce qui se passe. Je... je suis si nul que ça ? Au point que ça ne vaille même pas la peine de continuer ?

-Télépathe ? Mais hum... Oui je suis télépathe maintenant mais... c'est ... un problème ? balbutiais-je

J'essaye surtout de rassembler mes pensées pour pouvoir raisonner correctement. Je ne comprenais comment il l'avait découvert et pourquoi ça le gênait. Il n'aimait peut-être pas les télépathes, leur pouvoir lui faisait peut-être peur. La raison devient plus claire quelques secondes après, ses remarques éclairant sa réaction d'un jour nouveau. Des voix... dans sa tête ? Il ne me faut pas longtemps pour comprendre que, sûrement à cause de mon stress, j'ai, sans le vouloir, abaissé mes barrières et laissé déferler mes pensées dans son esprit, le plus proche de moi. Mais... ça veut dire qu'il... a entendu tout ce que je pensais ? Un rougissement prononcé consume alors mes joues et je secoue légèrement la tête pour faire passer la chaleur qui ronge ma peau.

-Je... je suis désolé! Vraiment! J'ai dû abaisser mon contrôle sans le faire exprès pendant l'exercice... je... Pardon, dis-je, tout penaud.

A la manière dont il s'adresse à moi, je comprends que la situation ne le met pas très à l'aise, et il n'a pas à être blâmé pour cela. N'importe qui aurait eu sa réaction, on a tous notre jardin secret, que l'on préférerait justement garder en l'état. Sa réaction est tout à fait légitime.

-Pardon, je suis vraiment désolé, répétais-je à nouveau. Je vais... faire un effort! Je vais  me reconcentrer!

Plus déterminé, j'inspire un grand coup et me concentre sur le pouvoir de la télépathie. Les barrières étaient de nouveau en place, elles n'avaient fuité que par mon manque de concentration et ma distraction. Je devais retenir le sentiment qui me tenait à présent, ce sentiment de fermeture au monde extérieur, et m'y accrocher, pour ne plus provoquer d'incidents. Je hoche la tête, pour lui faire signe que ça devrait aller, attendant qu'il se rapproche pour reprendre l'exercice. Je n'avais pas remarqué qu'il s'était éloigné de moi... il voyait la télépathie comme un maladie contagieuse. Ou plutôt, un parasite pouvant creuser à l'intérieur de son crâne. Je retins un soupir, moi aussi je la voyais comme ça. Je n'aimais pas cette faculté d'intrusion.  

-Ne vous inquiétez pas, ce n'est pas grave. Moi aussi j'aimerais être encore guérisseur... lui dis-je d'une voix douce.

Je me retiens droit, et me remet de biais par rapport à lui pour pouvoir reprendre la position quand il serait prêt à recommencer.

-On reprend ? Ou vous préférez ... arrêter là ? Je comprendrais Tiago, vous savez.

C'était son droit après tout.

Je ne suis pas télépathe, alors pourquoi est-ce que j'entends ce qu'il pense ?!! Ouais, bien sûr que c'est lui qui doit faire ça, mais c'est carrément gênant !! Je ne veux pas savoir ! Et encore moins savoir ce qu'il pense de moi ! Et pourquoi ça m'fait autant chier qu'il puisse penser que je suis gentil ?! C'est le mega bordel dans ma tête alors oui, il me faut une pause. Tout de suite. Ce qui l'étonne évidemment, mais je n'ai pas pour habitude de faire semblant que tout va bien quand ce n'est pas le cas.

Et plus j'essaie d'ignorer cette invasion, moins j'y arrive. Heureusement Matheo se stoppe (d'ailleurs je préfère largement ça plutôt que de le voir poursuivre ses efforts et se casser la figure), et fini par comprendre le problème. Et.... Il se met à rougir ? Sérieux ? Ok, là je ne sais pas trop si je suis dépité ou pas un peu amusé quand même. Nan mais on est d'accord, c'est les gamins qui rougissent normalement... Ou les filles. Et en plus il s'excuse à je ne sais combien de reprises !

- "Hum, non, t'inquiète, c'est pas très grave, enfin, un peu mais, c'est pas comme si c'était facile à contrôler alors voilà mais, ouais, si t'arrivais à contrôler ça un minimum... Ce serait cool."

J'ai pas non plus envie qu'on pense que je martyrise mes patients !! Ma position à ce poste est déjà bien assez instable comme ça. Mais maintenant l'ambiance devient hyper chelou !! Rah, c'est tellement plus pratique de pouvoir gueuler un bon coup pour remettre les choses à plat que d'essayer de se montrer un minium diplomate... Je ne suis pas habitué à cet exercice ok, alors je fais ce que je peux ! Et pourquoi il se montre aussi prévenant en plus ?!! C'est plutôt lui qui aurait le droit de se barrer ! Alors comme à chaque fois que je suis bloqué dans une situation qui me met mal à l'aise sans que je ne puisse m'en échapper à ma façon, je me contente de prendre un air parfaitement désinvolte accompagné d'un léger rire qui me donne toujours autant l'impression de sonner faux.

- "Ah, si j'dis à mes supérieurs que j'ai viré un patient parce qu'il y avait sa voix dans ma tête, j'crois qu'c'est un coup à c'qu'on m’envoie chez les fous."

Comment ça c'est nul ? Bah j'fais c'que j'peux ! Un sourire de dédramatisation comme si ça pouvait me suffir à me convaincre moi-même, je reprends ma position initiale.

- "Tu sais quoi ? On a qu'à faire comme si tout était normal ok ? J'ignore ce que je peux entendre qui viendrait de toi et, tu fais comme si tu ne savais absolument pas ce qu'il peut y avoir dans ma tête. Ce sera toujours un peu moins gênant.... Prêt à t'y remettre ?"

La technique de l'autruche. Pas que j'apprécie des masses, mais je n'ai rien de bien mieux sous la main. Enfin, façon de parler, parce que techniquement, mes mains reviennent se poser juste superficiellement sur le corps du jeune homme, pour lui signifier que de mon côté je suis prêt, et qu'il peut reprendre quand il veut. Mais évidemment, maintenant que j'essaie de ne penser à rien d'embarassant me concernant, il faut que les images des nombreuses soirées où j'ai pu finir dans un état minable, toutes les fois où des filles ont fini dans mon lit, ou encore les histoires louches dans lesquelles j'ai toujours réussi à me foutre me reviennent en mémoire. Il faut dire qu'il y a beaucoup plus de choix du côté des mauvaises actions que des bonnes chez moi...

Je hoche rapidement la tête, m'exécutant le plus vite possible lorsqu'il me demande s'il est possible que je me contrôle un minimum. Il continue de dire que ce n'est pas si grave, sûrement pour ne pas me vexer ou me brusquer, mais je sens bien que ça le gêne, ce qui est entièrement normal. Je n'apprécierai pas que l'on fouille, même accidentellement dans mon esprit. C'est une des raisons pour lesquelles je n'aime pas ce pouvoir... comment peut-on avoir une relation normale avec quelqu'un lorsqu'on fait irruption sans cesse dans sa tête et son jardin secret ?

-Oui, je vais me concentrer! Promis! Je suis vraiment désolé... j'ai vraiment honte, pardon.

Surtout que, maintenant que j'y pense, je ne sais absolument à quoi je pensais quand il a entendu mes pensées. Est-ce que j'avais peur ? Ou j'étais plutôt angoissé ? Est-ce que je pensais à quelque chose qui n'a rien à voir pour me détendre ? Rien d'humiliant alors j'espère. Il fait une vaine tentative d'humour, vaine non pas parce que ce n'est pas drôle, mais parce qu'il met si peu d'intention dedans que l'on sent que c'est surtout pour créer une distraction par rapport à... ce qu'il vient d'arriver.

-Oh, je vous autorise à dire que mes pensées étaient celles d'un psychopathe alors si ça vous aide, proposais-je, dans une tentative d'humour quelque peu freinée par la gêne ambiante.

Oui, moi aussi j'ai essayé de détendre l'atmosphère. J'ai fait comme je pouvais, quitte à essayer d'être drôle alors que ce n'était pas mon truc. Je suis plutôt la personne dont on se moque, celle qui fait rire malgré elle que volontairement. Tiago me propose finalement un marché, je hoche la tête vigoureusement, ravi que l'on essaie de mettre ça derrière nous et me remet en position pour poursuivre l'exercice. Je me racle la gorge, prend une grande inspiration, vérifie que je tiens ma télépathie et reste concentré, puis reprend le plus naturellement du monde. Au début, les choses allaient plutôt bien. Je parvenais à contrôler mes pensées, je veillais à ce que rien ne filtre de chez moi dans son sens... Sauf que visiblement, mon pouvoir a décidé de partir dans l'autre sens pour me traumatiser. Et en parlant de traumatisme... je ne comprends pas grand chose à ce qui m'arrive au début. De drôle d'images commencent à me venir au moment où je change de jambe, d'abord éparses, puis plus nombreuses et surtout... plus nettes. Des images de soirées d'abord... des soirées telles qu'on en voit dans les séries télévisées, une en particulier me vient à l'esprit, que je regardais en cachette de mes parents : Skins. Je dois avouer... Que ce n'était pas ainsi que j'imaginais ce docteur... il n'y paraissait pas comme ça. Les sourcils froncés, je repose ma jambe à terre, comprenant que ça ne fonctionne pas, mettant un terme de moi-même à l'exercice.

-Désolé, mais je crois que vous... ah.... aaaah... Oh... Ah ..., m'exclamais-je par à coup, tandis que diverses expressions me passaient sur le visage au fur et à mesure que des nouvelles images.

Un violent rougissement me prit, en même temps qu'une horrible chaleur. Il... On peut dire qu'il était... très dragueur. Oui, on va dire ça comme ça. Il me rappelle... Nicolas, lorsqu'il noyait sa tristesse dans les clubs et qu'il ramenait des gens différents chaque soir. Cette période que j'aimerais oublier définitivement. Ce qui n'est actuellement pas possible. Je me recule de quelques pas, gêné à l'extrême, ressemblant à une tomate beaucoup trop mure. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'il... semblait doué. Enfin ses partenaire sont l'air ravies. A peine cette pensée me vient-elle à l'esprit que je secoue la tête, pris d'un énorme coup de chaleur.

-S'il vous plait... Tiago... vous pensez trop fort... Argh!

Et voilà qu'il pense à autre chose maintenant, ce fut en revanche beaucoup plus bref, mais suffisamment intense pour que je plaque une main sur mes côtes, confondant l'espace d'un instant ses pensées avec les miennes. Il mène... une vie sacrément violente. La gêne se dissipe peu à peu pour laisser place à de l'incompréhension, puis à de l'inquiétude. Il s'est souvent battu, beaucoup battu, même encore récemment. Je le revois avec Allen, tous les deux dans un sale état. Je fais un pas pour vérifier ses blessures... puis me rappelle que je ne suis plus guérisseur, ce qui précisément nous a conduit dans cette situation gênante.

-Vous allez bien ? Vos blessures... je veux dire... hum.

Je m'interromps de moi-même, conscient que je dépasse les limites de l'intimité. Mais ce... ce n'était pas tout à fait ma faute cette fois-ci. Ni la sienne à vrai dire. Je crois comprendre ce qui s'est passé sauf que je ne voyais pas comment lui expliquer sans qu'il se mette en colère. Je l'avais vu comme un gentil docteur jusque là, parce que c'était le cas, mais il avait visiblement plusieurs cordes à son arc, et plusieurs côtés, dont certains moins reluisants que d'autres.

-En fait... Je crois que vous... vous avez essayé de ne pas penser à des choses que je pourrais sentir avec mon pouvoir et... paradoxalement, pour cela, vous y avez énormément pensé donc... Vous êtes passé à travers ma barrière. Je ne l'avais mise que dans un sens, pour bloquer mes pensées vers vous. Je... Excusez-moi, dis-je, penaud.

J'inspire un grand coup, sentant la rougeur diminuer sur mes joues. J'eus très envie de créer une brise pour apaiser mes rougissements avant de me rappeler que je n'étais plus air, et que je risquais de créer de sacrés dégâts si j'activais la terre sans précaution. Je ne voudrais pas que le bâtiment s'effondre...

-Excusez-moi... On refait comme vous avez proposé, j'ignorerais ce que je verrai et vous... ce que vous entendrez. Je ne dirai rien, et je ne vous jugerai pas, promis-je

Il savait que je ne parlais pas de notre accord cette fois-ci, puisqu'il savait que j'avais capter toutes sortes de pensées dans sa tête, dont certaines peu reluisantes. Je ne parvenais toujours pas à me faire à l'image que j'avais vu de ce docteur. Il semblait si différent actuellement, si professionnel. Tellement éloigné de ce que j'avais entendu... Mais il avait été gentil avec moi, alors la moindre des choses étaient de ne pas le juger. Après tout, je ne le connaissais pas. Je mourrais d'envie de lui demander s'il avait besoin d'aide, s'il était blessé... Mais je devais faire comme si je n'avais rien vu, rien entendu.

-Vous... Vous voulez toujours continuer ? La proposition des pensées de psychopathe tiens toujours, dis-je, un léger sourire aux lèvres.