— J'm'apelle Yamada. Fin Senri. Yamada c'est mon nom de famille.

Il avait dit pensivement. En donnant d'abord son nom de famille sans tellement savoir pourquoi. L'adolescent avait tendance à négliger les formules de politesse japonaise. Mais aujourd'hui il avait eut le réflexe de les respecter... Avec un européen.

La réalité c'était que Nicolas apparaissait comme un aîné qui méritait un peu plus de respect pour les autres. Senri le voyait comme un entre-deux entre Elwynn et Arash.

Senri secoua la tête comme pour chasser les pensées parasites.

— Ouais... J'ai pas mal de question... Quand tu as parlé des énergies avec les couleurs... C'était comment au début ?... Comme un nu... Nuage ?

L'image de l'amas d'émotion qu'il visualisait jusque dans ses cauchemars lui revint en tête. Il se serait presque ramassé sur lui-même si Nicolas ne lui avait pas dit qu'il était un bon combattant. Le torse de Senri s'était alors tout regonflé de fierté. Ce qui dénotait avec son visage un peu triste.

— Moi, l'émotion que j'ai toujours ressenti plus que les autres c'est la colère.

Il s'assit, les yeux rivés sur le sol. Une étincelle d'admiration repassa dans ses yeux. Quand un peu plus tôt, Nicolas avait projeté une boule de feu, Senri était resté bouche bée d'admiration. Mais ce qui avait suivi avait pincé légèrement le cœur de Senri.

— Avec les entraînements de mon sensei, — il s'appelle Aaron, il a trop la classe !!! Baaaaah, j'avais réalisé que ma colère ça venait pas que de moi... Fin, je me voilais la face. Parce que je ressentais les émotions des autres. Je voyais ça comme les regards et les critiques du collège. Sauf que c'était encore plus floue.

Il passa une main sur son visage.

— Mais bon. M'sieur Williams m'a fait comprendre que taper les gens parce qu'ils ressentent des trucs bah c'pas cool. Mais du coup, j'ai réussi à me... À utiliser ma colère. Sauf que maintenant avec l'éclipse... J'ai pas vraiment réalisé mais... Ma colère c'est juste la mienne. Donc y a que contre moi qu'j'peux être en colère.

Il se laissa tomber en arrière. Le regard un peu triste. Les événements récents lui revenaient en mémoire. La bagarre, Chrys.

Senri se frappa le visage de ses deux mains avant de se jeter sur ses pattes.

— Désolé, j'ai beaucoup parlé. T'as le temps pour ré-échanger des coups ? Pour qu'j'utilise ma tête ?

Un sourire malicieux naquit sur le visage de Senri. Contrastant avec ses yeux de caniche triste.

Senri se présente ENFIN et un poids se retire des épaules de Nico... PUTAIN en vrai c'est hyper dur de faire genre on connaît pas quelqu'un !... Par contre, à ne pas vouloir montrer son soulagement, il ne cache rien de sa surprise... Qu'il puisse visualiser ses pouvoirs comme des nuages lui rappelle clairement la façon dont il voit les siens, même s'il l'a rarement avoué. Il sourit, brièvement, avant de répondre. :

-Ouais. Un nuage... Qui enveloppe les autres ou moi... Et qui parfois s'étend comme du brouillard vers eux... Et plus tu travailles tes pouvoirs, plus ça se précise.

Et Senri lui parle de la colère. :

-Oh.

J'ai pas vraiment pu retenir l'onomatopée de quitter mes lèvres... Je trouve ça doux, quelque part, qu'il sente cette émotion de cette manière... et je trouve ça horrible tout à la fois. Puis il m'annonce sans le vouloir qu'il considère Aaron comme son sensei et je comprends pas mal de choses. Je ferme les paupières en soupirant, ah la la.... Mais je réalise que mes idées jusque là s'avèrent être fondées : il a compris que cette émotion, cette colère était sienne... Sa responsabilité. Il apprenait petit à petit à l'apprivoiser.

Senri tomba en arrière et frappa son visage avant de se remettre sur ses deux pieds, déterminé. Il voulait qu'ils se battent, encore... mais ses yeux étaient différents. Cette fois, il allait utiliser sa tête. Nicolas sourit. La vie c'est vraiment de la merde : elle nous fait croire pendant des années que la colère est la seule chose qui peut nous permettre de survivre, puis elle nous fait comprendre que ça blesse les seules choses auxquelles ont tient, que ça nous détruit à l'intérieur... et ça nous met sur le chemin un gamin un peu comme nous, pas tout à fait, mais juste assez pour qu'on se dise qu'on peut faire la différence même s'il a fait des choses horribles à nos amis...

A ma colère qui a tué et qui a failli me tuer... A cette horreur, cette souffrance qu'on ne peut que regarder si on veut la surmonter.

Nicolas se met en position de défense, concentré, léger sourire crispé aux lèvres. :

-Ok. Montre-moi ce que tu as appris.

Senri laissa sa tomber sur le côté quand Nicolas parla du nuage. Le boxeur acquiesça.

— C'était de ça dont tu parlais quand tu disais que tu "dirigeais" t'es pouvoirs grâce à l'énergie ?

Mais rapidement, il ne fut plus question de discuter. Enfin, discuter avec des mots. Senri ne put s'empêcher de sourire en voyant Nicolas se mettre en garde. Il se mit en garde aussi. Mais au lieu d'avoir ses poings fermés, il se mit en position de touche, c'est à dire avec les paumes ouvertes et les doigts collés entre eux.

— Te retiens pas. J'suis plus fort désavantagé.

Il avait soufflé ces quelques mots avec un sourire, avant de se jeter vers Nicolas. Son corps était encore chaud, alors durant sa charge, son crâne s'embrasa, le feu s'étendit jusqu'à ses épaules et courut à ses coudes.

En arrivant au contact de Nicolas, il se décala sur la gauche de son adversaire pour lancer sa main contre l'épaule de l'étoile. Après ce coup, il continua d'essayer d'en donner tout en tournant autour de Nicolas, usant de la moindre occasion pour se glisser dans sa garde.

Comme précédemment, les flammes firent rapidement monter la chaleur, sauf que cette fois c'était Senri qui en était à l'origine.

*Il est plus fort que moi. Il est plus fort que moi. Non. Il lit juste en moi. Il sait ce que je vais faire. Il sait que je vais utiliser mes pouvoirs. Je vais les utiliser. Je vais les utiliser.*

Les paroles mentales de Senri martelaient son crâne alors qu'il soufflait.

Soudainement, Senri pivota pour se mettre en biais, dans l'axe de Nicolas cette fois. Les flammes de Senri s'intensifièrent et grandir subitement de quelques centimètre, elles se courbèrent alors, se refermant sur le torse de Senri. L'orientation de l'adolescent lui permettait de suffisamment étendre ses flammes pour espérer toucher Nicolas since dernier était trop près.

Mais ce n'était pas l'offensive principale de Senri. Il leva son genou et deplia son pied pour jeter sa semelle contre le torse de Nicolas. Le coup était un peu moins mesuré que les précédents. Il aurait néanmoins le mérite d'être rapide et fulgurant.

Le vrai pouvoir de Senri, c'était d'être un boxeur.

Je suis déjà concentré quand Senri me demande de ne pas le ménager. Je ne souris pas, je ne souffle pas. Mon regard est vrillé sur lui alors qu'il se jette droit sur moi... et il se décale sur la gauche. Rapide. Sa main fond sur moi, mais au lieu de parer je me décale pour qu'il ne soit plus dans ma garde... L'instant suivant il me tourne autour et tente toujours de m'atteindre... Il guette, l'animal, tout flamboyant de flammes, le moindre instant où je vais laisser montrer une faiblesse, probablement... Je le suis du regard, ne bouge que lorsqu'il s'approche trop de mon angle mort... Pour préserver mon énergie. Mes yeux voyagent de son regard déterminé à son jeu de jambes, cherchant l'ombre d'un indice qui pourrait m'indiquer son changement de tactique... Si je le perçois, il reste rapide. Son axe change et ses flammes me manquent de peu... Je suis obligé de reculer si je ne veux pas baisser ma garde, user de mes mains pour repousser les flammes... J'ai bien fait... Car la véritable attaque suit et si elle avait touché directement mon torse, j'aurais été mal en point pour un moment. C'était rapide et c'était malin. :

-Bien.

Maintenant, comment allait-il s'en sortir si je ne lui donnais pas l'occasion d'user de ses neurones ? Je m'avance vers lui, donnant l'impression que je l'attaque frontalement mais je me décale sur la gauche, comme lui plus tôt... sauf que je n'attaque pas immédiatement. Je pivote encore, je glisse entres ses coups, ses parades et finit par frapper son omoplate, pour affaiblir son épaule gauche. S'il est rapide, je le suis tout autant... après tout ça doit être la seule chose qui me permet de tenir tête à Elwynn quand elle décide pas d'user de sa souplesse pour m'immobiliser. L'attaque donnée, je m'avance encore. Je veux le forcer à reculer... et comme lui, j'utilise des flammes se dégageant de ma chevelure comme une crinière pour l'éblouir, sauf que c'est bien plus soudain. Et j'envoie mon premier véritable crochet, juste en-dessous de sa clavicule droite. J'ai pas envie de lui couper la respiration, ni de faire sauter son cœur... mais il m'a bien dit de pas me retenir.

Alors je vais faire ce que je faisais autrefois quand je n'avais pas forcément besoin d'expédier les combats... Je vais frapper là où ça fait mal. Priver mon adversaire petit à petit de ses moyens de défenses et d'attaques... Petit à petit. Forcer à l'abandon.

Après cette attaque je ne m'arrête pas, je profite du recul que le coup lui a donné pour m'avancer encore, visage inexpressif, mon regard embrasé fixé dans le sien, comme si je lui disais directement "Aller... Arrête-moi...".

Quand Nicolas parla, Senri ne parvint pas à retenir un rictus de satisfaction. Qu’il perdit immédiatement quand Nicolas décida d’attaquer. L’adolescent s’en était douté, son adversaire le jaugeait. Il pesta entre ses dents alors qu’il tentait de le suivre. Nicolas étant plus rapide que Senri, ce dernier fut vite débordé. Il hoqueta de douleur en sentant le coup contre son omoplate. Malgré ses nombreux combats hors du ring depuis un certain temps, il ne s’habituait toujours pas aux coups dans le dos. Il fit un pas en avant, avant de faire volte face et reculer. Ses flammes s’amenuisèrent alors que celles de Nicolas l’éblouissaient.

- Tch !

Le crochet de Nicolas s’écrasa contre la clavicule de Senri le faisant vaciller, il recula encore un peu. Il avait de plus en plus en plus la conviction qu’il n’arriverait pas à prendre l’ascendant en utilisant la technique.

Il m’aura pas.

Senri accéléra, il sauta presque en arrière. Son pied nu droit s’enfonça dans le sable de l’arène, il leva son pied avant – le gauche – pour balayer du talon la garde de son adversaire. Il entrouvrit sa garde. Quand son pied retoucha le sol, Senri pivota pour passer son pied-droit en avant. Il fléchit les jambes, et projeta son bras droit, les doigts tendus contre le ventre de Nicolas. Se servant de ses jambes comme de ressort, il usa de l’élan de son corps pour projeter les doigts de main gauche sous le plexus de Nicolas.

Son coude fit un à-coup, réduisant l’inertie et la puissance du coup.

- Tch !

Il était à la merci de Nicolas. Non, pas maintenant ! Son corps disparut dans une gerbe de flammes. Ses pieds commencèrent à créer des sillons dans le sable, il devait absolument profiter de cette utilisation de ses pouvoirs pour se replacer à portée de pied.

Senri est un bon adversaire, sincèrement. J'ai certes plus d'expériences, j'ai aucun remord à user de coups bas s'il le faut. Mais il a un bon niveau. En s'entraînant avec Elwynn et en apprenant à maîtriser son côté Sensitif qui le ronge pour le moment, je pense qu'il pourrait me battre. Mais pour l'instant, il apprend.

Il accélère ; il recule quand je m'avance et contre-attaque rapidement. C'est bien, il sait que c'est une très mauvaise idée de me laisser entrer dans son espace vital. Et son coup de pied à l'avantage de faire ouvrir ma garde légèrement dans ce même mouvement. Il comprend petit à petit... Hm. Il a un rythme différent du mien mais il en a un, c'est bien. Sa deuxième attaque me surprend un peu, je pensais qu'il allait le faire un peu plus tard dans le combat mais au final c'est pas une mauvaise idée. Plus c'est rapide, plus on a de chances de survivre... même si dans le cas présent il s'agit d'une leçon, pas d'un combat à mort. Je sens ses doigts sur mon ventre mais au lieu de pivoter pour éviter l'attaque, je me penche en avant, plie un peu plus mes genoux pour encaisser l'attaque qui est moins violente que ce à quoi je m'attendais. Il a atténué le coup ; la douleur est minime et je peux respirer. Malgré lui, puisqu'il lâche un "tsk" agacé. Intéressant. J'attrape aussitôt son bras à ma merci, prêt à le plier pour l'immobiliser dans une prise...

Sauf qu'il s'embrase soudain. J'ai un léger mouvement de recul à cause de la chaleur mais je le ne lâche pas, étouffant les flammes qui risqueraient de me blesser... jusqu'à ce que je vois les sillons dans le sable.

-Senri. Doucement. Je t'ai dit de me montrer ce que tu avais appris, pas de nous transformer en barbecue.

Mes mains serrant toujours son bras, je le regarde dans les yeux. Enfin ce que je peux percevoir de ses yeux dans la fournaise. J'aurais pu déjà le mettre à terre dix fois, de dix façons différentes. Il le sait. Alors j'espère qu'il va retrouver son calme.

S'embraser avait été une bonne décision. Nicolas venait de saisir le bras de Senri, et ainsi la possibilité de le mettre à sa merci, mais les flammes du jeune Yamada lui donnait encore un peu de temps. Malheureusement, la chaleur devenait difficilement supportable.


Qui plus est, le sable qu'il avait secoué commençait à violemment brûler sa peau. Cela dit, l'adrénaline faisait encore correctement son travail. Mais les paroles de Nicolas le rappelèrent à l'ordre.


Les flammes se calmèrent, ce n'était qu'un entraînement après tout.


Mais quand bien même, il était déterminé à prouver sa valeur. Tandis que les flammes disparaissaient, le corps de Senri s'évapora également devenant subitement invisible. L'adolescent avait en quelques sortes transféré l'énergie de ses flammes à son invisibilité.


Profitant de ce court laps de temps, il leva son pied gauche, replia son genou et l'amena près de son plexus, pour subitement déplier son pied-droit devant lui, dans le but de repousser Nicolas en arrière d'un coup de semelle.


— Tu pensais que j'étais trop bête pour feinter ?!


Après son coup de pied, il tirerait sur son bras prisonnier de son aîné, pour le ramener vers lui et lui asséner un crochet du gauche. Ça lui apprendrait à ne pas le mettre à terre tout de suite ! 

Il se calme, c'est bien... Il devient invisible. Hm. Ok c'était pas prévu. Je ne vois pas arriver son coup de pied du coup, je le prends de plein fouet... Putain pour quelqu'un qui a pas encore réussi à lui donner un coup de poing à pleine puissance, il a soudain moins de scrupule avec ses jambes le salopiaud ! Du calme Loup... Ah mais je suis calme hein, j'vais juste le retourner comme pas possible ce petit malin !

Senri me lâche pas et je vois arriver le crochet qu'il compte me donner après sa petite réplique bien sentie... Souple sur mes appuis, je me plie en arrière alors qu'il me tire vers lui, son poing me frôlant sans me toucher. Je retourne la situation à mon avantage ; le bras qu'il me tenait devient soudain le bras qui le tient. J'y mets toute ma poigne alors que je l'emporte avec moi vers le sol... Je mets un pied sur son ventre et le soulève dans ce mouvement de balancier, le jetant derrière moi. Je pourrais le plaquer au sol et mettre fin au combat mais je préfère me relever. :

-Bête ? Clairement, tu ne l'es pas... Assez calme pour y réfléchir par contre...

Un combat était un mélange subtil d'instinct, de réflexes mais aussi de réflexion, de stratégie. J'aurais jamais pu battre Elwynn à mon arrivée à Terrae par exemple ; je comptais sur la force brute et le désespoir que je mettais dans mes coups. Maintenant que j'y pense, heureusement qu'elle ne m'a pas connu à cette époque... Je pense qu'elle m'aurait mis une branlée si j'avais essayé de me déboîter une épaule pour échapper à l'une de ses prises... Brr... J'attends que Senri soit debout pour reprendre le combat. :

-Bien à mon tour.

Je tape le sol du pied, là où le feu de Senri a dessiné des sillons en fusion... Sa chaleur n'est pas suffisante pour transformer le sable mais si j'y ajoute la mienne... Je plonge ma main dans l'étrange magma avant de la retirer aussitôt -je suis pas assez fou pour tester ma résistance plus d'une seconde faut pas déconner- et je le balance dans sa direction. Une pluie de gouttes de verre impur, partiellement fondue, fonce vers Senri. Et je deviens invisible le temps qu'il me quitte des yeux pour se protéger de l'attaque.

Je le contourne pour tenter de l'attaquer par surprise dans le dos. ...Il est pas con, il nous a sans doute repéré. Oui justement ! Je veux voir ce qu'il a appris, d'où tu crois que j'essaie de refaire la même attaque ?

Senri eut, l'espace d'un instant, la conviction que son offensive serait un succès. Pourtant, cette conviction disparue l'instant d'après, quand son poing effleura à peine le visage de son aîné. Sans s'en rendre vraiment compte, il passait au-dessus de Nicolas. Le corps de Senri s'écrasa lourdement sur le sol, un hoquet de douleur échappa subitement au garçon. Mais il n'avait pas le temps de souffrir plus que ça. Sans même prendre le temps de respirer, Senri roula sur lui-même pour se relever et se mettre hors d'atteinte du brun.

— Tch, j'suis très calme.

Il avait craché ces mots en essuyant d'un revers du bras la cave qui avait coulé au coin de sa bouche. Quand Nicolas décida de repasser à l'attaque, toute notion de calme s'évapora. Il faut dire que quand une nué de verre incandescente vous fonce dessus, le calme, ça vous passe au-dessus.

Sauf que Senri ne pouvait pas laisser à Nicolas le loisir de le manipuler ainsi. Il fit le vide dans son esprit en un prenant une grande inspiration. Et, alors que les premiers bris de verres déchiraient et carbonisaient sa peau, le garçon se jeta en arrière, il convoqua sa douleur, sa peur et le stress d'avoir vu Nicolas soudainement disparaître de son champ de vision pour invoquer des flammes autour de son crâne qui se mirent à courir ses épaules et le long de ses bras. Lorsqu'il expira, il propulsa son énergie hors de ses bras et jetant ceux-ci vers le sol.

— YAMADA STYLE : RED MEN PARADE! 

La déflagration le jeta subitement en arrière, lui faisant faire un bond de trois mètres en arrière. La douleur lancinante dans son dos l'empêcha de reprendre un quelconque équilibre et le fit s'écraser sur le sol. Le garçon planta ses dents dans sa lèvre inférieure pour contenir la douleur et transformer sa chute en roulade et s'éloigna de deux nouveaux mètres.

Il jeta ses mains sur le sol et se projeta en l'air, soulevant avec lui quelques grains de sable qui se mélangèrent aux traînées de sang qui perlaient de son torse.

Alors qu'il se remettait en garde, le torse ruisselant de sang et les bras couvert d'égratignure cautérisées, il baissa les yeux vers le sable, attentif au moindre remous.

—  Voyons pendant combien de temps tu tiens ton invisibilité, pousse de soja.

Il avait à peu près la même musculature que Nicolas, mais dans le feu de l'action, c'était la seule répartie dont il était capable. Ça, et le fait qu'une partie de son cerveau était dédiée à la gestion de la douleur dans son dos, qui semblait aussi amoché à l'extérieur qu'à l'intérieur. Mais s'il tenait debout, c'est qu'il pouvait continuer à se battre. 

J'étais vraiment parti dans l'optique de l'attaquer mais son mouvement m'a surpris. Je me suis immobilisé en le regardant s'envoler en arrière grâce à l'énergie des flammes qu'il a concentré dans ses bras. Le... "red man parade" lui permet d'éviter le plus gros de la pluie de sable en fusion et m'arrête net dans ma course pour le prendre à revers. Il s'écrase mais se relève, reprend sa garde. Il n'abandonne pas. Ça déclenche deux choses chez moi : je sais que si je me bats à fond maintenant, ce n'est pas pour lui faire payer ce qu'il a fait à Alice et Houston... et ça m'amuse. Quelque chose d'intense qui n'est pas arrivé depuis longtemps... Je crois que je souris en le voyant ruisselant de sueurs, protégeant son dos que je devine douloureux après tous nos échanges de coups et cette chute en arrière, saignant un peu.

Ok.

Immobile je pourrais tenir plusieurs minutes invisible, mais si je cours, il y a moyen que je ne sois pas aussi discret, je fatigue... Et son regard fouille le sable, il me verra, que je reste invisible ou non importe peu. Il a un nouveau point faible, son dos, mais je n'aurais jamais le temps de l'atteindre avant qu'il ne me trouve. Il n'utilise pas toute sa force dans ses coups de poings mais compense largement avec ses jambes, moins puissantes mais avec un bon jeu malgré tout. S'il est calme, il peut être surprenant, mais il lui arrive encore de se laisser submerger par la panique... et n'oublions pas cette manie de crier des noms d'attaque.

Ok. Frontal.

Je ne souris plus. J'expire lentement tout l'air dans mes poumons en me penchant légèrement... Et comme je le faisais lorsque j'étais encore Tonnerre, je dirige mon énergie vers mes pieds, leur donner une impulsion intense et brève pour amplifier ma vitesse... Je pars en trombe en redevenant visible et plonge droit vers Senri. Je me jette, genou en avant pour le percuter sans ménagement. Qu'il arrive à me retenir à cette vitesse reste possible, le Feu ne me rend pas aussi rapide que l'électricité, mais ça ne l'empêchera pas de tomber une nouvelle fois en arrière. Sur ce dos qui a l'air si douloureux.

Je rebondis un peu, rétablis mon équilibre pour rester debout face à lui. J'attrape ses jambes et je le traîne vers moi, je l'approche, je le surplombe. Je n'ai rien dans les yeux. ...Puis je le retourne et m'assoie de tout mon poids sur son dos. :

-Comment tu m'as appelé ??? Pousse de soja ? Sans déconner ?!

Je saute un peu sur place, comme si je testais le confort d'un siège, l'écrasant un peu plus. Je bloque ses poignets au sol avec mes pieds. :

-J'arrive même pas à être outré. Tu m'fais une manœuvre trop stylée -faudra qu'on en parle d'ailleurs- et tu me lances ça juste après. puis j'ajoute après un bref silence. T'es blessé, c'est toujours mieux de prendre soin d'une brûlure rapidement. Est-ce que tu veux arrêter ?

Oui je lui laisse le choix bizarrement. ...Alors que ch'uis assis d'ssus oui bon roooh ça va hein j'peux me lever après.

Lorsque Nicolas redevint visible, ce fut sous la forme d'un nuage de flammes. Fonçant droit sur Senri. Il attaquait de front et arrivait très vite. 

Senri eut un sourire.

Il voyait l'offensive arriver. Il pouvait en estimer la puissance. Bloquer était possible. Mais il n'allait pas le faire.

Non, quand Nicolas arriva tout près de Senri, ce dernier avança d'un pas réduisant encore plus la distance entre eux. Quand le genou de Nicolas s'enfonça dans le ventre de Senri, son bras droit, celui avec lequel il avait le plus de puissance, fut jeté contre le visage de Nicolas dans un crochet descendant. 

Senri n'avait pas retenu son coup. Il comptait sur la projection de l'offensive de Nicolas pour que son poing ne cause pas trop de dommage. Reste qu'il avait quand même encaissé de plein fouet le coup de genoux. Sa violence lui coupa le souffle et le souleva en l'air, lui faisant cracher un filet de bave.

Il retomba lourdement sur le sol, alors qu'une douleur intense le paralysa sur place pendant un moment. Ce qui laissa tout le loisir à Nicolas de se reprendre et de traîner Senri dans tous les sens pour s'asseoir dessus.

C'est à ce moment-là que l'adolescent reprit plus ou moins conscience de son environnement. Juste à temps pour entendre les railleries de son aîné. Ces dernières firent serrer les dents au jeune initié, mais ce n'était rien en comparaison de cette fausse pitié qu'exprimait Nicolas.

Senri, trop blessé pour continuer ? Dans un autre monde, peut-être.

— Tch. Tu penses qu'j'suis à ta mercie là, hein ?

Il cracha une glaire de sang remontée après le coup.

— Puisque t'es si malin, t'as pas remarqué le handicap de mes pouvoirs ? Ou alors t'es juste suicidaire ?

Parler faisait un mal de chien à Senri. La présence de Nicolas sur son dos faisait pression sur ses muscles douloureux. Et il emmagasinait cette douleur, cette frustration. Pour la relâcher d'un seul coup, sauf que cette fois, il ne perdit pas de temps à la répandre sur l'ensemble de son corps.

Il jeta son crâne en arrière, alors qu'un faisceau de flamme jaillit subitement de celui-ci. Il avait utilisé le même procédé que pour sa précédente évasion et que la charge de Nicolas, sauf que cette fois, ce n'était pas pour se projeter soi-même, mais projeter celui qui l'avait pris pour un siège.

Une fois que ce serait fait, Senri roulerait par terre et se relèverait. Le dos plein de grains de sable s'insinuant dans ses brûlures diverses et variés, les bras ballants, le corps meurtri et un sourire sur les lèvres. 

— Et toi, tu veux arrêter, pousse de soja ?

Non, mais arrête de le provoquer. Il peut bouger tous ses muscles, lui. 

Y'a rien qui peut m'arrêter quand je suis lancé dans ma course. Même pas un poing. Il n'empêche que ça n'était pas agréable. Surtout quand finalement, il utilise toute sa force combiné à la vitesse d'impact pour me décrocher la mâchoire. Heureusement que c'était pas plus haut, j'aurais bien été incapable de faire quoi que ce soit... Si peut-être tomber au sol, complétement sonné. Là, je vais juste me rappeler de Senri à chaque fois que je vais manger, parler, juste ouvrir la bouche pour tout et n'imp'.

Aussi j'aurais peut-être dû me douter qu'il ne voudrait pas s'arrêter. Par contre qu'est-ce qu'il me parle de merci ? Je fronce les sourcils. Sans déconner. Il croit que je lui ai demandé par... PITIÉ ?... Oh wow. Je crois qu'il vient de réussir à m'insulter bien plus en disant ça qu'en me traitant de pousse de soja. ...Ne te mets pas en colère. Je suis pas en colère. ...Pas vraiment en tout cas. Même quand il ose me dire que je suis suicidaire parce que je me suis rapproché. On parle du même mec qui a encaissé mon genou pour me foutre un pain ? Oui, oui. Et il me dit que je suis suicidaire... Heureusement qu'il m'a pas connu il y a quelques années, on aurait fait une belle paire, de suicidaires.

Excusez-moi mais mon point fort, en plus de savoir me battre en très proche corps-à-corps pour niquer l'espace vital de mon adversaire, c'est le tir. Il aurait préféré que sorte un flingue ? J'crois pas nan. Alors je lui réponds pas... de toute façon j'ai la mâchoire en compote.

Sa contre-attaque ne se fait pas attendre. Je me tourne légèrement pour prendre l'impact qui m'envoie en arrière pour principalement la recevoir dans mon flanc gauche. Je roule dans le sable, me sert de l'inertie pour vite me retrouver au moins à quatre pattes, les doigts écartés, profondément ancrés dans le sable. Quand je relève la tête, Senri est déjà debout. Dans un sale état mais debout. Il me demande si je veux arrêter. :

-Oui, je veux arrêter.

Ma mâchoire me lance... Je me lève et j'amène ma main à mon visage. J'en saisis le bas pour jouer avec l'articulation. Je vais avoir un bon bleu... tant pis. Elle claque quand je la force un peu. Je regarde mon flanc gauche brièvement. Il y a de la sueur et du sable dans la brûlure qu'il vient de m'offrir mais je sens pas grand chose à cet endroit, comme d'habitude. Je plante mon regard sur Senri. :

-Parce que j'ai appris quand m'arrêter, faire la différence entre une leçon et une erreur. Je ne t'offrais pas de la pitié Senri. Je t'offrais le bon moment pour apprendre.

Oui je parle un peuuu de ce qu'il a pu faire à Alice et Houston. Et j'ai peuuut-être sorti le mot "pitié" avec toute l'acidité dont j'étais capable. Je hausse les épaules. :

-Donc oui, je veux arrêter. Mais je vais pas le faire...

J'enflamme mes poings... Aaaah, j'vais m'faire incendier par Ronron en rentrant j'le sens venir gros comme... gros comme. J'ai pas de trucs assez immense en tête tellement ça me paraît inévitable à ce niveau. :

-A toi l'honneur... Attaque-moi, puisque tu sembles déterminé à laisser ton orgueil gagner.

Senri fut presque soulagé quand Nicolas déclara qu'il voulait s'arrêter. Son poids s'appuya soudainement sur ses jambes. Il allait se laisser tomber par terre pour enfin se reposer. Mais Nicolas n'avait pas fini de parler.


Senri leva une de ses jambes pour faire un pas en avant. Son corps se secoua, comme désarticulé. Mais il était resté debout. Le garçon ne souriait plus. Quelque chose avait changé dans le ton de Nicolas. Quelque chose dans sa façon de parler. Sans quitter Nicolas des yeux, Senri se mit à marcher. Vers le mannequin d'entraînement près duquel il avait laissé ses affaires. Il se baissa pour prendre ses gants, qu'il passa sur ses poignets avant de faire quelques pas vers Nicolas qui venait d'enflammer ses poings.

Les gants de Senri s'entrechoquèrent alors qu'il reportait vers Nicolas des yeux tombant, un visage inexpressif. Pourtant, au fond de ses pupilles, il y brillait une lueur incandescente.

- Je vois. T'étais pas à fond.

Il lança ses poings en arrière, l'ensemble de son corps sembla craquer. C'était douloureux. Mais, la chaleur qui venait d'inonder son crâne, son dos, il y était. Il était dans cette transe effrayante. Ou rien n'était impossible.

Lorsqu'il expira, il glissa sur le sable, les poings devant le visage, les coudes serrés. Ne faisant plus attention à préserver la peau de ses pied nus. Arrivé à deux pas de Nicolas, Senri fit un écart pour se jeter sur le flanc droit de son adversaire, il s'appuya sur son pied gauche, et c'est tout son corps qui pivota pour accompagner son pied-droit. Ce dernier fendit l'air droit vers le thorax de Nicolas. Sauf qu'au dernier moment, il replia son tibia contre sa cuisse, se servit de son élan pour pivoter sur lui-même, reposa son pied-droit et c'est le gauche qui fut propulsé droit contre le ventre de Nicolas. À pleine puissance.

Il pouvait tenir, ce gaillard. Vu l'état de son torse, ce n'étaient pas cinq orteils qui allaient le faire flancher.

Senri ramena presque instantanément son pied au sol et fit un pas en avant avec l'autre pour enchaîner avec un direct du droit. Qu'il n'avait pas retenu non plus. Pire, une flamme dévala de son crâne pour courir sur son bras et passait au-dessus des gants de Senri pour prolonger son coup.

- Désolé.

Mais, aujourd'hui, c'est moi qui décide de ce que je dois apprendre.

Le Feu c'est bizarre. J'ai l'impression d'être froid à l'intérieur et de bouillir en même temps. Cette pulsation qui court dans tous le corps, le frisson de la bataille, la pure envie de survivre. Ça faisait tellement longtemps, c'est pourtant tellement familier. Senri qui semblait sur le point de laisser son corps tomber au sol fit soudain un pas en avant, refusant le repos que sa chair lui quémandait. Il est parti chercher des gants de boxe et il est revenu vers moi avec cette expression des combattants qui n'ont plus rien à perdre, tout à prouver. :

-Qu'est-ce qu'il y a de mal à ne pas vouloir se battre à fond ?

J'ai demandé d'un coup, j'ai vraiment envie de savoir. C'est moi qui suis en désavantage maintenant qu'il a ses gants après tout. Enfin c'est pas comme si j'attendais de réponse.

Je prends son coup de pied feinté dans le ventre. J'en atténue qu'à peine l'impact, je contrôle mon souffle en tanguant un peu et le moment suivant j'entends un "désolé" avant de me prendre un direct enflammé dans le nez. Je pars en arrière, sur plusieurs pas hasardeux je fais ce que je peux pour garder l'équilibre, garder mon souffle, garder mon champ de vision clair et net. J'ai rien fait pour l'arrêter...

Mes poings s'éteignent. Je souffle, tousse... Mon nez saigne. Je passe ma langue sur ma lèvre supérieure pour le confirmer. La sensation familière qui me lance dans le visage, comme jamais on a conscience dans sa vie qu'on a un nez, est une amie étrange. Les dernières étoiles noires tournoient autour de moi. J'apporte une main à mes lèvres pour essuyer le sang, je regarde mes phalanges. Tsk, mon sang est toujours aussi dégueulasse comparé à celui des autres. Épais et sombre. Du pétrole.

J'ai le regard rivé sur Senri. En vérité, je ne sais pas trop quoi faire devant ce bonhomme. Il ne s'est pas battu pour manger, il voulait juste être le plus fort. Je ne peux pas le comprendre, pas complétement en tout cas.

Je me baisse. Moi qui suis plus grand que lui me tasse au point d'avoir le regard au niveau de ses hanches et j'avance. Comme un animal rampant, j'évite ses poings pour écraser l'un des miens sur l'une de ses rotules. Je pose un genou à terre, je pivote, je le contourne, je fends l'air. Dans le même mouvement, je donne un coup dans ses côtes, dans ses reins. Des coups de pute. Pour faire mal. Je me glisse dans son dos comme une ombre. Un de mes bras attrape son cou, l'autre immobilise l'un des siens en le tordant et je m'avance de tout mon poids, le force à se mettre à genou. Je l'étouffe. Un de mes genoux qui lui rentre au milieu du dos. Je souffle dans son oreille. :

-Si, malgré tes gants de boxe, tu arrives à te défaire de ma prise avant d'être privé d'oxygène et t'évanouir, la douleur dans tes reins va rapidement te donner des vertiges. Chaque inspiration sera douloureuse à cause du coup que j'ai donné dans ta côte flottante et, si même après ça tu es encore éveillé... tu ne pourras pas tenir debout à cause de ton genou.

Je le lâche en le balançant en avant, me relevant dans le même mouvement et je recule. Je déglutis, dégoûté par la sensation métallique de mon sang dans ma bouche. :

-C'est ça quand je me bats à fond Senri. Je n'ai pas été fort, je savais où taper pour faire mal, pour immobiliser, pour torturer et m'enfuir. J'étais pas un champion... et mes adversaires étaient des sacs de frappe pour moi.

Je boîte jusqu'à la bouteille d'eau la plus proche, je quitte pas des yeux Senri... j'ai peur qu'il tente de se lever et se mette à dégobiller. :

-Aujourd'hui c'est différent. Je respecte le combat, je respecte la personne face à moi. Tu es un être humain avec tes émotions, tes rêves, ta famille et tes amis qui tiennent à toi et que tu retrouveras après le combat. Tu penses que je me fous de ta gueule ?

Je mouille une serviette avec un peu d'eau fraîche tout en revenant vers lui, m'asseoir à ses côtés. Sans ménagement, j'attrape un de ses bras, commence à retirer son gant de boxe avant de glisser la serviette humide sur ses brûlures, autant pour virer le sable que pour calmer la douleur... ça l'aidera aussi à faire un peu passer les vertiges que je lui ai offert. :

-T'as gagné mon respect quand tu as dit que tu voulais plus être le seul à frapper. Je suis désolé si j't'ai laissé croire que je te rabaissais.

Il est loin, le Loup qui se battait contre les barreaux de sa cage. ...J'ai appris quelque chose aujourd'hui. ...Je frotte le dos de ma main sous mon nez, j'ai arrêté de saigner mais vu la douleur, j'dois avoir une aubergine à la place du pif maintenant. Coupler ça au coup à la mâchoire, j'ai la tronche d'une gueule cassée. Je soupire un murmure. :

-Aaron va m'tuer... et puis, un peu plus fort, je lui demande. Pourquoi tu t'es excusé pour ce coup-là ? Il était bien pourtant...

En fait, de tous les échanges qu'on a eu, c'est celui où j'ai le mieux vu le boxeur qu'il est.

- Pour les autres ? Y a pas d'mal. Pour moi, c'est important.

Il avait prononcé ces mots tout en lançant son assaut. Assaut qui avait plus ou moins réussi. Ses coups avaient porté, Nicolas les avait encaissés. Puis, vint le moment de sa contre-attaque. Le brun se tassa pour s'avancer, telle la charge d'une bête. Quand Senri sentit le poing du brun s'écraser contre son genou, il serra les dents. Il avait été impuissant devant cette bestialité à l'état pur. Il réalisa que Nicolas était comme Elwynn. Ce n'était pas juste des combattants. C'étaient des monstres.

Senri avait toujours été habitué à se battre contre des gens qui lui rendaient les coups, qui donnait les mêmes. Senri était loin d'être un monstre.

Mais pourtant, il fallait qu'il en devienne un.

Senri releva les talons et se mit à bouger. La peau de ses pieds était en grande partie déchirée et son genou n'était certainement pas dans un meilleur état, mais c'était cette douleur la clé. La ressentir, puis l'ignorer. Quand le poing de Nicolas fusa vers ses côtes, Senri pivota. Son poing droit alla frapper l'avant-bras de son aîné pour épargner ses reins.

Mais Senri était encore trop lent pour réagir puis contre-attaquer.

En moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, Nicolas était passé derrière lui. Lorsqu'il sentit la pression contre son dos, l'air peinant à passer à travers ses voies respiratoires, Senri convoqua toute son énergie, tout ce qui lui restait de force pour se tenir debout. Sa vue se fouta rapidement à cause du manque d'air, la douleur dans son genou lui donnait l'impression que celui-ci allait se disloquer. Mais il tint bon.

Il était hors de question pour l'adolescent d'à nouveau poser le genou à terre.

Lorsque Nicolas le lâcha enfin, l'adolescent prit une grande bouffée d'air, en se penchant en avant pour mettre ses mains sur ses cuisses. Il se demandait comment il faisait pour ne pas s'écrouler tant, c'était compliqué de tenir debout.

Il parvint néanmoins à se tourner pour faire face à Nicolas qui arrivait vers lui pour lui retirer son gant et passer une serviette humide sur ses brûlures, Senri serra les dents sous la douleur, avant de tirer vivement son bras vers lui.

— C'est exactement ce que je pense. Ravi que tu ais fais la paix avec toi-même, que tu respectes ton adversaire. Mais, j'entends ce discours depuis que mes poings rentrent dans des gants. C'pas de ça dont j'avais besoin aujourd'hui.

Il retira son deuxième gant en tirant la languette avec ses dents toujours en regardant Nicolas droit dans les yeux.

— Si je me suis excusé, c'est parce que c'était la première fois que je retenais pas un coup. La première fois, depuis que je me suis fait viré de mon lycée, la première fois depuis que je me suis fait amener ici.

Il fit volte-face pour aller prendre sa propre bouteille d'eau et en boire quelques gorgées. Des sillons d'eau vinrent purifier l'amalgame de sang et de poussière sur son torse.

— Tu penses que je porte mes gants pour me battre à fond ? Pour avoir un avantage ? Je suis boxeur. C'est une honte de mettre des gants contre quelqu'un qui n'en porte pas. Mais, voilà. Je suis pas assez bon pour me passer de mes poings. Alors je les mets.

Il reporta son regard sur Nicolas, laissant tomber le bras qui tenait sa gourde contre sa cuisse.

— Je me suis excusé car je donnais tout ce que j'avais contre toi. Je voulais aller jusqu'à mes limites. Pour les expérimenter, les maîtriser. Et en me ménageant, "en me respectant", t'as empêché ça. Mais j't'en veux pas, t'inquiète.

Il essuya sa bouche avant de se tourner vers le mannequin.

— J'ai pas à me servir de toi comme excuse. J'suis un violent sans mesure. C'est entre mes poings et moi.

Il donna un direct au mannequin. Et très vite, il n'y avait plus que son poing et son bras tendu qui lui permettait de ne pas s'écrouler.

— Maintenant la séance psy est finie.

Il en avait déjà trop dit. Et il n'avait pas envie de devoir s'écrouler en face de Nicolas.