Misao a l'air soulagé que je lui propose de se débarbouiller un peu - en même temps, je ne suis pas une sauvage, oh ! Il n'y a vraiment qu'après des soirées très très arrosées que je m'écroule au lit sans passer par la case salle de bain - mais sinon, je me sens juste trop sale et inconfortable d'aller me coucher sans faire mes ablutions.

Une fois prêt, le nippon me rejoint dans mon lit - et je dois bien avouer que... Avec ce pyjama un peu moulant, ses cheveux humides et son petit air gêné là, en tant normal, j'aurais sans doute eu envie de faire bien d'autres choses avec lui, entre ces draps. Mais l'idée est reléguée très loin dans un coin de ma tête, sous une épaisse couche de fatigue et de tristesse - non, là maintenant, la seule chose dont j'ai envie (dont j'ai besoin), c'est de dormir. Et sa présence à côté de moi m'autorise finalement à sombrer comme une masse, avec le sentiment réconfortant d'être entourée, protégée.


"Mmnnhhh"

Quand Misao retire son bras, je proteste d'un gémissement face à ce soudain retrait de ma source de chaleur, me blottissant un peu plus contre lui pour compenser. J'émerge vaguement, je me sens lourde, pâteuse - mais étrangement, je me sens aussi plutôt bien. Il fait chaud, c'est confortable. Il me faut plusieurs secondes pour finir par capter qu'il y a un corps à côté de moi. Instinctivement, je relève la tête et tombe nez-à-nez avec une paire de jolis yeux bleus encore un peu ensommeillés. Je cligne des yeux, plusieurs fois, avant de les écarquiller en reconnaissant Misao. Dont le visage est littéralement à moins de 5 centimètres du mien. Hahaha- ha. Les souvenirs de la veille affluent alors que je me recule d'un coup, mettant autant de distance que possible entre nous sans tomber du lit.

"Pardon ! Je- j'ai dû me rapprocher pendant que je dormais. Tu... Es chaud."

Oui. Bon. C'est la vérité, hein, mais je n'étais pas obligée de le dire à haute voix... Je sens le rouge me monter aux joues alors que je m'extirpe des draps pour me lever - j'aurais bien traîné un peu au lit comme une merde, mais làààà... J'ai besoin de bouger pour essayer de faire passer la gêne (qui va plutôt me suivre jusqu'à l'autre bout de ma chambre au lieu de disparaître, ptdr).

"Hm. Tu... Veux un café ? Un thé ? J'dois avoir du porridge quelque part aussi..."

Voilà, voilà, faisons quelque chose pour s'occuper les mains et l'esprit, bonne idée. Avec tout ça, j'aurais presque oublié l'état de détresse dans lequel j'étais hier soir. C'est dingue comme le malaise, ça prend de la place, hein !

C’était confortable, comme ça. L’avoir contre lui, juste se reposer. Ses doigts entre ses omoplates, qu’il peut sentir sous son débardeur. Mais il sentait le malaise venir si elle se réveillait ainsi — apprécierait-elle seulement de se réveiller contre lui, qu’il ait ses mains sur elle comme ça ? Ca ne se fait pas, pas comme ça, en tout cas. Enfin, il se disait ça, mais il est complètement pris de court quand Pandora réduit à nouveau la distance entre eux en protestant, dans un demi sommeil. Son coeur loupe un battement. Uh-oh.

Il garde le bras légèrement soulevé par rapport à son corps, puis, quand au moment où il se dit qu’il peut, éventuellement, le reposer… sans forcément la serrer contre lui, mais sans s’éloigner, enfin, poser sa main sur son bras, ils finissent nez à nez. Et se regardent.

Et je crois que là, ils sont deux à rougir.

Misao n’a pas le temps de protester, de dire que ce n’est pas grave, ou même qu’objectivement, ce n’était pas son réveil le plus déplaisant — mais est-ce qu’il aurait vraiment réussi à prononcer cette phrase à voix haute, je n’en suis pas certaine — que Pandora a sursauté et s’est éclipsée à l’autre bout du lit. Lui-même a fait un bond et s’est redressé de son côté du lit… il se sent obligé de s’asseoir, les oreilles et les joues écarlates.

—Ca me dérange pas, t’inquiète. C’est. Enfin. C’était pas inconfortable. Tant mieux si tu n’as pas eu froid.

Elle a dit qu’il était chaud ptdr, il est encore être bloqué dessus comme un neuneu, même s’il sait pertinemment ce qu’elle voulait dire mais au secours.

Il s’efforce de regarder ailleurs quand elle se lève, par politesse, et aussi parce que vraiment il est déjà suffisamment gêné là. Et elle aussi est suffisamment mal-à-l’aise, mais quel couillon. Est-ce qu’il doit rester pour un petit dej ? Est-ce que c’est pas PIRE QUE TOUT comme situation ?! Ok Misao, t’es un adulte, réagis comme un adulte normal, ok, tu l’aides pas du tout, là.

—Juste un thé, merci. Si ça te dérange pas. Je vais pas abuser trop longtemps non plus, tu dois vouloir être un peu tranquille.

Il sourit et, finalement, se lève lui aussi. Il remet machinalement les coussins en place, et replace la couette correctement sur le lit pour la lisser.

—J’espère que je t’ai pas mise mal à l’aise.

Et puis, curieux, il relève la tête vers elle et sourit :

—Par contre, vraie question, ne te moque pas. Ca ressemble à quoi, du vrai porridge anglais ?

Ca lui laisse l’occasion d’éviter la conversation si elle ne veut pas lui répondre, HEIN.

"Tant mieux si tu n'as pas eu froid." Haha. Hahaha non mais effectivement, j'avais bien chaud, et là J'AI ENCORE PLUS CHAUD EN FAIT. Tellement que je suis obligée de sortir (m'enfuir) de mon lit, les joues en feu. En toute objectivité, j'ai déjà passé la nuit avec beaucoup d'hommes - et de femmes d'ailleurs - mais je crois que, justement, le fait de n'avoir rien fait d'autre que dormir rend les choses encore plus gênantes. Après tout, c'est bien normal de se blottir dans les bras d'un amant après une nuit d'amour... Mais là, cette situation n'a absolument rien de "normal", et je ne sais plus vraiment où me mettre.

Et le pire, je crois, c'est le fait que je suis très consciente d'avoir juste envie de me re-mettre exactement là où j'étais il y a quelques minutes ; dans ses bras. Misao l'a très justement dit lui-même, ce n'était pas inconfortable. Loin de là même. Je suis bien incapable de le regarder dans les yeux alors que je lui propose maladroitement le petit déjeuner.

"Ok... Ok, un thé, c'est parti. Non, non, ça me dérange pas du tout, ahah, t'inquiète pas !"

Je m'affaire, machinalement, fuyant complètement son regard - bon, je ne lui ai même pas demandé quel genre de thé il voulait en fait, donc il l'aura à l'anglaise, hein. Noir, avec un nuage de lait et un sucre. Du coin de l'oeil, je le vois refaire mon lit et lisser la couette méticuleusement, et j'ai très envie de me moquer un peu. Mais non, je ne dis rien. Rien qui puisse ne serait-ce qu'effleurer le sujet de "nous avons passé la nuit ensemble". Je reste con-cen-trée sur ce que je suis en train de faire - tellement concentrée, en fait, que je sursaute et fous du lait à côté de la tasse à la réflexion de Misao.

"Mal à l'aise ? Non, mais noooon, mais pas du tout, t'en fais pas ! Au contraire, j'ai su-per bien dormi, tu fais un bon doudou, ahah !"

Haha, oui, non, ta gueule en fait. Je pense très fort à Allen là tout de suite, je m'excuse en silence de toutes ces fois où je me suis foutu de lui quand il partait en panic-impro. Je le comprends si fort d'un coup.

Et puis. Je ne pensais vraiment pas dire ça un jour, mais ; sauvée par le porridge. Je cale une demi-seconde à sa question, puis me tourne vers le nippon en haussant un sourcil.

"Attends, quoi ? T'as jamais mangé de porridge ? Non mais. Faut que t'essayes, c'est le petit dej du champion ça !"

Je pose sa tasse de thé sur la table et lui fais signe de s'installer - c'est pas une question, il va goûter au porridge, ok ? Ca va super vite à faire de toute façon. Je mets un peu de lait à chauffer dans une casserole tout en préparant les autres ingrédients - flocons d'avoine, une banane coupée en rondelles, et de la cannelle (oui bon, normalement c'est du sucre roux, mais avec de la cannelle c'est meilleur). Une fois le lait porté à ébullition, je mélange le tout dans deux bols, que je dépose sur la table, ainsi que deux cuillères.

"Tiens, goûte. Promis, c'est bien meilleur que ça n'en a l'air !"

Faut avouer, ça ressemble un peu à du vomi quand même.

Ah oui. C’est sûr qu’elle n’est pas du tout mal à l’aise, ça se lit sur son visage et ça se voit dans ses yeux et tout. Misao tire un sourire en coin, plus amusé et las que moqueur, et observe Pandora dans la kitchenette. Avant de comprendre qu’elle est en train de lui rajouter du lait dans le thé. Et du sucre. C’est. Oui. Alors c’est pas comme ça que ça se prépare, du thé, mais il va continuer à sourire et dire merci, ok. Il se souvient bien que les anglais sont pas les pros en matière de cuisine — et ne le dira pas à voix haute, histoire de ne pas créer une guerre ou de la vexer ; déjà qu’il n’est pas sûr qu’elle accepte de le revoir un jour, faudrait pas qu’il se rajoute des bâtons dans les roues lol — mais jusqu’ici, il pensait surtout que c’était un gros cliché. Du thé au lait et au sucre, peut-on vraiment appeler ça un thé… Angoisse.

Quand il a terminé, il vient s’appuyer contre le canapé.

—Un doudou, ou une bouillotte, du coup ? sourit-il, dans la provoc’.

Il finit par rire un peu aussi, mais cligne des yeux à son bug intersidéral.

—Petit dej du… ok. Non j’en ai jamais mangé, on mange pas ça au Japon.

Bon, en même temps, les petits dej japonais c’est grosso modo la même chose que ce que tu manges le midi et le soir, donc bon. Il s’approche presque timidement de la table et tire la chaise pour s’y installer. C’est qu’elle sait être autoritaire, hein. Est-ce qu’il devrait avoir peur de goûter tout ça ? Boarf, si c’est pour faire plaisir à son hôte — et que ça peut éloigner le malaise quelques minutes, c’est bon aussi.

—Tu me fais la totale petit déjeuner anglais, c’est ça ? rit-il. Je peux t’aider pour quelque chose ?

Il attrape la tasse, observe le contenu… se dit que ça peut pas être pire qu’un starbucks, et goûte. … Ok, même pour lui qui aime le sucre, c’est trop sucré. MAIS. Le lait c’est plutôt cool avec (par contre c’est plus du lait, désolé hein).

—Vous rajoutez toujours du lait dans le thé ? Ca vient d’où ? (cette hérésie)

Le porridge cuit dans la casserole, et Misao observe Pandora le préparer… elle est enthousiaste, c’est mignon, il peut pas dire non en fait. (Et il se rend bien compte qu’il a pas le choix non plus, à dire vrai.)

—Je veux bien goûter, mais seulement parce que c’est toi qui l’a préparé aha. Parce que. Clairement ça n’a pas l’air super ragoûtant. (Il grimace et rit en même temps.) Bon, je te fais confiance, m’empoisonne pas s’il te plaît.

Et en terme de goût… Ah. Ouais c’est bon en fait. On dirait un peu du riz gluant à la cannelle, constate-t-il à la première cuillerée, un sourire calme aux lèvres.

—Je m’incline, c’est vraiment très sympa. Merci pour la découverte. Tu rajoutes du miel dedans des fois ?

C’est sympa, de prendre un petit dej avec quelqu'un autre part qu'à la cafete. Ça fait longtemps…

Je crois que je n'ai jamais été aussi efficace de ma vie pour préparer le thé - d'habitude, je traîne un bon moment au lit avant de me lever et de m'activer, mais là, le malaise me donne le feu aux fesses. Enfin, pas ce genre de feu hein, vous avez compris. Je m'affaire donc en cuisine pour essayer de ne pas penser à la soirée et nuit précédente - mais il semblerait que mon cerveau n'en ait pas terminé de paniquer, en fait. Un doudou, ptdr mais tuez-moi s'il vous plaît. Et voilà qu'il en rajoute une couche et qu'il se fout de moi en plus !! Je me tourne vers Misao en plissant les yeux légèrement, avant de rétorquer sur le même ton.

"Eh ben, les deux, du coup. Félicitations, je suis impressionnée, tout le monde sait bien que les hommes et le multi-task c'est pas trop ça, normalement."

Et je RICANE. Bon, c'est pas un véritable rire, mais quand même. Comme quoi, dédramatiser c'est un bon mécanisme de survie... Et je me sentirais presque un peu moins mal à l'aise aussi. Suffisamment pour décider de lui préparer un porridge - parce que vraiment, c'est criminel de n'en avoir jamais goûté ! Je hausse les sourcils alors qu'il plaisante ensuite sur le petit déjeuner anglais.

"Alors, non, pas vraiment... Un full english breakfast, c'est avec des oeufs, bacon, black puddings, haricots à la sauce tomate et tout le tintouin ! Mais j'ai pas ce qu'il faut pour ici... Et puis, j'suis pas sûre que tes pauvres petits intestins de japonais survivraient au choc."

J'ajoute avec un sourire en coin amusé. Non mais, c'est beaucoup de gras, il faut avoir l'estomac accroché ! Par contre, meilleur remède contre la gueule de bois, y'a rien de mieux un lendemain de veille.

"Mais du coup, le porridge c'est le petit dej numéro 2, quand y'a pas trop le temps ! Et t'inquiète, reste assis, ça va vite."

Par contre, je le fusille un peu du regard quand il fait une remarque sur le lait dans le thé. Parce qu'il y a une AUTRE façon de boire le thé peut-être ? Non, non je ne crois pas, les anglais et le tea time c'est sacré, ok ! Je ne prends même pas la peine de répondre à cet affront, continuant de préparer le porridge, jusqu'à déposer les deux bols sur la table.

"Si j'avais envie de t'empoisonner, je ne me ferais pas une portion pour moi aussi, hein ! Tu vas voir, c'est super bon !"

Et j'enfourne une bouchée. Et bizarrement, la boule dans le fond de ma gorge qui m'empêche de manger depuis ces derniers mois semble s'être un peu résorbée. Je n'irais pas jusqu'à dire que j'ai faim, mais je n'ai pas envie de vomir juste à la vue de nourriture. Et ça fait un bien fou, putain. Je souris quand Misao finit par dire que c'est pas mal - ah, j'ai toujours raison !

"Avec plaisir ! Tu vois, ce mythe que les anglais ne mangent que de la merde est complètement faux, hé ! Mmh non, j'ai jamais essayé avec du miel, mais ça peut être bon aussi. Peut-être un peu trop sucré par contre..."

Le miel, c'est... Enfin ouais, il faut pas en mettre trop sinon ça devient vite écoeurant quoi.

Malgré le réveil catastrophe, une fois que son rythme cardiaque est revenu à une valeur de base, Misao se sent déjà mieux. C’est presque une matinée détente… La discussion part davantage dans de petites piques innocentes, qui l’obligent à lever un sourcil et lui lancer un sourire goguenard. Voilà qu’elle le cherche dans la provocation, elle aussi ; il se sent obligé de répliquer :

—Merci merci, j’ai longuement pratiqué afin de pouvoir inclure l’art du multi-tasking parmi mes compétences. J’espère qu’elles serviront à nouveau.

Il a retenu au dernier moment la première formulation de sa phrase, aka qu’il est prêt à recommencer quand elle veut, mais la situation est encore un peu trop… trop pour qu’il accepte de s’aventurer sur ce terrain-là même pour une boutade. (Et surtout pour une boutade, semblerait.) Et c’est très justement suite à cette pensée qu’il se rend compte que c’est trop “trop”, à nouveau. Heureusement que Pandora est en plein mouvement, ça l’empêche de se concentrer sur les tatouages qu’il aperçoit et s’efforce de ne pas détailler depuis hier soir. Un nouveau rire lui échappe.

—Oh, excusez-moi ma Dame, je ne savais pas qu’il y avait une même étiquette lors du breakfast, en Angleterre. En revanche je te remercie de penser à mes intestins, pas sûr qu’ils survivent en effet. Même si je suis tenté de tester un jour… enfin, pas tout ça en même temps, hein.

Qu’est-ce donc que le “black pudding” ? Une autre hérésie, certainement ? Enfin, noté : il n’y a qu’un anglais qui possède le droit de se moquer de la cuisine anglaise. Enfin. La cuisine ça va, mais alors le thé, il a bien compris qu’il devait fermer sa gueule. Il pince les lèvres pour contenir un rire et lève les mains, coupable. Il faudra quand même qu’il lui fasse goûter un VRAI thé préparé à la japonaise… quoiqu’elle risque de détester, vu la quantité de sucre qu’elle met dans les leurs aha. La prochaine fois, il prendra du café….

(Là c’est le moment où il comprend qu’il parle trop en “prochaine fois”, rentre la tête dans ses épaules et se concentre sur le repas qu’elle vient gentiment de lui préparer.)

—Eh, on sait jamais ; des fois que tu aies envie de te débarrasser des témoins. C’est comme ça que ça marche, un peu de poison et hop. Si t’as suffisamment de bons amis, on retrouvera jamais mon corps.

Mais pitié ferme-la mdr.

—Noté ! Et oui, je constate, c’est un mythe. Par contre, le thé…. sourit-il en coin.

Il va se recevoir une savate, mais worth it.

Et voilà qu'on se balance des piques dans le plus grand des calmes, maintenant. J'ai un peu l'impression d'être entrée dans une dimension parallèle là, mais pour être honnête ce n'est pas déplaisant - ça m'évite de trop penser à tout ce qui s'est passé ces 12 dernières heures, et aussi à ce que Misao veut dire par "j'espère qu'elles serviront à nouveau", ses fameuses compétences de multi-tasking. Je me contente donc de répondre à son sourire narquois tout en rajoutant une couche.

"Hin hin, effectivement, vu ton grand âge, t'as bien eu le temps de pratiquer !"

C'était gratuit, ça. Je ne sais même plus quel âge il a au juste, 9 ou 10 ans de plus que moi, si mes souvenirs sont bons ? Il ne les fait pas, cela dit - j'espère quand même ne pas le vexer avec ma remarque, je sais que c'est un sujet compliqué pour certaines personnes. D'ailleurs, je regarde ma propre trentaine approcher d'un mauvais oeil, hein... Je laisse ensuite mon sourire en coin s'allonger à son commentaire sournois. Mais il n'arrête pas !

"My Lady, please. Tout est question d'étiquette pour les Anglais, voyons ! Et il n'y a pas de meilleur moment pour apprécier un fry-up qu'avec une énorme gueule de bois, donc la prochaine fois, on n'aura qu'à faire ça !"

Est-ce que je viens, sans pression, de lui proposer de se foutre une murge ensemble, de RE-DORMIR ENSEMBLE et de re-prendre le petit déjeuner ensemble "une prochaine fois" ? Il semblerait bien, oui. Tout va bien. Non, ça ne va pas du tout, j'ai du mal à respirer là - heureusement que je peux me concentrer sur mon porridge pour cacher mon visage en feu et mes mains qui tremblent un peu. J'ai pété un câble là. Encore bien que je l'ai dit sur le ton de la rigolade, c'est un tout petit peu moins gênant.

Je sers finalement le porridge dans deux bols et les dépose sur la table - Misao a l'air d'apprécier, je suis contente. Même s'il est encore obligé de me balancer une blague de mauvais goût là, il abuse ! Bizarrement, mes pensées se portent directement vers Tiago - je ne lui fais clairement pas autant confiance qu'à Allen, mais si je devais me débarrasser d'un corps, j'crois bien que c'est lui que j'appellerais.

"T'as bien raison de t'inquiéter, j'connais des gens après tout... Par contre, j'ai pas tes compétences en biologie hein, j'aurais aucune de quoi te donner, au juste ! ... Puis bon, j'pourrais pas te faire ça après... Tout ce que t'as fait pour moi."

Un peu de fragilité dans ma voix - on rigole, on rigole, mais... Enfin, ouais, il faudrait pas complètement occulter tout le reste non plus. Qu'il ne vienne pas croire que j'aie l'intention de faire comme si rien ne s'était passé, de "me débarrasser des témoins" comme il dit. J'sais pas encore trop comment, et j'ai aucune envie d'y penser pour le moment, mais je le remercierai proprement un jour.

L'instant de vulnérabilité s'envole en une demi-seconde alors que CET ESPECE D'IGNARE OSE INSULTER MON THE !!! Mais Oh my God mais j'vais lui balancer un truc à la figure ! Malheureusement, il n'y a rien d'autre que de la vaisselle qui casse à portée de main - mauvaise idée. Je me contente donc de plisser les yeux d'un air mauvais en pointant un doigt accusateur vers son torse.

"Toi......... Mais vraiment, t'as de la chance que je m'en voudrais de t'ébouillanter, parce que sinon je te l'aurais déjà versé sur la tête, ton thé ! J'y peux rien si t'as pas de goûts !"

—Que veux-tu, je suis un homme d’expérience, réplique-t-il en haussant théâtralement les épaules. Le grand âge permet d’accéder à une sagesse qu’il te semble hélas manquer !

Et au sourire narquois de Pandora, Misao y répond par un sourire identique, pas vraiment vexé. Il sait qu’il fait partie des anciens, c’est probablement le premier sujet de taquinerie parmi les gens de son entourage. Il se permet en général de rappeler que s’ils le traitent de vieux, faut traiter Hideko de vieille aussi et qu’elle est un peu plus tatillonne que lui sur le sujet.

—Oh, pardonnez-moi, My Lady, se reprend-il en forçant une petite révérence, mettant le paquet sur l'accent anglais. Parce qu’en plus, il faudrait réussir à ingurgiter autant de gras en ayant une gueule de bois ? Je suis surtout tenté de voir comment tu survis à tout ça, mais tu risques juste de me voir étalé par terre ! Enfin, si ça te fait plaisir.

Le gras ne le tente pas, mais la soirée un peu, quand même. Gueule de bois ou pas, finalement… Est-ce que c’est une proposition, ou elle se laisse trop entraîner dans l’euphorie du moment, elle aussi ? Après toutes ces émotions — et un thé au lait — le rire est libérateur, confortable. Il cache son sourire dans son poing, posé contre ses lèvres, mais ses yeux sont rieurs.

Oh, elle connaît des gens, très bien. Il s’apprête à lui dire qu’il lui apprendra ce qu’il faut, même si clairement les poisons ne sont pas sa spécialité — enfin, il connaît quelques trucs quoi — mais sa réplique se casse la gueule dans sa gorge et il referme justement bêtement la bouche avant d’avoir pu répondre.

—Ah, les pansements, tu veux dire ? T’inquiète pas, désinfecter c’est mon truc. Aha.

A h a h a h a h. Vraiment ? Non, ok, même pour lui, trop tôt pour blaguer sur ses TOCs ptdr. Il pince les lèvres et sent qu’il a vraiment rougi, cette fois. Il essaie de garder contenance et de lâcher, l’air de rien, en parlant un peu avec les mains — et en ne la regardant pas du tout :

—Ca ne m’a pas dérangé, j’en avais envie. Et puis, tu vois, tu compenses avec un super petit dej.

Sauf le thé.

Ah, ça l’a vénère. Il contient son éclat de rire derrière sa main, avant d’attraper l’index qu’elle pointe dans sa direction, tout sourire, et se penche un peu vers elle :

—On t’a jamais dit que c’était pas poli de pointer les gens du doigt, milady ? Je crains pas vraiment les brûlures plus que ça, mais j’apprécie que tu veuilles m’éviter un passage par l’infirmerie, par principe.

Je hausse un sourcil à la remarque de Misao - non mais, de quel genre d’expérience il parle là, au juste ? Quelque chose me dit qu’il vaut mieux ne pas poser cette question à voix haute, aussi je me contente de lever les mains devant moi en signe de reddition, un sourire amusé au coin des lèvres.

"Ça va, ça va, je m’incline ! Il parait qu’on n’apprend pas à un vieux singe à faire la grimace, ma pauvre âme innocente et immature ne peut clairement pas rivaliser !"

Et je… Lui tire la langue. Oui oui, j’illustre assez bien mon propos sur l’immaturité là je dois dire. Prise dans l’euphorie du moment - je n’ai pas échangé de blagues comme ça avec quelqu’un depuis très longtemps, et ça fait du bien - je vais un peu trop loin, lui propose plus ou moins de se refaire une soirée ensemble une prochaine fois. Et… Eh bien, il n’a pas l’air de refuser en fait, ce qui me fait me pencher moi-même plus sérieusement sur la question. C’est assez tentant, vu l'ambiance bon-enfant là tout de suite, mais en même temps je suis très consciente du fait qu’on marche en équilibre précaire sur un fil prêt à se rompre à tout moment ; et dès qu’il aura passé la porte de ma chambre, j’ai la nette impression que les blagues et l’humeur légère seront vite remplacées par un malaise intersidéral. Alors, consciemment décider de refaire la même chose dans le futur ? … Écoutez, peut-être que je suis un peu masochiste hein, mais je crois que j'aimerais bien.

"Mais oui, justement, le gras est le meilleur remède à la gueule de bois voyons ! Je te promets que ça m’a sauvée plus d’une fois, ahahah ! Et je te dirais bien que je t’enterre, mais dernièrement je ne sors plus beaucoup, donc je risque juste de m’enterrer toute seule en fait… Cela dit, je payerais cher pour te voir rentrer à quatre pattes !"

Je lui envoie un autre sourire narquois à cette remarque. Non mais, vraiment ; les mecs un peu sérieux et guindés comme lui sont généralement les plus hilarants quand ils sont bien bourrés ! Cette remarque vaut pour moi aussi hein, je sais bien que j’ai l’air un peu difficile à approcher et pas marrante quand on ne me connaît pas, mais quand j’ai un verre dans le nez, hahaha… J’suis pote avec la terre entière !

Mon sourire s’efface ensuite un peu, laissant place à une certaine fragilité alors qu’on effleure de très loin le sujet de notre soirée d’hier. Misao tente une autre blague mais ça fonctionne tout de suite moins bien et il s'en rend compte directement ; je souris quand il rougit légèrement, détourne un regard gêné quand il souligne qu’il en avait envie - d’être là, d’être resté. Je me raccroche au sujet du petit déjeuner parce que c’est plus facile que d’affronter toutes ces choses et ces non-dits en suspension entre nous.

"Le petit déjeuner du champion, même ! Et tu peux être honoré, effectivement, t’es la première personne pour qui je le prépare !"

Pour qui je cuisine quoi que ce soit, en fait - enfin, si on exclut les pizzas surgelées que je réchauffe pour nos soirées film avec Allen, évidemment ! Le nippon me tacle ensuite sur le PIRE SUJET POSSIBLE OMG ; le thé. Il insulte mon thé ptdr je vais le défoncer ! Alors que je pointe un doigt accusateur vers son torse, il l’attrape doucement en se penchant vers moi. Mon cœur rate un battement et je sens mes joues chauffer un peu ; son toucher léger, son sourire, son regard… Il me fait quoi lui là !! Je me racle la gorge pour retrouver une contenance, avant de lui répondre d’un ton calme.

"Et dire que, pendant une demi-seconde, j’ai été assez naïve pour penser "mais non, il doit y avoir une erreur, c’est trop un mec bien pour être un Feu"… Mais en fait, vraiment hein…"

Je dégage mon doigt de son emprise et me penche en avant à mon tour, plissant les yeux alors que je le poke plusieurs fois sur le torse au rythme où je parle.

"T’es-qu’un-sale-Feu-su-per-chi-ant !!!"

En effet, elle ne peut pas rivaliser ! C’est quoi cette fixation sur son âge, cela étant ? C’est pas qu’il se vexe, enfin pas pour de vrai, mais ce n’est pas la première fois qu’il remarque qu’on lui renvoie la blague. Régulièrement, quoi. Enfin, ça contraste plutôt bien avec l’attitude de Pandora, qui lui tire la langue comme une enfant. Et ça le fait sourire comme un adolescent fier de son coup, lui aussi ; mais ça va, il lui tire pas la langue en retour, il a un peu de dignité encore, il faut croire. La discussion dévie tranquillement sur l’alcool encore une fois — elle boit beaucoup, Pandora, non ? Ah, non, beaucoup moins, du coup. Ca le rassure un peu, et ses épaules se détendent alors qu’il joue avec sa cuillère.

—Ah ça, ça risque d’arriver ; si on était pas sortis manger la dernière fois, je crois que c’est l’état dans lequel j’aurais fini. Tu sais, on supporte pas très bien l’alcool, chez les japonais. Après, tu sais que c’est pas un concours, hein ? la taquine-t-il.

Et encore, il a du bol, parce qu’il y en a qui sont ivres morts au bout d’une dose de saké. Lui il peut boire quelques verres avant d’être dans le même état, ça va. Il n’ose pas trop imaginer le carnage que ce serait, une soirée avec Pandora s’ils ont bu tous les deux… et ouais, là il rougit un peu. C’est pas qu’il déraperait, mais- ok, peut-être qu’il déraperait, et cette pensée est un peu dérangeante vu l’ambiance. Noté : ne pas boire avec Pandora, en fait. Sauf s’il veut foutre le malaise.

C’est plus sympa, un petit dej. C’est con, hein, mais c’est rassurant pour lui aussi, comme moment. C’était rassurant pour lui aussi, hier soir. Elle l’a écouté, ne l’a pas jugé… Elle a accepté qu’il lui dise avoir été… qui il est. Et il le réalise seulement alors qu’elle détourne les yeux, puis l’observe par en-dessous, au travers de ses longs cils, qu’elle le remercie. Lui aussi, des remerciements meurent au bout de ses lèvres, mais il ne les prononce pas, comme si le sujet était encore trop frais pour lui. Il prendra le temps, un jour. A la place, ils parlent de ce petit déjeuner qui a l’air de rien, mais qui signifie aussi beaucoup. C’est marrant, quand même.

—La première ? Wow, je suis honoré en effet.

Et il continue à la troller, à la place, quand elle s’agace au sujet du thé et qu’il lui attrape l’index… Ah, elle rougit, c’est mignon. Il rougit aussi mais éclate de rire et la relâche pour mettre sa main devant sa bouche en riant.

—"Un mec trop bien pour être un Feu" ? Cette opinion que tu as de nous, je suis terriblement blessé. Comme si les Feux étaient tous pénibles… (Et elle lui tapote sur le torse de son doigt, il appuie sa joue contre sa main, coude sur la table, sourire moqueur aux lèvres, et l’observe faire sans se dérober.) Bien sûr que je suis un sale Feu super chiant… Tu t’es menti à toi même, il semblerait ; est-ce que c’est ça, ton côté Air un peu rêveur ?

Il sourit encore et attrape sa tasse de lait au thé pour faire mine de trinquer en l’air avec elle et reprend une gorgée.

—Tu devrais goûter un de nos thés, une fois. Préparé à la japonaise. C’est beaucoup plus amer par contre, je ne sais pas si ce sera ton truc vu tout le sucre que vous mettez dedans…

Il cherche vraiment la merde là en fait.

On continue d'échanger des plaisanteries, de se taquiner un peu - c'est agréable, presque naturel. Et ça m'évite surtout de penser à tout le reste, à la bizarrerie de cette situation... Je hausse un sourcil alors que Misao m'avoue plus ou moins ne pas tenir très bien l'alcool ; et du coup, j'ai encore plus envie de le voir rentrer en rampant ! Je réponds avec un léger sourire amusé.

"Ah, je ne suis pas plus étonnée que ça en fait, ça doit être en lien avec vos petits intestins fragiles, ahah ! Et puis bon, tu dis ça, mais en Angleterre c'est quand même un peu un sport national, le lever de coude... Au même titre que le foot !"

J'évite de dire qu'en vérité, c'est quelques années après mon arrivée à Terrae que j'ai commencé à boire beaucoup trop. Enfin, beaucoup trop - seulement pendant une certaine période, j'ai quand même appris à consommer plus raisonnablement par après. C'est juste que, je suis du genre tout ou rien ; quand je sors, je ne le fais pas à moitié, sinon je reste chez moi hein ! En ce moment, je ne sors plus du tout, mais avant la mission il n'était pas rare que je finisse complètement bourrée - mais au moins, je n'ai pas l'alcool triste, ni violent. Je suis juste beaucoup plus sociable, je rigole comme une folle... Et je deviens très câline aussi. Mh. Cela dit, je n'ai pas eu besoin de boire pour me coller contre lui et dormir dans ses bras la nuit dernière, hein... Je rougis légèrement en débarrassant le bol de Misao et le mien, à présent vides, que je vais poser dans l'évier. Je reviens m'asseoir à table en haussant légèrement une épaule à la réflexion du brun.

"Ben oui ! J'ai jamais vraiment eu personne pour qui préparer le petit dej... Mais c'est plus sympa de manger à deux que toute seule en tout cas !"

Je me garde bien de souligner que les personnes qui passent la nuit ici ne restent pas assez longtemps pour manger avec moi le matin. Déjà que c'est assez rare qu'ils/elles restent dormir tout court, en fait... Enfin, ça aussi c'était avant - je n'invite plus personne dans mon lit maintenant. Sauf lui, visiblement... Mais je n'ai même pas le temps de rougir à cette pensée, qu'il recommence à me taquiner. Il est quand même moins sérieux que je ne le pensais au départ, en fait ! Ou alors, vraiment, il a décidé de les enchaîner pour me remonter le moral, je ne sais pas. Je tourne la tête sur le côté d'un air dédaigneux à sa remarque, nez légèrement vers le haut, tout en retirant mon doigt de son torse.

"Evidemment que j'ai une mauvaise opinion des Feux, j'vous connais hein ! Surtout les mecs d'ailleurs, tu appartiens vraiment au fond du panier, mon pauvre ! Et sache que je ne suis pas du tout rêveuse, d'abord ! Juste distraite. Voilà, c'est ça, je me suis laissé distraire..."

J'ai failli dire "par ton charme", mais je me mords la langue pour ne pas finir ma phrase. Je ne voudrais pas voir ses chevilles enfler encore plus qu'elles ne le sont déjà, non mais ! Et puis bon, mh, il est possible que ce ne soit pas entièrement faux non plus, mais ce genre de réflexion risque de nous emmener vers un terrain glissant. Et je ne voudrais pas ramener le malaise de tout à l'heure... Par contre lui, il n'a pas l'air d'avoir peur d'abuser sur les petites piques à propos du thé, là ! Je me renfrogne en croisant les bras sur ma poitrine alors qu'il fait mine de trinquer dans le vide. Oui, JE BOUDE A MORT OK.

"J'espère que t'as bien apprécié le petit dej, parce que PLUS JAMAIS je t'invite en fait ! Tant d'ingratitude, vraiment, j'attendais mieux de la politesse nipponne !"

Je dis ça, mais en vérité, je crois que j'ai rarement autant apprécié un petit déjeuner. Et je sens mon estomac se serrer un peu à l'idée qu'il parte bientôt - enfin, j'imagine, il ne va pas rester là éternellement non plus.

—Intestins fragiles, pff… (Il rit.) C’est génétique en fait, notre foie ne l’élimine pas aussi bien que chez les autres. C’est parce qu’on a une enzyme qui fonctionne mal. Donc c’est notre foie qui est fragile, pas les intestins, lui explique-t-il avec un sourire, haussant un sourcil moqueur. Je sais pas si ça doit être une fierté, tu sais ? Tiens… tu joues du foot, d’ailleurs, ou c’est juste histoire de dire ?

Lui n’a jamais vraiment apprécié ce sport, c’est davantage le basket ou le baseball qui sont chers à son coeur. Des sports qu’il fait depuis petit, et surtout, pour le baseball, qu’il a pratiqué en championnat. Ahh, le lycée et la fac… Si Pandora l’avait vu à ce moment-là, il n’y aurait bien eu aucun doute sur son affinité Feu. Joli coeur et grande gueule, pas vraiment du genre à embobiner les filles, mais il ne se privait pas, quoi. Et puis, casse-cou, bruyant, enthousiaste, blagueur. Enfin, gentiment, ça n’était jamais trop aux dépens des autres. Parfois, cette partie de lui… lui manque un peu. Il se sait devenu plus intolérant aux relations ces dernières années, mais la stigmatisation et la mise à l’écart n’avaient pas trop aidé. Enfin, au moins, ses proches savent aujourd’hui que lorsqu’il est enthousiaste ou semble heureux, ce n’est pas feint. La vieillesse apporte de la sagesse, disait-il tout à l’heure.

Les voilà qui finissent leur porridge — c’est que ça se mange bien, et Pandora ne lui en a pas trop mis dans le bol non plus, elle a été sympa. Pandora attrape les bols pour les débarrasser et revient bien vite.

—Content de t’avoir faire découvrir le bonheur de se lever avec le soleil pour manger un petit déjeuner… euh… équilibré, j’imagine, sourit-il en coin. Par contre, t’as jamais fait de petit dej avec tes potes ? Ou des brunchs ?

Ce n’est pas tellement l’information qu’elle n’a jamais eu de personne suffisamment proche… ou avec qui elle est restée dormir quoi, pour faire un petit déjeuner ensemble, c’est le fait qu’elle n’ait même pas fait de petit dej avec ses amis, ici. Ca c’est dur. Mais il est doublement heureux de cette fin de soirée, du coup. Enfin, début de journée. Dénouement ? Roh.

Et là elle fait sa princesse vexée ; Misao continue à la regarder, joue appuyée sur la main.

—Tu nous connais bien, ou tu connais bien les mecs qui sont des caricatures des Feux ? s’amuse-t-il. Par quoi est-ce que tu t’es laissée laissée distraire ?

Ouais, là il joue carrément au con, mais c’est tentant, et c’est aussi très rigolo de voir ses réactions, tantôt vexées, tantôt gênées… Et là, sa langue a fourché, il l’a bien vu, bien entendu : il va pas laisser passer une si belle occasion. Il se redresse et se lève, commence à rassembler les couverts et sa tasse qu’il a à présent vidée.

—C’est dommage, je croyais que c’était vraiment sympa de manger à deux et qu’il fallait qu’on se refasse ça ? Oh, tu as envie que je t’invite la prochaine fois, c’est ça ? Pardonnez-moi milady, je ne voulais pas vous blesser en dénigrant ainsi le breuvage de votre peuple.

Il termine de débarrasser et entame la vaisselle dans la petite kitchenette, comme toujours un peu obligé de se pencher.

—Qu’est-ce que tu as prévu de faire, aujourd’hui ? Tu bosses ?

La question est un peu plus pragmatique.

Je cligne plusieurs fois des yeux à l'explication soudain très scientifique de Misao, avant de sourire d'un air amusé.

"Ah je vois, chassez le naturel et il revient au galop ! Quelle encyclopédie, tu dois avoir plein de fun facts en réserve en fait ! Et non, j'ai jamais joué au foot, je vois pas trop l'intérêt de courir après une balle... Puis j'suis plutôt team sports en solo que sports d'équipe."

Parce qu'en grandissant, je n'avais absolument aucun pote avec qui faire du sport, à vrai dire. Et de toute façon, je m'intéressais bien plus à la musique - ce qui est toujours le cas aujourd'hui, d'ailleurs. Une bonne séance à la batterie, ça brûle au moins autant de calories qu'un footing !

Une fois notre porridge terminé, je débarrasse les bols avant de revenir m'asseoir à table. Misao a l'air un peu étonné que je n'aie jamais invité personne pour le petit déjeuner - et pas seulement des prétendants potentiels, mais mes potes non plus. L'idée d'inviter Allen pour un porridge matinal me fait doucement sourire - je suis sûre qu'il ne voudrait même pas y toucher, ahah !

"Euh, non. J'suis pas très matinale, en général c'est un peu le rush quand j'me lève... On fait plutôt des soirées pizzas, ce genre de choses ! Enfin, j'vais encore bien manger avec Allen quand on commence à bosser à la même heure le matin, mais c'est à la cafet' quoi, pas ici."

Je devrais dire "j'allais" plutôt que "je vais", mais bon. Et voilà que le Feu recommence à... Faire son Feu, hein, il n'y a pas de meilleure expression pour définir ses taquineries incessantes. Avec son petit sourire moqueur là, la tête sur sa main, l'image du parfait emmerdeur qui est fier d'être pénible - mais je plaide coupable, j'aime bien, un peu. Je prends un air faussement pincé pour lui répondre.

"Ah parce que t'es pas une caricature des Feux, toi, peut-être ? Enfin, c'est vrai que les autres Feux qui sont passés dans mon lit, c'était pas juste pour dormir hein !"

C'est sorti tout seul - et trop vite. Hahaha. Ha. Je sens mon visage chauffer alors que je m'empourpre en me mordant la lèvre inférieure, détournant le regard. Je marmonne un peu d'un air mi-gêné, mi-boudeur.

"Non mais, c'est pas ce que j'ai voulu dire. Enfin. Si mais... Oh, vas-y, t'es tellement chiant c'est abusééé !!! Et j'me suis juste laissé distraire par TES CHEVILLES qui sont tellement enflées que je sais même pas comment t'arrives encore à marcher avec !"

Je m'agite un peu sur ma chaise, avant de me pencher en avant pour lui donner un coup dans l'épaule. Bon en vrai, là c'est juste de ma faute, je me suis enfoncée toute seule - mais c'est super gênant, pourquoi j'dis des trucs pareils tout haut ! Il me provoque et j'arrive pas à me contenir, c'est insupportable ! Je boude encore à moitié, les bras croisés sur ma poitrine, quand il se lève pour... Faire ma vaisselle. Oui, oui. Normal. Du coup, je me détends un peu en l'observant faire.

"Alors, déjà ; oui. Maintenant, c'est à ton tour de me faire découvrir un petit déjeuner japonais ! Et puis, comme tu fais ma vaisselle, je daignerai peut-être considérer la possibilité de te ré-inviter... Peut-être. T'es maniaque ou juste super bien élevé, en fait ?"

Je suis vraiment curieuse ; entre ça et le fait qu'il ait refait mon lit (deux fois), je me demande un peu quand même. Je me lève ensuite pour me mettre à côté de lui et essuyer ce qu'il vient de nettoyer, haussant une épaule en répondant à sa question.

"Non, j'ai pas encore repris le boulot... J'vais essayer de passer à la librairie si j'ai la foi, je dois m'acheter des trucs, les cours vont bientôt reprendre et j'suis pas du tout prête là... Et toi ?"

Il est... Aucune idée en fait, bien midi à mon avis. J'espère qu'il n'était pas sensé bosser ce matin, je ne m'étais même pas posé la question jusqu'à maintenant.

Etonnamment, la remarque de Pandora, loin de le vexer, lui donne encore plus envie de la bassiner avec des “fun facts” scientifiques, comme elle les appelle. Mais il lui laisse ce temps de répit, il est un peu trop tôt (vraiment ?) même pour lui.

—Ah oui ? C’est marrant tiens… Tu as l’air hyper sociable, mais en fait je constate de plus en plus que c’est une façade, rit-il.

Contrairement à lui, qui apprécie d’autant plus l’émulation d’un bon match en équipe. Sans doute des restes de sa période très sociable — oui oui. Même s’il n’a jamais été super extraverti, il a toujours été très à l’aise dans le contact. C’est marrant, parce que même là-dedans, ils se ressemblent un peu. Ou, plutôt, s’opposent.

Il se pose un instant, pensif, en l’imaginant tirer dans une balle de baseball avec une batte… et, se rappelant qu’elle est Air, une idée lui vient. Mais en fait, les Airs sont les meilleurs partenaires de jeu pour ce sport ! Pas besoin d’aller courir après la balle à chaque fois, le bonheur. Il contient le sourire qui lui monte aux lèvres, et, en même temps, son envie de monter des plans sur la comète. Il faut qu’il arrête, il ne fera qu’être déçu, après tout ça, quand il se rendra compte que… que quoi, qu’ils vont de nouveau passer des semaines à s’éviter et s’ignorer ?

Misao hausse un sourcil goguenard lorsque Pandora reprend. Pas très matinale, hein ? Bon, il n’est pas vraiment mieux, faut voir l’heure à laquelle il se lève. C’est pas de sa faute s’il évite l’accès au labo quand il y a cours — et il y a presque toujours cours, en journée. (Il est quand même parfois obligé de s’enfermer dedans avec des boules quies quand les gamins gueulent dans la salle de sciences, par contre.) Enfin, tout ça pour dire qu’il acquiesce tranquillement, n’ayant pas grand-chose à ajouter sur le sujet du petit dej de champion. Et de son manque de relations sociales, faut croire. Est-ce que Misao aurait plus d’amis que Pandora, en fait ??

Un peu de taquinerie supplémentaire, et Pandora perd complètement pied : Misao ouvre grands les yeux et éclate finalement de rire à la vision de son visage embarrassé et… limite mortifié par ce qu’elle vient de dire. Compréhensible. Très compréhensible.

—Visiblement, je suis moins une caricature de Feux que ceux que tu ramenais chez toi, dans ce cas, continue-t-il à rire… clairement, il est à deux doigts de s’étouffer. Non mais t’inquiète pas, je comprends ce que t’as voulu dire, je rajouterai rien…

Elle s’est suffisamment humiliée toute seule la pauvre, il va lui laisser un peu de paix ; c’est le bon moment pour fuir vers le lavabo hein ? Le mouvement habituel et le contact de l’eau lui permet de se concentrer sur autre chose que le visage écarlate de la Sonore, qui continue à bouder dans son coin, pendant qu’il peine à contenir un petit rire silencieux. Il acquiesce à sa demande, non, à son ordre de la réinviter pour un petit dej japonais. Où il lui servira du vrai thé, tout ça.

—Je suis maniaque, répond-il du tac-au-tac mais avec légèreté, décidant d’être honnête. J’avais de gros TOCs avant, mais ça va mieux. Maintenant je suis juste chiant sur la propreté et le rangement, mais ça me détend aussi. Enfin, tu peux penser que je suis super bien élevé si tu veux, mais est-ce que ça colle à la caricature du Feu que tu m’as dépeinte tout à l’heure ? se moque-t-il, tournant la tête vers elle alors qu’elle se rapproche pour l’aider à tout essuyer.

Et donc… elle n’a pas encore repris. Oh, donc le retour a été difficile à ce point. Evidemment, tout le monde réagit différemment à un retour de mission, surtout aussi violente… et si une part de lui se dit qu’il n’aurait pas aimé se couper entièrement de son boulot, au fond, il ne peut pas la juger. Quand on n’arrive pas à tenir une conversation, difficile de se remettre à flots.

—Je comprends, ça paraît une bonne idée. Il te reste combien d’années à faire ? l’interroge-t-il subitement, intéressé, avant de reprendre en lorgnant vers la montre à son poignet — qu’il n’avait pas quittée de la nuit, comme souvent lorsqu’il s’endort n’importe comment. Je pense que je vais rentrer me changer et aller au labo, j’ai espoir de pouvoir imprimer quelques feuilles avant que les cours ne recommencent… comme ça je serai tranquille à la maison pour les relire.

Ils sont dans la phase d’établissement de leur premier antidote contre le serum anti-pouvoirs, il leur reste encore beaucoup à faire ; d’autant que le mariage d’Elwynn et Jérémy aura lieu bientôt, la semaine de congés qu’il a prise — la première depuis longtemps, se rend-il compte — va bien ralentir la production. Il aimerait pouvoir synthétiser les premières doses dès son retour, et aimerait pouvoir passer en revue ces données avant de partir pour ne pas s’interrompre en plein milieu.

La vaisselle terminée, Misao attrape une serviette pour s’essuyer les mains et glisse un oeil vers Pandora.

—Ca te dérange si je t’emprunte ta salle de bain le temps de me rechanger ?

Il se voit mal sortir en pyjama trop serré de la chambre de Pandora, ça ferait désordre.

Je hausse un sourcil - même les deux, en fait - à la remarque de Misao.

"Hyper sociable ?! Alors là, je ne sais pas où tu as été chercher ça, mais c'est clairement pas trop le cas hein ! Enfin, c'est vrai que je ne suis pas spécialement du genre timide, j'suis assez à l'aise de parler avec des gens que je ne connais pas, mais... J'ai pas tellement d'amis proches, tu sais. Je passe beaucoup de mon temps toute seule, au final, et ça me va plutôt bien comme ça..."

De manière générale, même s'il est vrai que j'apprécie passer du temps avec mes potes, sortir boire un verre et faire la fête ou prendre part à des activités de groupe, je le fais avec parcimonie - deux ou trois fois par semaine, maximum. Je me complais davantage dans la solitude (quand elle est choisie) ; jouer de la musique, lire au calme, ou même juste pouvoir me perdre dans mes pensées pendant des heures... En réalité, il y a très peu de personnes que j'arriverais à supporter à forte dose - et c'est sans doute pour ça que j'ai si peu d'amis vraiment proches, au final. C'est assez difficile de trouver des personnes avec qui être suffisamment à l'aise pour passer des heures côte à côte en échangeant à peine quelques mots ; avec qui réussir à être seul tout en étant à deux. C'est tout un art, il ne faut pas croire !

Nous continuons ensuite de discuter pendant un moment - ou devrais-je dire, de nous taquiner - jusqu'à ce que ça dérape. Enfin, "ça", c'est juste moi qui dérape toute seule là, en fait. Je deviens rouge comme une pivoine alors que le nippon écarquille les yeux, avant de SE FOUTRE DE MA GUEULE d'une telle force qu'il est à la limite de s'étouffer - et j'ai d'ailleurs bien envie de l'étrangler pour achever le travail ! Enfin, non, après avoir lâché une énormité pareille, je vais surtout bien garder mes distances et ne pas approcher mes mains à moins d'un mètre de lui, hein ! Il a au moins la grâce de ne pas surenchérir et se contente de se fendre la poire alors que je boude un peu (bon, je suis surtout hyper gênée, hein...). Je marmonne un peu alors qu'il se lève, toujours rouge et sans oser le regarder.

"Oui ben, t'es peut-être un faux Feu mais t'es quand même hyper relou !"

Ouais, désolée, je n'ai plus de répartie en réserve là. Et le pire, c'est que je n'avais jamais réalisé à quel point j'aime bien qu'on me fasse chier, en fait... Mais ça, bien sûr, je ne le dis pas ; je me contente de l'observer du coin de l'oeil alors qu'il se met à la vaisselle, avant de finalement le rejoindre pour essuyer ce qui est propre. Le brun m'avoue assez simplement être maniaque - et vu les petites manies que j'ai remarquées chez lui hier soir et ce matin, cet aveu ne me surprend pas vraiment. Apparemment, c'était un réel problème pour lui à une certaine époque, aussi je ne me permets pas de le railler trop sur le sujet.

"Chiant, chiant... C'est vite dit. Si tu décides subitement de faire le ménage dans ma chambre, je ne t'en voudrai pas trop, promis !"

Je lui envoie un sourire amusé à cette remarque - en vrai, c'est propre chez moi hein, je déteste les poils de chat qui s'accumulent partout donc j'aspire quasiment tous les jours... Et ça a l'air assez bien rangé aussi d'ailleurs - mais juste l'air, il suffit d'ouvrir une armoire ou un tiroir pour découvrir le pot-aux-roses... Il n'y a bien que mes partitions de musique et tout ce qui touche à mes cours, qui est organisé convenablement ! Et en parlant de cours, d'ailleurs, c'est le sujet que Misao décide d'aborder ensuite.

"J'ai repris la fac seulement l'année dernière, il m'a fallu un bon moment pour me décider et me lancer... C'est un cursus en quatre ans, ingénieur du son, du coup il m'en reste encore trois là. Mais quel homme dévoué, t'as déjà travaillé jusqu'à pas d'heure hier !! Il faut se reposer hein parfois..."

Enfin, j'imagine qu'il sortait du laboratoire quand on s'est croisé, hier soir - je ne vois pas trop ce qu'il ferait d'autre dans le couloir des salles de classe, seul au milieu de la nuit, sinon. La vaisselle terminée, le nippon me demande pour utiliser la salle de bain, histoire de se changer ; je retiens une énième remarque narquoise - je me suis déjà suffisamment enfoncée pour aujourd'hui, je crois - et hoche simplement la tête.

"Oui vas-y, fais comme chez toi !"

Je le regarde récupérer ses vêtements sur le canapé et rejoindre la salle d'eau, je me rassieds à table et... Attends, simplement. Pour être honnête, sa présence m'a fait énormément de bien et m'a complètement changé les idées, mais une fois seule... Je ne sais juste pas trop quoi faire de moi-même, de nouveau.