—C’est surprenant, mais je comprends, sourit-il en coin. C’est l’impression que tu donnes quand tu communiques avec les gens, en fait. Ou alors c’est juste avec moi, je sais pas vraiment. Mais effectivement, c’est une question que je me posais. Tu n’avais pas trop évoqué de proches la dernière fois non plus.

Il regrette presque d’avoir dit la chose comme ça, et espère qu’elle ne se vexera pas davantage. Mais bon, elle a autre chose sur laquelle se concentrer actuellement, à savoir l’énormité qu’elle lui a sorti et l’éclat de rire qui s’en est suivi. Pouah, ça fait du bien de se marrer comme ça… Il en aurait presque mal au ventre. Quand il va faire la vaisselle, il dit juste sur un ton taquin :

—C’est ce que tu dis pour te rassurer.

La pauvre, la gêne doit être atroce pour qu’elle n’arrive plus à l’envoyer bouler correctement. S’il y a bien une chose qu’il a comprise sur elle, c’est qu’elle a toujours une phrase bien taquine ou acérée en réserve pour chaque connerie qu’il dira. On pourra dire que son âme de faux-Feu casse-couille est pleinement repue, à présent. Quand elle remet en cause sa capacité à être l’homme le plus pénible de la terre en situation de rangement, il ricane :

—Ca se voit qu’on ne vit pas ou ne bosse pas ensemble, crois-moi.

Mais bon, il va pas en ajouter plus, il va pas la convaincre qu’il est juste un homme pénible, hein, c’est pas son objectif parce qu’il a envie de la revoir.

—Oh, seulement l’an dernier ? Ca va être un peu long effectivement… C’est à distance, ou tu vas à Todai ? Tu comptes te proposer pour l’événementiel, à Terrae ? Ils cherchent peut-être quelqu’un d’autre que Kiyo avec qui bosser la mise en place du son.

Enfin, à bien y réfléchir, il se demande si c’est une branche qui aurait vraiment un public ici. Mais peut-être qu’elle pourra trouver des clients dans Tokyo et faire le déplacement, qui sait. D’autant qu’elle peut sans doute voler, alors elle n’aura pas besoin de prendre les transports en commun ou finir dans les bouchons de la ville immense… Il s’écarte du lavabo après s’être essuyé les mains et reprend l’éponge pour nettoyer la table pendant qu’ils parlent.

—Ah et… ouais, t’inquiète pas. Je veux juste imprimer deux-trois trucs pour pouvoir bosser depuis chez moi cette après-midi, j’ai pas envie de me taper les cris des élèves en salle de science. Le labo n’est pas super bien insonorisé, et j’ai vraiment besoin d’avancer avant mes congés.

Ce faisant, satisfait, il peut rincer l’éponge et s’essuyer une seconde fois les mains. Il a dit qu’il était maniaque, d’accord. Il se tourne vers Pandora pour la remercier d’un signe de tête et lui sourire, puis attrape ses fringues pour se changer, boutonnant tranquillement la chemise. Après quelques minutes, il en ressort avec les vêtements de son hôte, savamment pliés sur sa main.

—Merci encore pour l’accueil… (AH LE RETOUR DU MALAISE. Il semble un peu gêné.) Je te ramène tes vêtements d’ici demain je pense, je ferai une machine dans l’après-midi je pense.

Maintenant on se dit au revoir, c’est ça ?

L’impression que je donne, mmh ? A vrai dire, il n’est pas la première personne à me dire ça, maintenant que j’y pense - et c’est vrai que j’ai le contact facile, même si je ne cherche pas spécialement à l’initier, la plupart du temps. Peut-être que j’aurais pu être sociable, dans une autre vie, si la perte de ma mère ne m’avait pas transformée en huître solidement fermée. Une décennie de solitude, ça laisse des traces, forge des habitudes. Je hausse une épaule, répondant avec un léger sourire

"En fait, j’étais extrêmement renfermée à l’adolescence, c’est à Terrae que j’ai vraiment appris à me sociabiliser… Il faut croire que je donne bien le change, eh ! Mais c’est surtout une façade, j’ai aucun souci à discuter, blaguer et tout ça ; mais j’parle très peu de choses privées, tu vois. En matière de proches, je privilégie totalement la qualité à la quantité !"

J’apprécie beaucoup de gens, mais de vrais amis… J’dois en avoir maximum 2 ou 3, je crois. La discussion dérape ensuite, je me couvre de ridicule de la façon la plus gênante possible - pour le plus grand plaisir de Misao, visiblement, qui se marre comme une baleine, cet espèce d'enfoiré ! Enfin, un enfoiré qui fait ma vaisselle quand même, donc je le pardonne, allez, je suis magnanime.

Je hausse un sourcil alors qu’il réitère qu’il est vraiment pénible et maniaque comme collègue… Et comme colocataire. Ou conjoint, peut-être ; est-ce que c’est une des raisons de sa séparation avec son ex ? Mh, curiosité mal placée. Je n’ajoute rien, décide plutôt d’embrayer sur le sujet des études, un léger sourire aux lèvres.

"Les deux ; le cursus est en partenariat avec une fac américaine, du coup y’a des cours à Tokyo et d’autres en distanciel… C’est plutôt pratique pour arranger mon emploi du temps ! Puis c’était la seule option pour avoir les cours en anglais, donc bon... Et je t’avoue que j’ai choisi cette branche purement par passion et pour mes projets personnels ; je sais bien que les chances de trouver un travail dans le milieu à Terrae sont assez faibles. Enfin, je verrai bien d’ici là, je pourrai éventuellement en discuter avec Kiyo, effectivement. J’bosse déjà beaucoup avec lui, en fait, on co-préside plus ou moins le club de musique tous les deux."

Et plus si affinités, mais clairement il n’y a pas besoin de mentionner cette dernière partie à haute voix, hein ! Et de toute façon, je ne l’ai pas vu depuis un moment maintenant, vu que j’ai délaissé mes fonctions au club de musique autant que toutes les autres… Je devrais vraiment y retourner, d'ailleurs. La vaisselle à présent terminée, le nippon nettoie la table avant de me demander d’utiliser ma salle de bain pour se changer ; d’un coup, je sens ma gorge se serrer un peu, un sentiment de tristesse et de malaise reprend lentement mais sûrement sa place au creux de ma poitrine. Il a chassé tout ça ces dernières heures, et je devrais être reconnaissante pour ce doux répit… Mais maintenant qu’on y est, je n’ai vraiment pas envie qu’il parte, en fait.

"Oh, ne t’ennuie pas avec ça, va !"

Je commente alors qu’il propose de laver le pyjama avec lequel il a dormi, une fois sorti de la salle d’eau. Non, en fait je crois plutôt que je vais le garder précieusement et l’utiliser comme taie d’oreiller pour les prochains jours, hein - histoire de me donner l’illusion que je ne suis pas seule. Ça fonctionnera peut-être pour éloigner les cauchemars, qui sait. Je m’approche du brun et lui retire doucement les vêtements soigneusement pliés des mains. Puis je me laisse aller contre son torse, posant ma tête juste sous son menton en enroulant mes bras autour de sa taille. Je ne sais pas trop ce qui me prend, le geste est presque naturel, spontané ; je n’y réfléchis pas trop, je crois que j’ai juste besoin de sentir sa chaleur, son odeur, sa présence réconfortante une dernière fois - une petite dose de courage pour la suite, avant de me retrouver à nouveau seule avec mes démons.

"Merci… Et, à la prochaine, hein…"

Je murmure contre sa chemise, puis me détache de lui doucement, la tête baissée, avant de me retourner pour aller déposer le pyjama sur mon lit. C’est juste une excuse pour lui tourner le dos, fuir son regard - j’ai les larmes aux yeux, de nouveau. Et je n’ai vraiment pas envie de voir cette fichue porte se refermer sur lui, c’est juste plus facile comme ça.

Misao acquiesce alors que Pandora s’ouvre davantage sur son adolescence. Il comprend un peu mieux pourquoi elle se définit de cette manière — renfermée, solitaire, etc. Alors il sourit tranquillement, un peu touché qu’elle n’hésite pas à être honnête avec lui.

—Je comprends mieux.

Fast forward après la vaisselle ; Pandora explicite davantage son cursus scolaire, et Misao l’écoute à nouveau avec attention, acquiesçant de temps à autres. Effectivement, c’est plutôt pratique de pouvoir faire quelques cours sur place, ça évite de décrocher complètement. Si Misao avait dû gérer tous ses cours en distanciel, il n’aurait probablement pas réussi à s’investir comme il l’aurait souhaité ; à l’époque, il n’était pas aussi sérieux qu’aujourd’hui dans son travail et papillonnait parfois un peu trop lorsqu’il n’avait pas de cadre. Heureusement, il a acquis de bonnes habitudes. Son caractère rigide a un peu aidé aussi, il était invraisemblable pour lui de ne pas avoir son année ou d’abandonner en cours de route. (Peut-être qu’il n’était pas seulement rigide, mais aussi borné comme un cochon.)

—C’est une bonne idée ! Et je comprends, c’est important d’être passionné. Tu pourras sans doute proposer tes services en dehors de Terrae, j’imagine, sourit-il pour la rassurer. À Tokyo, ce n’est certainement pas ce qu’il manque, mais il faudra peut-être prendre des cours de japonais en prime.

Il dit cette phrase sur un ton gentiment moqueur. Il ne sait pas à quel point Pandora parle japonais, mais les nippons (hors de Terrae surtout) peuvent se montrer assez distants avec les occidentaux, particulièrement ceux qui ne font pas l’effort de parler leur langue. Tous ne parlent pas anglais, ou alors dans les services qui sont en lien avec l’international.

Une fois ressorti de la salle de bain… eh bien, tout le malaise qui s’était effacé revient au galop, mais accompagné d’autres émotions un peu plus étranges. Quelque chose comprime sa gorge et sa poitrine, un semblant de tristesse qu’il ne comprend pas encore vraiment. Ou ne souhaite pas comprendre, pas maintenant. Quand elle lui enlève les vêtements des mains, il est un peu perdu et insiste un peu, mais s’avoue finalement vaincu.

—Tu es sûre ? Ca ne me dérange pas, je vais faire une machine tout à l’heure, essaie-t-il de prononcer avec assurance… ce qui ne marche vraiment pas.

S’il a l’air si déçu, c’est qu’il espérait utiliser les vêtements comme excuse pour repasser voir Pandora dans les jours qui viennent et checker son état. Mais s’il était pas con il capterait qu’il a pas besoin d’excuses hein.

Mais bon, pas trop le temps de protester davantage ; elle s’est rapprochée et… l’enlace. Son souffle se bloque dans sa poitrine, il est éberlué une seconde, les oreilles et les joues brûlantes, mais il finit par poser son menton sur la tête de cette grande femme qui tient pourtant pile dans ses bras, qu’il referme un instant, maladroitement, autour d’elle. Si un télépathe passe dans le coin, il n’y a probablement plus qu’un écran error 404 dans son cerveau.

—Si… enfin, si ça ne va pas. Tu peux venir toquer chez moi.

Il est gêné, il sait plus quoi dire, c’est bon.

Et puis elle glisse entre ses bras, comme un courant d’air qui s’échappe par l’embrasure d’une porte, et se rapproche du lit pour déposer le pyjama… Il l’observe un instant, indécis… N’arrive pas à trouver une excuse de plus pour traîner plus longtemps, alors il s’approche de la porte pour l’ouvrir.

—J’ai passé un bon moment, merci à toi.

Et il sort, voit qu’elle ne se retourne pas, et referme la porte. Il reste comme un teubé avec la poignée dans la main, avant de partir vers sa chambre pour une vraie douche et se changer, en train d’essayer de process tout ce qu’il vient de se passer.
(Et le fait qu'il ait encore oublié de lui laisser son numéro de portable, mais qu'il ose pas faire demi tour parce que c'est vraiment un faux Feu.)

Alors qu'on discute de mes cours et des perspectives d'avenir qu'ils pourraient m'ouvrir, Misao souligne que je ne devrais pas avoir de mal à trouver du boulot sur Tokyo - pour peu que je me débrouille avec la langue japonaise. Alors, comment dire... Après 6 ans passés ici, je ne baragouine toujours que quelques mots basiques ; c'est que je n'ai jamais eu besoin de plus, avec la puce traductrice... Mais il a raison, je devrais peut-être investir un peu de temps là-dedans, au cas où.

"Mmh, effectivement ça pourrait être utile d'apprendre le japonais... J'y penserai, quand les cours auront repris."

J'imagine qu'ils ont des cours pour les étudiants étrangers auxquels je pourrais m'inscrire ? Ou sinon voir directement à Terrae, il y a pas mal de polyglottes ici après tout. Le brun s'éclipse ensuite quelques instants pour se changer ; et moi je reste là, ne sachant pas trop quoi faire de moi-même. C'est bête, mais j'ai l'impression que ma chambre est soudainement très vide, sans lui.

Misao ressort rapidement, proposant au passage de nettoyer son pyjama - enfin, mon pyjama avec lequel il a dormi, plutôt. Mais je refuse doucement, sans lui donner la véritable raison du pourquoi j'ai très envie de les garder, ces vêtements. Ce serait bien trop bizarre de le dire à voix haute ; c'est déjà suffisamment bizarre de le penser, que j'ai juste envie de garder une trace de son odeur près de moi- une trace de lui.

"Oui, je suis sûre, t'embête pas avec ça."

Et puis je l'enlace doucement, sans vraiment y penser. Le nippon semble hésiter quelques instants avant de me rendre mon étreinte, refermant maladroitement ses bras autour de moi tout en posant son menton sur ma tête. C'est confortable, comme ça ; on a vraiment une différence de taille parfaite, en fait. Je hoche la tête contre sa chemise quand il me propose de passer le voir, si ça ne va pas. Je crois qu'on sait tous les deux que je ne le ferai pas, même si la proposition est plus que tentante. Ces dernières heures étaient comme suspendues hors du temps ; et même si je ne regrette rien de ce qui s'est passé, de ce qu'on s'est dit... J'ai conscience qu'on ne pourra pas revivre un autre moment comme celui-ci, ou du moins, ce ne serait pas pareil. C'était juste trop... Tout. Et puis, il est hors de question que je commence à me servir de lui comme béquille émotionnelle.

Je me détache finalement et me détourne du Feu pour cacher mes yeux à nouveau humides ; je dépose le pyjama sur le lit et hoche doucement la tête quand il me remercie à son tour. Puis la porte se referme sur lui, et même si le bruit est doux, j'ai l'impression qu'il résonne dans ma tête à un volume assourdissant. Je suis seule. J'attrape les vêtements que je viens de déposer et enfouis ma tête dedans en laissant couler quelques larmes ; et bizarrement, je me dis que ça va aller. Je peux m'en sortir, je vais m'en sortir. J'essuie mes yeux d'un revers de la main, avant d'aller ouvrir la fenêtre pour laisser rentrer mon chat, s'il est dans les parages. Puis je vais prendre une douche pour me dégourdir un peu ; après tout, il paraît j'ai des courses à faire...