Tori n'insiste pas quand je lui dis que je ne me sens pas encore prête à lui parler, elle réitère simplement qu'elle sera là pour moi si j'en ai besoin. Je lui souris doucement.

"Merci de comprendre. Je sais que je t'en parlerai un jour, mais je préfère juste que ça vienne naturellement..."

Parce qu'un jour ou l'autre, je serai capable d'en parler sans avoir l'impression de me noyer - du moins, je l'espère. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais je sais juste que de voir un proche avoir de la peine pour moi ne ferait qu'accentuer la mienne et rouvrir cette blessure qui a déjà tant de mal à cicatriser.

Une fois nos tasses terminées, mon amie me remercie une fois de plus de l'avoir écoutée, et esquisse un mouvement pour partir... Avant de se raviser. Une légère moue se dessine sur mes lèvres alors qu'elle m'avoue avoir eu un petit accident avec ses nouveaux pouvoirs, des suites de son cauchemar sans doute. Effectivement, une Air qui perd le contrôle fait sans doute pas mal de dégâts...

"Ah mince !! C'est pas très grave, ils ont l'habitude des petits incidents de ce genre, j'suis sûre que tu pourras trouver un Titan pour t'aider à tout remettre en place..."

Mais peut-être pas à cette heure-ci... Je tourne la tête vers mon réveil, c'est encore le milieu de la nuit là ! Mon regard retrouve celui de Tori, et je lui adresse un grand sourire en pointant vers mon lit.

"Tu veux rester dormir ici ? Mon lit est assez grand pour deux, j'prends pas beaucoup de place hihi ! Et je pourrai t'aider à ranger demain si tu veux !!"

En voyant le sourire d'Alyona, mon coeur se serre. Moi aussi je suis tombée dans le panneau de son apparente insouciance, mais j'aurais dû savoir que si elle est ici, c'est qu'elle aussi a vécu quelque chose d'horrible. Et peut importe à quel niveau, je serais prête à l'écouter quand elle se sentira prête elle-même. Je me penche et fais un bref câlin à mon amie. Je ne suis pas douée pour les marques d'affection, mais je veux qu'elle sache que je compatis et que je l'aime peu importe ce qu'elle a pu endurer.

Nous finissons nos tasses tranquillement quand je me rends compte du carnage que j'ai fait dans ma chambre. Quand je lui en fais part, la petite blonde prend ça sans s'énerver. Moi qui m'attendais à ce qu'elle soit choquée ou qu'elle me dispute, je me retrouve désarmée pour accueillir sa proposition. Je lance un regard au lit.

Tu es sûre ? Je bouge beaucoup... Et puis je prends de la place. Je peux dormir par terre, ça ne me dérange pas.

Comme ça si je fais un autre cauchemar, elle ne risque rien. Je n'ai pas envie qu'elle se prenne une tempête dans la tête. Puis je prends vraiment de la place. Elle dormirait sûrement très mal si je dormais près d'elle. Non vraiment ce n'est pas une bonne idée... Je devrais retourner dans ma chambre... Mon ventre se révolte à cette idée et je dois la chasser de ma tête. En fait, je crois que je serais rassurée d'y retourner avec Alyona une fois le matin venu.

Je veux bien un peu d'aide pour ranger demain matin... Enfin, aujourd'hui matin. Ça se dit ? Je soupire. Mais je ne veux pas te déranger, si tu as autre chose de prévu.

Hors de question qu'elle annule ses rendez-vous ou qu'elle bouscule son emploi du temps pour moi ! Peut-être qu'après quelques heures de sommeil, je me sentirais assez bien pour retourner par moi-même à la chambre.

Tori n'ajoute rien, me prend dans ses bras doucement - et ça fait du bien. Son étreinte est courte mais signifie beaucoup tout de même, je comprends qu'elle n'a pas trop l'habitude de ce genre de démonstration d'affection et de réconfort, mais elle le fait quand même, et ça me touche. Parce que moi, les câlins c'est un peu mon deuxième langage hein !!

Une fois que la brune m'a expliqué son petit incident dans sa chambre, je lui propose de rester dormir ici. Mes sourcils se haussent quand elle insiste qu'elle peut dormir par terre, parce qu'elle prend de la place.

"Mais non, j'vais pas te laisser dormir sur le sol quand même !! Ca me dérange pas du tout, c'est un lit Queen size y'a assez de place pour deux !! Mon ex était encore plus grand que toi et ça n'a jamais posé de souci !"

Et en plus, il ronflait ! Alors vraiment, ça ne me dérange pas du tout de partager - de toute façon je dors en petite boule, donc je ne prends pas de place du tout dans ce grand lit. Je hoche ensuite doucement la tête avec un sourire.

"D'accord, on s'attèlera à ça demain alors ! Et t'inquiète pas pour ça, je n'avais rien de prévu de toute façon !"

Bon, c'est pas tout à fait vrai, mais rien d'important donc je pourrai décaler sans souci ! Je me lève ensuite du fauteuil et tends la main vers mon amie.

"On va se coucher du coup ? Histoire qu'on ait quand même quelques heures de sommeil avant de devoir se relever hihi !"

Je crois que mon câlin, aussi bref qu'il ait été, a fait du bien à mon amie. Elle me semble plus détendue et plus proche de son habituelle bonne humeur. Un peu rassurée, je finis donc mon lait tiède et propose à Alyona de dormir par terre. J'ai peur de l'empêcher de dormir, et je m'en voudrais... Mais elle insiste, et j'apprends au passage qu'elle a été dans une relation. Je baisse les bras, encore trop bouleversée pour protester.

Bon d'accord... Mais si je t'empêche de dormir, tu me vires du lit ok ?

J'ai dis ça sur le ton de la plaisanterie mais en vrai, je suis sérieuse. Je préfère qu'elle dorme. Moi j'ai l'habitude des insomnies. Une vague de soulagement me traverse quand je comprends qu'elle sera à mes côtés pour retourner dans ma chambre plus tard dans la matinée et je lui offre un sourire reconnaissant. Quand elle se lève et me tend la main, je la prends et la suis jusqu'au lit. Je la laisse s'installer puis me glisse à mon tour sous les draps.

Bonne nuit, Alyo. Chuchoté-je.

La présence d'Alyona agit comme un calmant et je m'endors sans même m'en rendre compte.


Quand j'ouvre à nouveau les yeux, un rayon de soleil passe dans la chambre et j'entends quelques oiseaux. J'ai l'impression que ces quelques heures de sommeil m'ont plus reposée que toutes les nuits que j'ai passé ici depuis mon arrivée. Quelque chose bouge sous mon bras, et je me rends compte que j'ai serrée Alyona contre moi comme une peluche. Mon état de sérénité vole en éclat et je la lâche le plus doucement possible pour ne pas la réveiller. C'est sûr cette fois, je l'ai empêchée de dormir ! Les événements de la nuit me reviennent en tête aussi, mais au lieu de me mettre un coup au moral, j'ai un élan d'affection pour la petite blonde roulée en boule dans le lit. Alors je me lève le plus discrètement possible, et quitte la chambre sur la pointe des pieds. Je suis toujours en short-débardeur et pieds nus mais tant pis ! Je suis bien décidée à lui rapporter le petit déjeuner.

Après une excursion au rez de chaussée, je reviens avec deux petites bouteilles de jus d'orange, des croissants et des pains au chocolat tout chauds. J'ouvre la porte de la chambre, qui grince légèrement, et passe la tête par l'entrebâillement pour ne pas faire peur à mon amie si elle s'est réveillée entre temps.

Une fois que Tori a abandonné l'idée (ridicule !!!) de dormir sur le sol, on se met au lit - moi à ma place habituelle, près du mur, et elle de l'autre coté du coup. Je souris à mon amie avant d'éteindre la lampe et de m'installer confortablement.

"Bonne nuit Tori."

Je réponds tout bas, avant de fermer les yeux et me faire happer par le sommeil à nouveau, rassurée par la présence de la brune à côté de moi.


Quand je me réveille le lendemain matin, je garde les yeux fermés pendant un moment, appréciant le chant des oiseaux et les rayons de soleil qui me caressent le visage. J'ai vraiment bien dormi, si Tori a gigoté pendant la nuit, je n'ai rien senti du tout ! Je tourne la tête vers elle et ouvre un oeil, avant de me redresser d'un coup quand je me rends compte que le lit est vide.

"Tori ?!"

Elle est peut-être à la salle de bain... Mais non, la porte est entrouverte et il n'y a pas de lumière à l'intérieur. Elle est partie comme ça, sans me dire au revoir ?! Je me lève et enfile mon peignoir et mes pantoufles, avant de vérifier mon téléphone. Pas de message non plus... J'espère qu'elle n'est pas somnambule ou quoi en fait ? Je m'apprête à l'appeler, quand la porte s'ouvre tout doucement. Je pousse un soupir de soulagement en reconnaissant la tête qui passe par l'entrebâillement.

"Ah, te voilà !! Je me suis inquiétée quand j'ai vu que tu n'étais plus là, tu étais où ?"

Tori pousse ensuite la porte pour rentrer dans la chambre, et une odeur de croissant frais embaume soudain la pièce. Mes yeux pétillent quand je me rends compte qu'elle a ramené le petit-déjeuner.

"Oooh mais c'est trop gentil, il ne fallait pas !! Tiens, pose tout ça sur la table, je vais sortir des assiettes ! Tu veux du thé ou du café ?"

J'ai bien remarqué les petites bouteilles de jus, mais je ne dirais pas non à une boisson chaude en plus - j'ai besoin de mon petit café le matin, pour bien commencer ma journée !

Aïe... Alyona est réveillée. Et je me fais gentiment gronder en passant la tête par l'entrebâillement de la porte. C'est normal, elle a dû se réveiller pendant que j'étais partie...

Excuse-moi... Je voulais aller chercher à manger pour le petit déjeuner. Dis-je en poussant la porte.

Dès que la bonne odeur de pâtisseries chaudes passe la porte, le visage d'Alyona s'éclaire. Comme un miroir, je sens mes traits se détendre dans un sourire. J'entre un peu plus rassurée de ne pas me prendre une gueulante.

C'est le moins que je puisse faire, tu m'as accueillie chez toi en plein milieu de la nuit. Je veux bien un café s'il te plaît.

Je n'en bois pas souvent, mais je crois que je vais en voir besoin pour me réveiller un peu. Je sens que mon visage me tire et je dois avoir une tête affreuse, avec des cernes monstres et les yeux encore rouges d'avoir autant pleuré cette nuit. Mais en observant Alyona, elle a les cheveux en bataille et l'air encore un peu endormi. Nous sommes toutes les deux un peu froissées par la nuit on dirait ! À vrai dire, je trouve ce côté-là de mon amie tout aussi adorable. Je pose les viennoiseries sur la table basse et ouvre les deux petites bouteilles de jus.

Je ne savais pas ce que tu préférais entre les croissants et les pains au chocolat, alors j'ai pris deux de chaque. Dis-je d'un ton plus léger.

C'était la première fois depuis deux ans que je dormais plusieurs heures d'une traite sans cauchemars. C'est une sensation tellement agréable que j'en oublie complètement ma carapace habituelle.

Je souris alors que Tori s'excuse - non mais en vrai, y'a pas besoin de s'excuser, si elle avait eu envie de partir tôt, c'était bien son droit, c'est juste moi qui m'inquiète trop facilement ! Elle s'avance ensuite vers la table pour y déposer les viennoiseries.

"C'est normal entre amies !! Ma porte t'est toujours ouverte tu sais, quelle que soit l'heure ! Mais c'est super attentionné et ça me fait plaisir en tout cas, merci !!"

Je mets ensuite le percolateur en route pour nous préparer deux cafés, sortant le lait, le sucre, deux assiettes et des couverts que je dépose sur la table. Une fois le café prêt, je m'installe sur une chaise et invite la brune à se mettre en face de moi pour savourer notre petit déjeuner ensemble.

"J'aime bien les deux !! On peut prendre un de chaque comme ça, c'est parfait ! Oh, attends, je dois avoir de la confiture pour les croissants !"

Je retourne vers le frigo pour en sortir un pot de confiture de myrtille, avant de revenir m'installer à table pour finalement commencer à manger. Nous discutons joyeusement pendant le repas, les tracas de la nuit précédente presque effacés - si on oublie nos yeux un peu gonflés et cernés, mais c'est qu'un détail ça ! Une fois le petit-déjeuner terminé, je me laisse aller contre le dossier de ma chaise en posant une main sur mon ventre.

"C'était super bon !! J'arrive trop tard pour les avoir encore chauds d'habitude, mais ça fait carrément toute la différence ! Prête pour le rangement du coup, maintenant qu'on a pris des forces ?"

J'avoue que j'ai un peu peur de découvrir l'état de la chambre - au pire du pire on pourra toujours envoyer un message à Luna pour nous aider à déplacer les trucs trop lourds, s'il y a besoin !

Je ne sais pas trop si c'est attentionné... Peut-être ? Je trouvais juste ça normal, d'autant plus qu'elle va m'aider avec ma chambre ! J'espère qu'elle n'aura pas peur en voyant l'état des meubles... Je dépose les viennoiseries sur la table pendant que l'odeur entêtante du café emplit l'air. Ça sent bon, j'adore cette odeur qui me réconforte aussi bien qu'une grosse couverture toute douce.

Je m'installe à table avec Alyona et on entame le petit-déjeuner en discutant. Le cauchemar flotte en arrière-plan dans mon esprit, mais maintenant que le soleil brille, j'ai plus de facilité à m'en détacher. Les viennoiseries sont délicieuses, le café aussi, alors ça me donne du baume au cœur. Un instant je me demande si elle s'est rendue compte que je l'ai serrée contre moi comme une grosse peluche. Mais je préfère taire cet épisode, pour garder ce petit bout de souvenir pour moi.

Une fois le repas fini, j'observe Alyona se laisser aller sur sa chaise, visiblement repue. Un sourire décrispe mes traits.

- C'est vrai que les viennoiseries chaudes, on peut difficilement faire mieux. Je suis prête, oui... Tu veux peut-être te préparer un peu ?

Je suis en pyjama parce que c'est comme ça que j'ai quitté ma chambre cette nuit, mais mon amie est dans sa chambre et elle doit vouloir faire un brin de toilette au moins. Alors je la laisse faire, et je fais la vaisselle entre temps. Une chose de moins à faire pour plus tard.

Quand Alyona est prête, on sort de sa chambre pour monter à la mienne. En arrivant devant, je me rends compte que la porte bâille. Je ne l'ai même pas fermée correctement ! Je l'ouvre et fais un pas dans la pièce dévastée.

- Je suis désolée... C'est une véritable catastrophe... Dis-je d'un ton à la fois coupable et triste.

Je n'aime pas abîmer mes affaires... D'autant plus quand ce sont les meubles que l'institut fournit généreusement.

Une fois notre petit-déjeuner terminé, Tori me signale qu'elle est prête - avant de me proposer gentiment de me changer, quand même. Effectivement, je mets un peu la charrue avant les boeufs là, une robe de nuit et un peignoir de soie, c'est pas l'idéal comme tenue pour entreprendre des travaux !! Je passe donc rapidement à la salle de bain pour me débarbouiller le visage et me brosser les dents, avant d'enfiler un t-shirt blanc et une salopette-short en jean. Je rejoins mon amie tout en m'attachant les cheveux en un chignon sur le haut de mon crâne.

"Hop, voilà, j'suis prête !! Je te suis du coup !"

J'enfile une paire de baskets blanches avant de sortir, verrouille la porte - et nous voilà parties. Je ne connais pas très bien le couloir des Airs, je n'y suis venue qu'une seule fois il me semble, avec Allen. Nous arrivons rapidement devant la porte de la chambre de Tori - qui est entrebâillée, laissant deviner le désordre derrière. Et encore, "désordre" est un bien faible mot... Je reste sur le pas de la porte alors que la brune rentre dans sa chambre, prenant compte en silence de la mesure des dégâts. Bon, allez, c'est le moment de se retrousser les manches là !

"T'inquiète, c'est pas grave, vraiment !! Ca arrive souvent, c'est bien pour ça que les chambres sont meublées avec du seconde main... Tu veux commencer par quoi ? On peut peut-être séparer ce qui est récupérable de ce qui ne l'est pas... ?"

Je ne voudrais pas la forcer à jeter des objets sentimentaux, mais clairement... Il y a eu de la casse et des vêtements déchirés.

Même dans des habits aussi simples qu'un t-shirt et une salopette, Alyona a l'air délicate et féminine. Je l'envie un peu. Mais on n'est pas là pour parler de mode. Direction ma chambre, nous arrivons et je pousse la porte pour entrer. L'endroit est dévasté, de grandes lacérations sont visibles sur les plus grands meubles et certains vêtements sont en lambeaux. Le coeur serré, je me tourne vers mon amie.

Oui, on peut faire ça... Je pense que les vêtements sont bons à jeter...

J'attrape un grand sac poubelle, caché dans un placard près de l'évier. Puis je me penche et commence à rassembler les morceaux de tissu. Dans le lot, il y a un de mes hauts préférés, l'un des plus féminins que j'avais. C'était un t-shirt en coton, tout ce qu'il y a de plus banal, mais avec un col carré et de la lavande brodée dessus. Voir ça me mine un peu le moral. Juste à côté, il y a un des sweat-shirts que j'avais acheté en arrivant ici... Et d'un coup, je pense à ma parka. Je me redresse et parcours à grandes enjambées les quelques mètres qui me séparent de ma penderie. La parka est là, toujours aussi jolie. Sans une égratignure... Ouf... Et l'écharpe offerte par Alyona est là, enroulée autour du cintre. Les deux ont survécu. Quel ascenseur émotionnel.

Le soulagement est de courte durée malheureusement. En me retournant pour balayer la pièce du regard, je tombe sur de petits morceaux de tissu orangé avec des motifs bleu. En charpie.

Oh non...

Je m'approche et prends les bouts de tissu dans mes mains. C'est le bandana que j'avais confectionné avec l'aide d'Elfie. Il n'en reste que des lambeaux. Je sens les larmes qui montent à nouveau et dois faire un gros effort pour ne pas me mettre à pleurer là, maintenant. C'est dur, comme si je voyais Mama disparaître une nouvelle fois. Alors que je sais qu'il me reste plein de ce tissu ! Mais... C'était la première chose que j'avais confectionnée avec. Je serre les morceaux de tissu dans mes mains.

Je crois qu'on a fini avec les vêtements... Dis-je.

Ma voix tremble un peu mais je fais face à Alyona avec un sourire triste.

Tu es d'attaque pour les meubles..?

Une fois dans la chambre de Tori, et face au carnage de la scène, je lui propose de commencer par séparer ce qui est récupérable de ce qui ne l'est pas. Et malheureusement, il semblerait que la plupart de ses vêtements n'aient pas survécu à la petite tempête qu'elle a provoquée la veille. Je grimace légèrement avant de lui adresser un sourire qui se veut encourageant.

"Bah, c'est pas très très grave, c'est une bonne excuse pour aller faire une session de shopping !! On pourra passer à la boutique après, si tu veux ?"

Pour peu que ce soit encore ouvert une fois qu'on aura terminé de ranger tout le bazar, évidemment... J'aide ensuite la brune à enfourner tous les lambeaux d'habits dans un sac poubelle. Elle se rue soudain sur l'armoire avec un air un peu paniqué, et je comprends rapidement pourquoi quand mes yeux tombent sur la nouvelle parka qu'on avait achetée ensemble.

"Ah ben tu vois, tout n'est pas perdu !! Ouf, ça aurait été dommage quand même vu qu'elle est toute neuve !"

J'essaye de trouver un peu de positif malgré la situation, parce que je comprends bien que mon amie est assez affectée par ce qui s'est passé ici. Heureusement, n'ayant pas emménagé depuis très longtemps, elle n'a pas eu le temps d'amasser trop de babioles (qui auraient sans doute été détruites aussi). Au final, il n'y a que les vêtements qui sont bons à jeter.

Je vois soudain le visage de Tori se décomposer, alors qu'elle ramasse un morceau de tissu orange, déchiqueté. Je ne sais pas trop ce que c'était sensé être à la base, mais en tout cas il est bien abîmé... Elle essaye de garder la face et propose de s'attaquer aux meubles - mais je vois bien qu'elle est triste. Je m'approche d'elle doucement et pose une main sur son bras.

"Est-ce que ça va ? On peut faire une petite pause si tu veux... C'était... C'était à ta maman ?"

Je demande timidement en pointant vers le bout de tissu qu'elle serre encore dans son poing. Ou alors peut-être un cadeau qu'elle lui avait offert quand elle était encore en vie ? Mais dans tout les cas, ça a l'air d'être quelque chose d'important pour elle.

Avoir Alyona à mes côtés pour ranger et trier est un vrai soulagement. Elle apporte un peu de douceur et de réconfort dans cette situation difficile. Elle voit les choses du bon côté et je ne peux m'empêcher de sourire face à son optimisme.

Oui, on pourra y faire un tour, je t'offre le déjeuner pour te remercier. Dis-je par rapport à la boutique.

Je sais d'avance qu'avec elle je repartirais sûrement avec des vêtements plus féminins, qui se rapprocheront plus des choses que j'ai réellement envie de porter. Alors malgré le désastre autour de moi, je ne peux m'empêcher d'avoir hâte d'y aller. Après un moment de panique pendant lequel je découvre que la parka et l'écharpe sont encore intactes, je souris à Alyona qui encore une fois fait preuve d'optimisme. Mais mon sourire ne dure pas longtemps, car je découvre bientôt les restes du bandana confectionné avec le tissu de Mama. Alyona est tellement positive, je ne veux pas plomber son moral alors je fais de mon mieux pour ne rien montrer. Mon amie, cependant, est perspicace et pose le doigt sur mon chagrin. L'esquisse de sourire que j'avais tenté d'afficher disparaît. Je baisse les yeux sur mes mains, sur les lambeaux de tissu et sur la main d'Alyona sur mon bras.

J'étais en retard pour rentrer parce que je voulais offrir quelque chose à Mama... C'est ça que je voulais lui offrir... Une étole de coton, parce qu'elle adorait ces couleurs. Mais je n'ai jamais pu lui donner... Dis-je dans un murmure.

Je sens un goût salé dans ma bouche, et me rends compte que les larmes m'ont trahie et coulent toutes seules.

J'avais enfin réussi à me décider à y toucher... J'avais fait un bandana... Continué-je en montrant les lambeaux de tissu dans ma main.

Je m'éloigne et ouvre avec quelques difficultés un tiroir du bureau, un peu tordu par la tempête de la nuit. Le reste du tissu est là, intact et protégé. Ça apaise un peu mon cœur. Je le sors et le dépose sur le lit, seul meuble resté intact.

Voilà, il me reste ça.

Il en reste quelque chose comme trois ou quatre mètres. Bien assez pour m'en servir à nouveau, même si je ne sais pas si j'oserais. Je me force à jeter les lambeaux du bandana avec le reste des vêtements saccagés.

Ça va aller, merci pour ta compassion... Si on veut avoir un peu rangé avant midi, on devrait continuer. Dis-je, cette fois avec un sourire un peu moins déprimé.

Je fronce légèrement les sourcils lorsque Tori propose de m'inviter pour le déjeuner.

"Ah mais non, tu m'as déjà ramené le petit-déj, je ne voudrais pas abuser quand même !! Ca me ferait plaisir de te faire découvrir le restaurant de Terrae ! Enfin, à moins que tu y sois déjà allée, en fait ?"

Je lui demande avec un sourire. Au pire, si elle y a déjà été, ça ne fait rien - je peux lui faire re-découvrir et puis voilà !! Mais il est hors de question que je la laisse m'inviter, je sais qu'elle n'est pas large niveau sous et ça me gêne. Payer les croissants, ça va, mais un vrai repas au restaurant, ça non !!

L'ambiance change rapidement alors que la brune découvre un bout de tissu déchiqueté au sol, son visage s'affaisse et je la vois serrer le poing. Je lui demande timidement si ça appartenait à sa maman décédée - et elle m'explique l'histoire de cette étoffe. Je sens mon coeur se serrer ; encore plus quand des larmes commencent à rouler sur ses joues. Je m'approche d'elle pour lui prendre doucement la main.

"Oh Tori, je suis vraiment désolée..."

Mais heureusement, il semblerait qu'elle ait conservé une partie du tissu. C'est une jolie étoffe, très colorée. Je lui souris en passant ma main sur le coton ; c'est de la qualité, il est très doux.

"C'est un très beau tissu, je suis sûre que tu pourrais faire un autre bandana ! Ou autre chose si tu veux, il en reste pas mal quand même !"

Je hoche ensuite la tête quand elle propose de s'y mettre plus sérieusement - elle a raison, on va y passer des heures si on traîne !!

"Oui, allons-y ! On peut commencer par les remettre en place, puis on verra ce qu'on peut réparer ? Ils ne sont pas trop abîmés, ça va ! C'est du mobilier solide, ils ont l'habitude à Terrae hihi"

Le restaurant ? Ça me rappelle des souvenirs.

- Tu m'y avais emmenée pour fêter mon arrivée. C'était vraiment sympa. Dis-je, un petit sourire fendant mon expression triste.

Puis je tombe sur le bandana et mon cœur de fend un peu. Ce tissu si cher à mon cœur. En lambeaux... Par ma faute ! J'ai du mal à expliquer d'où il vient et pourquoi il est si précieux à mes yeux. Et les larmes se remettent à couler, toutes seules. La main de mon amie sur la mienne me fait un peu de bien, elle m'aide à rester dans le présent. Elle s'excuse et je hausse doucement les épaules. Ce qui est fait est fait...

C'est... Non, ce n'est pas "pas grave"... Mais c'est comme ça... J'en ai encore.

Je lui montre le reste de l'étole aux belles couleurs rappelant les pieuvres à anneaux bleus, maintenant je m'en rends compte. Il est en bon état, et adouci par l'assouplissant que j'ai utilisé pour le laver, encore et encore en essayant de faire partir le sang de celle qui devait recevoir ce cadeau. Mais certaines taches sont restées, on les voit encore, l'orange est terni et le bleu vire au brun. Je laisse Alyona le toucher. Elle est la deuxième personne à toucher à ce tissu. Elle laisse son empreinte dessus, et avec elle, ça ne me dérange pas. Elle fait partie de ma vie, c'est mon amie la plus chère.

Tu pourrais m'aider tu penses ? Je ne sais pas vraiment coudre... Dis-je.

J'avais de toute façon dans l'idée de faire autre chose. Un bandeau ou un chouchou par exemple. Mais avant toute chose on doit ranger. Je jette à contre-coeur les bouts déchirés du bandana et regarde la chambre. Les meubles ne sont pas trop abîmés c'est vrai. La chaise a encore ses quatre pieds et le bureau n'affiche "que" de longues estafilades sur le côté. Et le tiroir tordu mais... Ce n'est pas vraiment un problème. La table par contre... Elle gît de côté, un pied brisé traînant dans le coin opposé de la pièce.

Je peux sûrement continuer à utiliser la chaise et le bureau... Mais la table est cassée. Dis-je en redressant la chaise et en la posant devant le bureau.

Les murs vont aussi avoir besoin de retouches et d'un coup de peinture... On dirait plus la cage d'un animal sauvage que la chambre d'une jeune femme. Je m'approche de la salle de bain, dont la porte pend, à moitié dégondée. L'attrapant, je la soulève et après quelques instants à galérer, la voilà de nouveau sur ses gonds ! Je me tourne vers Alyona.

Qu'est-ce qu'on fait de la table ?

Je ris en me tapant le front du plat de la main à la remarque de Tori.

"Ah mais oui, j'suis bête, j'avais déjà oublié ! Eh ben peut-être qu'on peut aller à la boulangerie à la place, pour essayer autre chose alors ?"

Sinon, il y a la cafétéria bien sûr, mais j'imagine que la brune y va régulièrement pour manger, donc c'est moins fun pour une sortie. La bonne humeur se dégrade ensuite bien vite à la découverte de l'étoffe déchirée - étoffe qu'elle voulait offrir à sa maman, mais n'a jamais eu l'occasion de le faire... Je m'approche un peu d'elle, lui prend la main avec douceur en lui offrant quelques mots de réconfort. Puis je hoche la tête avec un sourire à sa question.

"Bien sûr ! Enfin, je ne suis pas une grande experte non plus, mais je suis sûre qu'on pourra trouver des idées ensemble ! Et je crois qu'il y a un club de couture aussi, on pourra éventuellement aller y demander de l'aide si on ne s'en sort pas..."

Vu comme ce tissu est précieux pour elle, je ne voudrais pas en gaspiller à faire n'importe quoi... Nous nous remettons ensuite au travail, attaquant le plus gros - les meubles. Ils sont un peu abîmés, quelques marques par-ci par-là - mais toujours utilisables pour la plupart. Tori parvient même à remettre la porte de la salle de bain convenablement, qui pendait sur ses gonds. Il y a juste le problème de la table, qui a un pied arraché.

"Mmh je ne sais pas, peut-être qu'on pourrait la réparer, avec quelques clous ou quoi pour rattacher le pied ? Vu qu'il a été brisé net, je crois que c'est possible... Enfin, j'suis pas une grande bricoleuse hein, je propose juste ! Sinon, on doit pouvoir en racheter une quelque part ?"

Mais si elle doit déjà se refaire une garde-robe, ça va commencer à faire pas mal de frais quand même. Je ne sais pas trop quel est son budget, mais sûrement pas des mille et des cents...