Mon genou part en direction d'Erik et il arrive à l'esquiver par une transformation en... c'est quoi ça....? AH. Les espèces de chien de course les... euh... Lévrier? Super haut sur pattes ces machins là. Il s'échappe et je me retrouve à faire un tour sur moi-même par l'élan, tentant de garder un œil sur mon adversaire. Putain il va encore aller se barrer dans la nature et se cacher je suis sûre le bougre. Je me téléporte pour lui faire face et je me prends un coup au visage. Je serre mes dents et bien que la force de ce coup est beaucoup moins forte que les autres, ma mâchoire ressent de la douleur. Mais pas le temps, je dois agir avant qu'il se transforme de nouveau. Je plaque ma paume contre son torse, envoyant ma dernière boule d'énergie qui tournait autour de moi, envoyant une nouvelle décharge.

Les yeux d'Erik deviennent tout blanc sur l'instant et alors que je souhaite lui envoyer mon poing dans son menton, je me retrouve entraîner dans sa chute, ses genoux claquant contre le sol. Putain qu'il a de poigne. Mon regard scintille puissamment une nouvelle fois tandis que j'envoie une étincelle sur ma peau de sorte à ce que ses doigts me lâchent. Il continue de serrer mais après quelques tentatives il y a un micro relâchement ce qui me permet tout de suite de pousser son torse avec mon pied le poussant au sol. Je me jette par la même occasion et m'installe rapidement et perpendiculairement avec le haut de son corps, procédant enfin à une tentative de clé de bras en hyper-extension. Je tends le bras d'Erik que je place entre mes jambes, son coude bloqué contre mon bassin d'une main pour faire un point de pression puis sa main appuyée vers le bas par ma deuxième pour faire un autre point. Ma jambe gauche s'étend sur son torse tandis que la droite est fléchi contre sa gorge afin de procéder à un étranglement en triangle en même temps. C'est une technique militaire qu'on a appris lors de nos entraînements de mission et je crois que c'est l'une des premières fois où je l'utilise.

Doucement mais fermement, mes cuisses se resserrent afin de rester statique, solide, suffisant pour empêcher Erik de respirer ou de bouger. Je ne veux pas le dire mais j'ai peur qu'il recommence avec ses pouvoirs à m'empêcher de respirer comme au premier round, mais je tente de rester déterminée. Ma fatigue me pèse progressivement et bien que j'ai un excellent cardio, j'ai mes limites, et mes pouvoirs aussi. Je suis essouflée.

Nan merde- Merde- Elle va me tazer et c'est fini put- Nana tu branles quoi ? Mes yeux brillent alors qu'elle me fout à terre et qu'elle me soumet. Ou qu'elle essaie, du moins.

J'éclate de rire et, même si c'est très désagréable à cause de la jambe qui me serre la gorge, que les mouvements de ma cage thoracique tirent sur mon bras, je ris. Je ris puis je me concentre. Une prise de soumission sur un Morphe c'est aussi con que sur une Téléporteuse-

Je me cambre autant que je peux -c'est à dire pas beaucoup- alors que je vais puiser dans mes dernières réserves pour faire gonfler, gonfler et gonfler encore mon corps, me concentrant autant que je peux dans de telles circonstances et prends la forme d'un ours. Un gros ours. Un kodiak de presque une tonne. La jambe autour de mon cou, je la balaye avec mon bras libre et, tirant sur mes abdos d'ursidé, je me redresse de moitié quand mes yeux crépitent à nouveau.

J'ai trop tiré. Bordel de m- Ma fourrure disparait alors que je rétrécis, la Tonnerre toujours accrochée à mon bras dans le mauvais sens, et je commence à lutter de toutes mes forces pour ne pas tourner de l'œil d'épuisement. Bordel de merde. L'avantage c'est qu'elle a plus d'appuis alors j'impose une torsion à mon corps, m'arrachant un cri de douleur-

Sauf que j'arrive à prendre le dessus et finalement , c'est moi qui ai le dessus. C'est moi qui suis au dessus d'elle, ma jambe entre ses cuisses, plaquant un de ses bras au sol. J'ai réussi à me libérer, à-

Je m'effondre comme une masse. Une dernière décharge ? Un coup ? Le manque d'énergie, juste, peut-être ? Ma tête heurte quelque chose. Ou se fait heurter, j'sais pas. Ou-

Mes pensées me fuient. Il fait sombre. J'ai mal. Au genou. Au bras. À la tête. Ça faisait longtemps que je m'étais pas autant donné putain. Je redécouvre mon corps, ses sensations, et rien de tout ça n'est vraiment agréable alors que mes paupières papillonnent  et que je me demande encore si je suis sur le ventre ou sur le dos.

J’ai tenté ma chance, OK ? J’apprends sur le terrain et je me rends compte que lorsqu’Erik se met à rire pendant ma prise… C’est que ça craint. Surtout lorsqu’il se transforme en ours en dessous de moi. Je vais me faire croquer la gueule si ça continue mais je décide de ne pas lâcher le morceau. Eh oh, je ne pouvais pas me douter qu’il lui resterait de l’énergie pour faire cette transformation. Puis s’en est pas une petite hein, c’est un OURS. Après Aria en ours, c’est Erik qui s’y met. La fourrure me chatouille la peau et aussi facilement que de foutre une pichenette à un moustique, il retire ma jambe de son cou.

Putain ça y est ça commence il va vouloir me retourner comme une crêpe mais pendant qu’il se redresse, je tire un peu plus fort sur les points de pression de son bras, accrochée comme un koala sur un tronc. Je compresse un peu plus avec les forces qu’il me reste mais Erik arrive tout de même dans un élan de force à me retourner finalement, mon dos se plaquant contre le sol alors qu’il a repris forme humaine. Le choc me coupe le souffle sur l’instant, suivi d’un cri par la douleur provoquée dans mon dos. Il tente de prendre l’avantage, plaquant mon bras contre la terre. J’vais vraiment me faire niquer pour la troisième fois alors que je donne tout ? Putain non mais non en fait. Je tente de me libérer juste par la force mais ma fatigue ne me permet pas de réussir alors dans une dernière tentative, mes yeux clignotent et une décharge part de mon poignet pour rentrer en contact avec Erik.

Le Morphe s’écroule sur moi, sa tête cognant contre le sol. Tout son poids est sur moi et je ne peux plus respirer. Je me téléporte un peu maladroitement pour m’en sortir, atterrissant comme une vieille chaussette dans un buisson. Les branches me griffent la peau mais j’en ressors vite pour continuer à me battre, brandissant mon poing dans l’attente qu’un nouvel animal me saute dessus sauf qu’Erik est toujours allongé au sol, sur le ventre. Inerte. Je- Quoi ? Erik ?

Je m’avance vers lui, incertaine, me demandant si ce n’est pas un piège mais mon visage pâlit. J’avais dosé mes décharges pourtant. Ou est-ce que j’en avais trop fait ? Merde, merde, merde, qu’est-ce que je fous ? C’est quoi déjà les consignes de sécurité dans ce cas ? On est en pleine forêt qu’est-ce que je suis censée faire ? Tu vas pas me claquer dans les bras ? Ça recommence, comme avec le Feu en mission. Sauf qu’ici, ce n’est pas un ennemi bordel, c’est Erik. Celui qui m’illumine à chaque instant. Oh bordel. OK NANA NE PANIQUE PAS. NE- Oui OK je panique. Putain pourquoi t’as pas dit le safe word ??? ERIK. POURQUOI. TU. N’AS. RIEN. DIT. Je bondis sur mon sac à dos sortant une bouteille d’eau puis je viens presque m’écraser au sol, glissant sur mes genoux contre la terre et la roche.

« Erik ? Erik tu m’entends ? »

Mon teint est un peu plus livide alors que je puise dans mes dernières forces pour le placer en position latéral de sécurité, lâchant quelques cris alors que mes muscles n’en peuvent plus de tout ce combat. J’ouvre la bouteille d’eau, laissant un léger filet glisser sur son visage tandis que ses paupières bougent. Un coin de mon cerveau s’est activé, me laissant croire que je suis dans ce bunker, face à un corps qui est en pleine crise d’épilepsie avant de mourir sous mes yeux. Je l’ai dit que je paniquais ? EST-CE QUE JE L’AI DIT ? Je commence à bredouiller des phrases mélangées entre mon japonais et mon français sans savoir ce que je suis censée faire. Ma main passe dans ses cheveux et mon cœur se serre à tout va, ce sont les secondes les plus longues de ma vie. Putain j’ai gagné mais à quel prix ? Je ne suis pas sûre d’avoir la force de nous téléporter à l’hôpital. Mes yeux me brûlent par la montée de larmes qui arrive progressivement. Ma vision se brouille alors que j’ai l’impression de revoir le visage du cadavre d’il y a plus de six mois. J’ai accepté progressivement que je n’en étais pas fautive mais putain, ce que je suis trigger, là, tout de suite. J’ai abusé, j’ai déconné à proposer ce foutu round. Mes membres tremblent alors que je regarde les alentours avec l’espoir de voir quelqu’un, je prends une gorgée d’eau que je recrache presque par le nez tout de suite sans me laisser le temps de respirer correctement. J’humidie ma main droite avec un nouveau filet que je place sur son front. Je suis coincée entre cette réalité et celle du Centre, Erik, et je suis terrifiée de revivre ce moment. Ouvre les yeux bordel.

Ma voix est rauque quand elle franchit mes lèvres :

"Eh, tu pleures parce que t'as encore perdu, c'est ça ? "

Je souris difficilement, prenant appuis sur la main sous ma joue pour me redresser et m'asseoir en tailleur face à ma petite amie, passant une main sur mon front trempé de sue- Nan c'est pas de la sueur putain. Merde.

"Hey. Tout va bien ? Je pose mes mains sur mes genoux pour m'aider à me remettre debout dans un grognement -J'ai trop forcé sur mes pouvoirs, rien de grave."

Ça m'est arrivé qu'une fois, de perdre connaissance comme ça à cause d'un abus. Pendant la révélation de mon potentiel d'Etoile. Ah et si, une fois aussi y a deux trois ans, quand j'étais frustré de rester Initié et que j'avais essayé de briser mon sceau en utilisant toute mon énergie. Ma main se glisse dans celle de la Téléporteuse.

"T'as pas répondu. Tout va bien ? Je marque une pause mais la réponse peine à franchir ses lèvres alors je continue -J'ai trop forcé mais ça va déjà mieux. T'es trop forte o m g te mets pas dans des états pareils pour un combat que t'as gagné ! "

Erik ouvre les yeux mais quelques larmes perlent mes joues sous la détresse qui me ronge, persuadée d’avoir bourdé très fort. J’ai bossé avec Arnaud sur cette mission, j’en ai parlé à Aaron… à Senri… La voix du Morphe n’est qu’un brouhaha dans mes oreilles sur l’instant. Mon visage est crispé, mes yeux sont ternes, vides, fixés sur un point du sol car je dissocie un peu trop fort. Je suis un peu con hein ? Est-ce que je serais restée inerte comme avec le Feu ? À simplement le regarder au sol sans avoir l’estomac assez solide pour m’approcher et l’aider ? J’peux pas comparer un gamin du Centre et mon petit-ami mais je peux comparer l’énergie que j’utilise. Peut-être que si je n’avais pas donné cette dernière décharge, je n’aurais pas interprété de cette manière. Je n’en aurais pas fait des caisses comme maintenant à pleurer comme une enfant de trois ans qui a perdu sa mère dans les rayons d’un supermarché.

Un contact soudain me fait sursauter, laissant échapper un soupir maladroit et finalement, les mots d’Erik ne sont plus lointains dans mon esprit mais proches, il est proche, à côté de moi et je serre sa main chaude dans la mienne, peut-être un peu trop fort. Les mots me manquent alors qu’une réponse si simple m’est demandé. Je le regarde, les yeux mouillés, serrant un peu plus fort, tremblotante. Je me concentre sur son visage, tentant de mettre en arrière celui de la mission qui me hante partiellement encore. Je sais que j’en ai pour quelques années minimums avec ce foutu trauma.

« Excuse-moi Erik… J’ai paniqué, sur le moment ça m’a ramené en mission avec mon Étoilisation ça m’a… commençais-je avec une petite voix, essuyant mes yeux d’un revers de l’autre main. »

Je prends des grandes inspirations entre quelques reniflements pour tenter de me calmer progressivement mais ma main ne se desserre pas. J’ai tout foutu en l’air avec ma crise.

« T’es sûr que ça va ? T’as été très très bon dans ce combat vraiment, t’es un excellent adversaire et t’as une putain de force. »

Ma main libre vient frôler sa joue.

« J’ai juste gagné un round sur trois, j’imagine que je me tape le gage hein ? »

"Oh je- Oh... Oh mon cœur- viens là ! "

Je l'attire doucement contre moi, m'aidant de sa main dans la mienne pour ce faire, effleurant l'autre du bout des doigts, comme une invitation à la saisir.

"Eh, t'excuse pas Nana. T'excuse surtout pas. On a trop forcé, c'est tout. Mais personne est vraiment blessé, hein ? Oh mon amour, c'est moi qui suis désolé-"

Nos fronts se touchent mais, plutôt que de prendre ma main dans la sienne, la Téléporteuse glisse ses doigts le long de ma joue, et je m'efforce de sourire quand nos regards se croisent. Putain. J'ai déconné. On a déconné. Vraiment, raviver ce trauma c'est d'la merde putain.

"Je te retourne les compliments. Même si tu vas faire la vaisselle, oui. Mais t'es exceptionnelle. J'ai faillit te défigurer tu sais ? Quand je me suis transformé en tigre, une de tes décharges a fait sortir mes griffes et, si je m'en étais pas rendu compte, si j'avais pas pris une demie seconde pour les ranger, je crois que je t'aurais blessée..."

Je dépose un baiser sur sa joue, l'attirant un peu plus contre moi.

"Je me suis bien amusé mais... Nana. Est-ce que tu veux me dire pourquoi ça te faisait penser à la mission ? Est-ce que tu veux en parler ?Tu as pas à culpabiliser. Pour ce garçon comme pour moi. Si j'ai géré mon énergie n'importe comment, c'est ma faute. J'suis tombé tout seul, Nana. J'ai juste perdu connaissance parce que j'étais vidé. Comme parfois quand je m'endors en 2 secondes ap-"

J'vais arrêter la comparaison ici. Mon amoureuse. Nana... Excuse moi. Viens là-

Ma mais passe derrière sa tête et je la serre tendrement contre moi.

«  T’as pas à t’excuser Erik c’est moi qui a mal réagi… soupirais-je. »

J’expire l’existence de tout air de mes  poumons quand je ressens la présence d’Erik contre la mienne, par ce contact de nos fronts. Pour le confirmer un peu plus je viens effleurer sa joue doucement, dans un geste doux loin de tout ce qu’on vient de se balancer. Nos yeux se rencontrent et  son sourire me fait louper un battement de cœur.

«  Je saurais survivre de faire la vaisselle je pense, ce n’est pas comme si j’avais peur d’être mouillée répondis-je en tentant de sourire en retour mais c’est une grimace crispée qui en ressort. Ce qui compte c’est que tu ne m’as pas défiguré, je ferais plus attention avec mes décharges quand t’es en gros matou… Tes transformations sont vraiment cools.»

Erik me serre un peu plus contre lui et les quelques larmes coincées au bord de mes yeux s’écoulent doucement sur mes joues après avoir reçu un baiser de mon amoureux. Ça devait être un moment intéressant, stimulant, et j’ai gâché un peu tout ça sur la fin. L’étreinte d’Erik m’apaise autant que la beauté de l’océan qui se reflète dans ses iris. J’ai fini par rouler un peu des yeux sur la fin de phrase. J’ai compris Erik, j’ai compris.

«  C’était quand même amusant oui… Mais c’est juste que - je marque une légère pause, me pinçant la lèvre, hésitante- J’ai eut la peur subite qu’il t’arrive la même chose. J’me le serais pas pardonnée j’ai pas réfléchi quand je t’ai vu tomber je me suis pas dit que c’était juste la fatigue à cause du timing de ma décharge et… j’ai vraiment eut peur Erik. Je me suis revue là-bas en même temps que j’avais cette sensation que j’allais te voir convulser mais je suis vraiment désolée. »

Au fur et à mesure que les mots sortent, ma gorge se resserre machinalement, j’ai fini par poser ma main libre sur ma bouche pour tenter de me contrôler. Finalement ma tête, contre le torse d’Erik, m’offrait un abri, un réconfort, une bulle protectrice sur l’instant. Nos doigts ne se sont toujours pas lâchés et je m’en veux, je m’en veux de quelque chose que je ne contrôle pas et qui me ramène dans le passé. Calme. Il faut du calme.

«  Ça me revient par moment mais je sais que t’es là… C’est zéro ta faute. On a voulu se la donner à fond, chose de faite c’est très cool, mais la prochaine fois au pire ça ira mollo. Est-ce qu’on peut rester un petit peu comme ça ? »

Mes yeux se ferment et je me laisse bercer par sa respiration, ses battements de cœur qui font la Macarena tranquillement, son bras qui m’entoure pendant que l’autre reste accroché par nos mains. Je hais ces moments de faiblesse quand il me frappe à la tronche.

Après un moment à rester ainsi dans le calme de la forêt, apaisés, l’esprit vide, et l’énergie aussi, mes yeux bouffies rencontrent les siens de nouveau et cette fois-ci, c’est un vrai sourire qui s’affiche sur mon visage, un peu timide par la fatigue. Son sourire en retour me fait chavirer et je me penche sur la pointe des pieds pour, après tout ce temps, venir l’embrasser doucement.

«  Merci pour ta patience, t’imagine pas à quel point je t’aime. Puis si tu crois que t’es le seul à parfois t’endormir au bout de 2 minutes, tu te mets le doigt dans l’œil haha. Je pense qu’on mérite de manger un bout non ? Je dirais pas non à piquer une tête dans le lac aussi fiou. »

"Ça je sais bien, que tu as pas peur d'être mouillée. Sauf quand je crache, apparement- Mais merci. J'suis exténué avec toutes ces transformations. Par contre toi t'es super précise avec tes téléportations c'est une dinguerie, ton coup est déjà en train de partir que tu disparais et on sait pas où tu vas frapper c'est horrible comme sensation. Puis j'ose même pas imaginer ce que de vraies décharges ça peut donner putain-"

Oui ok je pourrais continuer à débrief les capacités de mon adversaire- de mon amoureuse- pendant encore super longtemps. Mais je me rends compte qu'elle est vraiment chamboulée, que ça peut attendre. Bon okay, ça attendra pas longtemps, parce qu'après l'avoir réconforté, la serrant doucement dans mes bras en essayant d'être rassurant, j'ai envie d'enchainer, mais le mal est plus profond que ce que je pensais. Elle continue de parler, s'interrompant le temps de reprendre ses esprits, de retrouver sa voix, toujours chevrotante, au bord des larmes. Aussitôt, je la serre un peu plus fort, lui frottant doucement le dos d'une main.

"On restera tout le temps qu'il faut comme ça, Nana. Ce Feu. Ce Morphe. Tu crois vraiment qu'il était aurait survécu un jour de plus ? Il était comme un ballon de baudruche percé, que ces enfoirés avaient remplis avec tout ce qu'ils avaient, mais qui était voué à être jeté une fois vidé de toute énergie. Il était brisé, mentalement et physiquement. Il n'avait aucune chance, et il s'est retrouvé contre toi, sans sceau. Sans limites. Et la baudruche a éclaté. Ne t'excuse pas. Ne culpabilise pas."

Je sais très bien que ce que je raconte n'est pas forcément la stricte vérité. J'ai jamais eu toutes les informations, mais je brode autour de ce que je sais de cette expérience (parce que oui, pour moi, ce pauvre gosse était une expérience, comme les données récoltées par Nana et ses coéquipiers l'a prouvé), de ce que je sais des méthodes du centre grâce à certaines discussion que j'ai pu avoir avec d'autres participants aux missions, ou avec Ipiu. J'enchaîne rapidement, ne laissant pas à la femme entre mes bras le temps d'objecter.

"On pourra jamais sauver tout le monde. On ferra toujours tout pour, même si on sait que c'est impossible. La mort de ce gosse, c'est pas de ta faute. Pire, on y allait justement pour éviter ce sort à des dizaines, des centaines d'autres. On a échoué, tous, à le sauver, en arrivant trop tard, en agissant trop tard pour lui. Sa mort, c'est la conséquence d'une montagne de décisions, de choix, fais par Terrae, par les anglais, comme par le Centre. Mais ne va pas penser que tu l'as tué. On a échoué à le sauver. Et pour qu'il nous pardonne, on va sauver tous les autres. Tout ceux qu'on peut."

Mes yeux se ferment un instant et, quand je les réouvre, ils plongent dans ceux, dorés, de mon amoureuse.

"Je me suis donné à fond, et tu as gagné. Je me suis donné à fond parce que c'est pas en y allant à moitié que je progresse. Parce que si je veux sauver d'autres de ces enfants, j'ai besoin de connaître mes limites. Elles sont claires, dans ma tête, maintenant. Et je les repousserais, grâce à aujourd'hui. Grâce à toi. Grâce à toutes ces autres fois où on se donnera autant à fond que maintenant. Je suis désolé. Je t'ai fait peur. J'aurais dû abandonner. Mais c'était tellement grisant putain- Puis je suis pas inquiet. Tu as eu les bons réflexes en voyant que je ne me redressais pas immédiatement- Ma main glisse dans ses cheveux, mon pouce sur sa joue. Si je m'étais senti en danger, si j'avais eu l'impression que tu pouvais sérieusement me blesser, j'aurais abandonné. J'aurais fuit. En situation réelle, je me serais caché, j'aurais attendu des renforts. Mon sourire s'élargit, amusé, narquois presque. Je t'aurais pas laisser m'épuiser et me mettre en danger. La prochaine fois, ça sera un trois-zéro, t'es prévenue-"

Elle se hisse sur la pointe des pieds, accueillant ma provocation d'un baiser qui me fait presque oublier la fatigue et les douleurs. Je souris contre ses lèvres en lui répondant :

"J'imagine très bien. Parce que c'est réciproque. Et on devrait commencer par manger, mais je crois que me rincer dans le lac avant serait une bonne idée. Je lui prends la main et l'entraine derrière moi vers la rive pas trop lointaine, récupérant nos sacs au passage, Tifa sur les talons alors que mon estomac gargouille. Dis moi, qu'est-ce que tu as prévu pour le repas ? Je me tourne vers elle pour déposer un léger baiser sur ses lèvres -Merci de t'en être occupée, mon cœur."

Les yeux fermés, je laisse mon ouïe devenir mon sens principal, écoutant chaque mot que prononce Erik d’un ton doux, réconfortant. Ce n’est pas la première fois que je les entends, et surtout pas par la même personne. Erik, Aaron, Arnaud, Max… J’ai bossé pour éviter de ressentir la culpabilité qui a faillit me faire sauter du toit au retour de mission après l’hôpital. J’en ai encore pour quelques années minimums avant de guérir complètement mon esprit mais je tiens à aller de l’avant. Étrangement lorsque j’ai combattu contre Tiago, mon PTSD ne s’était pas déclenché alors qu’il est Feu. Sûrement parce que ce qui me fait le plus peur ce n’est pas de recombattre contre cet élément, mais la dangerosité de mon électricité.

Pourtant Erik a raison. Il aurait pu mourir après notre passage, c’était un gamin modifié et hors de contrôle mais le timing… le timing sérieusement. Je tente de vouloir me défendre, enfin non, de défendre mon fardeau à la con, mais Erik continue de parler tout en continuant de me serrer contre lui. Il va bien, c’est ce qui compte. Puis, on fait parti d’un monde, d’un système où nous ne sommes que des pions, on ne peut pas porter un poids qui n’est pas notre responsabilité mais en même temps… quand on se sent appartenir à ce système… Ses mots sonnent vrais dans mes tympans et je finis par me décrisper progressivement, bercée par la vérité qu’on me rappelle une fois de plus : ce n’est pas ma faute, pas la nôtre, on fait de notre mieux pour ces gamins. Pour Terrae. Pour nous.

Nos yeux se rencontrent à nouveau et je me relaxe un peu plus, plongée dans les deux mers d’huile des îles qui lui servent d’iris.

« C’est moi qui suis désolée d’avoir paniqué Erik. On fera de notre mieux pour les prochains entraînements et je ferais attention à mon énergie. T’as été vraiment incroyable puis je sais qu’on est tous les deux responsables donc ça ne risque pas de déraper. Connaître ses limites c’est important ça permet de pouvoir planifier de vouloir les dépasser un jour pour atteindre un nouveau niveau de soi. -Je viens mimer le sourire narquois d’Erik- Si tu crois que j’vais te laisser m’avoir les prochaines fois tu vas voir… Je ferais pas la même bêtise que le Brésil pendant leur coupe du monde à me taper un vieux zéro. »

Je me penche jusqu’à ce que nos lèvres se touchent, le cœur débordant d’amour après cette longue session de travail, coupée des émotions, des sentiments, j’ai du plaisir à pouvoir y goûter de nouveau.
On part sur l’idée du lac avant de manger, on récupère nos sacs et je me laisse entraîner par Erik vers la rive, un large sourire aux lèvres, le cœur battant, Tifa derrière la queue remuante. Je souris plus fort après un nouveau baiser.

« Ça me fait plaisir mon amour. Alors, alors, on a : des onigiris saumon ainsi que certains à l'anguille... Il y a des wraps au thon et à l'avocat et de la salade... Et une giga salade de pâtes tricolores avec de la vinaigrette italienne et du poulet, petite recette de mon père. Je pense qu'on sera pas mal comme ça et au pire on commandera si ça convient pas mais j'ai fait une bonne quantité, répondis-je en déposant un petit baiser à mon tour. »

On dépose les sacs finalement et je m’étire un grand coup. Mes muscles sont lourds et je n’ai qu’une hâte, c’est de manger, et de me jeter à l’eau, littéralement. Je retire l’élastique qui retenait ma chevelure et me masse le cuir chevelu, accompagnée d’un soupir de soulagement. Bordel mes racines. Je me soulage le crâne tout en observant Erik du coin de l’œil, le regardant de haut en bas.

« Prêt à y aller ? »

J’enlève mes chaussures et mes chaussettes, le sol est chaud de toute la chaleur aspirée au courant de la journée et mes plantes de pieds sont ravies. Une étincelle malicieuse passe dans mon regard tandis que ma main vient claquer le derrière d’Erik.

« Le dernier qui arrive dans l’eau est une pétasse ! »

J’élance mes jambes en direction du lac, mes cuisses douloureuses ne sont pas du tout d’accord avec ma décision mais je cours quand même d’un pas lourd. Je reste habillée complètement alors que je me lance la tête la première dans l’eau froide qui vient picoter ma peau, les pieds dans la vase. Je me laisse couler complètement sous l’eau comme une pierre qu’on a lancé pour faire un ricochet et qui sombre jusqu’au fond, fermant les yeux un instant. Ça soulage énormément. Dans une grande inspiration je ressors la tête hors de l’eau dans un rire qui résonne autour de nous. C’est dûment mérité et je suis heureuse de partager ce moment avec toi, Erik.

"Un vieux zéro ?? Nan, t'inquiètes. Tu gardes ton 1. Je t'en mets juste 5 de plus à la suite, pour le célèbre Brésil-Allemagne ! Mon sourire s'adoucis, passant de provoquant à doux, apaisé par le calme retrouvée de la jeune femme. Va falloir que je réfléchisse à une vraie stratégie contre la Téléportation- J'avais complètement zappé que tu pouvais me Téléporter contre mon gré comme ça. C'est tellement imparable comme technique en plus. Une petite téléportation à 15m du sol et on en parle plus-"

Bon okay je peux me transformer en oiseau. Ok. Mais c'est pas le cas de tous les dotés, de pouvoir voler. Un long baiser accueille mes pensées qui s'éparpillent déjà alors que mon cerveau carbure pour me fait imaginer des solutions pour chaque affinité possible. On sait jamais, si y a une nouvelle éclipse hein, ça peut servir ! Les lèvres de la Tonnerre contre les miennes, une bonne partie de la tension du combat me quitte enfin, et je lui retourne le baiser avec passion. Il semblerait que pfiou, se battre soit aphrodisiaque - à moins que ça soit toutes ces Téléportations, qui peuvent avoir un effet particulier sur une partie particulière de mon anatomie ?

On se dirige vers le bord de la forêt, en direction du Lac non loin et j'ébouriffe le pelage de ma chienne en passant devant elle, l'invitant à nous suivre alors qu'on récupère nos sacs, au moment où mon estomac grogne et je me retrouve à demander ce que ma délicieuse petite amie a bien pu préparer et, j'admets, ça me met l'eau à la bouche.

"Ouaaaah. Ah oui. C'est parfait. Tu es parfaite- je suis interrompu par un nouveau baiser, un petit smack au bord des lèvres, qui me fait sourire, et même rougir. -Je suis sûr que ça sera bien suffisant. Tout ça olala-"

Ma petite amie est parfaite putain. C'est trop bien. C'est trop génial bordel. Ma main se glisse dans la sienne pour la fin du trajet. Trajet à la fois terriblement long et beaucoup trop bref. Le soleil commence à se cacher derrière les grandes tours tokyoïtes, mais la lumière est toujours jaune et chaude. On dépose nos sacs et avant même que je puisse retirer totalement mon short qui tombe sur mes chevilles, une main claque mon derrière et je me fais traiter de pétasse.

"Ah donc. Ça fait bientôt une heure que je boite parce que madame m'a détruit le genou, et ça veut faire la course ? "

Désabusé, je la regarde s'élancer vers la rive, fière de sa connerie, sans se retourner et, haussant les épaules, après m'être assuré qu'il n'y avait personne en vue, j'enlève enfin mon short et, en boxer, me dirige vers l'eau, la jambe trainante, en grommelant dans ma barbe inexistante :

"Moi, une pétasse ? Une pétasse meilleure que toi à la bagarre hein. Pétasse. Non mais oh. Ouais vas-y rigole ouais."

Je peux pas empêcher ce sourire de se dessiner sur mes lèvres, néanmoins. Son rire est si adorable. Ou pas, mais je le trouve adorable, c'est tout. Sans même me mouiller la nuque, j'entre dans l'eau un pied après l'autre et, quand la Tonnerre me saute au cou pour m'enlacer et, je le lis dans ses yeux, en profiter pour m'arroser ou, pire, essayer de me faire tomber dans l'eau, je referme mes bras autour d'elle pour m'assurer que, si elle tente quoi que ce soit, elle en paie le prix elle aussi.

"Je peux peut-être plus courir, mais une pétasse comme moi ça peut être rancunier, fais attention à toi-"

Un large sourire à me donner des crampes aux zygomatiques reste sur mes lèvres quand Erik est content du menu que je propose.

« J'espère que ça te plaira oui! Répondis-je les pommettes rougissantes. »

C'est une belle Golden Hour qui s'offre à nous lorsqu'on termine notre marche jusqu'au lac. Ma vie s'est clairement améliorée depuis qu'Erik fait parti de ma vie, c'est un nouveau chapitre de bonheur qui s'est ouvert à moi, du moins jusqu'à la prochaine catastrophe qui peut nous tomber dessus. Mais qu'importe, ce qui compte c'est maintenant, c'est nous, c'est lui. J'ai un amoureux qui m'a fait retombé en amour avec l'Amour directement, le grand A. Bref. Pendant qu'Erik retire son short, je lui claque le derrière tout en le défiant à la course. Un peu con parce qu'on sort d'une grande séance d'entraînement mais c'est juste drôle... et plaisant de pouvoir décompresser ensemble. Je ris à gorge déployée dans ma course et me laisse couler une fois dans le lac. Une fois de retour à la surface, je remplis mes poumons d'air et, avec un regard malicieux, je viens enlacer Erik, accompagnée d'un petit rire tandis qu'ils m'entourent de ses bras.

« Promis je vais essayer de rester sage.... pétasse. »

J'ai bien dit ''essayer'' mais sur l'instant, une vraie pause ne ferait pas de mal. Mes bras restent autour de son cou et je peux pas m'empêcher de sourire.

« Ça rappelle des souvenirs d'être ici... Quand t'es devenu ma bouteille d’oxygène, j'ai presque crû que t'allais me laisser crever au fond de l'eau comme les sirènes. »

Du bout des doigts, je retire une mèche collée sur le front d'Erik. Quelques rayons orangés viennent se refléter dans l'eau pour contrecarrer un peu la noirceur du fond. Non parce que mine de rien c'est profond, on ne parle pas d'une plage où on peut voir ses pieds dans le sable. Mes muscles se détendent progressivement, étant tenu par Erik, je me laisse flotter comme un ballon de plage qu'on aurait oublié de sortir de l'eau. Un soupir m'échappe et je laisse ma tête se poser sur son épaule.

« Ça m'a rincé... Comment tu te sens ? »

Je ferme les yeux un instant.

« Tu crois qu'on va nous renvoyer en mission bientôt? Parfois je me demande ce qui va se passer après la destruction de leur base et tout... D'ailleurs elle est où Tifa? Elle reste au bord de l'eau ou elle fait trempette? J'avoue que toute mon attention est portée sur le grand blond qui me tient. »

Mes yeux roulent quand elle m'appelle pétasse une fois de plus, mais je la serre doucement contre moi. Elle a l'air d'avoir eu sa dose d'affrontements, elle tente rien de suspect. Moi, méfiant ? Oui. Avec cette fille là, oui. Elle est au moins aussi mauvaise perdante que moi. Je peux pas m'empêcher de sourire quand ses bras passent derrière ma nuque. Son sourire. Sa voix. C'est vraiment doux. Je reste sur mes gardes, jusqu'à ce qu'elle chasse une mèche de cheveux sur mon front. Si elle joue la comédie jusque là, elle est forte. Et puis merde. J'ai pas besoin, j'ai pas envie d'être sur mes gardes. Je peux juste profiter du moment.

Mes muscles se relâchent enfin, alors que je tiens les hanches de mon amoureuse pour la maintenir contre moi. J'ai à peine pieds, alors elle...

"Bah oui, j'avoue j'ai pris des risques de ouf, tu aurais pu juste te téléporter sur le rivage, tu sais ? Puis c'était ton idée-"

Je pouffe avant de lui voler un baiser, doux et humide.

"Puis, objectivement, t'as plus de la sirène que moi, madame "je chantais dans des bars" j'attends toujours une démo, tu sais ? "

Mon nez vient effleurer le bout du sien et nos lèvres se rencontrent à nouveau. Je me sens bien. Si bien. Exténué, vidé de toute énergie. Toute énergie, en dehors de celle en laquelle mes sentiments pour cette fille se transforment. Pour toi, Nana, j'aurais encore et encore de l'énergie. Des sourires. Des attentions. En temps normal, j'aurais effleuré sa joue de la main mais, si je lâche ses hanches, la pauvre moule accrochée à son rocher risquerait de tomber à l'eau. Comment est-ce que je me sens ? Je souris.

"Amoureux. Je savoure mon effet avant de continuer. Rincé aussi, j'avoue. Mais ça me rend heureux. Tu me rends heureux. Cette soirée me rend heureux. Je vais te lâcher attention-"

Je lâche la taille de Nana et, d'une impulsion, je m'allonge sur l'eau. Faire la planche après un peu d'exercice c'est cool. Faire la planche après beaucoup d'exercice, c'est mieux. J'invite la Téléporteuse à faire de même pour regarder le Soleil disparaître doucement derrière l'horizon déformé par les gratte-ciels et la cime des arbres.

"T'inquiète pas pour Tifa, elle sait nager ! Enfin je pense qu'elle est encore sur le bord sinon elle serait déjà avec nous ahah- je ris, mais ça ne dure pas. J'suis déjà en train de réfléchir à l'autre question qu'elle m'a posé. -J'suis pas certain de la formulation. "Nous renvoyer en mission" ça reste sur la base du volontariat. Mais j'suis content de te sentir partante, j'avoue. Surtout après- après tout à l'heure. Je tourne la tête vers celle de ma petite amie, non loin. Mais oui. Bientôt. Le contraire serait dommage. Il reste des gosses. Je doute que ça soit la fin du Centre, par contre. Je l'espère, mais j'vis avec quelqu'un qui pense que ce mal est plus profond que juste la façade qu'il nous montre, et vu ce qu'elle a vécue, j'aurais tendence à la croire. Ça me découragera pas, cela dit."

« C'est vrai, gloussais-je après ce baiser volé, mais j'avais déjà du mal à m'éloigner de toi faut croire... »

Mes yeux dans les siens, je ne peux pas m'empêcher de ricaner à sa réflexion.

« Hey haha c'était y a tellement longtemps, OK? Un jour peut-être tu y auras droit à cette démo. »

Mes lèvres accueillent les siennes encore, le cœur battant si fort dans ma poitrine. Mon corps complet est épuisé, mais lorsqu'il s'agit d'Erik tout change. Je reste accrochée à lui, profitant de ce moment si doux dans l'eau, loin de tout, oubliant tous les efforts fournis pendant notre combat. De se sentir entourée d'eau et des mains de mon amoureux, je ne me suis jamais sentie aussi légère, et pourtant je fais de la sèche pour mes entraînements. Les rayons du soleil continuent de nous illuminer pendant que progressivement on se rapproche de la nuit. Je lui demande comment il se sent et sa réponse me fait sourire de toutes mes dents. Tandis que ses mains me quittent, laissant l'eau froide frôler de nouveau  mes hanches, je le lâche complètement pour le suivre à flotter à la surface, allongée, comme les loutres, oui,oui. Le soleil continue sa descente et je me concentre sur un sujet un peu plus sérieux.

« Bon tu me rassures puisque j'arrive pas à la voir d'où je suis! Puis... 'fin nous ''renvoyer'' c'est sur la base du volontariat mais je me dis qu'ils ont le droit de nous convoquer aussi pour y retourner puisqu'on y a été pour la phase 1 et récupérer certains gamins... Mais oui le volontariat reste prioritaire j'me suis mal exprimée...  Ça me surprendrait aussi que le Centre s'arrête après notre intervention. J'ai ce sentiment que ce qui nous attend va être plus difficile qu'avant... Bien sûr que je reste partante mais y a cette petite voix dans un coin qui énonce la peur de ne pas revenir ou... de te perdre désormais... »

À mon tour, je tourne la tête vers Erik, quittant le magnifique golden-hour qui s'offre à nous. Je tends le bras afin que le bout de mes doigts puissent effleurer son avant-bras.

« Clairement faut pas se sentir découragé... Mais j'espère que quand ce sera le moment... tu feras attention à toi, même si on est pas dans la même équipe... hein? »

On donnerait tout pour Terrae, autant que je donnerai tout pour Erik. J'me doute bien qu'il fera attention mais en même temps, de l'entendre le dire ça me rassurerait un peu aussi. La vie peut être courte, on peut perdre quelqu'un si rapidement dans un accident... dans une circonstance si simple mais qui fait perdre la vie si vite... J'ai déjà dit de mon bord que je serais prête à mourir pour aider Terrae, mais je ne veux pas laisser en arrière Erik non plus... cette personne si extraordinaire qui m'a redonné un vrai goût à la vie et que j'aime tant putain.

« M'enfin... on a sûrement encore le temps avant que ça arrive... Mais bon juste que... ça m'inquiète un peu quand même. »

Les yeux à nouveau sur le ciel qui s'assombrit de plus en plus, le soleil étant presque parti au complet, je sens un léger tremblement de terre dans mon estomac.

« Une petite plongée et on va manger? »

Juste de se laisser submerger complètement quelques moments permet de relâcher la pression et ça apaise les articulations. Puis profiter une dernière fois de l'eau avant de sortir et qu'il fasse nuit noir. Déjà qu'on y voit pas grand chose dans l'eau alors sans la lumière du soleil, un vrai trou noir ce lac. Lorsqu'on se décide finalement, je relâche l'air dans mes poumons pour me laisser couler. Je joins mes mains pour créer un cristal en forme de sphère que je garde d'une main par la suite. Des petits éclairs s'entrechoquent sous le verre et me permettent de voir mon partenaire sous l'eau d'une lumière tamisée, ça éclaire un peu mais pas trop, je lui souris laissant quelques bulles s'échapper d'entre mes dents.Tout est parfait dans cette journée, tout. L'eau nous entoure comme un cocon, nous faisant oublier la gravité sur l'instant. Lorsque j'atteins ma limite, je tends la sphère au Morphe avant de remonter à la surface. Je sais que ses capacités en apné sont bien meilleures que les miennes alors bon... Remonte pas trop tard non plus Erik, ça commence vraiment à creuser et bien que j'aime t'avoir en dessert, un bon repas ne fera pas de mal. Dans une grande inspiration je retrouve de l'air et observe la première étoile qui vient commencer à briller au dessus de ma tête.

«Magnifique... chuchotais-je.»

Je souris de toute mes dents. Nana... T'es vraiment adorable. T'es adorable, et voir tes yeux briller- nan, mieux, faire briller tes yeux, te faire sourire. C'est tellement bien. T'es tellement belle et te rendre heureuse, te faire te sentir bien, te montrer à quel point tu comptes, pour moi, c'est devenu tellement important. On s'est rencontré, on s'est attachés si fort, tellement fort que ça me donne le tournis. Parfois, j'ai peur que ça soit artificiel, encore. Que mon cerveau cherche juste à combler un manque, que j'sois pas réellement amoureux de toi, mais qu'on a beaucoup à s'apporter mutuellement et que ça soit plus simple pour nos cerveaux, de se dire qu'on est amoureux. Comme je l'ai vécu avec Abe, à l'époque.

Je chasse ces pensées. C'est absolument pas comparable. Je me sens si bien. Nana me fait me sentir si bien. C'est si parfait. T'es si parfaite, mon cœur. On se laisse dériver doucement, main dans la main, en discutant de ce que le futur nous réserve. Individuellement puis, doucement, ensemble. Les missions, probablement qu'on les vivra chacun de notre côté. Et pourtant. J'inspire doucement, m'imprégnant des mots de la jolie blonde.

"Je serais là pour t'accueillir à ton retour de mission. Ou tu seras là pour m'accueillir. J'suis pas inquiet. J'ai des dizaines, des centaines de raisons de revenir. T'es la plus belle d'entre elles. Mais j'comptais déjà revenir, t'en fais pas- je pouffe avant d'essayer de reprendre mon sérieux. -Je ferais attention à mes coéquipiers. Et ils feront attention à moi. Je te reviendrais entier et- je marque un temps d'arrêt. Ça arrivera pas, mais si- J'ai pas envie de mentir à celle que j'aime, alors, péniblement, je me lance. -si par malheur c'est pas le cas. j'aurais quand même fait mon maximum. Parce qu'il y a beaucoup de choses que j'veux vivre. Avec toi. Pour toi-"

Je laisse le silence reprendre ses droits. Je pourrais continuer comme ça longtemps. Si longtemps. Bordel. Mon cœur bat la chamade alors que je refuse aux mots de quitter mes lèvres. Je veux pas parler de ça. Pas maintenant. Pas encore. On a le temps. Je veux pas me poser de questions. J'aime Nana. Je ferais n'importe quoi pour elle. Je reviendrais de l'enfer pour elle. Et en même temps, il y a des choses que je place avant mon bonheur. Avant son bonheur. Et- Ma main se serre un peu plus autour de ses doigts.

"Je ferais toujours attention à moi. Si- Si jamais il arrivait quoi que ce soit. Ça serait un choix. Pas la conséquence d'une maladresse ou d'une connerie. Je prendrais soin de moi pour- 'fin. T'as compris- Je souris péniblement. On y est pas encore. Changeons de sujet, okay ? J'veux profiter de ma soirée avec mon amoureuse sans penser à ça. On aura tout le temps de s'inquiéter et d'en discuter quand ça viendra, okay ? "

Elle acquiesce et propose un petit plongeon avant de manger, et j'hoche la tête; retrouvant aussitôt le sourire.

"J'aime bien cette idée ! "

Je me déleste de toute la contenance de mes poumons, inspirant une première fois, expirant à nouveau et, après deux cycles supplémentaires, je me laisse sombrer dans l'eau douce, fraîche et de plus en plus sombre. Jusqu'à ce que Nana utilise les brides de pouvoir qu'il lui reste pour faire de la lumière. Pour faire un cristal. La garce. Elle a bien caché son jeu bordel, elle est encore en pleine forme ou quoi ?? Je lui souris sous l'eau, regardant ses cheveux dorés voler autour de son visage, offrant à ma petite amie au visage d'ange l'auréole qu'elle mérite, éclairé par sa magie crépitante alors que je reste immobile, mes lèvres brûlantes de désir à quelques centimètres des siennes. Sa main vient fourrer la pierre dans la mienne alors qu'en quelques battements de jambes, elle remonte à la surface, me laissant presque seul dans les ténèbres que la sphère électrique repousse périodiquement, comme des flashs d'appareils photo à répétition.

Tout a l'air si différent, ici, avec de la lumière. J'avais déjà expérimenté ça avec Aria en poisson-lanterne, mais c'est encore différent. Chaque source de lumière rend ça différent. Je tourne un peu sur moi même, tournant en rond quelques minutes avant de remonter d'une impulsion sur le sol vaseux, brisant la surface de l'eau dans une grande inspiration, éclaboussant autour de moi. Le cristal dans ma main a déjà perdu en éclat alors que je me dirige vers la berge, cherchant la silhouette sombre de mon Etoile sur le rivage. Je croise son regard et les mots m'échappent, à mi-voix.

"T'es magnifique..."

Je parle d'une silhouette sombre à une quinzaine de mètres, quand même. Mais c'est tellement vrai. Ton image est tellement imprimée sur ma rétine. Et j'ai qu'une envie, là tout de suite. Enfin, deux, si on compte mon estomac qui grogne. Mais c'est de serrer ma petite amie contre moi.

Je sors de l'eau et, le temps de franchir les quelques mètres qui nous séparent, je me sèche avant d'attraper la Téléporteuse par la taille.

"Coucou-"

J'ai pas mieux là tout de suite okay ?

Ce moment de flottement est apaisant. Nos mains se rencontrent et ne se laissent plus, elles restent ancrées l’une contre l’autre pendant que nos cheveux dansent avec l’eau. C’est agréable de pouvoir vivre ces moments de façon si naturel, sans arrières pensées, juste nous. Rien d’autre. Un sujet un peu plus sombre est abordé et bien que je comprends Erik, ça me heurte et je l’écoute silencieusement. Évidemment. Évidemment qu’on sera là l’un pour l’autre, à attendre… À espérer qu’on revienne en un seul morceau. On connaît nos priorités, on est responsables et on fera notre nécessaire. J’ai hâte de partir en mission de nouveau Erik… mais bordel que la séparation sera difficile. Je garde un sourire en coin malgré tout.

«  On prendra tout le temps du monde pour découvrir l’univers ensemble, répondis-je dans un chuchotement. »

Je ne réponds pas plus, laissant le silence rendre ce moment plus doux malgré la dureté de la vérité que l’on doit s’admettre.    Peut-être que ce n’était pas tant le moment d’y penser mais c’est une pensée qui me chasse par moment. Ma peur de l’abandon ne m’aide pas tant non plus mais je fais au mieux. Je compte bien tout donner pour l’homme que j’aime et Terrae à la fois. Et si je pars sur le terrain, loin de toi, je te promets de tout faire pour rentrer et t’attendre où que tu seras. La main d’Erik se resserre, ce qui me sort de ma bulle, et ma main se resserre aussi, autour de mon point d’ancrage, qui est tout simplement lui… mon cœur entre ses mains.

«  Oui t’as raison excuse-moi Erik… Le sujet m’a un peu échappé. Profitons de maintenant, de nous. »

Un soupir m’échappe puis je propose une petite plongée, chose qu’il accepte avec joie. On se sourit avant de se laisser s’enfoncer dans la noirceur de l’eau, avec très peu d’air dans les poumons afin de nous permettre de couler. Je puise dans les tréfonds de mon énergie pour faire ma sphère ce qui nous permet de nous entourer d’une faible lumière. Nos yeux se rencontrent et cette vision d’Erik sous l’eau se grave dans ma mémoire. De le voir dans son élément, ça me rend heureuse.

Mon cœur ne bat que plus fort juste en le regardant. Je serais une sirène comme dans les mythes, je l’aurais garder avec moi dans les fonds de l’eau pour sûr pour qu’il soit mien à vie. Bien qu’il le soit déjà. Depuis le début. Un frisson me parcourt juste d’y penser. Lorsque mes poumons crient à l’aide pour avoir de l’air, les bronches en PLS, je laisse ma lumière à Erik et retourne à la surface. Après une très longue inspiration bruyante, pendant que je laisse mon amoureux s’amuser sous l’eau et je l’attends sagement sur la rive, regardant de nouvelles étoiles tacheter le ciel.  

Complètement trempée, mes vêtements me collent telle une seconde peau. Mes cheveux gouttent doucement, mouillant le sol derrière moi. Je garde la tête levée jusqu’à ce que des bruits attirent mon attention. Je ne suis pas sûre qu’il le voit, mais je souris à la grande ombre qui s’avance droit vers moi. Des papillons s’activent dans mon ventre lorsque son bras m’entoure.

«  Coucou, gloussais-je. »

Ma peau perlée d’eau fraîche vient se coller à la sienne qui est sèche, chaude, douce. Mes mains viennent encadrer sa mâchoire doucement tandis que j’attire son visage vers le mien, déposant un long baiser sur ses lèvres. Mon attirance pour Erik est à son pic et il m’est difficile de pouvoir le lâcher, encore plus lorsqu’il me rend mon baiser et qu’il me serre un peu plus contre lui. Mes pouces caressent tendrement ses joues tandis que ma respiration se saccade par mon envie qui me consume, ici, à cet instant dans une presque noirceur.

Ça ne fait pas encore un an, mais je le sais dans mes tripes que je t’aime à en crever, Erik. J’ai continué à courir après des fantômes pendant longtemps, mais ta rencontre a su me permettre d’arrêter ce chemin improbable pour goûter à du mieux, à quelque chose de plus illuminé, ensoleillé par toi, tout simplement.

Nos lèvres se décollent finalement pour respirer mais nos fronts restent l’un contre l’autre. Mon pouce droit qui sa joue pour dessiner le contour de ses lèvres pendant qu’il se décide enfin à me sécher et je ris doucement.

«  T’es fantastique Erik, juste… parfait. »

Je me permets d’embrasser son front, profitant de pouvoir rester ainsi, contre lui, au chaud.

« J’ai vraiment apprécié la journée, et la soirée ne fait que commencer, je ne pense pas qu’on puisse demander mieux. À part le fait que j’aurais dû gagner bien sûr , ricanais-je.   Mais allez, je m’incline pour aujourd’hui. Tu continues à t’entraîner avec Aria d’ailleurs ? »

Mes mains quittent finalement son visage du bout des doigts pour se glisser doucement jusqu’au milieu de son torse afin de caresser sa peau. On est en été, il fait bon, on ne risque pas de tomber malade au moins.

«  Si je n’étais pas affamée, j’attaquerai le dessert tout de suite mais je pense que le dîner va faire du bien en premier. Par quoi tu veux commencer ? En vrai je peux tout sortir et on picore tranquillement avant de rentrer se doucher ? Ce que tu veux, tu me dis et- Tifa ! »

La chienne se frotte à nos jambes, contente de nous revoir et je ne peux pas m’empêcher de glousser. Parmi toutes les étoiles qui brillent au dessus de nous, t’es la plus scintillante, mon amour.