Je souris doucement à Tiago, hochant la tête. C'est vrai que bon, s'il avait pas assuré derrière la téléportation, on aurait salement fini dans un mur. J'suis pas sûre qu'avec une moto qui perd la route j'arrive suffisamment bien à me concentrer pour nous téléporter avant l'accident. Moi toute seule peut-être, instinct de survie quoi, mais à deux... Ca aurait été dommage de se planter. Mais bon, c'est le risque quand on vit dangereusement ; on a l'adrénaline mais c'est clair qu'on peut s'faire très vite mal.

Je l'écoutais ensuite m'expliquer son ressentis par rapport aux pouvoirs. Avoir l'impression qu'une autre énergie, pas la nôtre, coule en nous. C'était pas totalement faux.

-Ah ben tu vois ! renchéris-je. On arrête pas de me dire que l'énergie qu'on a en nous est la même, mais clairement, quand on contrôle un autre pouvoir, on a une autre perception, ça rend pas du tout pareil !

Un léger rire m'échappa.

-Tu m'étonnes. C'est pas le même délire, mais pourtant ça me manque bien aussi de ne plus pouvoir sentir l'électricité pulser dans chacun des fils et appareils électriques qui nous entourent.

Je hochai la tête à la réflexion sur les personnes sur les nerfs. Clairement ouais, ça n'aidait probablement pas du tout de changer sans cesse, et surtout de ne pas voir le bout. J'avais fini par me dire qu'avec de la chance, une fois qu'on serait passés par tous les pouvoirs, on retrouverait les nôtres, mais plus le temps passait et plus je commençais à douter quand même.

-Si je redeviens Feu, je te ferais un cristal si tu veux ! Mais t'as intérêt à me faire un cristal de Tonnerre si tu l'es !

En arrivant à Terrae, j'étais loin de penser que toutes ces histoires de magie seraient vraiment mon délire. Pas comme si j'étais le genre de gamin à rêver fantastique et surnaturel. Pourtant, il faut reconnaitre que maintenant que je m'y suis bien habitué, je m'en passerais sûrement un peu difficilement. C'est pas pour rien que je préfère encore endurer tous ces changements aléatoires que de demander à ce qu'on me coupe tous ces pouvoirs. Ça, en plus d'une question de fierté personnelle peut-être...

- "Et encore, t'as quitté la vie en communauté toi, mais ici, à chaque nouveau changement, en plus de devoir supporter nos propres conneries, faut supporter celles des voisins."

Ah ça, les geek du coin ont pété les plombs plusieurs fois à la phase Tonnerre.

- "Mais ça marche. Si ce bazar décide de ne jamais s'arrêter, je te ferai des cristaux !"

En fait, ça me fait peut-être un peu bizarre de dire ça, parce que de base, pour moi, les cristaux eh bien... Ce n'est pas exactement la même chose ! Mais il faut croire que je me suis un peu trop bien fait à Terrae, parce que finalement, c'est bien la bonne version qui m'est direct venue en tête.

- "Et du coup... Tu vas continuer à vivre dans ta maison actuelle ou tu comptes bouger ?"

Hum, ce n'est peut-être pas super subtile comme question, mais c'est qu'une rupture ça implique quand même pas mal de changements. Et bien sûr que je veux être au courant si elle déménage ! Ne serait-ce que pour filer un coup de main. Et puis, le film a bien avancé, je devrais pouvoir me permettre ce genre de question !

Je grimaçai à sa réflexion.

-C'est vrai que je n'y avais pas pensé... Ca doit être terrible quand on vit à l'Institut...

Les tensions que ça devait créer. En fait, je me demandais même comment les gens faisaient pour continuer à sortir et voir des gens. Bon, faut dire aussi que malgré tout, on s'était habitués à ces changements, même s'ils restaient pénibles, alors c'était peut-être plus facile à supporter.

-Tu imagines, tu es réveillé en pleine nuit par ton voisin qui vient de se transformer en torche humaine ! Bon, on est chez les Feux, ça marche moins... Alors imagine tu te lèves, et tu sors de ta chambre, et là tout le sol a été recouvert de verglas et tu te ramasses ! Comment mal commencer la journée !

J'adressai un petit sourire à mon ami, heureuse qu'il accepte de me donner un cristal de téléportation si jamais l'occasion se présentait.

Sa question me déstabilisa plus que je ne l'aurais cru. Peut-être tout bêtement parce que je n'y avais juste même pas réfléchi. La boule se reforma dans mon estomac et je me détachais de lui pour me redresser, réalisant que cette étreinte n'était peut-être pas la meilleure idée du moment. Je me pinçai la lèvre inférieure, et passai une main dans mes cheveux.

-J'ai pas vraiment prévu de bouger... Je n'aurais même pas la force de faire un déménagement.

Et puis ce n'était pas la première fois qu'Ys partait, pas vrai ? Je forçai un sourire à l'intention de Tiago, mal à l'aise. Ce n'était pas la première fois... Alors qu'est-ce qui était le pire ? Avoir encore l'espoir que tout rentre dans l'ordre et qu'il revienne, ou réaliser qu'une part de moi s'y était habituée ?

- "Ahah ouais, le feu on est habitués, mais ne plus avoir d'eau avec plein de shampoing sur la tronche, c'est beaucoup plus relou !"

Est-ce que je l'ai vexée avec ma question ? Ce ne serait pas très étonnant, c'était pas hyper subtil. Mais en même temps, je ne peux pas faire semblant que tout va bien alors que je sens parfaitement que ce n'est pas le cas. Ouais, je sais qu'elle est déstabilisée parce qu'une fois de plus, une partie de ses pensées me parviennent. Et j'avoue que ce que j'entends ne me plait pas masses.

Je me redresse légèrement à mon tour, une fois que Mitsu a repris un peu plus d'indépendance. Je n'ai pas envie de la mettre mal à l'aise, mais il faut reconnaitre que je ne suis pas forcément le mec le plus habile avec les mots.

- "T'as pas à subir tout ça. Je n'ai aucune leçon à donner en matière de relations bien sûr mais... Te retrouver célibataire, c'est peut-être aussi le moment d'en profiter. De pouvoir penser qu'à toi et à ce que t'as envie de faire. Genre, quand on est en couple, y a toujours des trucs qu'on s'interdit. Parce que ça fait chier l'autre, ou parce que c'est pas correct. Enfin c'que j'veux dire c'est que... Tu ne devrais pas attendre quoi que ce soit, juste profiter de ce que t'as en ce moment."

Lol, nan décidément, les beaux discours et super phrases d'encouragement, c'est pas mon point fort. Mais j'y peux rien, ça me fait chier de la voir dans cet état, alors que je suis sûr que ce n'est pas le genre de nana qui a besoin de se raccrocher à quelqu'un pour exister.

Un petit sourire se dessina sur le coin de mes lèvres alors que j'imaginais Tiago couvert de savon, face à son pommeau de douche qui refusait de laisser l'eau s'échapper pour l'aider à se rincer. Avant, évidemment, d'exploser d'un coup sur son visage pendant qu'il l'invectivait de tous les noms d'oiseaux qu'il connaissait.

Une ombre passa sur mon visage à l'évocation d'un éventuel déménagement, et je baissai les yeux, un peu gênée par mon attitude. Une fois redressée, je sentis Tiago en faire de même à côté de moi, puis prendre enfin la parole pour me dire de vivre, et de considérer cette séparation comme quelque chose de positif plutôt que quelque chose de négatif. Parce que quand on est en couple on doit faire attention à tout, on doit se tenir correctement, penser aux bons gestes, aux bonnes paroles pour ne pas blesser l'autre.

Je sentis les larmes me monter aux yeux en m'imaginant construire une toute nouvelle vie où Ys n'aurait pas sa place, et pinçai mes lèvres pour contenir ces larmes. Je croisai les bras sur ma poitrine, comme si ça allait m'aider à faire disparaître cette énorme boule présente dans le creux de mon ventre.

Je ne pouvais pas parler de ça. Je ne pouvais pas envisager quoi que ce soit sans lui. Et je ne pouvais juste pas répondre à Tiago sans éclater en sanglots. Il me fallait une diversion, quelque chose. Alors, les mots s'échappèrent un peu tout seul.

-Tiago, c'est quoi ce trou dans ton mur, là-bas ?

Bon, je crois que je ne suis décidément pas le mec le plus adapté en cas de situation complexe à gérer. Je ne suis pas aveugle et pas totalement idiot non plus, je vois bien qu'une nouvelle ombre passe sur le visage de Mitsu. J'imagine que ça devient compliqué d'envisager de vivre sans quelqu'un après avoir passé des années à ses côtés. Mais il faut dire que le seul remède que je connais à ces états-là, c'est l'alcool. Les mots ça n'a jamais été mon point fort.

Du coup, je ne sais pas trop quoi dire à ce moment là. Pff, je suis vraiment trop nul pour la gestion sentimentale. Tellement que c'est à Mitsu de trouver un moyen de rompre cette atmosphère de malaise qui commençait à s'installer. Alors qu'à la base, c'est elle qui va mal. Enfin, faut dire que sa question réussi très vite à me sortir de mes pensées. Le trou dans le mur....

- "Hum ça..."

Comment est-ce que je suis sensé expliquer ça moi ?! Une légère grimace de gène passe sur mon visage alors que ma main se perd dans mes cheveux comme si ça pouvait m'aider à trouver la meilleure formulation.

- "C'est que, avec l'éclipse, on ne sait jamais trop qui passe Titan à quel moment, et j'crois que le timing pour m'engueuler avec Elisha était pas ouf cette fois. Même si sur ce coup, j'sais pas trop c'qui s'est passé."

Mouais, j'ai encore du mal à être sûr de ce qui a pu lui traverser l'esprit quand elle a pété les plombs comme ça.

- "Enfin, tant qu'il n'y a que le mur qui prend, c'est pas trop gênant."

Parce que ce n'est clairement pas le moment de repenser à ça !

Les larmes étaient restées au bord de mes yeux sans couler, et c'était déjà pas mal, comme réussite. Je me concentrais sur ma respiration après avoir posé ma question, et finis par tourner la tête vers Tiago alors qu'il me répondait.

-T'engueuler avec Elisha ?

Je relevai ses mots sans tenir compte de ses dernières paroles. Tant qu'il y a que le mur qui prend...

Je revis la main d'Ys s'abattre sur le mur à côté de mon visage. Heureusement qu'il n'était pas Titan à ce moment-là, hein...?
Je revois le toit de notre maison s'écrouler sur nous.
Mouais. Il n'a pas besoin d'être Titan pour tout détruire...
Tout détruire...

La boule dans ma gorge grossit et je décidais de l'ignorer, repoussant toujours les larmes.

-Il y a quelque chose entre vous, pas vrai ?

Je relevai le regard vers lui, sans parvenir véritablement à sourire, même pour simplement paraître moins étrange. Je l'avais bien remarquée, cette tension, l'air de rien, lorsque nous étions au bar, à ce fameux concert. Je le revois choisir d'aller dehors alors que nous revenions des toilettes après qu'il se soit calmé. Je le revois croiser son regard plusieurs fois. J'suis peut-être pas très maligne, et pas très clairvoyante pour ce genre de choses, mais je crois que mon état actuel me fait ouvrir les yeux sur pas mal d'autres situations que j'ai pu vivre par le passé.

Si je ne voyais pas que Mitsu était à deux doigts de s'écrouler, je me sentirais sûrement un peu mal face à ces questions. Parce que tout est encore très flou pour moi. Alors je me contente de hausser les épaules quand elle parait s'étonner qu'on puisse se prendre la tête avec Elisha. Faut reconnaitre que je m'engueule régulièrement avec beaucoup de monde, et la demoiselle n'a pas le caractère le plus tempéré qui soit non plus.

Par contre pour ce qui est de savoir s'il y a quelque chose entre nous, il me faut tout de même quelques secondes de réflexion avant d'arriver à la seule conclusion qui s'impose quand je vois notre absence totale d'échanges actuellement.

- "Nan. Je l'aime bien c'est vrai, mais je ne suis pas ce gars qui peut avoir ce... Genre de relation avec qui que ce soit. Et c'est plutôt une bonne chose, sinon y a plein de trucs que j'pourrais pas faire."

Sans trop réfléchir à ce qui me passe en tête, le sourire taquin qui accompagne mes paroles est vite suivi par ma main qui vient attraper le bras de Mitsu pour l'attirer contre moi, l'entrainant dans ma chute sur le dos, de sorte à ce qu'on se retrouve de nouveau étalés sur le matelas, mes bras passant autour de ses épaules pour l'enlacer sans lui laisser l'opportunité de s'échapper. Je ne peux pas continuer à la regarder aller aussi mal et en même temps, c'est beaucoup plus facile quand nos regards ne se croisent pas directement.

- "T'es pas venue ici pour te faire violence à te retenir de pleurer hein ? Si tu veux te plaindre, râler, crier ou même insulter ton ex, tu sais que tu peux le faire. Tu ne risques pas de m'emmerder. Il y a bien quelque chose qui te ferait du bien ?"

Ouais, c'est vrai que ça peut paraitre un peu bizarre. Moi le premier, quand je me retrouve dans ce genre de position avec une nana qui vient de se faire larguer, ce n'est pas pour la réconforter à l'aide de belles paroles. Et je mentirais si je disais que des idées déplacée ne me traversaient pas l'esprit à ce moment, mais je me retiens bien de faire toute allusion malvenue à voix haute !

HRP : C'est. Tellement. Drama. Mais juste, jpp. En fait j'ai trop hâte d'en relancer encore un nouveau pour que Mitsu soit plus un déchet face à Titi mdr

Je n'eus pas vraiment le temps de réagir aux propos de Tiago. Mon coeur s'emballa soudainement alors que ses bras s'abattaient sur moi pour me ramener contre lui. Ses bras s'abattirent sur moi. Ses doigts se collèrent contre ma peau. Mes yeux s'écarquillèrent et je restais un instant paralysée, revoyant Ys, revoyant cette main s'abattre à plat à côté de moi contre le mur, revoyant ce corps de dragon détruire le toit de notre maison, revoyant toute cette violence, cette haine dans ce regard, cette colère. Cette peur. Ma peur. Ou la sienne ? Que voyais-je réellement dans ce regard, dans ce reflet dans ces yeux ? Moi, ou lui ?

Je ne percutais pas vraiment aux premières paroles de Tiago, répondant à ma question. Mais lorsqu'il reprit la parole, sa voix me permit toutefois de revenir à la réalité et je finis par fermer les yeux pour fuir cette réalité qui me faisait trop mal.

"... ou même insulter ton ex".

"Ton ex".

Lorsque je revins complètement à moi, mes mains étaient posées sur ses bras, mes doigts serrant fermement sa peau. Je sentis mon coeur s'agiter un peu et je relâchai rapidement la pression, me sentant terriblement mal et honteuse.

-Excuse-moi.

"Il y a bien quelque chose qui te ferait du bien ?"

Les paroles de Tiago continuèrent un instant à résonner dans mon esprit alors que je tentais laborieusement de faire le tri dans mes pensées. Quelque chose qui me ferait du bien ?

Je sentis un sourire très, non, trop maladroit s'étirer sur mes lèvres alors que les larmes franchissaient enfin la barrière que je leur avais imposée, dévalant lentement sur mes joues.

-Je ne sais pas. Je pense que j'ai probablement encore simplement besoin de temps.

Mes yeux se posèrent sur l'écran. Le film était bientôt terminé. Tony Stark était dans sa tour, à attendre l'arrivée de Loki, qui apparut enfin à l'écran. Le dialogue débuta.

-J'en ai marre de ne savoir rien faire d'autre que m'excuser en ce moment.

Hrp:

Sentir Mitsu m'agripper de la sorte ne me dérange pas. Ce n'est sûrement pas l'étreinte la plus douce que j'ai reçu, mais j'ai enfin l'impression qu'elle accepte de laisser une partie de cette armure de titane de côté. Je ne suis sûrement pas le mieux placé pour lui reprocher ce trait de caractère, mais il faut admettre que de la savoir mal et pourtant refuser d'en montrer le moindre signe, ce n'est vraiment pas facile à gérer. Parce que je n'arrive pas à faire comme si je ne m'en rendais pas compte.

- "Dans c'cas, suffit d'arrêter de t'excuser. C'est crevant aussi de s'excuser non stop. C'est beaucoup plus facile d'envoyer chier tout le monde."

Non, je ne risque sûrement pas de la blâmer pour ce genre de comportement. Je suis assez bien placé pour savoir qu'il est facile de s'emporter pour rien. Et, que ça ne veut pas toujours dire grand chose.

Finalement, je relâche Mitsu, laissant mes bras retomber sur le côté, sans pour autant bouger. Je jette juste un coup d'oeil à l'écran, imitant la master. Hum, je crois que je n'ai pas suivi plus de la moitié du film... Mais en même temps, ce n'est pas comme si c'était vraiment ce qui m'importait.

- "Tu veux... Passer la nuit ici ? Enfin j'veux dire, on peut mater des films toute la nuit, ou boire un coup, ou mettre de la musique, ou n'importe quoi d'autre ! Pas forcément dormir. Sauf si t'es crevée ! Enfin, comme tu veux quoi ! Ça m'dérange pas."

Je me sens un peu obligé d'ajouter cette dernière phrase alors que ce n'est franchement pas mon genre. Mais je sens bien que ma voix n'est pas aussi assurée qu'en temps normal quand je propose ça alors, je préfère préciser. Faut dire que c'est pas non plus dans mes habitudes de faire ce genre de proposition. Alors, ça me fait peut-être un peu bizarre.

Envoyer chier tout le monde... Je l'avais un peu fait, d'une certaine manière. Pas à la manière de Tiago, certes, mais j'avais arrêté de sortir, j'avais arrêté de travaillé, j'avais laissé tout le monde en plan, et lorsque les gens venaient vers moi, je les rejetais sans comprendre qu'eux aussi avait besoin d'être là pour moi.

Un mince sourire, toujours aussi maladroit, s'étira sur mes lèvres à la proposition de Tiago, et je hochai légèrement la tête, m'essuyant les yeux dans le même temps.

-Je pense que mes yeux sont fatigués de pleurer, alors dormir m'ira très bien...

Je marquai une légère pause.

-... Mais tu es sûr que ça ne te dérange pas ?

Parce que tu avais prévu de faire des choses, à la base. Et je te bloque complètement la soirée à cause de mon état pitoyable.
"Suffit d'arrêter de t'excuser". Peut-être, oui.

-Tu sais quoi, je retire ma question. Je veux bien rester, oui. Vu que j'ai la chance de pouvoir passer une soirée seule avec le fameux Tiago, je vais en profiter, et cesser de te donner la possibilité de t'enfuir !

Et pour la première fois depuis longtemps, je m'endormirais le coeur lourd, certes, mais pas seule.

-Tu me parles un peu de toi ? On a trop parlé de moi. Ta soeur était comment ? Tu l'avais évoquée l'autre jour.

Je souris, plutôt satisfait d'entendre Mitsu renoncer finalement à ses excès de politesse qui l'empêchent de dire ou faire ce qu'elle a envie. Bien sûr que si j'avais voulu m'enfuir, j'aurais commencé par ne pas accepter de la faire entrer ! Mais puisqu'elle semble décidée à faire preuve d'un peu de bon sens, je ne vais pas argumenter davantage, et je préfère me contenter de ce moment bien plus détendu.

- "Je crois que je devrais pouvoir faire avec !"

Surtout, de la voir regagner en naturel me permet de me sentir à mon tour étrangement détendu malgré la situation toujours aussi étrange pour moi. Allongé sur le matelas, j'ai un peu trop la flemme de bouger alors je laisse le générique défiler, pendant que Mitsu en profite pour reporter le sujet sur moi.

- "Ma sœur ? C'est vrai. C'était... Une fille assez typique de chez moi. Le sang chaud et qui ne passait pas par quatre chemins pour dire ce qui n'allait pas. Mais en même temps, on était assez différents. Elle, elle pouvait aussi se montrer étrangement douce et attentionnée. Elle captait toujours quand on avait le moindre problème. Et pourtant, chez les garçons, on nous a pas franchement appris à laisser transparaitre nos soucis. Mais elle, elle savait toujours. C'est peut-être parce que c'était ma grande sœur, mais c'est vrai que c'était plutôt agréable d'avoir quelqu'un sur qui compter. Et surtout, elle trouvait toujours les bons mots au bon moment. Franchement, j'ai jamais compris comment elle faisait !"

C'est un peu bizarre de parler de ce genre de choses. Je n'ai pas l'habitude d'évoquer ma famille. C'est vrai que depuis que je suis à Terrae, c'est un sujet que j'évite soigneusement. Enfin, ce n'est pas comme si je donnais envie à qui que ce soit d'en savoir plus. Mais finalement, ce n'est pas aussi difficile que je le pensais. Peut-être parce que les mois se sont écoulés depuis. Et puis, même si je ne peux qu'en parler au passé, je ne sais en réalité absolument pas ce qu'elle est devenue. Mais même si j'espère évidemment qu'elle soit toujours en vie, je sais aussi qu'on ne se reverra probablement jamais. Non, je n'oserai jamais me repointer là-bas après les avoir tous abandonnés de la sorte.

Je me replaçai dans le lit, me mettant de profil pour poser mon regard sur Tiago à qui je venais sans honte de passer le bâton de parole, sentant la fatigue s'emparer de mes yeux qui commençaient enfin à sécher. A chaque fois que j'y pensais, j'avais vraiment du mal à imaginer la vie qu'il avait pu vivre avant d'arriver ici. Pendant mon adolescence, je sais pertinemment que dès que quelqu'un s'inquiétait pour moi, ça m'agaçait. Je détestais que les gens pointent du doigt ce qui n'allait pas, et de fait la vérité. Je voulais qu'on me laisse tranquille et qu'on arrête de se soucier de moi. Si je voulais me rebeller, je pouvais bien faire ce que je voulais.

Mais dans son cas, je comprenais bien que c'était différent. Parce que même si on les repousse, avoir des personnes qui s'inquiètent pour soi, ça reste important, et réconfortant. Tandis que lui, on l'a fait grandir dans un monde où le sentiment n'a pas lieu d'être. Où il faut juste suivre les ordres. Ce que je déteste, d'ailleurs. Même si j'ai fini par comprendre que ça avait parfois son importance depuis que je suis à Terrae. Sauf que c'était tout de même bien différent dans son cas.

Je replaçais mon oreiller sous ma tête, un léger sourire sur les lèvres.

-Ca avait l'air d'être une super soeur.

Je fermai les yeux, cédant un peu à la fatigue, mais me sentant encore capable de parler un peu.

-J'aurais bien aimé avoir un frère ou une soeur. Bien sûr j'ai grandi avec Allen que j'ai un peu considéré comme mon frère, mais c'est encore différent. Ca fait quoi, d'avoir de vrais frères et soeurs ? Vous vous disputiez souvent quand vous étiez enfants ? Tu as beaucoup d'écart avec eux ? D'ailleurs, tu en as combien ?

Je souris aux mots de Mitsu. C'est vrai que si mes relations avec le reste de ma famille faisaient régulièrement le yoyo, ils me manquent affreusement aujourd'hui. Et ne pas savoir ce qu'ils sont devenus pour la moitié d'entre eux rend cette distance encore plus difficile à supporter. Mais je sais aussi que seul là bas, je ne tiendrais pas longtemps. Moralement. Alors, Terrae est sûrement la meilleure solution. Pour le moment.

- "Ahah, ce que ça fait ? Eh ben, en plus de ma sœur, j'avais deux frères. Le plus âgé... Je le considérais un peu comme un modèle de perfection à l'époque, mais avec onze ans d'écart, on ne partageait pas grand chose. Enfin, il avait des choses plus importantes à gérer. Le deuxième... Je ne crois pas avoir le moindre souvenir où on ne se tapais pas dessus et pourtant, je crois que c'était de lui dont j'étais le plus proche. Même si on était toujours en compétition sur tout."

Si je ne suis toujours pas prêt à accepter leur disparition, parler d'eux à voix haute est en fait moins douloureux que ce à quoi je m'attendais.

- "En fait, quand on est gosse on préfèrerait souvent être enfant unique, parce que c'est pas évident de vivre H24 avec, mais en grandissant... C'est pas désagréable d'avoir quelqu'un qu'on connait depuis toujours à ses côtés. En tout cas, c'est toujours mieux que d'être seul."

La solitude, ce n'est pas quelque chose à laquelle j'ai été formé. Mais je n'ai pas franchement envie de penser à ça, parce que c'est pas trop la joie. Je me relève du lit avant d'en avoir totalement la flemme pour attraper d'autres fringues plus confortables pour dormir, éteignant l'écran au passage. Un pantalon et de survet et un t.shirt tout ce qu'il y a de plus basique. Ok, je n'ai franchement pas l'habitude de ce genre de situation (quand une fille dort dans mon lit, généralement je n'ai plus trop à m'inquiéter de ce que je peux porter ou de ce qu'elle peut voir) alors ça me fait un peu bizarre. D'ailleurs il me faut quelques secondes de réflexion.

- "Hum, tu veux aussi un truc pour te changer pour dormir ?"

Est-ce que c'est pas chelou comme proposition ? Pas que ça me dérange de lui prêter des fringues, c'est pas comme si j'en manquais, mais sur le coup, je ne peux pas m'empêcher de me demander si ça se fait vraiment quand on est à un stade d'amitié classique. Je proposerais sûrement la même chose à un pote alors, j'imagine que oui... Ouais bah c'est pas si évident pour moi ok ?!

Je me laissai bercer par les paroles de Tiago, l'imaginant enfant avec ses frères. L'histoire, racontée de cette façon, était bien plus belle que l'histoire complète où il fallait ajouter drogue, conflit, et meurtre. Comme quoi, même dans les pires familles, on garde l'innocence de l'enfance... Enfin, je l'espérais, tout du moins. Une fois encore, j'avais bien du mal à imaginer ce qu'il avait pu vivre.

Je rouvris les yeux quand il expliqua qu'enfant, on préférerait souvent être fils unique, mais qu'en grandissant, on se rendait bien compte qu'avoir des frères et des soeurs, c'était peut-être pas si mal au final. Je souris délicatement, sachant pertinemment que je ne pourrais jamais connaître ça. Je ne pouvais que l'imaginer, mais c'est vrai que ça avait l'air chouette. En tant qu'enfant unique, je pense qu'on développe une relation différente avec ses parents. On est plus proche, peut-être plus complice, parce qu'ils sont notre seule famille proche. Au lieu d'aller jouer dans le jardin avec notre frère ou notre soeur, on force les parents à venir avec nous. Les expériences sont différentes ; et je ne saurais dire laquelle est la mieux. Les deux doivent se valoir, j'imagine. Et puis, en grandissant, j'ai vite commencé à jouer avec Allen, donc finalement, quelque part, c'est un peu comme si j'avais eu un frère.

-Bon, alors plus tard, si j'ai des enfants, j'en aurais au moins deux pour qu'ils puissent se disputer convenablement dans ce cas, déclarai-je dans un sourire.

Tiago se leva ensuite pour aller se changer et je fermai les yeux à nouveau. C'était un peu étrange de ne pas dormir dans mon lit. Je crois que ça faisait vraiment longtemps que ça n'était pas arrivé... En fait, je crois que ce n'était jamais arrivé depuis que j'étais à Terrae. La proximité entre nous tous aidait clairement à rentrer chez soi chaque soir, et je n'avais jamais connu personne d'autre qu'Ys. Lorsque nous nous étions mis officiellement ensemble, j'avais déjà mon logement de Master, et il n'avait pas fallu longtemps avant qu'il n'emménage à mes côtés.

Cette pensée m'alourdit à nouveau un peu le coeur, mais je fus tirée de mes pensées par Tiago qui me proposait un pyjama.

-Bon, puisque tu le demandes si gentiment, commençai-je en rouvrant les yeux avec un sourire, je veux bien un t-shirt. Ca fera l'affaire.

Même si Tiago n'est pas bien épais, je crois avoir perdu suffisamment de poids pour que n'importe lequel de ses t-shirt paraisse trop large sur moi.