Je m'affale sur ma chaise, contre le dossier.

"Je- Ouais. Bien sûr ouais. Prends le temps qu'il te faut."

De toute façon, même si tu pars. J'avais dit que je t'invitais. Puis. Calme toi, Erik. Regarde. Elle a laissé ses affaires. Son sac. Sa veste en cuir. Je la regarde passer devant moi, puis dans mon dos. Putain. Je lèche mon pouce et mon index, pour étouffer la flamme de cette putain de bougie entre mes doigts. Bordel. C'est calme. Silencieux. Froid. Putain. Même le verre d'eau que je me sers est insipide. Et le temps est long. Si long. Ma main gauche joue avec la pierre précieuse, machinalement. Je refuse de regarder par dessus mon épaule. Au cas où elle me surveillerait à travers la vitre. Attendant que je vérifie si elle est partie, si je lui fais pas confiance quand elle a dit qu'elle revenait. Putain. J'ai tant envie. Tant besoin de savoir. Nana. Le temps est si long, sans toi. Dans cette attente. J'aimerais que tu sois là. Que tu me tiennes la main. Que tu me dise que c'est pas grave. Que j'ai merdé. Et que tu me pardonnes. Qu'on passe à autre chose. Qu'on rallume cette bougie, que je la souffle comme il se doit, en faisant le vœu de souhaiter le- non. Les prochaines, avec toi. S'il te plaît. Me laisse pas tout seul. Je sens l'eau monter. Juste au bord de mes yeux. J'ai pas envie de pleurer putain. Alors pourquoi, hein ? Du mouvement, dans ma vision périphérique. Du marron, du noir, du doré. Nana... Je la suis du regard alors qu'elle reprend sa place en face de moi. J'ai pas l'impression qu'elle ai pleuré.

"T'excuse pas. T'as pas besoin. T'es déjà pardonnée."

Je la laisse continuer, cherchant ses mots. Je m'efforce de sourire. Ce qui est pas si dur, soulagé que je suis de la voir de retour. Tu m'as manqué, Nana. Tu m'as plus manqué en 3 minutes qu'en deux mois. Je pensais pas ça possible putain. Je l'écoute, j'ai envie de répondre. De dire tant de choses. Qui ne passeront jamais mes lèvres. "Je ferais n'importe quoi pour toi". Puis ta tête dans tes mains. Nana putain. Nana. Moi aussi je ferais n'importe quoi pour toi, c'est pas le sujet et- Putain. Non en fait. Non, on recommence pas à zéro. C'est mort putain.

"Non Nana. Je- Non. Non. Non. Je suis désolé. Mais je suis incapable de faire comme si ce qu'il s'est passé entre nous, en quoi, deux mois, ça soit pas arrivé, okay ? Je veux pas oublier ça. Continuer, oui. J- Deux neurones se connectent. Putain. J'ai overreact à ce point ? -Si tu parles de ça. De cette dernière phrase. Okay. Je veux bien qu'on l'oublie. Juste, avant. Nana. Regarde moi, s'il te plaît."

Je prends sa main, avec une douceur infinie.

"Je ferais n'importe quoi pour toi, moi aussi."

Je ne peux pas m'empêcher de sourire bêtement, à la fin de la phrase. Putain.

"Maintenant on peut oublier, et continuer. Ça marchera pas à l'infini, cette technique. Si ? ""

Je rigole doucement. Je sais pas pourquoi. C'est magique. J'sais pas. Putain. Ça fait du bien quand ça sort, okay ? Pourtant on passe à autre chose hein. J'essaie de me remémorer ses mots.

"Je crois que je veux bien qu'on fête mon anniversaire... C'est bête hein. Mais. J'aurais dû t'en parler. Que tu puisses avoir toutes les cartes en main, comme moi. Qu'on soit à égalité. En plus le tiramisu est au café. Tu sais à quel point j'aime ça. Juste. Une chose. Vraiment. Il n'y a. Absolument rien. Qui puisse plus me faire plaisir que ta présence. Vraiment. On aura tant d'autres opportunités pour faire mieux. C'est quand, ton anniversaire, Nana ? Que je l'oublie, qu'on soit à égalité ? "

Non… Erik. C’est pas ce que je veux dire. Je refuse d’oublier nos quelques rencontres, je veux juste que t’oublie cette phrase à la con qui est sortie si vite… si fort… si bêtement de moi. Sa main vient récupérer l’une des deux qui me soutiennent la tête tandis que la deuxième reste à soutenir le poids de mon crâne. J’ai envie de m’en coller une sérieux. Il m’a demandé de le regarder et j’ai finit par lever les yeux doucement pour retrouver le Erik que je connaissais. Le visage détendu par ce sourire qui éclaire à nouveau la pièce.

«  Erik… »

Ça sort dans un chuchotement étouffé. J’ai la gorge qui se serre quand mes iris se plongent dans les siens. Ses mots me frappent en plein milieu, j’ai demandé à ce qu’on oublie mais je ne veux pas oublier sa réponse qui me fait grimacer alors que j’ai cette larme de soulagement qui veut m’échapper. J’inspire fortement pendant que mes doigts viennent se serrer dans sa main. Il m’a fallu de le regarder me sourire, me parler, pour que tout s’écroule en moi.

«  J’en sais rien je t’avoue, dis-je dans un léger rire qui brise la froideur de mon visage . Je suis trop désolée. Je veux pas oublier non plus tu sais, je sais pas je dis que des conneries.  »

Son doux rire vient encore plus m’apaiser. Si subitement. La tension électrique se dissipe complètement. Si intensément. Je laisse ma deuxième main se joindre sur la sienne, entourant de nouveau sa main entre mes deux paumes. Je m’en veux. Mais ce qui m’importe tout de suite, c’est lui. Le but n’était pas de se prendre la tête. Je voulais en rire au début de cette bougie… mais… j’ai si mal réagit putain. Je comprends pas pourquoi c’est pas lui qui s’est barré. Je l’aurais si amèrement mal pris de le voir me quitter ici… enfin… passons. Un sourire en coin se dessine pendant que je l’écoute à nouveau parler. Je finis par pousser un petit rire relaxant toute expression nerveuse de mon visage.

«  C’est le 16 octobre, Erik. Ça me fera plaisir si tu t’en rappelles en vrai- je tiens quand même à te donner quelque chose pour ton anniversaire, tu m’en empêcheras pas. OK ? »

Je ramène sa main vers moi avant de déposer un léger baiser sur la paume.

«  Mais avant, très important… »

J’enlève une main pour placer deux doigts sur la mèche de la bougie éteinte. Mes yeux balayent rapidement les alentours puis, lui offrant un sourire doux, enfin, j’enlève ma deuxième main pour masquer la bougie et laisser mon électricité réchauffer suffisamment le bout de ma peau sans laisser paraître aucun arc pour que la bougie se rallume subitement. Tada !

«  Fais un vœux, ensuite on pourra s’occuper du tiramisu… et de continuer cette soirée… notre soirée. »

Je viens reprendre sa main subtilement.

«  Tu peux souhaiter ce que tu veux mais n’oublie pas, si tu le dis à haute voix ça ne se réalisera pas. »

"Tu dis des conneries ? Quelles conneries ? J'en ai aucun souvenir..."

En vrai. C'était pas des conneries hein ? C'était juste maladroit, ou pas forcément le moment, peut-être. Mais ça ressemblait pas à des conneries. "Je ferais n’importe quoi pour toi". Je vais faire comme si ces mots n'avaient jamais franchi tes lèvres. Mais. Savoir. Qu'ils sont quelque part, en toi. Que tu le pense. Même si tu l'as techniquement jamais dit. Je me sens si léger. Si bien.

"Et sois pas désolée. Y a pas besoin d'être désolé. Je comprends ta réaction. Et je m'excuse, de t'avoir poussé aussi loin dans tes retranchements. T'es toute pardonnée, okay ? "

Ma main libre rejoint les 3 autres et je la caresse doucement. Nana. Rien que penser ton prénom me fait sourire, okay ? Et nos mains. C'est juste leur place. C'est juste normal. Juste naturel. J'essaie de faire les choses bien. De la rassurer. De plaisanter. De nous sortir de cette gêne et ce malaise. Même si en soit c'est fait, déjà. On se quitte pas du regard, on sourit, on est légèrement gênés mais on est heureux d'être là.

"Je- J't'en empêcherais pas. C'est pas comme si j'en avais le pouvoir de toute façon- je souris -et en vrai j'aime bien les surprises okay ?Par contre, le 16 Octobre. J'ai aucun moyen mnémotechnique là oublie pas de me le rappeler okay ? Genre une semaine avant ou quoi tu sais. J'suis vraiment terriblement nul avec les dates moi..."

Avec les dates aussi semblerait. Mais soit. Omg. Ses lèvres viennent dépose une petite marque sur le dos de ma main et je deviens un peu plus rose moi aussi. Nana... Ça fait battre mon cœur si vite. Si fort. Comme s'il voulait sortir pour s'offrir à toi. Ses doigts qui imitent ce qu'ont fait les miens il y a quelques minutes. Qui se serrent autour de la mèche froide de la bougie. Ses yeux qui cherchent à déterminer s'il y aura des témoins. Son sourire. Ses yeux qui brillent et me rappellent ce moment, sous la pluie. Ou entre le jacuzzi et sa chambre. Chaque fois qu'elle utilise sa magie. C'est. Tellement doux. Tellement bien. Et la flamme qui danse à nouveau. Je ne regrette pas de l'avoir endormie. Ça aurait été dommage qu'elle se consume en entier. Ça aurait été dommage de pas assister à ça. À Nana qui brave les règles de Terrae pour moi. Ses mains se fondent à nouveau avec les miennes, et je souris. Je ne sais plus faire autrement. Putain Nana. Vraiment. Toutes mes émotions, tout tourne autour de toi. C'est terrifiant, un peu. Je souris, les yeux perdus dans la contemplation de la petite flamme. Je souris à ses mots. Un vœu ? Mon sourire reste doux, mais avec une pointe de malice.

"Alors que souhaite que cette soirée se termine rapidement-"

J'vous ai déjà dit que j'étais un tricheur ? Je souffle sur la bougie, qui s'éteint aussi sec. Mes yeux dans ceux de la Tonnerre. Voilà ce que je souhaite. Tout le contraire. J'ai pas besoin de souhaiter plus. Je veux juste passer du temps avec toi. C'est tout. Vraiment. Enfin. J'aurais pu souhaiter plein de choses. Mais là, tout de suite. T'es tout ce qui m'importe. Vraiment. Tout. J'attrape une des cuillères que je lui donne, gardant la seconde pour moi

"Le 16 Octobre hein ? J'essaie d'enregistrer-"

Addicted

Un soupir de soulagement s'échappe d'entre mes lèvres pendant que nos quatre mains se sont reliés ensemble. Mon impulsivité a pris le dessus au lieu de simplement gérer la situation comme elle aurait dû se faire... Mais ce qui m'importe tout de suite, ce sont nos yeux accrochés, et la chaleur de nos paumes qui créé cette énergie puissante dans l'épiderme de notre peau dans un toucher si doux.

« Je note je note. On est deux à aimer les surprises alors- répondis-je dans un sourire un peu plus large. Bah, dis toi juste que c'est le lendemain de la moitié du mois? T'sais genre, lendemain du 15. Je sais pas? 21 Avril, va me trouver une idée pour retenir ça. Je le mettrais dans les notes de mon téléphone, j'sais pas... »

Je me permets ce geste tendre sur sa paume, sans trop réfléchir, je ne comprends pas tant ce qui a pu me passer par le crâne de le faire, mais je l'ai fait. Qu'est-ce que je cherche si désespérément chez Erik pour autant me sentir si douce ce soir?  La réponse ne vient pas alors que je me répète la question mentalement sans cesse, dans un cycle sans fin. Mais, focus un peu sur la bougie froide qui nous fixe. Je prends soin de très discrètement la rallumer, lui demandant de faire un vœu. Je secoue la tête en roulant des yeux, toujours souriante, pendant qu'il dit ''son vœu'', soufflant avec cette fierté la flamme que j'ai allumé. Pourquoi je ne suis pas étonnée par tes mots et ton regard de malice. Je suis une tricheuse mais je l'avoue moi au moins tandis que tu triches et tente de frayer ton chemin jusqu'à moi en prenant des raccourcis.

« Joyeux anniversaire, Erik. »

Je profite de rapatrier mes cheveux sur une épaule seulement avant de prendre la cuillère qu'il me tend. J'ai la nuque en feu par la lourdeur de ma chevelure. Je porte le bout du couvert froid contre mes lèvres, nos iris toujours connectés. C'est drôle un peu cette coincidence qu'on a en commun. D'avoir les yeux de la même couleur que notre affinité. L'or du tonnerre, le bleu de l'eau, de l'océan...

« Tu peux toujours juste l'écrire à ton calendrier tu sais, ricanais-je. »

C'est kitsch un peu de dire ça non? Qu'importe. Je viens mordre le bout de la cuillère pour la tenir pendant que mes seuls doigts libres viennent retirer la bougie encore fumante, la laissant à côté de l'assiette. Je reprends la cuillère et lui pointe du regard le dessert.

« Je t'en prie. »

Dès lors que sa cuillère touche le tiramisu, je me lance aussi à prendre une première cuillerée. Laissant l'onctuosité et la force du café faire fondre mon palais. Je ferme les yeux brièvement.

« OK, ça c'est du tiramisu, dis-je avec une joue pleine. »

Ça me fait soupirer lentement. C'est parfait. Parfait pour finir ce repas, pour le partager avec Erik, passer à autre chose alors qu'on a repris si rapidement notre alchimie. Laissant derrière la froideur qui nous a crispé un peu avant. Ce regard dur et ce visage fermé qui s'est ancré dans un coin de ma tête, et que je souhaite effacer d'un coup d'éponge. Ne souhaitant garder que son sourire. J'en fais des caisses putain. Jurez moi qu'on a rien glissé d'étrange dans mes verres... On se lance quelques vannes au fur et à mesure que le dessert se consume par nos giga coup de cuillères. Vraiment, très bon choix. On a gardé une main dans l'autre tout le long. C'est une dinguerie. Il me semble qu'on a pas gardé de contact comme ça aussi longtemps depuis.. depuis... 'fin voilà. L'assiette vide, je souffle doucement.

« Je crois que si j'avale un truc de plus, je vais imploser. C'était vraiment, délicieux. Merci encore pour l'invitation. »

Ma main passe subtilement sur mon ventre après avoir laissé la cuillère dans l'assiette. Clairement on a pu mangé à notre faim, et la touche sucrée fut parfaite pour terminer. Heureuse de ne pas avoir mangé pour que mon estomac se régale de tout ça. Je me sens bien. Dans tous les sens du terme. Ravie d'avoir si bien mangé, d'être en sa compagnie, de pouvoir sortir un peu de Terrae... Le cadre est vraiment, différent. Différent de tout ce que j'ai pu vivre depuis un long moment.

« Je pense qu'on est dû pour une marche, et une clope, digestive, quand tu veux, on y va. »

Pour une petite balade dans Tokyo sur la route de la maison, ensemble.

"Ça va 21 Avril c'est facile à retenir. C'est un mois après le début du printemps ! Alors que ton truc de 15 plus 1 là ouaaaah. Euh. Nan ok. Nana c'est 1 + 6. Voilà. Le 16. Et Octobre c'est la saison des feuilles jaunes. Pfiew. J'ai plus d'excuse pour oublier, c'est ça ? "

1 + 6 ok ok. Facile. Et pourquoi pas 2 + 5 hein ? Parce que c'est la numéro un dans mon coeur. Et ouais. Pose pas la question Nana je t'en supplie hein. J'peux pas m'arrêter de sourire quand elle rallume ma bougie. De la plus jolie des manières, en plus. J'suis content. J'suis bien. Ce moment pourrait durer des heures que je continuerais de kiffer. Je fais mon non-vœu à voix haute et elle me souhaite un joyeux anniversaire. Mon cœur s'emplie de joie. C'est tout bête, mais cette attention me transporte.

"Merci, Nana. 1 + 6. J'oublie pas. J'vais m'en souvenir. Les feuilles d'automne. Le 10ème mois. Parce que t'es un 10/10. J'sais pas. Purée. Parce que nos anniversaires sont à l'opposé sur un calendrier. 6 mois. Ouais. Parce que t'es mon opposé ? J'sais pas c'est chaud hein. Oktober Fest. La bière. Ma bière préférée c'est la blonde. Blonde. Octobre. Pfffff-"

Comment ça le noter dans un calendrier ? Ça manque de charme un peu quand même. J'lui tend la cuillère et elle enlève la bougie du dessert. Puis elle attend que je prenne une cuillère pour faire de même. C'est gentil. J'aurais bien fait pareil mais on va pas se regarder sans y toucher à ce dessert, quand même. C'est mon anniversaire après tout, alors je joue le jeu.

"Hmmmmpf- Vraiment faire un truc aussi bon dans un resto de sushi j'ai jamais compris."

Je me régale. C'est parfais pour combler la petite dent sucrée d'après pétage de bide. Pas trop lourd. Frais. Vraiment une bonne idée. Cuillère dans une main, celle de l'autre dans l'autre. Oui, il faut un bac +2 pour comprendre cette phrase. Mais on se tient la main en mangeant, quoi. Je vous jure que ça donne meilleur goût à à peu près tout. J'suis quasiment dans le même état que Nana, qui dit qui dit qu'elle peut plus rien avaler, une main sur le ventre. Trop mim's. La voix de Megumi vient me tirer de ma rêverie.

"J'espère que tout s'est bien passé ? Erik, un expresso, comme d'habitude ? Nana, une boisson chaude ? "

"Deux expresso, s'il te plaît. Sans sucre. C'est bien ce que tu prends non ? "

Oui c'est juste pour flex. Parce que c'est ce qu'elle avait pris, chez moi, ce jour là. Ce 14 Février. J'suis content de l'entendre acquiescer.

"Ouais ça va être agréable en plus, il va pas faire trop chaud et tout. Et de rien pour l'invitation. Ça me fait plaisir."

Ma main libre vient caresser sa joue alors que je me penche par dessus la table pour l'embrasser rapidement. Ses lèvres sont tièdes. Douces. On se regarde un moment sans rien dire, nos pouces dansant en rythme sur nos mains. Arrivent les cafés, et l'addition, que je règle directement, sans oublier un généreux pourboire (généreux selon mes standards hein. Genre 2000 ¥) pour Megumi et toute l'équipe. Elle le refuse d'abord, mais j'insiste.

"C'était vraiment bien. Et bon. Et Nana est toujours là. C'est pas comme quand je suis tout seul à venir. Quand vous me mettez dans un coin sombre près des chiottes et tout-"

Je souris devant les pommettes de la serveuse qui rougissent.

"Vraiment, merci, Megumi. J'te vois en sortant, à toute -"

Je lève mon café, les yeux dans ceux de la Tonnerre, le terminant en deux longues gorgées, encore bien chaud. Puis je range toutes mes assiettes et tous mes bols proprement sur le bord de la table en attendant que Nana termine. Ses doigts, je les connais frais, presque froids. Pourtant. Ils sont si chaud, dans la paume de ma main. Nana. Vraiment. Je ne m'en lasse pas, de nos doigts entrelacés. De nos yeux qui ne se quittent plus. De ton sourire. De son goût. Quand elle pose sa tasse vide sur la table, je me lève et lui présente sa veste, avant de prendre son sac et de l'inviter à me suivre vers la sortie. Dans le hall d'accueil, Megumi. Je rends son sac à la blonde, le temps de prendre mon ancienne collègue dans mes bras un bref instant, avant de lui faire face :

"On a passé un super début de soirée, merci choupette- Ça m'a fait plaisir de te voir. Tu fais un bisou à Kaishi de ma part, hein ? Tu lui dit que son mot m'a fait plaisir ok ? "

"Tout le plaisir était pour moi. Joyeux anniversaire encore, Erik. Ravis d'avoir pu te rencontrer, Nana. Prends soin de mon Rikou, d'accord ? "

C'est moi ou elle lui a fait un clin d'œil ? Oh sa mère.

« OK, t'es un petit malin à faire des jeux de mots avec les chiffres hein, pouffais-je. Je ferais de mon mieux pour m'en souvenir, 21... 2 mois avant le solstice d'été...»

Je compte quand même me mettre un rappel... 21 avril. Je tenterais de ne pas oublier. Mais en soit, je n'oublie aucun détail de toi Erik. Ma mémoire semble vouloir te garder au chaud.  Il finit par faire son ''vœu'' et je lui souhaite sur un ton doux son anniversaire. Il va falloir que je regarde s'il y a des stands dehors pour lui trouver quelque chose sur la route. C'est trop dernière seconde alors ce sera peut-être une babiole, mais je peux pas rester les mains vides. Bien que mon cristal est ce qu'il chérit le plus. C'est plus fort que moi. Je me mets à glousser sur la notion du 10/10.

« Hahaha j'ai compris t'as pleins de choses qui te font penser à ma date finalement, c'est pas mal. Peut-être je pourrais me rappeler du 21 en pensant que t'es un 11/10 et que si je me rajoute ça fait 21. »

C'est... C'est... Ok non je ne m'auto-commenterai pas. Prête pas attention à ce que je dis putain.

« J'vais pas te mentir que je suis bien heureuse qu'ils savent faire des desserts aussi bon. D'habitude ils n'ont que de la glace pour finir le repas... C'est cool mais ça ne vaut pas cette merveille. »

On s'occupe le dessert autant que nos mains reliés dans une chaleur qui nous traverse. Limite, c'est aussi naturel que de respirer de l'air. On n'y prête presque pas attention, habituer depuis le début de ce repas à ne se servir que d'une main, à ne pas vouloir se laisser car la table est déjà assez grande pour nous distancier.

Megumi arrive et je lui fais un signe de tête positif lorsqu'elle demande si tout s'est bien passé. Tout s'est plus que bien passé. Mais j'imagine qu'elle le sait déjà. J'offre un sourire aux deux en acquiesçant la commande de café. Un expresso ce sera parfait pour finir, pour reprendre un petit boost pour la route qui nous attend. Puis le café est bon pour la digestion.

« Ça va être parfait, répondis-je dans un sourire quand sa main vient cajoler ma joue. »

Bien que ce le soit déjà. La sensation de ses lèvres contre les miennes continue de réveiller en crescendo la flamme qui me consume quand je le regarde, je lui effleure la mâchoire pendant ce petit laps de temps. Table de merde. OK non j'abuse. Ou pas. J'ai besoin de briser cette distance, de pouvoir t'embrasser jusqu'à ne plus avoir d'oxygène dans mon système. Sentir ton souffle chaud qui m'effleure avant que ton odeur emplisse mes narines et mes pensées. Je suis incapable de contrôler ce que je pense. Pas envers toi Erik.

Je rapproche la tasse de moi pendant que je le laisse faire le nécessaire avec la serveuse, retenant quelques mots, puis sur la table pendant que je déglutis progressivement le café chaud encore un peu fumant. Je ne sais pas quel grain ils utilisent, mais ça réveille. J'imagine une bonne torréfaction forte. On finit par se lever et enfile la veste qu'Erik me présente. Je fais ressortir d'un geste vif mes cheveux qui se sont enfournés dans mon dos. Un sourire aux lèvres amusé, je le regarde porter mon sac jusqu'à l'entrée avant de le récupérer sur mon épaule.

« Ravie d'avoir pu te rencontrer également Megumi, merci beaucoup pour ce soir c'était vraiment super! Promis je ferais gaffe, répondis-je d'un clin d’œil en retour. »

OK. C'est cool le tac-au-tac. On se souhaite la bonne soirée puis on quitte le restaurant. On s'avance de quelques pas et je me retourne vers Erik, venant l'embrasser langoureusement. Enfin. N'ayant plus de table pour nous empêcher de le faire durer. Ses bras m'entourent et sur la fin, ses lèvres encore contre les miennes je souris. Je me laisse vraiment aller ce soir... Ne laissant pas forcément le temps à Erik de me tenter de l'embrasser, j'y vais de moi-même. C'est étrange, mais agréable. C'est si... facile...

« Allez, rentrons. Le métro est pas trop loin ça va!»

Hâte de pouvoir déboutonner cette chemise. Je m'allume une cigarette et lui tend mon briquet pour qu'il allume la sienne. La bouffée mélangée à l'air froid me fait du bien et j'ai repris un peu d'énergie grâce au café. La station de métro est quand même à quelques pâtés de maison d'ici alors faut marcher.

Cette fois-ci, j'entoure mon bras dans le sien et on part dans notre traversée. Tokyo la nuit c'est vraiment incroyable, toutes ces lumières et cette vie... Cette foule... C'est vraiment beaucoup, ça peut être vite étouffant mais ce soir, ce ne sera pas le cas. Lourde dans l'estomac mais légère dans l'esprit. J'espère qu'on ne dépasse pas l'horaire imposée. Son téléphone n'a pas sonné donc j'ai espoir que non. Il est vrai que j'ai un peu hâte de retourner à Terrae, qu'on puisse continuer de passer du temps tous les deux, loin des regards, loin du monde. Peu importe où. Y a pas de plan. On continue de parler sur la route, mon regard faisant des aller-retour entre le trottoir et Erik. Parce qu'il y a du monde. Ça saoulerait de me prendre quelqu'un en pleine face. Puis, pourquoi je te tiens le bras? Est-ce que je n'ai pas osé te prendre la main parce qu'on est dehors? Ou j'ai paniqué et j'ai juste voulu t'entraîner dans la marche tout de suite? Aucune idée mais je voulais le garder près de moi. On s'est promis une belle soirée, on va la continuer. Mon attention se dérive pendant une fraction de seconde par une musique lointaine dont on se rapproche. Au coin d'une rue, un groupe de musicien de rue s'amuse à jouer dans une rythmique pop-indie. Mes yeux scintillent et un sourire espiègle s'installe.

« Regarde! C'est trop cool attend faut qu'on aille voir ça! »

Ce sera bref, promis. Juste le temps de regarder un peu parce que le métro est vraiment juste à côté maintenant. Je descends mon bras suffisamment pour que ma main se relie à la sienne puis on se rapproche rapidement. C'est un groupe de quelques personnes qui chantent et jouent de la guitare, et du synthé. Y a pas mal de monde autour qui regarde mais ce n'est pas une foule compacte, dont nous désormais. On est un peu plus grand que la majorité des japonais alors on n'a pas de problème à regarder. Je me dandine un peu sur place.

« C'est tellement cool! Ça me rappelle quand j'étais chanteuse au bar de Terrae à mes débuts! Leur musique est vraiment cool, tu trouves pas? »

J'ai grave la banane et j'ai accroché le regard d'Erik, un air si doux sur mon visage, je peux le sentir.

Un dernier coucou à Megumi et on part sous les néons autres éclairages urbains. On a un peu de marche, jusqu'à la station de métro. Son bras s'enroule autour du mien. Je repense à nos derniers échanges, pendant le dessert, et le café. Moi, un 11/10 ? Je rougis un peu d'y repenser. 16/10/97. Ok. Retiens, Erik. Retiens. C'est pas compliqué ok ? J'vais gaffer c'est sûr j'vais oublier d'ici là hein. C'est pas possible autrement. On débouche sur une artère un peu plus passante et, effectivement. Elle est plus passante. Je sens Nana qui se presse un peu plus contre moi. Est-ce qu'elle est agoraphobe ? Ou peut-être qu'elle a froid. Ou qu'elle ne veux pas me perdre... Erik. Putain. On est en train d'attendre à un feu rouge, sur le bord du trottoir, quand je vois la Tonnerre lever la tête, cherchant l'origine de- quelque chose. Une odeur ? Non, je sens rien du tout. Prob- Oh. Quelques notes de musiques résonnent à mes oreilles, effectivement. Et comme de par hasard, j'me retrouve entrainé à la suite de la Téléporteuse en direction de la mélodie. C'est pas forcément ce que j'écoute d'habitude mais plus on avance, plus c'est entraînant. Sa main a glissé le long de mon bras pour saisir mes doigts, qui refusent de la laisser partir toute seule à travers la foule. Elle navigue, ondule entre les ilots de personnes pour finalement nous trouver une petite place à l'avant de l'attroupement. Une guitare, une basse, un synthé et une batterie. Classique, mais terriblement efficace. Je sens Nana qui se tortille un peu au bout de mon bras.

"Tu chantes Nana ??? Et tu comptais me dire ça quand ??? Enfin. C'est vrai que c'est cool mais. Tu. Chantais. Au bar ou j'ai bossé. Avant que j'arrive. Quand tu étais mineure ??? C'est ça que t'es en train de me dire ? Que tu profitais des boissons offertes aux groupes alors que t'avais pas l'âge ??? C'est honteux."

Mon sourire est provocateur. Tu chantes, Nana ? J'ai trop envie d'entendre ça omg. Ta voix. Elle me fait tellement vibrer. Mais alors si tu chantais. Je serais à tes pieds, en fait. Encore plus que maintenant. Regardez là, en train de sautiller d'un pied sur l'autre, fléchissant les genoux en rythme. C'est entraînant. Tellement entrainant que je me laisse aller à hocher la tête avec la musique, tapant du pied par terre. Ma main serre un peu plus celle de la Tonnerre. Mon regard se fait vague pendant que je cherche à quoi cette musique, à quoi cette ambiance me fait penser. Quand le volume commence à baisser, je me penche vers l'oreille de Nana pour y glisser mes impressions.

"J'aime bien. Genre. Beaucoup. Ça me fait penser à cette chanson de Frank Sinatra, Que j'aime de ouf. Fly me to the Moon et- Hey, Nana ? Tu vas - Putain."

Nan mais les Tonnerres putain. Vraiment. Nana. Vraiment. Je la regarde s'éloigner à travers la foule, en direction du groupe. Vraiment. Nana. Est-ce que c'est nécessaire. J'veux dire. J'aurais pu dire n'importe quelle autre chanson, en plus. Et non. Putain. Elle est vraiment en train de leur parler. Elle est. En train. De. Leur. Demander. De. Chanter. Une chanson. D'amour. Pour. Moi. Parce que j'ai dit. Que. J'aimais bien ? Nana ??? J'vois le mec à la basse éclater de rire, et hocher vigoureusement la tête. Putain. Ok j'imagine que voir une blondinette parler parfaitement japonais, sans accent et tout c'est impressionnant mais c'est ma blondinette putain. Bordel. Nan. Nana. Vraiment. C'est quoi la chance que 4 connards à un coin de rue dans Tokyo connaissent Franky hein ??? Putain. J'vois le gars chercher un truc sur internet. Surement les paroles ou je sais pas. Putain. J'suis pivoine. Nana. Elle est déjà près de moi, sa main est déjà dans la mienne quand le micro grésille.

"Joyeux anniversaire, Erik-san ! "

Mes yeux roulent vers le ciel. Putain.

"C'était vraiment obligé, ça ?? "

J'ai même pas le temps de finir mes remontrances que les premières notes résonnent.

Fly me to the Moon

Nos mains, l'une dans l'autre et. Les paroles, qui nous intiment de nous embrasser, pendant que finalement on se lâche pour mieux s'enlacer, nous balançant de droite à gauche, liés par les lèvres et la taille, dans un semblant de slow maladroit. C'est vraiment en train de se passer, là ? Nos lèvres refusent de se quitter malgré l'air qui commence à nous manquer. Je suis pivoine. Pas à cause d'un manque d'oxygène. À cause des paroles. Bordel. Ce qu'il fait chaud, pour un mois d'Avril, hein ? Les gens autour de nous se sont écartés. Ils ont bien compris que c'était mon anniversaire. Putain. Merde hein Nana. T'as même pas réussi à faire ça discrètement et. Qu'est ce que je raconte putain. J'en ai rien à foutre, en fait, des autres. Elle est toute contre moi. Chaude. Douce. Et je sais à quel point cette chanson est courte. Profite, Erik. De ce moment où, le jour de tes 27 ans, tu as serré cette femme contre toi, en pleine rue, après qu'elle ai demandé à un groupe de chanter une chanson pour toi. Je ne peux pas m'empêcher de sourire contre ses lèvres. Nana. Comment j'ai pu sourire, avant de te connaître ?

« C'est un secret que tu découvriras plus tard peut-être Erik, répondis-je en lui tirant la langue légèrement. »

Ça date d'il y a si longtemps... Mais ce fut une belle époque. Le bar ne ressemblait pas du tout à ce qu'il est maintenant. Mais je garde des bons souvenirs... Dont celle de ma cuite avec Aaron pour un concours d'alcool. Je n'étais pas tant dans la légalité, mais c'était bien. Ça me rend un peu nostalgique mais j'aimais ces moments sur scène. Maintenant, il n'y a que ma douche pour m'entendre. On se laisse entraîner par la musique ensemble, entourés de personnes qui font miment le hochement de tête. Quand il me partage son impression, un flash d'idée me vient. C'est parfait ce que tu me dis Erik. Sinatra est un classique que beaucoup connaissent... Et je sais quoi t'offrir. À peine mentionner je le lâche pour me rapprocher jusqu'au groupe.

«  Salut! C'est l'anniversaire du blondinet là-bas je voulais le surprendre et vous jouez tellement bien, pourriez-vous jouer Fly me to the Moon de Frank Sinatra?  Demandais-je en leur tendant un petit montant d'argent, un large sourire sur le visage. »

Ça les fait rire mais ça leur ferait plaisir de me faire cette faveur, trouvant mon japonais parfait au passage. Je me penche pour les remercier avant de leur faire signe d'un pouce en l'air, rejoignant finalement Erik qui a sûrement envie de se cacher à l'autre bout de la ville. Je reprends sa main tout de suite, lui offrant un clin d’œil. Il lui annonce même publiquement que c'est son anniversaire, je glousse en voyant son visage qui prend de plus en plus de couleurs pendant que ses yeux roulent gracieusement. J'éclate de rire à sa réflexion.

« Ouaip. »

Parce que je sais que ça te ferait plaisir même si tu te la joues un peu grincheux. On se met à danser ensemble au rythme du groupe, nos corps si collés pendant que nos lèvres ne veulent pas se laisser, et que nos mains s'accrochent à l'autre. Le monde nous a laissé de l'espace tandis que d'autres personnes se sont mises à danser discrètement sur les côtés. Qu'est-ce qu'on en a à faire des regards finalement, personne ne nous connaît et on ne risque pas de les recroiser non plus dans cette vie. Y a qu'Erik qui compte, ses sourires contre mes lèvres à chaque fin de nos embrassades. La musique suit son court et on finit par coller nos fronts ensembles jusqu'à la dernière note. Cette version acoustique n'est pas si mal finalement. Il me semble l'avoir déjà chanté sur demande par le passé... Je ne sais pas je vois ce petit flash qui me traverse vite l'esprit avant qu'il ne redevienne flou par un énième baiser. Se rapprochant doucement de la fin, je sens les mains d'Erik qui se déplacent pour ramener mes mains en avant entre nous deux, un sourire sur le visage. Je le vois venir. Faut pas que je tombe. Sur un dernier déhanché je me laisse emporter dans le mouvement quand il fait lever mon bras et que je tourne doucement sur moi même sur un pied. Mes cheveux suivent dans un effet de vague et nos visages se retrouvent face à face quand il m'attire contre lui en tirant sur le même bras lorsque la toute dernière note se termine. J'ai le sourire jusqu'aux oreilles, et le cœur battant.

« Le voilà ton cadeau, Joyeux Anniversaire, soufflais-je en volant un baiser rapide.»

Bien plus simple que de lui acheter une babiole finalement , c'est plus personnel, plus attentionné Si on peut dire. La foule ainsi que les musiciens se mettent à applaudir. J'éclate de rire et lâche Erik complètement pour l'applaudir à mon tour. Je pars faire un aller-retour rapide vers le groupe pour les remercier et leur glisser quelques billets de remerciement. Ils me laissent savoir leurs horaires si jamais je repasse dans le quartier ainsi qu'une carte si je veux acheter leur CD en ligne. Je les remercie et retourne auprès du Eau. La foule s'est compactée mais il n'a pas bougé de sa place. C'est un anniversaire qu'il se souviendra. J'espère. Je le pense. Je sais pas. Mais ça restera dans ma mémoire, je commence à avoir chaud sous ma veste d'avoir bougé... d'avoir cette énergie dans ma cage qui me secoue de plus en plus.

« Maintenant, on peut rentrer. »

Je croise mes doigts dans les siens et on rentre dans la station à la recherche de notre ligne. On finit par se retrouver à attendre sur le quai. Il n'y a pas tant de monde qui le prend ce métro à cette heure-ci on dirait. Tant mieux, ça me permet d'avoir un meilleur focus sur Erik, laissant ma tête se poser contre son épaule en regardant les rails.

« Alors, content? Demandais-je avec un sourire fier.»

Je vous jure que le prochain fils de pute qui applaudit je lui pète le crâne en deux bordel. J'ai juste- Bon ok. Mais 'fin. C'était juste une petite toupie de rien du tout je me suis trop pris au jeu putain voilà hein. Joyeux anniversaire ouais. Merci. Putain. En plus le pire c'est que j'suis super content et que c'était trop chouette mais le retour à la réalité il pique okay ? C'est tout quoi. Bordel. Ce petite baiser, à la fin. Je sais pas comment le définir. C'était pas passionné. C'était pas spécialement doux, ou tendre. C'était juste de l'affection ? Nana. Tu me fais trop réfléchir. Putain. Ce que j'aime comme tout est si simple, comme tout est si naturel, avec toi. Mais alors pourquoi ça tourne autant, dans ma tête. Pourquoi j'ai peur que ça s'arrête d'un coup, sans raison. Parce qu'elle s'éloigne à nouveau, après ce baiser volé ? Je ramène ma main tendue dans sa direction vers moi, penaud. J'sais pas ce que je branle putain. C'était chouette. La musique. Nana. Les deux rien que pour moi. Ses lèvres. Sa peau. Son odeur. Sa jupe qui se soulève légèrement pendant le spin. Elle est si belle. Et c'était si mignon. Même si me souhaiter mon anniversaire avant le morceau putain les batards. Même si j'suis sûr que c'est ton idée pour m'embêter. Je la vois revenir, le sourire aux lèvres. Ce que tu es belle, Nana. Tellement charmante, avec ton sourire d'enfant fier de sa connerie. J'te remercie, pour ce moment.

"Alors rentrons. Refais plus jamais ça. J'ai cru j'allais mourir okay ? Mais- Je reprends ma respiration, hésitant un moment. -en vrai, j'ai bien aimé. C'était chouette. Et- Merci. Il va me falloir un peu de temps pour, pfiew. Pouvoir en profiter dans ma mémoire. Ça me touche okay ? T'es adorable. Merci. Merci, vraiment. J'veux pas que tu penses que j'ai pas aimé, parce que c'est pas vrai. M'afficher en public comme ça Nana... J'suis Eau quoi-"

Tu me crois quand je te dis que vraiment c'était trop chouette, Nana ? Mes yeux dans les tiens. Est ce que je pourrais te mentir, comme ça ? Je sais que non. Mais est-ce que tu me crois ? J'espère. J'imagine que oui, quand ta main retrouve sa place et que tu m'entraines vers la bouche de métro. Ça fait bizarre de pas avoir de carte. On prend nos billets et on attend, seuls, sur le quai. Sa tête se pose contre mon épaule. Nana. Nana. Je ferme les yeux, me concentrant sur sa chaleur. Rien d'autre n'existe plus. Le doux souffle de sa respiration. Sa tête qui se soulève doucement au rythme de la mienne. On a vraiment un soucis, Nana. La seule personne qui fait ça. C'est Ariana, de temps en temps. Et c'est zéro ambiguë. Pourquoi toi ça me donne chaud. Pourquoi toi c'est comme ça. Le métro arrive à quai et on s'installe sur deux places côte à côte. La rame est presque vide, alors je me laisse aller à poser mon épaule contre la sienne, posant ma tête contre la sienne, mêlant nos doigts. On est trop à l'aise. Purée. On devrait pas faire ça. Enfin. On l'assume, pourtant mais. Il y a toujours une sorte de barrière invisible. Qui nous empêche pas de profiter, certes. Mais qui nous empêche de. Je sais pas. Nous projeter. Qui nous fait ressentir ce sentiment de tristesse, de détresse quand ça s'arrête. Cette incertitude quand à la prochaine fois, Quand elle aura lieu. Si elle a lieu. Les yeux clos, je brise le silence qui s'était installé tranquillement. Il était pas du tout désagréable, loin de là. Mais j'ai envie de dire ce que j'ai sur le cœur.

"Je sais que la soirée est loin d'être finie. Enfin. Je l'espère sincèrement. Mais je tiens à te remercier. D'être venue. Je regrette vraiment, de pas avoir été transparent avec toi. J'ai passé une superbe soirée à Tokyo. Grâce à toi. Et sache que. Vraiment. J'suis même pas désolé, pour ton rouge à lèvres.. Il t'allait magnifiquement bien hein. Mais il semblerait qu'il préfère mes lèvres aux tiennes-"

Je ponctue par un baiser doux, long. Pour essayer de cacher cette douleur, lancinante, que je remarque enfin. Si on continue comme ça. Si, contrairement à ce que tu annonçais plus tôt, on continue de se cacher des choses. On profitera pas longtemps. Je le savais, en vrai. Je viens pas juste de remarquer. Mais plutôt. Je viens de prendre pleinement conscience de ce que ça impliquerait, si ça arrivait. Ou si ça n'arrivait pas. Je sais pas. Je sais plus. Putain. Pourquoi j'ai fait cette promesse ? Pour pouvoir coucher avec elle ? J'suis vraiment un sale con. Putain. C'est le visage fermé, malgré mon sourire, que je me dirige avec Nana, main dans la main, vers les grilles de notre maison. Vraiment. Je suis heureux. Je suis comblé, par sa chaleur. Sa présence. Par elle. Alors. Vraiment. Pourquoi j'hésite autant à parler. Elle va croire que je boude. Elle va me laisser en plan, ici, et se Téléporter dans sa chambre, pensant que je fais la gueule. Nana putain tu rends tout si simple, chaque instant se suffisant à lui même. Mais en même temps. Tu me voles ces sourires qui devraient faire briller tes yeux. Parce que j'ai peur de faire une boulette. Nan. Putain. Allez. Profite. Il est presque minuit, mais c'est encore mon anniversaire. Profite, Erik. Mon sourire revient quand je croise son regard. C'est passé. Je peux profiter encore un peu. Repousser ces tracas à plus tard. Vraiment. Elle est tout ce qui compte pour le moment.

« Tu vas t'en remettre t'en fais pas, ricanais-je. Si ça t'a plu c'est que j'ai réussi ma mission de secours du birthday boy. J'avoue que j'ai aimé le petit spin. »

J'aimerais te dire que tu t'y habitueras à force de me fréquenter... Mais ça me semble si étrange à dire sur l'instant. Je ronge mon frein. Ce moment si doux dans cette foule où il n'y avait que nous deux qui comptait, c'était bien. C'était cool. Le petit tour sur moi-même, j'en ai bien rit. À deux contre le monde... Belle image à garder en tête. Je me douterai que ça le gênerait de l'afficher, mais au final, qu'est-ce qu'on s'en fout Erik des gens? On est des putain de X-Men dans un océan de Moldus. Oui, je croise les références. Mais je savais que ça te ferait plaisir même si tu aurais peut-être préféré qu'on soit dans une salle vide avec la musique, on avait des yeux sur nous, mais les gens ont suivi et se sont mis à danser à côté aussi.

Je l'emmène au métro, sa main dans la mienne, si peu de gens aux alentours, on se remet doucement du moment musical. Son épaule a cicatrisé depuis alors je me sens moins coupable de laisser le poids de ma tête se poser directement dessus malgré la chemise. Ça fait si longtemps que je n'ai pas eut un moment comme ça avec quelqu'un... quelqu'un comme Erik. Je ne suis pas sûre de ce que ça veut dire. Enfin. Je me refuse d'y penser pour ne pas gâcher la soirée à ce que mes pensées me bouffent. Le plus important c'est qu'on profite de chaque instant ensemble alors que mes tympans vibrent au rythme incessant de mes battements, de mon sang qui circule à toute vitesse.

Le métro arrive au quai et on vient s'installer dans un wagon peu rempli, assis côte à côte. Sa tête vient se coller à la mienne et ça me fait sourire. Serrant ses doigts un peu, profitant de toute cette chaleur qui dégage et me fait me sentir autrement. Je ferme un peu les yeux et profite du moment, de sa corpulence posée contre la mienne. Je les rouvre quand il m'adresse soudainement la parole, le regardant du coin de l’œil tandis qu'il a gardé les siens clos. Je ris en soufflant fort du nez brusquement avant que je retrouve la douceur de ses lèvres par un long baiser qui vient me chatouiller le ventre soudainement, mon cœur loupant un battement par la douceur qu'Erik me transmet. Il est si différent des autres baisers  mais je n'arrive pas à discerner ce qu'il ressent là tout de suite alors que mes derniers neurones partent en vacances en Alaska, ma langue à la rencontre de la sienne dans une soif désespérée.

« T'as pas besoin de me remercier... Vraiment. J'ai passé un super moment à Tokyo aussi et c'est du passé cette histoire de transparence, la soirée n'est clairement pas finie... contrairement à mon rouge à lèvres qui s'est complètement fait la malle, espèce de voleur va. »

Je l'ai vu par la vitre du métro. Le peu de restant du rouge à lèvres n'est qu'une simple teinte un peu trop rosée qui restera jusqu'au lendemain. Mais c'est sans regret. Toute cette soirée est sans un putain de regret. On finit par descendre, marchant vers les grilles de l'Institut. On reste dans le silence un long moment, le bruit de nos pas est le seul bruit aux alentours. Ce n'est pas si mal après tout le brouhaha de la ville. On est habitués à des silences qui ne nous dérangent pas. Je m'allume une cigarette tandis qu'on se tient toujours la main. J'avoue que ça me manque d'utiliser mes pouvoirs... Je suis soulagée de pouvoir rentrer quand même en sécurité à Terrae. On est plus très loin et on ne se parle pas. Je me racle la gorge entre deux bouffés pour tenter de briser cela.

« Franchement, j'avais oublié à quel point Tokyo c'est en surpopulation. T'as vu tous les gens dehors? C'est fou. Mais c'est bien qu'on ai pu avoir l'autorisation de sortir pour aller manger. Pas que le restaurant à Terrae est mauvais mais c'est vraiment cool qu'on ai pu sortir... Les musiciens étaient cools haha. »

Je tire de nouveau sur ma cigarette.

« On est presque à la maison regarde! Dis-je en pointant les grilles visibles. On doit être dans les temps! »

Je regarde Erik en parlant et je vois les traits de son visage qui sont un peu différents... Un peu similaire  à un peu plus tôt au restaurant ou je me fais probablement des films. Il me sourit si largement. C'est possible que l'effet de l'expresso soit terminé aussi. Je sais pas? Quand on est fatigué on a pas forcément envie de discuter tant et je comprends mais ma présence ne semble pas le déranger, et il ne me dérange pas non plus. Le temps qu'on avance et que je blablate, on est finalement devant les grilles et j'écrase rapidement mon mégot. C'est passé très vite. Ça aurait pu l'être encore plus si je nous avais téléporté mais on sait jamais un mec à vélo qui passe dans le coin ou je sais pas... On passe les grilles et on s'arrête juste après qu'elles se referment. Je plonge mon regard dans le sien venant déposer un baiser très doux. Ou peut-être que j'en fais trop? Je n'en ai aucune idée. Ce pacte de tendresse me fait être en roue libre peut-être... Que du peut-être... putain l'incertitude. Mais en même temps, c'est ce qu'on voulait... non?

« Est-ce que ça va? T'es peut-être fatigué? Dis-je en passant une main dans ses cheveux. On peut aller où tu veux Erik et je nous téléporte, chez toi, chez moi, le parc, la boîte, les espaces verts, je sais pas, on a peut-être assez marché pour la soirée hein. Dis moi ce que tu veux! Et je dis pas forcément ça parce que c'est encore ton anniversaire si ça peut te rassurer, je veux juste que tu choisisses, peu importe ton choix, ça m'ira.»

Tant que tu es avec moi.

C'est du passé, cette histoire de transparence, ouais. J'avoue. Tout ce qu'on se dit pas. Putain. Le pire s'est qu'on se l'est dit. Qu'on ferait n'importe quoi pour l'autre. Mais pourquoi on assume juste pas putain merde quoi. Est ce que quelques mots c'est plus important que ce qu'on ressent ? Que ce que nos corps, nos esprits ressentent ?

"Je suis content que ça t'ai plu, alors. Et je reconnais les charges qui pèsent contre moi, même si je salue mes complices cigarettes. Paix à leur âme-"

On continue de plaisanter, de discuter, le trajet se passe bien, sans accroc, et on descend finalement du métro. On est à quelques minutes des grilles et, sa main dans la mienne me fait sourire, je n'arrive pas à ignorer toutes ces pensées, dans ma tête. Sur elle. Sur moi. Sur nous. Est ce qu'il y a vraiment, un "nous" ? Bien sûr. Mais. Qu'est ce qu'il est. J'veux dire. Je m'en fiche, de ce qu'on est, okay ? Non. Pas okay putain mais si. Okay. Je m'efforce d'ignorer cette partie de moi. Je m'en fiche de ce qu'on est. J'veux juste qu'on puisse être nous même. Sans limites. Qu'on a posé nous même comme des débiles. Putain. Pourquoi j'ai envie de faire sauter cette barrière si fort ? Pourquoi après quelques minutes je la regrettais déjà, cette promesse. Qu'est ce que tu me fais, Nana. Comment est ce que je me sens. Pourquoi je ressens ça, pour toi. Enfin. Je comprends que je ressente ça. Tu es teeeeellement parfaite. C'est tellement simple. Tellement facile. Alors pourquoi c'est aussi frustrant ? Le bruit de la pierre du briquet qui se fait malmener me ramène à la réalité. Je tire une cigarette de ma poche, moi aussi, et l'allume avec le briquet caché dans mon paquet.

"Ouais, c'est ouf comme y a du monde. Même si cette ambiance me manque pas mal, en vrai. Et c'est toujours sympa de sortir un peu de Terrae. Cet endroit, c'est chez nous mais parfois, sortir de cette bulle c'est nécessaire. Mon regard se perd dans le ciel alors que je lève la tête. J'ai tellement envie de voyager. De voir les étoiles. Je crois que- tu vas rire hein- mais je crois que ma plus grosse frustration, avec la Namibie. C'est de pas avoir passé de nuit là bas. On voit tellement rien depuis Tokyo, depuis Terrae-"

Enfin. Maintenant, je t'ai, toi, et tes yeux brillants quand tu me regarde. Je tourne la tête vers Nana, nos mains toujours liées, l'observant en souriant quand elle désigne les grilles du doigt.

"Ils font chier avec leur couvre feu, ouais. Et on est large dans les temps puis, au pire. Chris nous casse la gueule et c'est bon, on a rien fait de mal. Enfin. En dehors de rallumer une bougie quoi-"

J'suis un peu amer à propos des autorisations de sortie okay ? J'veux dire j'suis grand putain, je connais les règles, j'ai pas envie de devoir faire le mur comme un ado de 16 ans parce que ses parents lui ont dit qu'il irait pas en boîte. On passe les grilles, saluant le gardien avec un grand sourire. Ouais, on est pas sorti en même temps mais on rentre ensemble okay tu nous a cramé sans avoir besoin d'être Télépathe... C'était pas un date hein. Bon. Ok. On se tient la main putain mdr mais à l'aide. J'suis rouge comme une pivoine. Je veux accélérer un peu le pas, mais Nana me tire en arrière et m'embrasse tendrement. mon cœur loupe un battement sous tant de douceur.

"Je- Nan. Ça va, ça va, j'suis juste dans mes pensées c'est rien du tout. C'est juste- Nan. Nan nan. Oublie, 'scuse moi."

Tu parles de transparence, de rien se cacher du tout, Nana. Et du coup je comprends pas pourquoi on est dans cette situation. Pourquoi on en parle pas. Ça serait tellement plus simple.

"J'parlais d'étoiles tout à l'heure. Même si t'es la plus belle d'entre elles, j'irais bien me rapprocher des autres pour essayer de les apercevoir depuis le toit. Ça te dit ? On peut y aller à pied, on est pas si loin. Sauf si tes pouvoirs te démangent. Dans ce cas on peut p'tete passer par chez moi j'dois avoir quelques bières au frais, le temps de les récupérer ? Ça m'a donné soif, le métro. Euh. De marcher-"

« Parfois faut prendre l’air oui c’est important ! Ça nous change du cadre. - Ouais la pollution lumineuse est vraiment forte ici, je comprends. J’avoue qu’en Namibie ça doit être un spectacle époustouflant ! En vrai il suffit de simplement quitter les espaces villes pour avoir droit à ce que l’univers nous montre. »

Je me souviens de mes nuits de vagabondes dans mon voyage, installée sur des plages ou dans des villages reculés où le ciel n’est pas tacheté par les fausses lumières des humains, mais par les étoiles qui nous entoure.

«  Après je les comprends un peu t’sais… bien que Terrae se soit ouvert au monde il faut faire attention puis peut-être que ce n’est pas tout le monde qui est aussi responsable que nous… si t’enlève la bougie haha. »

Chose qui est vraie. Il suffit d’être un peu trop souple pour qu’une connerie s’échappe d’une crack. Et qu’on soit dans le jus. On se fait déjà assez réprimandé sur nos pouvoirs dans l’institut quand on part en cacahuètes alors imaginez en plein Tokyo… c’est sûr qu’un peu plus de liberté ce serait super, mais déjà qu’on puisse franchir les grilles ne serait-ce que quelques fois, c’est cool.

Il s’excuse d’être pensif, je n’y vois aucun mal alors je lui offre un sourire rassurant. Ça arrive Erik. On a souvent la tête ailleurs toi et moi. Sans forcément énoncer ce qui nous tracasse ou ce qui nous rappelle certaines choses.

« T’as pas besoin de t’excuser tu sais. »

Je rougis doucement des pommettes tout en regardant ses iris bleutés assombris par la nuit. On pourrait marcher, mais je suis un peu pressée qu’on s’installe pour se poser enfin dans une bulle. Ça serait tellement plus rapide, mes pouvoirs sont là pour ça.

«  On marchera au retour si tu veux, je vais nous y emmener rapidos ! Quelques bières nous feront pas de mal. »

Je serre un peu sa main avant de nous envoyer devant sa maison. On y entre brièvement le temps qu’Erik récupère ce qu’il a besoin dans le frigo, j’en profite pour faire un arrêt toilette. Je me regarde dans le miroir tout en me lavant les mains et clairement, je n’ai vraiment plus rien sur les lèvres. Ça me fait sourire et je vois à mon expression qu’il y a quelque chose… je ne me suis pas vue comme ça depuis vraiment longtemps. Je finis par simplement hausser les épaules rejoignant le Morphe dans sa cuisine. Quelques baisers langoureux nous échappent au passage, nos mains se perdent sur la peau de l’autre malgré les vêtements avant que finalement, je nous téléporte, à sa demande, sur le toit.

La nuit est jeune et longue devant nous. C’est si spécial, indéfinissable, j’espère qu’elle durera aussi longtemps que possible. Même si les étoiles ne se présentent pas à nous, t’es là, et ça illumine assez cette soirée.

- Suite sur le toit à venir ! - C’est ici que ça se passe.