Un sourire qu’il n’avait jamais vu avant.

Alors c’est ça, la tête qu’elle fait quand elle s’amuse.

Et aussitôt, la musique change.

D’abord dans sa tête, puis quand il s’en rend compte, autour d’eux.

Elle va trop vite. Elle coupe sa respiration, fauche ses jambes frêles et flue le peu de raison qu’il lui reste. Mais irrésistiblement, elle l’entraîne. À ses côtés.

Si il panique
Ou si il rumine,
Si il cherche à suivre le pas
Ou si il l’évite,
Il échouera à retrouver cette sensation qu’il n’a pu qu’effleurer.
Une sensation qui n’a pas encore de nom, et qui va, au moins dans cette prémonition fausse, s’évaporer entre les doigts sur lesquels elle aurait dû couler.

Alors parce qu’il n’a pas peur, ou plutôt trop peur de perdre quelque chose d’exceptionnel pour voir dans quelles épines ses pieds vont se planter, dans quel air ses poumons vont s’étouffer et dans quel regret ses pensées vont se noyer,
Il la suit.

“On peut essayer…” bredouille-t-il, en enlevant discrètement ses chaussures.

HRP:

Il s'est passé des choses.

Déjà, mon opération a échoué. Je suis tombé sur la seule personne - bon sûrement pas la seule - qui a changé la musique trop vite. Et maintenant elle se fait enguirlander par Luna. Bon. Chaque chose en son temps.

Mes deux tourtereaux semblent étrangement bien réagir. Oh mon dieu, je vais mourir c'est trop mignon.

AH MAIS IL RETIRE CES CHAUSSURES, IL VA LES PERDRE OU NE SERA PAS À L'AISE.

Sans réfléchir, je fend la foule pour arriver jusqu'à eux, je rend visible le bas de mon visage, avec un large sourire.

- Je te débarrasse de cela ? On a un vestiaire. Tu pourras les récupérer à la fin de la chanson, je reste proche du bar !

En réalité, je ne vais pas rester près du bar et continuer le service en salle, mais je vais pas les lâcher une seconde du regard pour les lui rendre le plus vite possible et ne pas casser le moment. J'attend que le garçon me cède ces chaussures - ou refuse - pour m'éclipser le plus rapidement possible.

Je reviens vers le bar où j'explique la situation à Luna et Kaiko. Puis je glisse à Kaiko.

- Tu peux mettre le verre de la téléporteuse sur ma note ? C'est ma faute si elle s'est fait engueuler par Luna.

Je sens un peu leur regard. Mes yeux redeviennent visibles.

- Je vous expliquerais mais c'était super important.

Et alors que je me tourne pour repartir en salle, je phase un moment devant ce gars avec des moustache de chat sur le visage. IL EST HYPER BEAU COMMENT C'EST POSSIBLE.

Heureusement, je suis redevenu partiellement invisible, donc il ne peut pas savoir que je le regarde. Je me sors rapidement l'image de cet individu INCROYABLEMENT beau, et je retourne en salle pour observer le petit couple.

Hors de question de me laisser distraire de ma mission de cupidon.

A la réflexion, c'est vraiment bizarre ce que je fais.

__–À la réponse de Minoru, le visage de Karen se fendit à nouveau de son sourire… qui fut tout de suite effacé par l’interruption inopinée de la serveuse.
__–Karen se tourna vers… Cette chose, flottante. Lui arracha les getas des mains.
__–« Euh, excuse-moi hein, mais ça va, il se débrouille il est grand. »
__–Peuh, un mètre soixante-cinq, tout au plus. Mais ta gueule toi !
__–« T’sais, si je les mets juste sur sa chaise là, personne va nous les voler hein, enfin j’espère. »
__–Sous-entendu, si elle passait son temps à faire son travail, plutôt qu’à les importuner. Tout le monde a compris, merci… Et puis bon, ouiii, Minoru il sait se débrouiller seul, gnagnagni, gnagnagna, et tu fais quoi ? Tu prends les choses en main à sa place et sans doute pas comme il aurait voulu. Enfin bon, c’est encore moyen son domaine à la Karen, la conscience de soi et de ses actes.
__–Hé bien hé bien, une notion aussi compliquée dans ta bouche, tu ne lasses pas de m’impressionner par ton évolution.
__–Va chier.
__–Mais non voyons, tu confonds avec ce que Karen voulut communiquer à la serveuse, par un petit sourire plissé teinté d’une acidité suffisante pour faire tourner du lait et d’un petit mouvement de main, qui lui intimait, en un mot comme en cent, de bien vouloir importuner quelqu’un d’autre.
__–Une fois débarrassée de sa présence, elle se tourna vers Minoru pour lui partager son agacement :
__–« Non mais tu l’as vue l’autre… Quoi, t’as voulu dire l’autre niakouée mais t’as oublié que t’en as un à ton bras ? L’autre meuf là, elle s’est prise pour qui sans dec ? P’tain j’te jure, je croyais que vous… Que les… ’fin merde quoi, elle a cru c’était notre pote. »
__–Et elle alla poser les chaussures sur la chaise de Minoru, ses talons sur la sienne et tâcha de se remémorer les pas de dance du tango et comment les expliquer à son partenaire.
__–« Okay alors, on s’tient comme avant mais… Plus proche. En fait, Karen dut ôter ses propres talons, autrement le petit Minoru aurait plongé sa tête dans ses seins. J’avance, tu recules, ok ? ’faut me faire confiance, je regarderai par dessus ton épaule pour que tu te manges personnes t’inquiètes. Et on pourra aller sur les côtés, comme avant. J’vais te guider par ma voix pour te dire où on va mais ’faut que tu le sentes, que tu te repères au rythme de la musique et que tu me fasses confiance. Je recule une jambe, tu recules une jambe mais elles doivent pas s’toucher. Tu captes ? Le rythme… p’tin t’sais quoi allez on prend un rythme simple. Un pas lent, un pas rapide, puis un rapide et un lent et ça recommence. Ok ? Déjà on va commencer par ça puis après on fera des mouvements plus classes, ok ? Si le masque te gêne on le tej c’est bon osef. »
__–Surtout maintenant, après avoir statué qu’il n’y avait pas besoin de faire un aller-retour jusqu’au vestiaire pour s’en débarrasser.

Bon le tango est lancé et je regarde les gens commencer à se masser au milieu de la salle, les couples se former. J'aperçois la blonde croisée dans la soirée qui danse avec un jeune a l'air complètement dépassé par les événements. J'espère qu'il s'amuse quand même. C'est Halloween après tout.

La miss Joker s'assoit près de moi au bar. Elle s'est faite gentiment recaler par Luna et vient visiblement se réconforter avec une bière.

- C'était quoi toute cette agitation ? Pourquoi tu voulais tant changer la musique ? Je demande.

Curiosity killed the cat*, comme on dit chez moi. Mais j'y peux rien, je veux savoir !

*:

Combien de temps dure une musique ?
Et dans ce temps-là, combien s’en est déjà évaporé, sur cette piste qui lui brûle autant les pieds que les oreilles ?
Il faut reprendre. Maintenant.

Mais c’est un raisonnement incorrect.
À cet instant précis où il entend Karen envoyer valser la flamme invisible qui est venue leur apporter son aide, Minoru sait qu’il devrait réagir.

Faire un pas, s’incliner, s’excuser, puis se retourner vers Karen et la désapprouver.
Juste après avoir décidé qu’il s’y abandonnerait et qu’il la ferait sourire.

C’est pourquoi il est incorrect. Il se laisse envahir par des excuses. Des j’irai plus tard, qui lui serrent ce cœur même qui commençait à être un peu plus libre. Et en retour, il les retrouve, ces entraves qui l’enjoignent à se réveiller, à voir cette américaine désagréable et vulgaire pour ce qu’elle est.

« …’fin merde quoi, elle a cru c’était notre pote. »


C’était à peine un souffle dans un coin de son esprit. Sitôt pensé, sitôt évaporé avec le reste.


Même s’il avait eu le cran de le lui dire, il ne peut le caser, car elle l’emporte à nouveau. Et lui rappelle qu'il leur reste trop peu de temps pour vivre cet instant. Celui qu’il a désiré. Celui qui la fera sourire.


Il recule une jambe. Son pied touche la piste. Il fait un pas rapide, puis un lent. C’est plus facile sans geta.


Non, c’est plus difficile sans geta.

Il perd le rythme une fois. Manque d’être distrait une autre. Tout d’un coup, ce qu’il pensait fuir devient réel.
Les épines auxquelles il croyait résister sont faites de frustrations.
L’air qu’il essayait de respirer s’appelle l’hésitation.
Et les regrets sur lesquels il essayait de danser…

« Non, ça ira… »
Sont aussi informes que leur tango.
« Enfin… »

Il s’éloigne d’elle. Baisse la tête. Avec ses mots tremblants, il essaie de lui dire :

« Désolé. Je ne me sens pas très bien, alors finalement, je vais peut-être arrêter pour ce soir… »

Lui dire pourquoi n’aurait pas eu de sens. Karen avait toujours été comme ça. Il l’avait suivie en connaissance de cause. Puis avait osé attendre d’elle quelque chose qui reflétait sa propre vision des choses.

Des deux, il était sûrement celui qui avait le plus essayé d’imposer quelque chose. Et la seule chose qu’il pouvait faire pour se sentir moins misérable, c’était encore de lui taire.

Quitte à gâcher leur soirée, autant limiter les dégâts.

Même si c’était probablement incorrect aussi.

À peine ma commande arrivée, j'avale d'une traite le shot de vodka. Ça me réconforte un peu sur le moment avant de me rendre compte que le blondinet qui se faisait charier un peu plus tôt est à côté.

« Non mais en fait- »

Là...

«  LÀ. C'EST LA PAIRE DE YEUX QUI M'A DEMANDÉ DE LE FAIRE! TU LA VOIS?»

Je pointe du doigt la personne qui, peu visible, reste pas loin de nous.
Au pire s'il me croit pas, je ferais genre que c'est juste pour jouer le personnage. Y a toujours moyen de s'en sortir ''lol'' hein. Putain les Feu...

__–Ouuuuh ça fait maaaaal ça.
__–Ouh ouh ouh ça fait bobo.
__–Mais comment ça pique ouah ah ah.
__–Fini de babiller ?
__–Chépa. Bon j’vais pas laisser l’autre couillon dire du mal de Minoru alors j’raconte. Bon la fin de la danse se passe pas hyper bien, forcément il est un peu sur autre chose du coup bah Karen qui prend tout dans la tronche, elle aussi. Et puis bah il la lâche, normal. Et elle se hait. Genre vraiment. Genre sale.
__–« ’K. »
__–C’était sympa pourtant hein, y’avait une bonne ambiance et tout.
__–Et il a fallu que d’autre serveuse vinsse les importuner pour tout gâcher. Elle avait eu raison de se rendre invisible.
__–Hm je sais que t’es con mais j’suis pas sûr que c’était de sa faute là. Et puis Karen elle le sait.
__–Mais souscrit-elle à cette analyse ? Rien n’est moins sûr.
__–Bah pour le moment elle trucmuche à la que couac. Elle a juste plein de sentiments bizarres qui niquent tout dans sa tête. Genre, on reprend hein. Le mec qu’elle aime bien, enfin, qu’elle aime tout court, bah il a peur d’elle, elle le dégoûte un peu, elle le met en colère. Et Karen bah, elle est en colère contre elle-même et dégoûtée d’elle-même normal quoi, mais aussi un peu de lui, en vrai. Parce que. C’est genre. Pas du tout son habitude, des mecs qui montrent leurs sentiments là. Ça fait vlà bizarre. Ça heurte ses valeurs et tout.
__–C’était en effet un bien piètre représentant de la gent masculine.
__–« Okay. Bah t’inquiètes hein, c’était cool. Tu danses pas trop mal en vrai. »
__–Nananère.
__–Puéril.
__–Bon bah et maintenant ?
__–« Tu veux qu’je reste ou…? »
__–Dis oui steup.
__–Ouuuuh elle fait mal à l’égo celle-là.

__–Mais qu’est-ce que tu racontes ma meuf.
__–Ah mais non attendez, en fait, la vraie question, c’est plutôt qu’est-ce que tu veux que ça me foute.
__–« Arrête de hurler… »
__–Les Tonnerres, quoi. Je veux même pas savoir ce que c’est que leur histoire, j’en ai absolument rien à carrer. Puis pourquoi elle en chie un sablier, aussi… J’lui ai dit de pas aller derrière le comptoir, elle avait qu’à me demander de la changer, la musique… Ou je sais pas quoi, en fait. Je sais pas pourquoi, des fois j’ai l’impression que je lui fais peur à Nana.
__–Ça a peut-être à voir avec le fait qu’à chaque fois qu’on se voit, elle est ronde comme une queue de pelle à déprimer sur mes tables devant des verres vides, ou en train de faire une connerie qui me donne envie de la tuer. Mais ça va quoi, j’ai jamais tué personne volontairement, ’faut arrêter un peu. Je suis même pas, genre, spécialement crispée quand je la vois… Nan… C’est juste une Tonnerre, quoi. J’les connais, les Tonnerres.
__–Bref, y’a des clients à servir.

Sur le coup, j'ai pas pu encore entendre la réaction du petit blond que j'ai Luna sous mon nez, encore.

«MAIS ELLE-... Luna-»

Je baisse le bras et soupire. Je sais que je ne suis pas FOLLE. On va finir par voir mon visage sur le tableau des gens qui ne peuvent plus entrer dans ce foutu bar... Si d'ici là, je me suis pas fait éclatée le crâne par Luna, c'est pas ma faute si y a une Feu qui fait la maline !!! ILS SAOULENT LES FEU.

«OK 'Scuse...»

J'souffle un bon coup et me retourne doucement à nouveau vers mon voisin de bar, le visage à moitié décomposé sous mon maquillage mais qui ne se voit pas tant que ça à cause du grand sourire rouge. J'avale une grande gorgée de ma bière.

«S'te plait... Dis moi que j'suis pas folle et que tu l'a vu...»

Des yeux ?! Comment ça des yeux ?? Je me tourne et scrute dans la direction où pointe la Joker. J'ai peut-être une pas trop mauvaise vue, mais chercher des yeux dans un bar bondé, c'est comme chercher une anguille dans une motte de pain. Non, c'est pas ça. Un aiguille dans une botte de foin. Voilà.

En attendant, la pauvre se fait engueuler par Luna. C'est vrai qu'elle peut faire peur comme ça. Mais ça va bien avec son costume de pirate.

Bah non je vois p- Et là je vois. Une jolie paire d'yeux verts. WOAAAAH Y'A DES YEUX QUI FLOTTENT WTF !

Ouah. Super, alors que la cheffe vient de dire à miss Joker de pas crier. Je lance un regard d'excuse à Luna, un peu penaud.

Heureusement que je n’ai rien dit.

Plus la réaction de Karen lui serrait le coeur, plus il était convaincu qu’il avait bien mieux valu mentir. Pour elle comme, un peu, égoïstement pour lui.

« C’est surtout toi qui dansait bien.. Et tes indications étaient claires… »

Cette certitude en tête, il s’enfonçait. Dans quelque chose qui le rassurait, qui lui semblait mieux, et qui balayait d’un même temps tous ses efforts. Non pas qu’il disait quelque chose de faux, mais qu’il évitait de dire toute vérité qui eut pu importer en cette instant. Une fuite aussi polie qu’agressive.

Restait que, dans l’impulsion, il n’avait pas anticipé sa réaction. Et surtout pas anticipé autre chose qu’un “J’te laisse, je vais danser avec le blond du bar, il a déjà l’air plus dégourdi” qui lui aurait, dans sa tristesse, au moins laissé la consolation d’être parti pour la bonne cause.

Elle ne le laissait pas prendre une décision aussi confortable.

Ni prendre une décision tout court, en fait. En lui suggérant si simplement que la soirée pourrait ne pas être finie, il se souvenait combien il était aux anges. Et se prenait à l’imaginer. À trouver des arrangements.

« Je… »

Alors qu’il se retournait pour aller chercher ses getas, son regard croisa celui de leur compagnon de table. Et en face de lui, un jus maison à peine entamé.

« Ce serait dommage de ne pas finir ce qu’on a commandé… »

Ainsi, plutôt que de répondre à toutes les questions qu’il devrait se poser, il avait rebondi sur un détail annexe, quelque chose qui avait son importance, et n’en avait en même temps aucune. De là, un plan se dessinait : finir de boire en discutant, ramener les boissons au bar, et essayer par la même de retrouver l’Invisible qui l’avait aidée, pour au moins s’excuser auprès d’elle en leurs noms.

« Enfin, si tu veux partir, je finirai pour toi… »

Assumer ses responsabilités à sa place n’était en aucun cas le bon chemin à suivre pour résoudre tout ce qu’il avait à résoudre avec Karen, sur ses comportements comme sur ce qu’il ressentait de contradictoire et incompréhensible envers elle.
Mais pour l’instant, il fuyait.

Ok Kaiko n'a rien bité du pourquoi du comment MAIS si Katsu le dit, elle la croit. Elle pince ses lèvres, un peu attendrie par l'envie de bien faire de sa collègue et lui souffle en retour. :

-T'inquiètes je fais ça. ...avant de la mettre sur sa note plutôt que celle de Katsu.

Dans le même mouvement, elle servait les bières aux clients. Le tonneau vient tout juste d'être installé alors il y a beaucoup de mousse -comme toujours au début et à la fin. Mais avec un bon mouvement de poignet et une languette en bois, elle sert de bonnes pintes bien remplies à la clientèle sans trop gâcher. Pas de perte ici, que ce soit d'un côté ou de l'autre du bar.

Ce qu'il se passe entre le chaton, le Joker et sa patronne, on dirait un sketch sérieux. Kaiko ne dit rien avant d'exploser de rire quand Luna, complétement blasée, finit par partir servir d'autres clients. De l'autre côté, le chaton improvisé avait enfin repéré Katsu. Enfin, ses yeux qui flottaient avant de s'éloigner au loin. Kaiko est hilare. :

-C'était Kastuyo, elle est serveuse aussi ici. Elle a une âme un peu romantique alors la connaissant, elle a dû vouloir caser une musique sympa pour les petits couples sur la piste.

C'est bien le genre de sa collègue d'être plus attentive à ça qu'elle. Kaiko est plutôt du genre à tenir le comptoir, quand elle se tient de ce côté du moins. Et rien à voir mais elle vient de se rendre compte d'à quel point, Luna, Katsu et elle sont complémentaires. Autant pour les plantes que Luna fait pousser, Kaiko surveillant l'humidité ambiante et Katsu la chaleur, que pour les clients, la rentabilité, le côté social plus franchouillard et celui plus doux. Après les trois catégories ont tendance à devenir plus floues lors des soirées mais eh, c'est vrai qu'elles peuvent s'en sortir, rien que toutes les trois. Ça la fait sourire. :

-J'vous préviendrais quand elle reviendra. ponctue-t-elle d'un clin d'œil pour les rassurer et les encourager à déguster leur commande.

__–Cela me tue de l’admettre, mais Minoru était apaisant.
__–Bah alors ? Toi, dire du bien de quelqu’un ? T’es pété ivre mort, ma gueule ?
__–Je constate, voilà tout. Minoru, surtout si on le comparait à la tripotée d’hurluberlus magiciens qui peuplait cette Terrae, à la personnalité invraisemblable, était fort rassurant dans sa normalité. Il avait des réactions, des paroles qu’elle arrivait à comprendre, à entendre, qui la fixaient dans un quotidien fort agréable. Il n’avait rien de spécial. Il n’était ni particulièrement de bonne compagnie, ni de mauvaise.
__–Aussi lui sourit-elle.
__–« Ouais, on peut au moins vider nos verres, t’as raison. »
__–Ouaiiiiiiis alors permettez-moi de revenir sur le bon gros tas de merde qu’a dit mon collègue cet enfoiré de bouffon de ses morts, là. Alors d’accord, j’admets, Minoru il a paaaas vraimeeeeent la personnalité la plus affirmée du monde, hein, mais en fait c’est pas qu’il est banal, c’est justement qu’il ne l’est pas du tout et que Karen a jamais parlé à des mecs comme lui. Il est doux. Il est gentil. Il est attentionné et tout.
__–Un mot de quatre syllabes dans ta bouche, Dieu tout puissant, tu t’améliores.
__–C’est pour te compenser parce que toi tu deviens plus chiant. Donc ouais, Minoru, c’est un mec tel qu’elle en a jamais connu. Un dont elle doit pas se méfier parce que son objectif est de la tringler. Un dont elle doit pas faire gaffe qu’il se vénère. Un qu’elle a pas besoin de flatter pour qu’il fasse ce qu’elle veut parce que sinon jamais de la vie un mec ça obéit à une meuf.
__–« ’faudra que… Enfin… Ça te botterait, que je t’apprenne à danser ? T’es pas mauvais en fait. Franchement de la pratique et tout et tu peux déchirer quoi. »

Avant même que la musique ne change, la furie du tango avait soudainement laissé place au calme d’une fin de soirée. De ses pas ardents ne flottaient guère plus que des braises écrasées par les pas d’un ballet lointain qui scintillait de loin, sans les éblouir ni les réchauffer. Des lucioles pour leur moment de quiétude, pour leur intimité qui serait plus brève encore que leur danse, mais qui serait peut-être quelque chose de plus qu’une politesse rapidement expédiée.

C’était lâche, mais Minoru les préférait comme ça, leurs soirées. Moins merveilleuses, mais plus respirables.

« Pourquoi pas… »

C’est pourquoi il n’était pas contre la proposition de Karen, et tous les moments doux qu’elle lui suggérait. Il lui avait même souri, timidement, avant de détourner le regard vers son verre.

Oh, il avait bien des choses à décomposer, à essayer de lui dire, et surtout à lui pardonner. Beaucoup. Qui s'entassaient toujours un peu plus et qui commençaient à obstruer son champ de vision. S'il les avait fuies pour l'instant, elles étaient simplement parties l’attendre devant le dortoir des garçons. Bien sages et bien énervées. Comme Karen la première fois.

« Où est-ce que tu as appris à danser ? »

La dernière gorgée signerait cette urgence à rentrer et à réfléchir. Alors Minoru buvait lentement.

Je serre le poing en signe de victoire, MERCI, quelqu’un l’avait enfin vu !!

Puis, on en apprend plus par une autre serveuse. Katsuyo c’était son nom, si jamais je la recroise mais visible cette fois-ci j’irais lui parler tiens ! Malgré que je connaissais son nom, j’avais décidé de la garder sur le pseudo de Sauron. Ouais. C’est comme ça. En plus elle est feu donc ça colle parfait t’sais. Je retourne son clin d'oeil avec un sourire et la remercie avant qu’elle reparte vers d’autres clients.

Ça bouge un peu de partout dans le bar, entre les groupes de potes et les couples dans les coins, ça fait vraiment une ambiance chaleureuse. Faut prendre le temps de s’amuser un peu.

Je peux ENFIN prendre une première gorgée de ma boisson, la douceur me redonne un peu le moral avant que je me retourne vers mon compagnon de bar.

«Hey merci je pensais vraiment que j’allais finir en asile, je fais pas partie du film Le 6è sens quand même !! Moi c’est Nana, et toi ? Je t’ai jamais vu, t’es nouveau ?»

Et j’en profite de tendre la main pour lui serrer la pince.